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Rapport n° 312 (2006-2007) de M. Benoît HURÉ , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 22 mai 2007

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N° 312

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E-3423),

Par M. Benoît HURÉ,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine, président ; MM. Jean-Marc Pastor, Gérard César, Bernard Piras, Gérard Cornu, Marcel Deneux, Pierre Herisson, vice-présidents ; MM. Gérard Le Cam, François Fortassin, Dominique Braye, Bernard Dussaut, Christian Gaudin, Jean Pépin, Bruno Sido, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Gérard Bailly, René Beaumont, Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Joël Billard, Michel Billout, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Pierre Caffet, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Mme Michelle Demessine, M.  Jean Desessard, Mme Evelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, André Ferrand, Alain Fouché, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Adrien Giraud, Mme Adeline Gousseau, MM. Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Odette Herviaux, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Mme Sandrine Hurel, M. Charles Josselin, Mme Bariza Khiari, M. Yves Krattinger, Mme Elisabeth Lamure, MM. Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Daniel Marsin, Jean-Claude Merceron, Dominique Mortemousque, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Bruno Retailleau, Charles Revet, Henri Revol, Roland Ries, Claude Saunier, Daniel Soulage, Michel Teston, Yannick Texier, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

Voir le numéro :

Sénat : 300 (2006-2007)

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Jusqu'à présent, le fonctionnement quotidien de la politique agricole commune (PAC) a reposé sur des systèmes d'encadrement et de régulation des marchés dits « organisations communes de marché » (OCM). Au nombre de 21 1 ( * ) , elles ont remplacé progressivement, dans les secteurs où cela était nécessaire, les organisations nationales de marché et régissent la production et le commerce de la quasi-totalité des produits agricoles de l'Union européenne.

Constituant donc l'armature de la PAC actuelle, ces OCM ont fait preuve de leur efficacité. Elles ont permis, en effet, de fixer et d'unifier les prix des produits agricoles pour l'ensemble du marché européen, d'octroyer des aides aux producteurs ou aux professionnels du secteur, d'instaurer des mécanismes de maîtrise de la production et d'organiser les échanges avec les pays tiers.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, lors du dernier Conseil « agriculture et pêche » de l'année passée, une proposition de règlement visant à substituer un seul texte à la quarantaine de règlements servant de support aux 21 OCM actuelles.

Présenté comme visant à clarifier et rationaliser la législation agricole au bénéfice tant des agriculteurs que des entreprises et des administrations intéressées, ce texte s'inscrit dans une démarche plus générale de simplification de la PAC. La Commission a, en effet, souhaité une « reprise en main » suite aux critiques récurrentes de la complexité et de la lourdeur de l'administration bruxelloise en matière agricole.

La majorité des Etats membres producteurs, emmenée par la France, a néanmoins manifesté clairement son hostilité au texte. Difficilement lisible, procédant -sous couvert de codification- à la modification de dispositions substantielles de certaines OCM, réalisant des transferts de compétences contraires aux intérêts des Etats membres, cette proposition initiale de règlement a fait, depuis, l'objet de négociations et donné lieu à des contre-propositions.

Si les dernières discussions entre la Commission et les représentations nationales laissent espérer la prochaine mise au point d'une rédaction satisfaisant l'ensemble des intérêts de l'Europe agricole, il convient toutefois de s'assurer que les avancées enregistrées sur les différents points litigieux soient bien validées et que ceux restant en instance trouveront une fin tout aussi heureuse.

C'est ce que cette proposition de résolution se donne pour objectif, non sans avoir précédemment rappelé avec force l'attachement de la France au principe même des différentes OCM, dont le contenu a été le garant d'une politique agricole efficace et équilibrée au cours des dernières décennies.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT AMBITIEUSE VISANT À RATIONALISER LA PAC

A. UN TEXTE S'INSCRIVANT DANS UNE DÉMARCHE GLOBALE DE SIMPLIFICATION

A l'automne 2005, la Commission européenne a initié une démarche générale de simplification de la PAC dont la proposition de règlement « OCM unique » constitue aujourd'hui l'aboutissement. Dès l'origine, elle a insisté à plusieurs reprises sur la distinction entre simplification « technique » et simplification « politique ». La première est définie comme un ensemble de mesures visant à rationaliser les politiques actuelles et à améliorer leur efficacité, mais sans les modifier sur le fond. La seconde s'entend comme un ensemble de modifications substantielles de la législation agricole commune ; à ce titre, elles doivent être traitées séparément de la simplification « technique », dans le cadre du « bilan de santé » de la PAC, prévu en 2008-2009.

