III. LE COMPTE SPÉCIAL « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT »

A. UNE ORGANISATION RÉNOVÉE EN 2007

1. Création, nature et fonction du compte

a) Une création inspirée par le Parlement

Le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » n'avait pas d'équivalent sous l'empire de l'ordonnance du 2 janvier 1959 et la LOLF n'avait pas prévu son existence . Il constitue une innovation de l'article 8 de la loi de finances rectificative pour 2005, qui l'a institué a posteriori pour l'exercice 2005, et de l' article 47 de la LFI pour 2006 .

Le législateur, par cette création, a entendu doter d'un outil de pilotage la politique de valorisation et de mobilisation du patrimoine immobilier de l'Etat menée par le gouvernement depuis 2003, et conçue comme un élément important de la réforme de l'Etat lui-même. On doit rappeler que c'est sous l' impulsion des travaux du Parlement que cet outil a été introduit dans l'organisation budgétaire 38 ( * ) .

b) Un compte d'affectation spéciale « de droit commun »

A l'instar du compte « Participations financières de l'Etat », le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat constitue un compte d'affectation spéciale au sens de l'article 21 de la LOLF. Cependant, contrairement au compte « Participations financières de l'Etat », il s'agit d'un compte d'affectation spéciale « de droit commun », soumis à la règle de limitation des versements du budget général aux recettes des comptes d'affectation spéciale ( cf. supra ).

Tel que l'a organisé la LFI pour 2006 et modifié l'article 32 de la LFI pour 2007 (qui a étendu son périmètre 39 ( * ) ), ce compte fait apparaître :

- en recettes, le produit des cessions des biens immeubles de l'Etat (produit qui figure au titre des recettes non fiscales dans l'annexe « Evaluation des voies et moyens » jointe aux projets de LFI, ligne 2211) et les fonds de concours 40 ( * ) ;

- en dépenses, celles requises en termes d'investissement et de fonctionnement à la suite d'opérations de cession, d'acquisition ou de construction d'immeubles réalisées par l'Etat , ainsi que les dépenses de même nature réalisées par des établissements publics sur des immeubles relevant du domaine de l'Etat .

Le compte a également vocation à retracer, en recettes comme en dépenses, des transferts avec le budget général de l'Etat , qu'il s'agisse, en pratique, de versements dans le cadre d'opérations immobilières (avances, par exemple) ou de restitutions à l'Etat d'une part non prédéterminée par la loi du produit des cessions immobilières, afin de contribuer au désendettement.

c) Le « tableau de bord » des opérations patrimoniales de l'Etat propriétaire, outil en devenir d'une politique encore à construire

Le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » peut être considéré comme l'un des piliers de la politique de rationalisation du patrimoine immobilier de l'Etat . Il constitue en effet un véritable « tableau de suivi » des opérations de cessions et, en particulier, retrace la part du produit de ces ventes affectée au désendettement public .

Ce faisant, ce compte s'inscrit parmi l'ensemble des mesures qui, depuis 2004, ont circonscrit la nouvelle politique immobilière de l'Etat, notamment la mise en place de schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) par ministère et l'instauration de loyers budgétaires acquittés par les services de l'Etat ( voir l'encadré ci-dessous ).

Les nouveaux instruments de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat

Depuis 2004, année de mise en oeuvre de la nouvelle politique de dynamisation du patrimoine immobilier de l'Etat, outre la création par la LFI pour 2006 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », les mesures suivantes ont été instaurées :

- la refonte du statut domanial des bureaux administratifs , désormais classés dans le domaine privé de l'Etat, par l'ordonnance du 19 août 2004;

- l' amélioration des modalités de cession des biens domaniaux par le décret du 4 novembre 2004 (cession amiable par voie d'appel d'offres) ;

- la clarification de l'affectation des immeubles à usage de bureau dans la nouvelle rédaction de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;

- l'élaboration de trois listes d'immeubles à vendre , rendues publiques en novembre 2004, mars 2005 et février 2006 respectivement, qui ont contribué aux résultats de cessions enregistrés pour ces trois années ( cf. infra ) ;

- la rénovation du tableau général des propriétés de l'Etat ( TGPE ), outil de comptabilité patrimoniale, dont les données doivent être reprises dans CHORUS, outil budgétaire interministériel dont la mis en oeuvre est prévue à partir de 2009 ;

- la poursuite de l'adaptation du droit domanial, amorcée dès 2004, avec la promulgation du code général de la propriété des personnes publiques (assouplissement des conditions de cession, de recours au crédit bail et au bail emphytéotique et harmonisation des règles applicables par les collectivités publiques) ;

