AUDITION DE M. CHRISTIAN BABUSIAUX, PRÉSIDENT DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES SUR LA CERTIFICATION DES COMPTES DE L'ÉTAT POUR L'EXERCICE 2006

Réunie le mercredi 20 juin 2007, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l 'audition de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des comptes, sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2006 .

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président , a tenu à rappeler l'excellence des relations que la commission entretenait avec la Cour des comptes, qu'il s'agisse des enquêtes réalisées au titre de l'article 58-2 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), de la participation de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, au séminaire du Mans au printemps 2007, ou des nombreuses auditions de présidents de chambre auxquelles la commission avait procédé.

M. Jean Arthuis, président , a indiqué que la présente audition intervenait à l'occasion de la première certification des comptes de l'État, rappelant que le document dont il était question était le rapport de certification des comptes de l'État, qui porte exclusivement sur le résultat patrimonial, et non sur le résultat budgétaire proprement dit.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Christian Babusiaux a indiqué que, dans un premier temps, au cours de son travail de certification, la Cour des comptes n'avait jamais oublié son objectif central, à savoir, d'une part, aider le gouvernement dans la production de nouveaux comptes plus complets et plus fiables, et, d'autre part, éclairer la représentation nationale sur la régularité, la fidélité et la sincérité des comptes de l'État.

M. Christian Babusiaux a rappelé que, l'année passée, M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, lors de la présentation devant la commission des finances de son rapport sur les comptes de l'exercice 2005, avait annoncé un véritable « Big bang comptable ». Il a insisté sur le fait que ce « Big bang » avait bien eu lieu et qu'à cet égard, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique avait décrit, à la commission, les efforts considérables de l'administration pour mettre en oeuvre cette réforme.

Il a indiqué que plus de 35 millions d'écritures comptables avaient été passées dans l'année, soit 50 % de plus que les années précédentes. Il a précisé qu'au titre du bilan d'ouverture au 1 er janvier 2006, les retraitements et classements avaient atteint 265 milliards d'euros à l'actif et 104 milliards d'euros au passif, de sorte que l'actif de l'État avait été réévalué en valeur nette de 346 milliards d'euros à 538 milliards d'euros entre 2005 et 2006, et le passif, de 1.008 milliards d'euros à 1.131 milliards d'euros.

Il a précisé que cette réévaluation du bilan de l'État résultait, pour partie, des suites données aux observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur les comptes de 2005 et s'est ainsi félicité de ce que 92 % de ces observations aient été suivies d'effet. Il a précisé que la Cour des comptes avait également contribué à cette transformation par les observations qu'elle avait formulées tout au long de la production des comptes de 2006.

M. Christian Babusiaux a indiqué qu'à l'issue des missions sur le bilan d'ouverture de 2006, puis des missions intermédiaires menées de septembre à décembre 2006, la Cour des comptes avait transmis aux administrations une soixantaine de documents de travail. Contrairement à la crainte de certains de la voir adopter une « posture de juge », la Cour des comptes avait ainsi pu faire état d'un dialogue constant et d'un accompagnement de la réforme, que n'ont pas empêché ses caractéristiques, à savoir le principe du contradictoire ainsi que la collégialité.

Il a ensuite relevé qu'à l'issue des missions finales, et malgré un délai très contraint, la Cour des comptes avait formulé 190 observations d'audit, dont 114 demandaient des rectifications d'écritures. Il a précisé que plus de 90 % d'entre elles avaient été prises en compte par l'administration, et que ces observations avaient conduit à des modifications représentant 143 milliards d'euros.

Puis il a souligné l'évolution intervenue sur la question sensible des provisions. Il a rappelé que, dans l'ancienne comptabilité, ces provisions n'étaient que de 74 millions d'euros, ce qui était apparu insuffisant à la Cour des comptes, et qu'elles étaient passées à 47 milliards d'euros, selon les nouvelles modalités de comptabilité.

Enfin, il a tenu à préciser que, comme dans tout processus de certification, ne figuraient dans ce document que les observations qui n'avaient pas encore été intégrées par l'État.