En octobre 2005, la Commission définissait son approche dans une communication intitulée « Simplifier et mieux légiférer dans le cadre de la PAC » 2 ( * ) . Elle y soulignait que « la réduction de la bureaucratie dans le secteur agricole grâce à des règles plus transparentes, plus intelligibles et moins contraignantes permettra(it) de diminuer les coûts des entreprises et de garantir aux citoyens européens une bonne utilisation de l'argent public » .

Un an plus tard, en octobre 2006, elle publiait un « Plan d'action sur la simplification de la PAC » définissant trois domaines d'intervention distincts :

- la réduction de la charge administrative des agriculteurs. Des propositions en ce sens seront faites sur la base d'une étude de la Commission qui sera publiée au cours du deuxième semestre de 2007 ;

- la mise en oeuvre de vingt mesures concrètes en vue d'apporter des modifications législatives au fonctionnement de la PAC ;

- enfin, la simplification de la législation liée à la PAC par l'introduction d'une OCM unique.

Lors du Conseil « agriculture et pêche » du 19 décembre 2006, la Commission présentait une proposition de règlement visant à introduire une telle OCM unique, objet du présent rapport 3 ( * ) . Avec l'introduction de ce règlement, l'essentiel de la PAC serait régi uniquement par quatre règlements transversaux du Conseil :

- le règlement (CE) n° 1782/2003 pour les paiements directs ;

- le règlement (CE) n° 1698/2005 pour le développement rural ;

- le règlement (CE) n° 1290/2005 pour le financement de la PAC ;

- et enfin le règlement de l'OCM unique en ce qui concerne les mesures du marché.

La commission de l'agriculture du Parlement européen a adopté, le 8 mai dernier, un rapport du député danois Niels Busk favorable au texte, mais soulignant ses imperfections. La présidence allemande, qui en a fait l'une de ses priorités, entend le présenter à une ultime réunion du groupe Conseil le 23 mai, puis au comité spécial agriculture et au Conseil au mois de juin, en vue d'un accord politique. Le règlement lui-même serait alors adopté sous présidence portugaise, pour une entrée en vigueur au 1 er janvier 2008. En outre, les éléments relatifs aux actuels OCM « fruits et légumes » et « vin », qui font l'objet de discussions séparées, y seraient intégrés dès que leur réforme aura été achevée.

B. UN VASTE CHAMP D'APPLICATION

Extrêmement dense, puisque renfermant pas moins de 198 articles, la proposition de règlement « OCM unique » vise à substituer un unique texte aux 21 OCM actuelles et aux 41 règlements du Conseil les régissant. Sa structure se rapproche très fortement de celle desdits règlements. Après les 102 considérants, le règlement est composé de sept parties principales :

- 1 ère partie : les dispositions préliminaires. Cette partie précise le champ d'application du règlement, introduit la définition des termes utilisés et définit les campagnes de commercialisation ;

- 2 ème partie : le marché intérieur. Elle regroupe les articles 5 à 121, régit à la fois les mécanismes d'intervention sur les marchés (intervention et stockage, mesures particulières d'intervention, maîtrise de la production, régimes d'aide) et les règles relatives à la commercialisation et à la production (normes et organisations de producteurs) ;

- 3 ème partie : les échanges avec les pays tiers. Y sont regroupées l'ensemble des dispositions relatives aux importations (contingents, droits de douane, régimes préférentiels, mesures de sauvegarde et perfectionnement actif) et aux exportations (certificats, restitutions, contingents) ;

