CHAPITRE III - DE LA PRESCRIPTION

Ce chapitre détermine les conditions dans lesquelles se prescrivent les actions contre la gestion patrimoniale du tuteur.

Art. 515 du code civil : Prescription quinquennale de l'action en reddition de comptes, en revendication ou en paiement

Selon l'actuel article 475, les actions menées contre le tuteur relatives « aux faits de la tutelle » se prescrivent par cinq ans à compter de la fin de la mesure.

La Cour de cassation a longtemps retenu une acception stricte de cette notion de « faits de tutelle » : étaient soumises à la prescription quinquennale les actions en reddition de comptes, en rectification des comptes pour omission des recettes ou exagération des dépenses ; en revanche, les actions en revendication de biens restés entre les mains du tuteur semblaient se prescrire par trente ans 123 ( * ) . Depuis quelques années, elle semble retenir une acception plus large, en soumettant à la prescription quinquennale l'action en remboursement d'une somme perçue par le tuteur au nom du tutélaire 124 ( * ) .

Cet article clarifie les règles de prescription , en précisant que la prescription quinquennale s'applique à l'action en reddition de comptes , en cas d'absence de compte ou d'approbation de celui-ci, à l'action en revendication d'un bien conservé par le tuteur et à l'action en paiement d'une somme perçue par le tuteur.

Dans tous les cas, la prescription ne jouera qu'à compter de la fin de la tutelle, même si le tuteur continue la gestion au-delà. Cette précision met fin à la jurisprudence de la Cour de cassation qui admet que les juridictions puissent reporter le point de départ de la prescription s'il est démontré que le tuteur a continué à gérer, en cette qualité, les biens du tutélaire 125 ( * ) . Lorsque des actes seront accomplis par l'ex-tuteur postérieurement à la fin de la mesure, ils engageront la responsabilité de leur auteur dans les conditions du droit commun, c'est-à-dire avec une prescription décennale s'il s'agit de responsabilité délictuelle, et une prescription trentenaire s'il s'agit de responsabilité quasi-contractuelle comme dans le cadre de la gestion d'affaires.

Bien évidemment, en cas de dol ou de fraude, la règle de droit commun s'applique et le délai de prescription ne court qu'à compter du jour de la découverte du dol ou de la fraude 126 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (art. 909 du code civil) - Présomption de suggestion et de captation par les professionnels de santé et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs

Cet article complète l'article 909 du code civil afin d'instituer une présomption de suggestion et de captation par les professionnels de santé et les mandataires judiciaires à la protection des majeurs leur interdisant de recevoir une libéralité des personnes protégées dont ils ont la charge.

Cette présomption existe actuellement pour les personnes chargées de soigner un malade : l'article 909 du code civil leur interdit de profiter d'une libéralité consentie par leur patient.

Sont visés les docteurs en médecine ou chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui ont traité une personne pour la maladie dont elle meurt. Cette incapacité ne porte que sur les dispositions entre vifs ou testamentaires faites pendant la durée de la maladie, à l'exception des dispositions rémunératoires à titre particulier ou des dispositions universelles en cas de parenté jusqu'au quatrième degré.

La modification proposée consiste à généraliser cette présomption à l'ensemble des professionnels et auxiliaires médicaux, et à l'étendre aux mandataires judiciaires à la protection des majeurs. Pour ces derniers, l'interdiction vaut pour toute mesure de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle, mandat de protection future, mesure d'accompagnement judiciaire), et quelle que soit la date de la libéralité (et pas seulement pour les libéralités consenties pendant la durée de la mesure de protection). Il s'agit de prévenir l'abus de l'état de faiblesse des personnes protégées .

Sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a étendu aux professionnels de la pharmacie l'interdiction de profiter de legs ou donations de la personne qu'ils soignent et interdit aux personnes morales qui exercent une mesure de protection par l'intermédiaire d'un service, d'un préposé ou d'un salarié de profiter des libéralités consenties en leur faveur par la personne protégée. Il s'agit d'éviter tout détournement par personne morale interposée.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification .

Article 7 bis (nouveau) (art. 249, 249-2, 249-4, 1399, 2409 et 2410 du code civil) - Coordinations au sein du code civil

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, procède à diverses coordinations au sein du code civil afin de tirer les conséquences de la réécriture des titres XI et XII du livre premier, proposée par les articles 5 et 6 du projet de loi.

Outre un changement de référence, ces modifications consistent à :

- supprimer la référence au majeur « incapable » (articles 249-2, 1399 et 2410) ;

- supprimer l'obligation de recourir au médecin traitant pour établir le certificat médical prévu dans la procédure de divorce d'une personne en tutelle (article 249) ;

- prévoir qu'il appartient au curateur ou au tuteur d'assister la personne protégée pour passer une convention matrimoniale (article 1399) ;

- donner au juge, à défaut de conseil de famille, la possibilité de demander l'inscription d'une hypothèque légale sur les immeubles du tuteur (article 2409) ;

- supprimer la référence à l'administration légale dans la procédure d'inscription d'une telle hypothèque (article 2409).

Votre commission vous soumet un amendement ayant pour objet de prévoir de supprimer la référence au majeur « incapable » à l'article 1304 du code civil, relatif à la prescription de l'action en nullité ou en rescision.

Elle vous propose d'adopter l'article 7 bis ainsi modifié .

Article 7 ter (nouveau) (art. 1397 du code civil) - Modification du régime matrimonial d'une personne protégée

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale en première lecture sur proposition de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, modifie l'article 1397 du code civil afin de soumettre à l'autorisation préalable du juge des tutelles le changement de régime matrimonial d'une personne faisant l'objet d'une mesure de protection juridique.

M. Emile Blessig, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a fait valoir que : « La modification ou le changement du régime matrimonial a en effet, dans la plupart des cas, des conséquences patrimoniales importantes. Il est donc plus prudent de soumettre le projet de modification ou de changement à l'approbation du juge des tutelles. L'approbation devra intervenir avant la signature de l'acte authentique, que la procédure soit judiciaire (en présence d'enfants mineurs) ou non . »

Cet article tire les conséquences de la suppression de l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, à l'initiative de votre commission des lois.

Il permet de lever une incertitude juridique dans la mesure où le changement de régime matrimonial n'entre pas dans les catégories générales des actes d'administration ou de disposition.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 ter sans modification .

* 123 Cass 1 ère civ, 19 décembre 1995.

* 124 Cass 1 ère civ, 2 octobre 2001.

* 125 Cass 1 ère civ, 19 février 1991.

* 126 Cass. 1 ère civ, 19 décembre 1995.

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