Concernant l'acte de certification de la Cour des comptes, M. Christian Babusiaux a constaté, à titre liminaire, que l'échéance du 31 mai 2007 avait été respectée.

Il a ensuite présenté certaines des treize réserves substantielles contenues dans l'acte de certification, précisant que les deux premières, appelées « limitations », avaient trait à des problèmes structurels : l'ancienneté des systèmes d'information financière de l'État et le caractère encore non opérationnel des dispositifs de contrôle et d'audit internes.

Concernant les onze autres réserves, appelées « désaccords et incertitudes », M. Christian Babusiaux a indiqué qu'il s'agissait de postes dont les montants devaient être majorés ou minorés en raison de problèmes de périmètre ou de choix de la valeur retenue et qu'il s'agissait, dans tous les cas, de montants importants.

M. Christian Babusiaux a pris en exemple la troisième réserve relative aux actifs du ministère de la défense qui posaient plusieurs problèmes, notamment la non-comptabilisation de l'ensemble des équipements militaires et la non-conformité de la méthode de valorisation retenue pour certaines opérations d'armement.

Il a indiqué, par ailleurs, que la quatrième réserve concernait les comptes des opérateurs car, pour certains opérateurs, l'État n'a pu intégrer dans ses comptes de 2006 que leurs comptes de 2005.

Concernant la cinquième réserve portant sur les immobilisations corporelles et incorporelles spécifiques à l'État, M. Christian Babusiaux a noté qu'elles n'avaient pas toutes été recensées et valorisées.

Il a enfin souligné que les « désaccords » portaient aussi sur le classement de certains passifs ou actifs, notamment les contrats d'échange de taux pour la gestion de la dette, qualifiés de « macro-couvertures ».

S'agissant de la certification, M. Christian Babusiaux a rappelé les quatre options qui étaient ouvertes à la Cour des comptes : certification sans réserves, impossibilité de certifier, certification avec réserves, refus de certifier. Il a toutefois précisé que la première et la dernière voies étaient, à l'évidence, exclues.

Il a précisé qu'entre les deux options restantes, la certification avec réserves était la seule voie qui permettait de rendre compte de l'équilibre entre, d'une part, les deux premières réserves, qui traduisaient des limitations et, d'autre part, les onze autres, donc plus nombreuses, qui tenaient à des désaccords ou incertitudes portant sur des montants élevés.

Enfin, il a indiqué que la formulation de réserves, accompagnées de précisions relatives aux conditions requises pour qu'elles puissent être levées, et d'engagements pris par les ministres concernés, était l'option la plus juste et la plus pédagogique.

M. Christian Babusiaux a enfin souligné la grande utilité de la nouvelle comptabilité générale, à la fois pour l'appréciation de la situation des finances publiques et pour la gestion des administrations. Concernant l'appréciation de la situation des finances publiques, il a indiqué que la nouvelle comptabilité générale permettait, par exemple, l'évaluation de la dette non financière de l'État et la constatation que, si la dette financière a légèrement baissé, la dette non financière a augmenté sensiblement. Quant à la gestion des administrations, il a indiqué que le nouveau système comptable avait permis, entre autres, des progrès dans le domaine de la gestion des opérations d'armement par la défense, de la gestion des stocks du ministère de la santé, de la gestion des actifs immobiliers de l'État et de l'évaluation des dépenses de personnel.

En conclusion, M. Christian Babusiaux a souligné qu'un axe de travail de la Cour des comptes dans le domaine comptable pour l'année 2007 serait l'examen de la cohérence entre la comptabilité budgétaire et le résultat comptable, d'une part, et entre, d'autre part, le tableau de financement de l'État, le résultat budgétaire et le résultat comptable.

Un large débat s'est ensuite instauré.

M. Jean Arthuis, président , s'est dit éclairé sur la démarche de la Cour des comptes et les difficultés auxquelles elle avait dû faire face.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a souhaité savoir comment la Cour des comptes hiérarchisait ses réserves et quelle interprétation économique elle faisait des données issues du compte général de l'État et du tableau retraçant les flux de trésorerie de l'État. Il a également souhaité connaître ses remarques ou ses réserves concernant les comptes de la Caisse des dépôts et consignations et les modalités de leur consolidation avec ceux de l'État.