- 4 ème partie : les règles de concurrence. Les articles de cette partie déterminent les règles de concurrence et exceptions (notamment dans le secteur du tabac) qui s'appliquent aux entreprises du secteur agricole, ainsi que les règles en matière d'aides d'Etat ;

- 5 ème partie : les dispositions particulières. Elle concerne notamment le super prélèvement laitier, ainsi que la possibilité laissée à la Commission européenne de prendre des mesures en cas de prix induisant une perturbation des marchés communautaires ou menaçant de perturber l'approvisionnement du marché communautaire ;

- 6 ème partie : les dispositions générales ;

- 7 ème partie : les dispositions d'application et les dispositions transitoires. Cette dernière partie précise l'existence d'un unique comité de gestion et précise quels règlements seront abrogés suite à l'adoption de celui-ci.

II. DES RÉACTIONS D'HOSTILITÉ AYANT PERMIS DE FAIRE ÉVOLUER LE TEXTE

A. LES OBJECTIONS FORMULÉES PAR LA FRANCE

D'une façon générale, la France a accueilli favorablement le principe même d'une simplification et d'une codification de la PAC, dès lors qu'elle profiterait à l'ensemble des acteurs concernés (agriculteurs, entreprises, administrations). En l'espèce, elle a considéré que ce strict objectif de rationalisation de la législation communautaire en matière agricole n'était pas atteint, pour des raisons tant de forme que de fond.

? Les critiques formelles

En pratique, il est apparu à la France que le texte proposé allait paradoxalement à l'encontre de l'objectif qu'il s'était fixé. Il remplaçait, en effet, les 21 OCM ayant chacune leurs règlements d'application bien identifiés, par près de 200 articles traitant de presque tous les types de production. Il était dès lors légitime de s'interroger sur la réduction de la charge administrative pour des agriculteurs et des opérateurs économiques confrontés à un texte unique de quelques 200 pages dont 90 % ne les concerneraient pas et où les dispositions particulières les intéressant seraient dispersées un peu partout.

Par ailleurs, les changements de vocabulaire réalisés par la Commission afin d'unifier sa sémantique entre domaines proches ont été analysés comme donnant lieu à des imprécisions ou confusions. Par exemple, des termes identiques ont été utilisés pour qualifier les références laitières et les quotas sucriers, aboutissant à une libéralisation concomitante des deux secteurs.

L'assise juridique des différentes organisations de marchés intégrées a également été fragilisée. Ne restent en effet que 102 « considérants » dans le texte proposé, contre plusieurs centaines dans les anciennes OCM. Ces « considérants » se voient aussi privés de la valeur explicative des instruments de la PAC qu'ils revêtaient auparavant.

De plus, manquent à ce texte des études d'impact, tant juridiques qu'économiques. La fiche financière, notamment, ne fait état d'aucun coût, la Commission considérant qu'il ne s'agit que d'une codification de l'existant à droits constants. Or, il semble bien que les démarches d'harmonisation de législations des différentes OCM peuvent générer des coûts pour certains producteurs ainsi que pour certaines administrations ou entreprises.

Le calendrier de certaines réformes sectorielles de la PAC n'a pas été respecté. La Commission a en effet anticipé sur les révisions en cours des OCM fruits et légumes, et vin, mais en partie seulement. Prévoyant par principe de les exclure de l'OCM unique du fait de leur actuelle renégociation, elle a cependant inclus certains de leurs éléments (règles de concurrence, définition des campagnes, régime des comités de gestion ...) au prétexte qu'ils ne feraient pas l'objet de discussions, ce qui n'a rien d'assuré.

? Les critiques de fond

L'harmonisation entre les différentes OCM, visant à parvenir à des rédactions communes pour les dispositions similaires, s'est faite en partie au détriment des spécificités sectorielles de chacune de ces OCM. Le Parlement européen a indiqué clairement que ce texte devait « être uniquement un acte de simplification technique » et non un instrument discret pour instaurer des réformes. Par exemple, alors que les clauses de sauvegarde sur l'huile d'olive étaient plus avancées que celles existant pour les autres produits, la Commission a réalisé une harmonisation « par le bas » en prenant pour base ces dernières. De la même façon, le mécanisme d'intervention existant dans le secteur porcin a été supprimé par la Commission au prétexte qu'il n'a pas été utilisé depuis une trentaine d'années, alors que son utilité serait totalement ravivée dans le cas d'une crise affectant le secteur.

