CHAPITRE II - DE L'ÉTABLISSEMENT, DE LA VÉRIFICATION ET DE L'APPROBATION DES COMPTES

Ce chapitre fixe les conditions dans lesquelles les comptes de la tutelle sont établis, contrôlés et approuvés. Son intitulé a été modifié par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois qui a souhaité viser non seulement la vérification des comptes mais aussi leur établissement et leur approbation.

Art. 510 et 511 du code civil : Établissement et contrôle du compte de gestion

Les obligations comptables qui incombent au tuteur au cours de la tutelle sont actuellement fixées par l'article 470 du code civil.

Le tuteur a l'obligation d'établir chaque année un compte de sa gestion. Ce compte est transmis (en principe, s'il a été nommé, par l'intermédiaire du subrogé tuteur qui peut faire des observations) au greffier en chef du tribunal d'instance qui, en cas de difficultés, en réfère au juge. Celui-ci peut alors convoquer le conseil de famille, s'il existe. En outre, le juge peut toujours obtenir communication du compte aux fins de le contrôler lui-même.

Le projet de loi maintient l'économie générale de ce dispositif, en prévoyant une vérification du compte de gestion - qui, précision apportée par le projet de loi, doit être accompagné de ses pièces justificatives - par le greffier en chef après, le cas échéant, vérification par le subrogé tuteur. Il clarifie les modalités d'approbation : il reviendra au greffier en chef d'approuver le compte ou de transmettre au juge un rapport des difficultés rencontrées. Il appartiendra alors au juge de statuer sur la conformité du compte.

La disposition, actuellement prévue par l'article 470 du code civil, donnant au juge la possibilité de se faire transmettre directement les comptes pour les contrôler à la place du greffier en chef est supprimée. Le pouvoir du juge de solliciter du tuteur toutes les informations nécessaires est un principe général qui résulte désormais des articles 388-3 et 416 et qui jouera tout particulièrement pour contrôler les comptes, sans qu'il soit nécessaire de le rappeler à l'article 511.

Deux modalités de contrôle nouvelles sont introduites :

- le juge pourra décider que le compte sera vérifié et approuvé par le subrogé tuteur à la place du greffier en chef. Le projet de loi initial ne permettait au juge que de confier la vérification des comptes au subrogé tuteur mais l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a estimé que la vérification et l'approbation des comptes étaient indissociables ;

- il pourra également confier la vérification et l'approbation du compte au conseil de famille, lorsque celui-ci aura été autorisé, en application de l'article 457, à délibérer hors sa présence.

Le projet de loi précise par ailleurs les moyens offerts au tuteur pour établir le compte et au greffier en chef pour le contrôler. Ils pourront tous les deux solliciter des établissements bancaires un relevé annuel des comptes ouverts au nom du tutélaire, sans que le secret professionnel ou bancaire puisse leur être opposé. En outre, le greffier en chef pourra se faire assister par un technicien. A cet égard, votre commission tient à saluer les résultats extrêmement positifs de l'expérimentation conduite depuis 2001 dans le ressort de plusieurs cours d'appel , notamment celles de Bourges et d'Angers, permettant aux greffiers en chef de bénéficier du concours d'agents du Trésor . Elle regrette que, faute de moyens financiers, cette expérimentation ne puisse être progressivement généralisée.

En contrepartie de ses nouvelles prérogatives, le tuteur est soumis à une obligation de confidentialité. Copie du compte de gestion et de ses pièces justificatives ne peut être communiquée que dans les conditions suivantes :

- le tuteur a l'obligation de remettre cette copie au tutélaire s'il est âgé de plus de seize ans - en l'état du droit, cette transmission est laissée à l'appréciation du tuteur -, et au subrogé tuteur s'il a été nommé. Si le tuteur l'estime utile, il peut également la transmettre aux autres personnes chargées de la mesure de protection, c'est-à-dire les autres tuteurs ou subrogés tuteurs, s'il y en a, et les membres du conseil de famille, s'il a été constitué ;

- la transmission au conjoint ou au partenaire pacsé, aux parents, alliés et proches du tutélaire est désormais possible, sur autorisation du juge. Elle est cependant subordonnée à l'audition préalable du tutélaire et au recueil de son consentement s'il a plus de seize ans et si son état le permet. En outre, pour être destinataire du compte, l'entourage du tutélaire doit justifier un intérêt légitime.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé que la communication du compte de gestion par le tuteur se ferait à la charge du demandeur, afin de fixer une règle identique pour tous et de prévenir le risque de faire peser le coût de la communication sur la personne protégée.

Votre commission vous soumet un amendement de coordination.

