N° 343

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 février 2007

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juin 2007

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence , la loi applicable , la reconnaissance , l' exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants ,

Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Serge Vinçon, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, Mme Hélène Luc, M. André Boyer, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Hue, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Jacques Pelletier, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Josselin de Rohan, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 299 (2006-2007)

Traités et conventions.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

En dépit des efforts déployés, tant au niveau international, que dans le cadre de l'Union européenne, pour y remédier, les douloureux problèmes soulevés par la garde des enfants de couples binationaux divorcés ou séparés et les enlèvements transfrontaliers d'enfants ont eu tendance à s'accroître ces dernières années.

Ainsi, en France, le bureau de l'entraide civile et commerciale internationale du ministère de la justice a eu à connaître, au cours de l'année 2005, plus de 300 nouvelles affaires de déplacements de mineurs. Par ailleurs, la mission d'aide à la médiation familiale internationale pour les familles a eu à traiter, de 2000 à 2005, un nombre croissant de dossiers (340 au total).

Encore, ces chiffres ne reflètent pas l'ensemble des cas de déplacements d'enfants ou des difficultés rencontrées par l'un des parents pour exercer son droit de visite, lorsque l'enfant réside à l'étranger.

A cet égard, la convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, à laquelle le présent projet de loi vise à autoriser l'adhésion de la France, représente une avancée importante.

Or, la ratification de cette convention pour la plupart des États membres de l'Union européenne, dont la France, est actuellement bloquée, en raison de l'articulation entre ce texte et le droit communautaire et d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de l'application des stipulations de la convention à Gibraltar.

Mais avant d'évoquer les difficultés liées à la délicate articulation entre cette convention et le droit communautaire, il convient, au préalable, de décrire l'origine et le contenu de la convention de La Haye du 19 octobre 1996.

I. LA CONVENTION DE LA HAYE DU 19 OCTOBRE 1996 : UN INSTRUMENT ESSENTIEL EN MATIÈRE DE PROTECTION INTERNATIONALE DE L'ENFANT

A. L'ORIGINE DE LA CONVENTION

1. Une convention de la Conférence de La Haye

La convention du 19 octobre 1996 a été élaborée dans le cadre de la Conférence de La Haye sur le droit international privé. Cette organisation intergouvernementale, dont la création remonte à 1893 et qui a son siège à la Haye, est composée de soixante-sept Etats, dont la plupart des pays développés et tous les Etats membres de l'Union européenne. L'objectif poursuivi par cette conférence est l'unification progressive des règles de droit international privé. Dans ce but, les Etats négocient des traités multilatéraux dans différents domaines, comme, par exemple, le droit des contrats ou le droit de la famille.

La protection de l'enfance en danger a toujours été au coeur des préoccupations de la Conférence de La Haye. Dès 1902, une convention fut conclue en son sein sur la tutelle des mineurs. Cette convention a été remplacée en 1961 par une convention concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs.

2. Une convention qui vise à remédier aux difficultés rencontrées par une précédente convention de 1961

La convention du 5 octobre 1961 a toutefois connu un succès limité, lié en partie à ses imperfections. L'une des principales difficultés auxquelles a donné lieu cette convention s'explique par le fait qu'elle a organisé la compétence concurrente des autorités de la résidence habituelle de l'enfant et de ses autorités nationales en matière de protection des mineurs.

Cette solution a entraîné deux types d'inconvénients 1 ( * ) . D'une part, les autorités nationales ont parfois pris des décisions mal acceptées par les autorités de la résidence habituelle du mineur, par hypothèse plus proches de celui-ci et souvent mieux à même d'apprécier sa situation. D'autre part, dans l'hypothèse très fréquente d'enfants ayant la double nationalité, le conflit entre les autorités de chacun des Etats de nationalité de l'enfant a provoqué la paralysie de la convention.

A ces inconvénients, il faut ajouter la difficile articulation entre la loi nationale, applicable à l'autorité parentale, et la loi de résidence, applicable en principe aux mesures de protection.

Enfin, on peut déplorer le mauvais fonctionnement de la coopération entre autorités et l'absence de dispositions sur l'exécution dans un Etat contractant des mesures de protection prises dans un autre Etat.

C'est pour tenir compte de ces objections que la Conférence a élaboré une nouvelle convention, celle du 19 octobre 1996 sur la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

Avec la convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et la convention du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale, la convention du 19 octobre 1996 constitue le troisième pan d'un triptyque destiné à protéger les enfants dans des situations internationales.