De très importants transferts de compétences ont été réalisés du Conseil vers la Commission, celle-ci s'autonomisant substantiellement dans la gestion de la PAC. Ces transferts, contraires à l'esprit démocratique, sont de deux ordres :

- d'une part, la Commission souhaite déclasser des règlements du Conseil afin de pouvoir elle-même les modifier et fixer certains paramètres dépendant jusqu'alors de ce dernier (prix, ouverture de contingents, périodes de campagne ...) ;

- d'autre part, elle prévoit également de se donner la possibilité de prendre seule des décisions qui étaient, jusqu'à présent, prises en comités de gestion.

S'ils n'affectent apparemment que des aspects techniques (qualité des céréales mises à l'intervention, normes de commercialisation des oeufs, critères des carcasses de bovins et ovins ...), ces transferts recouvrent en réalité des enjeux politiques forts. En effet, la détermination de ces éléments a une influence directe sur le champ d'intervention communautaire de soutien à chacun des secteurs concernés.

Le sort réservé à ces comités de gestion est justement lui aussi l'objet de critiques. La Commission entend les supprimer et leur substituer un comité unique, dont les attributions seraient toutefois inférieures à la somme des compétences des comités actuels. Ce comité « multi marché » ne serait en effet pas compétent pour discuter des analyses de marché et ne servirait au final que de chambre d'enregistrement. Il n'y aurait donc plus, à terme, ni politique de marché, ni politique de gestion des crises.

Enfin, l'importante question des organisations de producteurs et des interprofessions semble, dans la rédaction qu'en donne le projet de règlement d'OCM unique, peu clairement traitée, comme l'a souligné lors de son audition le directeur du Comité de liaison des industries agroalimentaires (CLIAA), M. Jean-Paul Jamet. La proposition de règlement prévoit en effet la reconnaissance de celles de ces institutions qui servent de support à une politique communautaire. Or, ceci n'est le cas que pour certains secteurs (tels que le tabac ou le houblon). Un raisonnement a contrario laisse à penser que les organisations et interprofessions des autres secteurs, toutes aussi importantes pour leur structuration et leur régulation, ne sont pas reconnues et donc interdites. Il conviendrait donc de modifier l'article 108 de la proposition de règlement, de façon à reconduire le cadre normatif communautaire aujourd'hui applicable à ces organismes et à leur conserver une certaine souplesse de gestion au niveau national.

B. LE RALLIEMENT DES PAYS PRODUCTEURS À LA POSITION FRANÇAISE

Une fois pris connaissance de la proposition initiale de la Commission, un groupe de travail a été formé au sein du Conseil. Il s'est réuni sur huit journées entre la fin janvier et la fin février de cette année.

Sauf celles représentant des pays habituellement favorables à une réduction du champ de la PAC (Royaume-Uni et Suède, principalement), les délégations se sont majoritairement ralliées à la position exprimée par notre pays. Si aucune n'a attaqué frontalement le principe même de l'unification des OCM, elles en ont, en revanche, remis en cause les modalités, ne voyant pas l'intérêt d'une proposition aboutissant plus à compliquer qu'à simplifier le fonctionnement de la PAC.

Au final, la présidence allemande a identifié trois points d'importance particulière sur lesquels la Commission et les Etats devraient se prononcer :

- l'articulation du projet d'OCM unique avec les réformes en cours des secteurs des fruits et légumes et du vin ;

- la modification, sous couvert de codification, du contenu de certaines OCM ;

- les transferts de compétences opérés du Conseil à la Commission.

C. LES INFLEXIONS APPORTÉES AU TEXTE PAR LA PRÉSIDENCE ALLEMANDE DU CONSEIL

Après les débats du Conseil « agriculture et pêche » du 19 mars 2007, la présidence allemande a diffusé un projet de règlement amendé qui a été discuté lors des réunions du groupe Conseil qui se sont tenues les 29 et 30 mars et les 11 et 12 avril. Cette nouvelle initiative répond en grande partie, mais pas totalement, aux attentes de la France.