M. Christian Babusiaux a indiqué que les réserves de la Cour des comptes étaient classées dans l'ordre décroissant d'importance. S'agissant de l'interprétation économique du compte général de l'État et du tableau de financement, il a précisé que c'était l'objet du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de l'État, ainsi que du rapport sur les résultats et la gestion de l'État, qui, cette année, utilisent déjà largement les résultats de la certification.

Concernant les opérations de trésorerie de l'État, il a indiqué que celui-ci avait, en partie, réussi à mieux gérer sa trésorerie. Il a également précisé que l'État avait souscrit à des billets de trésorerie émis par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), fin 2006, pour un montant de 5 milliards d'euros, ce qui n'était pas contestable. En revanche, M. Christian Babusiaux a indiqué que la Cour des comptes avait estimé critiquable la souscription d'un montant de 2 milliards d'euros par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), conduisant ainsi à diminuer le besoin de trésorerie de l'État en même temps que le niveau de la dette en termes « maastrichtiens ».

M. Yves Fréville a regretté, tout d'abord, la fin de la publication mensuelle des Situations résumées des opérations du Trésor (SROT). Il a ensuite émis des doutes sur l'utilité de la comptabilité générale de l'État, s'agissant de l'analyse de la mission « Défense », et a notamment soulevé la question de la valorisation des actifs militaires. Enfin, il s'est interrogé sur la signification du caractère exhaustif des données contenues dans la comptabilité générale et sur le lien de cette dernière avec la comptabilité nationale.

M. Jean Arthuis, président , a relevé que la comptabilité nationale n'aidait pas réellement les gestionnaires à prendre leurs décisions.

M. Christian Babusiaux a précisé que les comptes de l'État n'avaient pas encore atteint un degré de sophistication tel que celui décrit par M. Yves Fréville, et que les problèmes relevés par la Cour portaient sur des montants très élevés. Il a relevé que la comptabilité nationale avait vocation à être alimentée par la comptabilité générale. Il a souscrit à l'analyse développée par M. Jean Arthuis, président, et a également souligné l'intérêt de la comptabilité générale pour les gestionnaires.

M. Yann Gaillard , après avoir noté la qualité des travaux de certification des comptes de l'État menés par la Cour des comptes, s'est interrogé sur leur utilisation et leur diffusion au delà du Parlement.

M. Christian Babusiaux a mis en évidence l'utilité, pour le Parlement, de l'information comptable fournie par la Cour des comptes, qui rendait possible une meilleure analyse du budget de l'État. Il a également indiqué que cette utilité serait de plus en plus forte à l'avenir, puisque les Français seront de mieux en mieux informés de ces problématiques.

M. Jean Arthuis, président , a ensuite évoqué la nécessité de provisionner les contentieux qui engagaient l'État, citant à ce titre les récents travaux remis par Mme Fabienne Keller en sa qualité de rapporteur spécial, portant sur les contentieux communautaires en matière de droit de l'environnement.

M. Philippe Marini, rapporteur général , a mis en évidence le lien existant entre budget et comptabilité patrimoniale. Il s'est interrogé, en particulier, sur l'évaluation du coût des travaux indispensables pour maintenir l'état de conservation des monuments historiques.

M. Yann Gaillard a déclaré souscrire à l'analyse de M. Philippe Marini, rapporteur général.

M. Jean Arthuis, président , s'est ensuite interrogé sur la prise en compte de la situation du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans l'évaluation de la dette de l'État.

M. Jean-Jacques Jégou a évoqué, enfin, la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, évaluée à près de 7 milliards d'euros au 31 décembre 2006.

M. Christian Babusiaux a indiqué que le FSV, comme le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), était considéré comme une entité non contrôlée par l'État, mais que la Cour des comptes en avait tenu compte dans la certification des comptes de la sécurité sociale, en jugeant nécessaire de consolider une quote-part du résultat du FSV avec les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page