B. LE CONTENU DE LA CONVENTION

Plus étoffée que celle de 1961, la convention du 19 octobre 1996 comporte 63 articles répartis dans sept chapitres.

1. Le champ d'application

L'article 2 de la convention précise qu'elle « s'applique aux enfants à partir de leur naissance et jusqu'à ce qu'ils aient atteint l'âge de 18 ans ».

2. Les règles de compétence

Le chapitre II sur la compétence est très novateur par rapport à la convention de 1961. L'idée générale est que les Etats contractants acceptent une limitation de la compétence de leurs autorités. La nouvelle convention de La Haye a voulu écarter en principe toute concurrence d'autorités d'Etats différents pour prendre les mesures de protection de la personne ou des biens de l'enfant. Les autorités compétentes sont en principe celles de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant, sous réserve des précisions apportées en cas d'absence de résidence habituelle ou de déplacement illicite de l'enfant.

Si, dans certains cas, les autorités d'autres Etats peuvent être amenées à intervenir dans la protection de l'enfant, c'est toujours, hors le cas temporaire de l'urgence ou celui de mesures à effet strictement territorial, avec l'accord ou sur la demande des autorités de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant.

Tel est le cas notamment des autorités de l'Etat national de l'enfant, dont la compétence ne peut plus s'exercer, comme d'ailleurs celle de tout autre Etat avec lequel l'enfant présente un lien étroit, que sous le contrôle des autorités de l'Etat de la résidence habituelle de l'enfant. Ainsi sont du même coup écartés le plus souvent les risques afférents à la double nationalité de l'enfant.

Il en est toutefois autrement en cas de divorce des parents de l'enfant. La Convention admet, en effet, une compétence concurrente du for du divorce, sous des conditions assez strictes, pour prendre des mesures de protection de la personne ou des biens du ou des enfants. Cette exception a été obtenue par les Etats membres de l'Union européenne afin de faire coexister harmonieusement la convention de La Haye avec le droit communautaire.

3. La détermination de la loi applicable

Le chapitre III sur la loi applicable reprend en l'assouplissant le principe de la Convention de 1961 selon lequel toute autorité prenant une mesure de protection applique sa loi interne.

C'est également dans ce chapitre que l'on trouve les dispositions sur le rapport d'autorité ex lege . La Convention clarifie et actualise la notion en parlant d'attribution ou d'extinction de plein droit d'une responsabilité parentale. Surtout, elle soumet celle-ci à la loi de la résidence habituelle de l'enfant, et non plus à sa loi nationale, unifiant ainsi la loi applicable à la responsabilité parentale et aux mesures de protection.

Ce chapitre s'efforce enfin de résoudre les conséquences du déplacement de l'enfant sur la loi applicable à la responsabilité parentale.

4. La reconnaissance et l'exécution

Le chapitre IV fournit une réglementation détaillée, qui faisait défaut dans la Convention de 1961, de la reconnaissance et de l'exécution dans un Etat contractant des mesures de protection prises dans un autre Etat contractant. Il distingue clairement la reconnaissance, la procédure de l' exequatur ou l'enregistrement aux fins d'exécution et la mise à exécution. Les dispositions les plus originales sont l'article 23 qui énumère - limitativement - les motifs de non-reconnaissance et l'article 24 qui admet la recevabilité d'une action en opposabilité ou en inopposabilité d'une mesure de protection.

5. Les autres dispositions

Le chapitre V institue un mécanisme de coopération entre Etats contractants, qui faisait également défaut dans la convention de 1961. Ce mécanisme repose, à l'instar de nombreuses autres conventions de La Haye, sur la création dans chaque Etat contractant d'une autorité centrale chargée de satisfaire aux obligations qui lui sont imposées par la convention.

Le chapitre VI comporte notamment quelques dispositions générales destinées à faciliter la mise en oeuvre et le suivi de la convention. Il précise également l'application de la convention au regard des Etats à système juridique non unifié, son application dans le temps, les conflits de conventions et les réserves permises.

Enfin, le chapitre VII reprend les clauses finales habituelles dans les conventions de La Haye.

La convention de La Haye du 19 octobre 1996 a été signée par trente-deux Etats, dont tous les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception de Malte. Elle a été ratifiée par quatorze pays, dont huit nouveaux Etats membres de l'Union européenne. Elle est entrée en vigueur le 1 er janvier 2002 pour les Etats l'ayant ratifiée.