? Des avancées indéniables

S'agissant tout d'abord des OCM fruits et légumes et vins, en cours de réforme, le compromis proposé, s'il ne les exclut pas formellement du périmètre de l'OCM unique, en limite l'application à l'article concernant le comité de gestion unique. De plus, il prévoit une date d'application postérieure aux dates anticipées d'achèvement de la réforme de ces OCM.

En ce qui concerne les transferts de compétences, la définition des éléments relatifs à la qualité des produits et aux conditions auxquelles s'appliquent les prix à l'intervention, a été réintroduite parmi les éléments fixés par le Conseil. De même, les critères de classement des carcasses de bovins, porcins et ovins, actuellement définis par le Conseil, ont été partiellement repris, sous forme d'une annexe au projet de règlement.

Enfin, pour ce qui est des organisations de producteurs et des interprofessions, la nouvelle proposition reprend la formule suggérée par la France permettant la reconnaissance -dans le cadre de la réglementation nationale- de telles structures dans d'autres secteurs que ceux pour lesquels une reconnaissance communautaire est prévue.

Par ailleurs, elle prévoit que celles de ces structures antérieurement reconnues, en application des critères des actuelles OCM, seront conservées.

? Des progrès encore attendus

La question du comité de gestion unique reste en fait la principale source de difficultés. En effet, la Commission n'a pas fondamentalement modifié ses propositions sur ce point. Elle s'est contentée de produire un nouveau document présentant ses intentions en matière de fonctionnement du comité unique, à savoir : s'efforcer de rassembler les points de même nature au sein de l'ordre du jour ; essayer de traiter les questions animales et végétales séparément ; rembourser les frais de déplacement de deux délégués par Etat membre, au lieu d'un actuellement ...

Par ailleurs, certaines des définitions ou notions juridiques avancées par la Commission continuent de poser problème du fait de leur ambiguïté. En particulier, les concepts de prix de référence et de prix d'intervention mériteraient d'être déterminés avec davantage de précision, afin de prévenir d'éventuels débats futurs sur leur fixation.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. RAPPELER LE BIEN-FONDÉ ET LA SPÉCIFICITÉ DES ORGANISATIONS COMMUNES DE MARCHÉ

La politique des marchés constitue le volet le plus ancien et le plus important de la PAC, puisqu'il remonte, dans son principe, au traité de Rome de 1957. Visant à orienter la production agricole et à stabiliser les marchés, elle consiste à placer des produits ou groupes de produits sous un régime particulier, l'OCM, pour en régir, selon des règles communes, la production et le commerce.

Les OCM reposent sur trois principes fondamentaux:

- l'unicité du marché, c'est-à-dire la libre circulation des produits agricoles entre les Etats membres ;

- la préférence communautaire, dont l'application tend à s'estomper en raison de l'ouverture progressive du marché communautaire sur l'extérieur ;

- la solidarité financière, qui implique la prise en charge des dépenses découlant de la mise en oeuvre de la PAC par le budget communautaire.

Les OCM ont été instaurées progressivement jusqu'à couvrir la majorité des produits, l'alcool et les pommes de terre constituant les deux exceptions majeures. Leur bien-fondé est aujourd'hui quasi unanimement reconnu : dans un environnement soumis à de nombreux aléas, aussi bien naturels qu'économiques, elles ont permis de réguler les 21 secteurs qu'elles couvrent et de favoriser leur développement équilibré au cours des dernières décennies. Si elles possèdent des fondements communs, propres à toute production agricole, elles n'en présentent pas moins des spécificités irréductibles qu'il serait dangereux de chercher à gommer. Votre commission se doit de rappeler fermement ces deux points.

