CONCLUSION

La plupart des grands musées étrangers, comme le Metropolitan Museum de New York, le British Museum ou le musée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg, ont développé ces dernières années des stratégies au niveau international, avec plus ou moins de succès.

Qu'on le veuille où non, il existe aujourd'hui un véritable marché de l'art et la concurrence entre les grands musées est très forte sur la scène internationale.

Or, notre pays dispose de formidables atouts dans ce domaine, avec un patrimoine d'une richesse exceptionnelle et une expertise reconnue.

Dès lors, pourquoi ne pas permettre à nos grands musées nationaux, en particulier au musée du Louvre, qui avec plus de 8 millions de visiteurs est le plus grand musée du monde, de développer des coopérations au niveau international et de valoriser cette richesse au profit de nos musées tout en contribuant à la diffusion du modèle de musée universel ?

Bien entendu, cela ne doit pas se faire dans n'importe quelles conditions et il existe des exemples de dérives commerciales, comme l'illustre le cas de la Fondation Guggenheim.

Toutefois, il semble à votre Rapporteur que, dans le cas des accords relatifs au projet du musée universel d'Abou Dabi, il existe de sérieuses garanties pour empêcher de telles dérives.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique.

Votre Rapporteur souhaite toutefois que l'Assemblée nationale et le Sénat, au travers de leurs commissions permanentes compétentes ou d'une mission ad hoc, soient régulièrement informés de la mise en oeuvre concrète de ce projet, de l'utilisation des fonds versés par les autorités d'Abou Dabi, ainsi que de l'action de l'Agence « France Museums », dans ses aspects administratifs, ses choix scientifiques et sa gestion financière.
Votre Rapporteur considère, en particulier, que l'Agence « France Museums » devrait rendre chaque année un rapport au Parlement, qui puisse éventuellement donner lieu à un débat en séance publique, en présence de toutes les commissions concernées.

Le projet Louvre Abou Dabi est novateur et donc risqué. Toutes les conditions de sa réussite doivent être rassemblées. Un contrôle parlementaire régulier en est une garantie essentielle.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport lors de sa séance du 19 septembre 2007.

A la suite de l'exposé du rapporteur, Mme Catherine Tasca a tout d'abord regretté que les négociations menées entre, d'une part, l'ancien ministre de la culture et l'actuel président directeur du Louvre et, d'autre part, les autorités émiriennes concernant le projet du Louvre Abou Dabi aient été menées dans le plus grand secret et sans concertation avec les milieux scientifiques et les conservateurs. Elle a également regretté les conditions dans lesquelles le Sénat était appelé à se prononcer sur cet accord, compte tenu de son inscription tardive par le gouvernement à l'ordre du jour des prochains travaux du Sénat en séance publique. Elle a souhaité, à l'image du rapporteur, que la ministre de la culture soit présente lors du débat en séance publique de ce projet de loi.

Sur le fond, elle a considéré que, au-delà du discours sur le rayonnement de la France dans cette région et sur le dialogue entre les cultures et les civilisations, ce projet marquait un véritable tournant dans la politique culturelle de l'Etat et la tradition des musées nationaux français.

Elle a rappelé que la location du patrimoine artistique était un phénomène réservé jusqu'à présent à certains musées américains, à statut privé, tels que la fondation Guggenheim, mais que cette pratique n'avait jamais eu cours jusqu'à présent en France et qu'elle était contraire à l'idée même de patrimoine national et aux principes républicains.

Or, elle a considéré que, avec le projet Louvre Abou Dabi, cette pratique jusque là réservée à certains musées américains, à statut privé, était érigée en politique publique, dès lors que cet accord était un accord conclu entre l'Etat français et un Etat étranger.

Elle a également fait valoir que les autres musées français avaient été mis devant le fait accompli et elle s'est interrogée sur le statut, l'encadrement scientifique et le rôle de l'agence internationale des musées de France. Quelle sera la place réservée aux autres musées nationaux au sein de cette agence, s'est-elle interrogée.

Elle a également souhaité avoir des éclaircissements sur les garanties prévues par cet accord et sur la politique d'exposition.

Mme Catherine Tasca a considéré que, en réalité, dans cette affaire, les considérations financières l'avaient emporté sur toute autre considération, compte tenu de l'importance des contreparties financières proposées par les Emirats arabes unis, dans un contexte où les subventions de l'Etat consacrées aux musées nationaux étaient largement insuffisantes.

Elle a considéré que cet accord représentait un tournant en France dans la politique de l'Etat à l'égard du patrimoine et des musées nationaux, en encourageant la commercialisation du patrimoine national, une « marchandisation » de la culture, avec notamment l'entorse au principe de la gratuité du prêt des oeuvres d'art.

M. Robert Bret a indiqué qu'il partageait pleinement les préoccupations de Mme Catherine Tasca. Il a indiqué que son groupe voterait contre l'adoption du projet de loi.

En réponse, Mme Monique Cerisier-ben Guiga a indiqué qu'elle regrettait également l'absence de concertation et d'information préalable de la part du gouvernement et l'inscription tardive de ce projet de loi à l'ordre du jour des prochains travaux en séance publique du Sénat.

Elle a toufefois indiqué qu'elle ne partageait pas les craintes exprimées par ses collègues au sujet de ce projet et qu'elle récusait l'expression de « marchandisation de la culture ».

Elle a, en effet, rappelé que la pratique des contreparties en matière d'échange des oeuvres d'art n'était pas un phénomène nouveau, étant donné que si les grands musées, qui disposent de riches collections, fonctionnent habituellement par le jeu d'échanges mutuels et gratuits de prêts et d'emprunt d'oeuvres pour leurs expositions temporaires, c'était dans l'intérêt bien compris d'une réciprocité, mais que cela ne concernait toutefois pas les musées éloignés des circuits internationaux ou qui ont des collections relativement réduites. Ainsi, de nombreux musées japonais, américains, canadiens et australiens sollicitent des expositions pour lesquelles ils offrent des contreparties financières, le plus souvent sous la forme de financements versés à l'établissement prêteur par des mécènes, qui peuvent être des individus ou des sociétés, comme le montre l'exemple de la coopération entre le musée du Louvre et le High Museum d'Atlanta.

Cette coopération culturelle d'une ampleur inédite devrait aussi favoriser le dialogue des cultures et des civilisations entre l'Orient et l'Occident, dans une région du monde, au carrefour des continents, où les échanges culturels et artistiques peuvent constituer le vecteur du dialogue politique, a-t-elle estimé.

Le projet Louvre Abou Dabi est certes novateur et donc risqué, d'après Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Toutes les conditions de sa réussite doivent donc être rassemblées, ce qui nécessite notamment un contrôle parlementaire étroit et régulier. Elle propose qu'un contrôle sur une base annuelle soit effectuée par les trois commissions des affaires étrangères, des affaires culturelles et des finances sur l'activité de France Museums, que des auditions communes soient organisées et un rapport annuel publié.

Après avoir rappelé que la commission des affaires culturelles avait procédé, en 2007, à de nombreuses auditions sur cette question afin d'éclairer la représentation nationale, M. Jacques Blanc, président, a considéré que cet ambitieux projet était de nature à participer au rayonnement de la France à l'étranger et que, pour sa part, il y était très favorable. Il a indiqué que le débat en séance publique sur cet accord devrait permettre au gouvernement de répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées chez certains collègues.

La commission, Mme Catherine Tasca et M. Robert Bret s'abstenant, a alors adopté ce projet de loi .

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