II. LA DÉLICATE ARTICULATION ENTRE LA CONVENTION DE LA HAYE ET LE DROIT COMMUNAUTAIRE ET LE BLOCAGE ACTUEL DE SA RATIFICATION POUR LES PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPEENNE, DONT LA FRANCE

Au moment de la signature de la convention de La Haye, une difficulté est apparue concernant son articulation avec le droit communautaire. Cette difficulté explique que la ratification de cette convention pour la plupart des Etats membres de l'Union européenne, dont la France, soit actuellement bloquée en raison d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de l'application de ses stipulations à Gibraltar.

A. LE CADRE COMMUNAUTAIRE : LE REGLEMENT DIT « BRUXELLES II BIS »

Le Traité d'Amsterdam, signé en 1997 et entré en vigueur en 1999, a transféré les matières relevant de la coopération judiciaire en matière civile, dans le « premier pilier ». De ce fait, ces matières ont été « communautarisées » et la Communauté s'est vue reconnaître une compétence pour légiférer dans ces domaines.

Sur cette base, le 29 mai 2000, le Conseil de l'Union européenne a adopté un règlement communautaire, dit « règlement de Bruxelles II », relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, qui a été remplacé par un nouveau règlement dit « Bruxelles II bis », qui est entré en vigueur le 1er mars 2005. Or, certaines dispositions de ce règlement recouvrent exactement le même champ que la convention de La Haye de 1996.

LE RÈGLEMENT COMMUNAUTAIRE DIT « BRUXELLES II BIS"

Le règlement du 27 novembre 2003 du Conseil, relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, appelé aussi règlement « Bruxelles II bis », est entré en application le 1er mars 2005. Il a remplacé un précédent règlement du Conseil du 29 mai 2000, dit règlement « Bruxelles II ».

LE CHAMP D'APPLICATION

Le règlement s'applique à tous les Etats membres de l'Union Européenne, à l'exception du Danemark, et concerne les domaines suivants :

§ le divorce, la séparation de corps et l'annulation du mariage des époux,

§ l'attribution, l'exercice, la délégation, le retrait total ou partiel de la responsabilité parentale, soit :
- le droit de garde et le droit de visite et d'hébergement,
- la tutelle, la curatelle et l'administration légale sous contrôle judiciaire,
- la désignation et les fonctions de toute personne ou organisme chargé de s'occuper de la personne ou des biens de l'enfant, de le représenter ou de l'assister,
- les mesures de protection de l'enfant liées à l'administration, à la conservation ou à la disposition de ses biens.

Le champ d'application du règlement « Bruxelles II bis » recoupe donc quasi exactement celui de la convention de La Haye du 19 octobre 1996.

LES RÈGLES DE COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS

Le règlement ne pose pas de règles de détermination de la loi applicable. Aussi convient-il de continuer de se référer au droit international privé de chaque Etat membre et aux conventions internationales en vigueur, dont la convention de La Haye du 16 octobre 1996 pour les Etats l'ayant ratifiée. Lorsqu'elle sera ratifiée, la convention de La Haye jouera donc pleinement dans ce domaine, y compris entre les Etats membres de l'Union Européenne.

Les principes retenus par le règlement sont les suivants :

§ en matière de divorce, de séparation de corps et d'annulation du mariage des époux, le critère de compétence est celui de la résidence habituelle, ou celui de la nationalité si elle est commune aux deux parties.

§ en matière de responsabilité parentale, est compétente la juridiction de l'Etat membre dans lequel l'enfant réside habituellement lorsque la juridiction est saisie. Cette juridiction reste compétente pendant trois mois après le déménagement légal de l'enfant vers un autre Etat membre.

§ en cas de déplacement ou de non-retour illicite d'un enfant, la juridiction de l'Etat de sa résidence habituelle reste compétente, sauf dans les deux hypothèses suivantes :

- l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre Etat membre, et toute personne ou institution ayant le droit de garde sur l'enfant a acquiescé au déplacement ou au non-retour,

- l'enfant a notamment acquis une résidence habituelle dans un autre Etat membre, y a résidé pendant au moins une année alors que le titulaire du droit de garde a eu ou aurait dû avoir connaissance du lieu où il se trouvait, et il s'est intégré dans son nouvel environnement.