B. S'ASSURER DES AVANCÉES OBTENUES SUR LE RÉGIME DES OCM EN COURS DE RÉVISION ET LES TRANSFERTS DE COMPÉTENCES

La proposition initiale de la Commission européenne incluait dans son périmètre les OCM fruits et légumes et vin 4 ( * ) , pourtant en cours de révision. Grâce à l'opposition affirmée par la France, il est aujourd'hui acquis que ce ne sera désormais plus le cas, à l'exception d'une disposition spécifique et selon des modalités d'application dans le temps adaptées. Si votre commission ne peut que se satisfaire de cette avancée, il convient de veiller à ce qu'elle ne soit pas remise en cause dans les négociations à venir.

Il en ira de même pour l'autre grand acquis des dernières négociations : la remise en cause des transferts de compétences prévus par la Commission à son profit et au détriment du Conseil. Ces transferts, qui auraient abouti à donner la possibilité à la Commission de se passer de toute concertation avec le Conseil, mais également avec le Parlement, dans tout projet de révision de l'OCM unique, ont été examinés au cas par cas et ont été, pour la plupart, supprimés. Il conviendra de rester particulièrement vigilant sur ce point essentiel pour la légitimité du fonctionnement de la PAC, aux yeux de l'ensemble des acteurs.

C. GARANTIR UNE ALTERNATIVE AU COMITÉ DE GESTION UNIQUE

L'existence de comités remonte à 1961, date à laquelle les premières OCM ont été mises en place. La motivation de leur création ressortait alors d'un rapport de force similaire à celui opposant aujourd'hui la Commission à une majorité d'Etats membres. La Commission envisageait en effet de se réserver de larges compétences décisionnelles dans la gestion des OCM, tandis que plusieurs Etats membres entendaient au contraire que le pouvoir reste entre les mains du Conseil. Un compromis a été trouvé dans la formule des comités : la gestion de la PAC a été confiée à la Commission, mais après avis de comités composés de représentants des Etats membres et prenant position à la majorité qualifiée. Les comités de gestion se sont ainsi vu confier les diverses OCM, tandis que des comités de réglementation étaient chargés des règles à appliquer aux secteurs généraux.

A l'heure actuelle, dans le domaine agricole, environ 2.000 textes par an sont soumis pour avis à ces comités de gestion, qui apparaissent comme des rouages indispensables du mécanisme communautaire. Depuis 45 ans ils donnent en effet des avis éclairés et attendus sur les mesures de gestion des marchés agricoles. Souvent ressentis par leurs membres comme des lieux de dialogue et des éléments de participation au processus de décision, ils contribuent à éclairer utilement la Commission sur l'applicabilité de ses politiques sur le terrain.

L'article 188, qui prévoit l'existence d'un comité de gestion unique aux côtés de la Commission, doit donc être substantiellement modifié. Il est en effet nécessaire de garantir la présence des experts sectoriels lors des réunions de ce comité, afin d'une part de préserver les liens avec les marchés existant au travers de ces réunions d'experts, et d'autre part de conserver le dialogue et la concertation que ces réunions ont permis d'institutionnaliser.

Il pourrait être envisagé une solution intermédiaire entre le maintien de l'ensemble des comités actuellement existants et l'instauration d'un comité unique. Il s'agirait de créer des « sous-comités », en nombre inférieur à celui des actuels comités, rassemblant chacun des productions ou filières de nature commune. Ce système s'inspirerait de l'organisation du comité permanent de la chaîne alimentaire, composé de plusieurs sections. Il serait également dans l'esprit de la proposition de la commission « agriculture » du Parlement européen, qui, dans son avis du 8 mai 5 ( * ) , suggère de conserver quatre comités relatifs aux viandes, aux produits laitiers, aux productions végétales et aux cultures pérennes.

Cette solution, qui aurait l'avantage de simplifier le système actuel tout en conservant des lieux de concertation déclinés par grandes familles de produits, a déjà été avancée par la France. Votre commission appuie cette proposition, gage d'efficacité et de responsabilité, et propre à favoriser la poursuite des négociations.

D. VEILLER À ACCROÎTRE LA LISIBILITÉ DU TEXTE

La juxtaposition des dispositifs des différentes OCM a fait clairement apparaître, cela a été souligné, des divergences sémantiques que la Commission a réduites par le choix d'un terme parmi plusieurs possibles. Dans certains cas, le choix du terme retenu a pu être analysé comme allant jusqu'à remettre en cause la politique antérieure.