Art. 512 du code civil : Dispense d'obligation d'établissement et de contrôle du compte de gestion

Cet article donne au juge la possibilité de dispenser le tuteur d'établir le compte de gestion et de le faire approuver lorsque la tutelle est confiée au conjoint, au partenaire pacsé, à un parent, à un allié ou à un proche du tutélaire, c'est-à-dire lorsqu'elle n'est pas exercée par un mandataire judiciaire. Le juge ne pourra accorder cette dispense qu'à condition que les revenus et le patrimoine du tutélaire soient modiques.

Actuellement, seule une circulaire autorise un allégement - et non une dispense totale - du contrôle en fonction du lien de parenté entre le tuteur et le tutélaire. Elle vise à favoriser les tutelles familiales en évitant de décourager, par des obligations comptables lourdes, la prise en charge par l'entourage de la personne à protéger.

Il semble en effet inutile d'imposer des obligations comptables aux parents qui, par exemple, gèrent l'allocation adulte handicapé de leur enfant devenu majeur. Dans de tels cas, l'exigence de production de comptes pourrait être perçue par les intéressés comme une marque de défiance excessive. Il appartiendra au juge d'apprécier, avec souplesse et humanité, la mise en oeuvre au cas par cas de cette mesure.

Ces dispositions seront également applicables à l'administration légale sous contrôle judiciaire d'un mineur, en vertu de l'article 389-7 du code civil qui rend applicables à l'administration légale les règles de la tutelle.

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements de précision.

Art. 513 du code civil : Vérification et approbation des comptes par un technicien

Cet article permet au juge de confier à un technicien (expert comptable, commissaire aux comptes...) le soin de vérifier et d'approuver le compte de gestion à la place du greffier en chef, et de fixer les modalités de cette intervention.

Deux conditions sont requises : les ressources du tutélaire devront être suffisantes pour supporter la rémunération du technicien, qui sera à sa charge, et l'importance et la composition du patrimoine devront justifier son intervention.

Le projet de loi initial ne permettait au juge que de confier la vérification des comptes au technicien mais l'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a estimé que la vérification et l'approbation des comptes étaient indissociables. Elle a également adopté un amendement de précision.

Art. 514 du code civil : Obligations comptables du tuteur à la fin de la tutelle

En l'état du droit, le tuteur doit, dans les trois mois qui suivent la fin de la tutelle, rendre le compte définitif de celle-ci, soit au tutélaire lui-même s'il est devenu capable, soit à ses héritiers 121 ( * ) . Le compte définitif comprend une récapitulation de tous les comptes annuels, et fait apparaître les éléments du patrimoine que le tuteur doit présenter au tutélaire. Il permet à celui-ci de contrôler la bonne exécution de la tutelle.

Il appartient au tutélaire devenu capable, et en particulier au mineur devenu majeur, d'approuver le compte définitif. À peine de nullité, cette approbation ne peut intervenir qu'un mois après la remise du compte 122 ( * ) .

Cet article supprime le compte définitif qui en pratique, est devenu impossible à établir avec l'allongement de la durée des mesures de protection. Les opérations intervenues entre l'établissement du dernier compte annuel et la fin de la tutelle seront désormais contrôlées dans les mêmes conditions que chaque compte annuel. Il reviendra donc au greffier en chef -et non plus au mineur devenu majeur ou au majeur devenu capable- de les vérifier et de les approuver, sauf si le contrôle a été confié par le juge au subrogé tuteur.

En plus du compte retraçant les opérations intervenues depuis le dernier compte annuel, le tuteur devra, dans les trois mois qui suivent la fin de la tutelle, remettre les pièces qui permettront de continuer la gestion des biens . Trois hypothèses sont envisageables :

- lorsque la tutelle cessera du fait de la majorité d'un mineur ou du rétablissement des facultés d'un majeur, le tuteur devra adresser au tutélaire devenu capable l'inventaire et ses actualisations, ainsi que les pièces nécessaires à la continuation de la gestion ;

- lorsque la tutelle cessera du fait de la nomination d'une nouvelle personne chargée de gérer les biens du tutélaire - qui, par conséquent, n'aura pas recouvré sa capacité -, ces pièces devront être adressées à cette nouvelle personne pour lui permettre de prendre la suite ;

- lorsque la tutelle cessera par le décès du tutélaire, ces pièces devront être transmises aux héritiers pour permettre la liquidation de la succession.

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a précisé qu'en cas de décès du tuteur, ses héritiers sont tenus de transmettre copie des pièces nécessaires à la continuation de la gestion.

* 121 Premier alinéa de l'article 471 du code civil.

* 122 Article 472 du code civil.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page