Les articles 12 à 15 du règlement prévoient des règles de prorogation et d'extension de compétence. Une fois la juridiction saisie, le juge doit vérifier d'office sa compétence au vu du règlement et se déclarer, le cas échéant, d'office incompétent. Il doit également, lorsque le défendeur a sa résidence habituelle dans un autre Etat, surseoir à statuer tant qu'il n'est pas justifié que ce dernier n'a pas reçu l'acte introductif d'instance.

Enfin, l'article 19 du règlement prévoit des règles de litispendance et actions dépendantes, et l'article 20 précise qu'en cas d'urgence, des mesures provisoires et conservatoires peuvent être prises par une juridiction incompétente selon les termes du règlement.

LA RECONNAISSANCE ET L'EXÉCUTION D'UNE DÉCISION

Sur ce point, le règlement « Bruxelles II bis » se distingue nettement du mécanisme mis en place par la convention de La Haye du 19 octobre 1996.

Le principe est, en effet, celui de la reconnaissance, dans tout Etat membre de l'Union européenne, des décisions rendues dans un autre Etat membre, sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, dès lors qu'elles sont accompagnées d'un certificat délivré par l'autorité de l'Etat dont elles émanent.

Les articles 22 et 23 du règlement énumèrent les motifs de non-reconnaissance des décisions de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage, ainsi qu'en matière de responsabilité parentale.

Les décisions rendues dans un Etat membre sur l'exercice de la responsabilité parentale à l'égard d'un enfant, qui y sont exécutoires et ont été signifiées ou notifiées, sont mises à exécution dans un autre Etat membre après y avoir été déclarés exécutoires sur requête de toute partie intéressée.

Concernant les décisions statuant sur le droit de visite, et afin de faciliter l'exercice des droits de visite transfrontaliers, le règlement prévoit que toute décision exécutoire dans un Etat membre se voit reconnue et jouit de la force exécutoire dans un autre Etat membre, dès lors qu'elle est accompagnée du certificat délivré par l'Etat membre d'origine (il n'est donc pas nécessaire que ces décisions fassent l'objet d'une procédure simplifiée en déclaration de la force exécutoire).

LES DÉPLACEMENTS ILLICITES D'ENFANTS

Dans ce domaine, le règlement complète et s'articule avec la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.

Aussi le parent, dont l'enfant a été déplacé en violation de ses droits parentaux vers un autre Etat membre, peut solliciter son retour au lieu de sa résidence habituelle.
En effet, dans cette hypothèse, la juridiction de son Etat de résidence habituelle reste compétente.

Le juge de l'Etat membre dans lequel se trouve l'enfant, saisi d'une demande de retour du mineur au lieu de sa résidence habituelle, doit alors déterminer si le déplacement ou la rétention est illicite ou non. En cas de réponse positive, la juridiction doit ordonner son retour immédiat dans l'Etat de résidence habituelle.

Le règlement pose notamment le principe, sous certaines conditions, de l'audition de l'enfant. Il prévoit également que les juridictions saisies traitent ces affaires en urgence, et ne peuvent refuser ce retour au motif qu'il exposerait l'enfant à un danger psychologique ou physique grave, s'il est établi que les autorités de la résidence habituelle ont pris les dispositions adéquates pour assurer, dés son retour, sa protection. De même, ce retour ne peut être refusé sans que le parent demandeur n'ait eu la possibilité d'être entendu.

Si le juge de l'Etat membre dans lequel se trouve l'enfant refuse le retour, il doit transmettre, ou faire transmettre par l'autorité centrale de cet Etat, sa décision et les pièces du dossier au juge de la résidence habituelle, lequel invitera les parties à présenter leurs observations, si elles ne l'ont pas encore saisi. Ce dernier juge rendra alors sa décision sur le fond du droit, c'est à dire statuera sur les modalités d'exercice de la responsabilité parentale (dont la résidence de l'enfant, et l'organisation du droit de visite). Cette décision «finale», si elle fixe la résidence de l'enfant dans l'Etat de résidence habituelle (et induit de fait un retour de l'enfant), s'imposera à celle rendue dans l'Etat de refuge.

De plus, comme pour celles statuant sur le droit de visite, cette décision s'appliquera dans l'Etat de refuge sans exequatur, dès lors qu'elle est accompagnée du certificat, nonobstant la décision de non-retour rendue précédemment.

L'article 61 du règlement fixe les relations avec la convention de La Haye du 19 octobre 1996 et précise qu'il prévaut sur la convention lorsqu'il s'agit de reconnaître et d'exécuter sur le territoire d'un Etat membre une décision rendue dans un autre Etat membre de l'Union européenne.