En vue d'y pallier, un travail important de clarification des termes employés a été réalisé lors de l'examen du texte en comité de travail. Ce travail de « peignage sémantique » ne paraît toutefois pas entièrement achevé, comme l'illustre l'exemple précédemment cité 6 ( * ) . Il convient donc de le poursuivre et de le mener à terme, afin que l'objectif de simplification et de clarification ne soit pas qu'un voeu pieux.

*

* *

Lors de sa réunion du mardi 22 mai 2007, votre commission des affaires économiques a examiné le texte présenté par son rapporteur. Après avoir adopté les amendements présentés par ce dernier et tendant à préciser le champ de sa proposition de résolution initiale, elle a adopté la proposition de résolution dont le texte suit, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain et citoyen s'abstenant.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés (OCM) dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E 3423),

Constate la grande complexité et la faible lisibilité du texte, contredisant ses objectifs de transparence et d'accessibilité au droit,

Souligne l'absence d'appréciation ex ante de ses effets juridiques et économiques,

Conteste le champ couvert par ses dispositions, trop étroit pour certaines, trop large pour d'autres,

S'inquiète des restrictions massives de compétences opérées au détriment du Parlement et du Conseil, et au seul profit de la Commission européenne,

Fait état des modifications de l'ordonnancement juridique communautaire auxquelles il procède, sous couvert d'une simple codification à droits constants de textes existants,

En conséquence, rappelle le bien-fondé et l'utilité des OCM existantes, et proclame son attachement au respect de leur spécificité,

Souhaite que les dispositions relatives aux secteurs vitivinicole d'une part, des fruits et légumes de l'autre, en cours de révision, ne soient intégrées dans le présent texte qu'une fois leur réforme achevée,

Insiste sur la limitation impérative des transferts de compétences prévus au profit de la Commission européenne,

Suggère de substituer à l'instauration d'un comité de gestion unique un dispositif associant une pluralité de comités regroupés par types de production similaires,

Demande à ce que soit élargi le champ de reconnaissance des organisations de producteurs et interprofessions,

Enfin, recommande la réécriture de plusieurs des dispositions du présent texte dans un souci de clarification formelle, de cohérence normative et de sécurisation juridique.

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

- M. Jean-Marie AURAND, directeur général des politiques économiques européennes et internationales au ministère de l'agriculture ;

- M. Xavier BEULIN, premier vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), accompagné de M. Claude SOUDÉ, chef de service « productions-marchés-affaires internationales » et de Mme Nadine NORMAND, chargée des relations avec le Parlement ;

- M. Jean-Paul JAMET, président du Comité de liaison des industries agroalimentaires (CLIAA) ;

- MM. Eloi CANON, vice-président de Jeunes agriculteurs (JA), accompagné de M. Aurélien VAUCELLE, conseiller « productions végétales », de M. Cyril CORNILLE, conseiller « productions animales », de M. Nicolas BOUDON, conseiller « viticulture », de M. Jérôme VOLLE, conseiller « fruits et légumes » ainsi que de M. Samuel GABORIT, conseiller « productions animales ».

* 1 Ces 21 OCM concernent les céréales, le riz, le sucre, les fourrages séchés, les semences, le houblon, l'huile d'olive et les olives de table, le lin et le chanvre, les fruits et les légumes, les fruits et les légumes transformés, les bananes, le vin, les plantes vivantes et les produits de la floriculture, le tabac brut, la viande bovine, le lait et les produits laitiers, la viande de porc, les viandes ovine et caprine, les oeufs, et enfin la viande et les autres produits de la volaille.

* 2 COM (2005) 509 final.

* 3 Proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E 3423).

* 4 Dont la révision donne d'ailleurs lieu à l'instruction, par notre collègue Gérard César et au nom de notre commission, d'un rapport d'information à paraître d'ici l'été.

* 5 Cf. dernier paragraphe du A du I.

* 6 Cf. dernier paragraphe du C du II.

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