B. LE BLOCAGE ACTUEL DE LA RATIFICATION DE LA CONVENTION DE LA HAYE POUR LES PAYS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE, DONT LA FRANCE

Aujourd'hui, la Communauté européenne a une compétence en vertu des traités en matière de coopération judiciaire civile et elle a exercé cette compétence sur le plan interne.

La Commission européenne a, en conséquence, considéré que les Etats membres de l'Union européenne n'étaient plus libres de ratifier eux-mêmes la Convention de La Haye en application de la jurisprudence AETR de la Cour de Justice de Luxembourg 2 ( * ) . Selon cette jurisprudence, seule la Communauté est compétente pour signer ou ratifier des traités dans des domaines où elle dispose d'une compétence sur le plan interne et où elle a légiféré.

Toutefois, étant donné que la convention de La Haye contient des stipulations qui n'affectent pas les compétences communautaires, il a été admis que les membres et la Communauté ont une compétence partagée pour participer à cette Convention, qui s'apparente donc à un « accord mixte ». La convention de La Haye du 19 octobre 1996 devrait donc, en principe, être conclue par les Etats membres et par la Communauté.

Toutefois, la Conférence de La Haye dispose expressément que seuls les Etats membres souverains peuvent être parties aux conventions conclues en son sein. La Communauté ne peut donc ratifier ou adhérer à ce traité, même si elle a adhéré récemment à la Conférence de la Haye (le 3 avril 2007).

Afin de sortir de ce dilemme, le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision le 19 décembre 2002 autorisant les Etats membres à signer cette convention dans l'intérêt de la Communauté. A l'exception des Pays-Bas, Etat dépositaire de la convention, les Etats membres ont donc simultanément signé la convention de La Haye, le 1er avril 2003.

Le Conseil et la Commission sont convenus que cette décision serait suivie d'une décision du Conseil autorisant les Etats membres à ratifier cette convention, dans l'intérêt de la Communauté.

Cette dérogation exceptionnelle à l'exercice normal de la compétence communautaire a été justifiée dans ce cas particulier, en raison de l'utilité de la convention pour la protection des enfants et de la nécessité de s'assurer de l'entrée en vigueur rapide de ce texte. Elle ne concerne pas les nouveaux Etats membres ayant adhéré à la convention de La Haye avant leur entrée dans l'Union européenne.

La ratification de cette convention par les Etats membres de l'Union européenne est soumise à deux conditions, l'une sur la forme, l'autre sur le fond.

D'une part, les Etats membres doivent déposer simultanément les instruments de ratification ou d'adhésion à la convention.

D'autre part, les Etats membres doivent souscrire, lors de la ratification, une déclaration d'après laquelle les dispositions du règlement communautaire primeront sur celles de la convention dans les relations entre les Etats membres de l'Union européenne.

La convention de La Haye a, en effet, vocation à s'appliquer dans les rapports avec les Etats tiers, tandis que le règlement communautaire devrait régir, pour l'essentiel, les relations entre les Etats membres de l'Union européenne, à l'exception du Danemark, auquel le règlement communautaire ne s'applique pas.

La Commission européenne a présenté, le 17 juin 2003, un projet de décision autorisant les Etats membres à adhérer à la Convention de La Haye dans l'intérêt de la Communauté.

Toutefois, l'adoption de cette décision est bloquée, depuis plusieurs années, en raison d'un différend entre le Royaume-Uni et l'Espagne sur l'application des stipulations de la Convention à Gibraltar.

En définitive, la situation actuelle est paradoxale puisque, d'un côté, la ratification et l'application de la convention de La Haye font partie des engagements communautaires de la France et, de l'autre côté, notre pays s'est engagé à ratifier la Convention de La Haye en même temps que ses partenaires européens. Or, cette ratification est actuellement bloquée par le différend qui oppose le Royaume-Uni et l'Espagne au sujet de Gibraltar.

Ainsi, en théorie, le gouvernement ne pourra pas déposer les instruments de ratification auprès du dépositaire de la convention tant que n'aura pas été réglée cette difficulté.

On peut toutefois noter qu'un Etat membre -la Hongrie- a signé et ratifié cette convention, postérieurement à son adhésion à l'Union européenne.

* 1 Rapport de M. Paul Lagarde sur le projet de convention de La Haye du 19 octobre 1996.

* 2 Affaire 22/70, Commission contre Conseil « AETR », Rec. 1971, p. 263

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