- la création du conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE), en juin 2006. La nouvelle instance, créée pour cinq ans, « suit et évalue pour le compte du ministre chargé du domaine l'avancement de la démarche de modernisation et l'évolution du parc immobilier de l'Etat » et « formule régulièrement au ministre chargé du domaine des recommandations et des préconisations opérationnelles pour améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ». Le conseil est composé de deux de nos collègues députés, et de deux sénateurs : notre collègue Adrien Gouteyron et votre rapporteur spécial ont été désignés par le Sénat ; il comprend également des représentants de professionnels de l'immobilier et une personnalité étrangère qualifiée ;

- les schémas pluriannuels de stratégie immobilière ( SPSI ), documents qui décrivent les diagnostics et orientations stratégiques de chaque ministère. Ils ont été réalisés pour les administrations centrales au premier semestre 2006 et finalisés pour les administrations déconcentrées en 2007. Les SPSI doivent déboucher sur la cession d'immeubles inoccupés ou mal adaptés aux besoins des administrations occupantes ;

- l'expérimentation en 2006, sur trois ministères (MINEFI, MAE, Justice) de loyers « budgétaires », généralisés pour les administrations centrales en 2007 et devant être étendus en 2008 aux services déconcentrés présents dans 26 départements , incluant les dix agglomérations principales. En 2006, ces loyers avaient été calculés sur la base des valeurs patrimoniales inscrites au TGPE, auxquelles avaient été appliquées le taux de 5,12 %, correspondant au taux moyen de remboursement de la dette de l'Etat, inférieur à celui du marché (6 %) ; pour 2007, ce taux a été relevé à hauteur de 5,4 % ; pour 2008, compte tenu de la diversité des territoires concernés eu égard à l'extension du dispositif aux services déconcentrés, des taux locaux ont été déterminés, en fonction de la nature des zones d'implantation (zones « sur-urbaines », urbaines, périurbaines, rurales). La mise en oeuvre de ces taux doit conduire à une masse globale de loyers budgétaires de 700 millions d'euros (contre un peu plus de 300 millions d'euros en 2007). Le CIE a recommandé une évolution vers l'application aux administrations de véritables loyers « de marché » ;

- la restructuration du service des domaines, devenu France Domaine , et son rattachement à la direction générale de la comptabilité publique (DGCP) à compter du 1 er janvier 2007 (mais, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, cette direction est appelée à fusionner, à brève échéance, avec la direction générale des impôts, ancien rattachement du service). Incarnant la fonction d'Etat propriétaire (par opposition aux administrations occupantes), le service a été doté de missions élargies, qui ne se limitent plus aux tâches d'évaluation patrimoniale et de rédaction des actes, mais consistent dans une mission générale de conception et de mise en oeuvre de la politique immobilière de l'Etat , en procédant aux arbitrages requis. Il est organisé au niveau central en deux entités : le bureau chargé des missions domaniales (législation et contentieux, TGPE et comptabilité patrimoniale de l'Etat) et la mission chargée de la politique immobilière (stratégie immobilière, loyers budgétaires, valorisation du patrimoine public). Au niveau déconcentré, les services territoriaux rattachés aux TPG comptent des services départementaux du domaine, des brigades régionales domaniales (au nombre de 24, outre la direction nationale des interventions domaniales) et des pôles « supra départementaux » de gestion des patrimoines privés.

Enfin, il convient ici de mentionner la circulaire du Premier ministre du 28 février 2007 relative à la modernisation de la gestion immobilière de l'Etat, qui rappelle les principes de la politique immobilière : une stratégie basée sur les SPSI et des critères de performance, un Etat propriétaire qui conclut des conventions d'occupation avec les ministères locataires qui acquittent des loyers, un patrimoine mieux entretenu.

Toutefois, le devenir de la politique immobilière de l'Etat et du compte d'affectation spéciale qui lui est associé apparaît aujourd'hui subordonné à un choix politique clair et irréversible . Il est en effet concevable de décider :

- soit de s'en tenir à l'existant , c'est-à-dire un système d'incitation des ministères aux cessions ( cf. encadré ci-après ) et la réalisation des ventes dans les meilleures conditions possibles pour les intérêts de l'Etat. Mais, dans cette hypothèse, l'instauration du CIE et l'actuel développement des loyers budgétaires sembleraient superflus ;

- soit de développer une politique immobilière globale . C'est en faveur de cette seconde option que s'engage résolument votre rapporteur spécial , sauf à laisser « au milieu du gué » les instruments déjà en place, et ne pas donner leur chance de plein rendement aux efforts déjà entrepris.

Dans ce cadre, outre que l'identification et l'appréciation du patrimoine immobilier de l'Etat constituent encore aujourd'hui une tâche à mener 41 ( * ) , et sans méconnaître la lourdeur administrative que suppose toute centralisation de compétences, la fonction de « propriétaire » de l'Etat doit s'affirmer davantage dans les années qui viennent . En lien avec les réflexions du CIE en cours, il s'agirait notamment pour l'Etat :

- d'une part, d' assumer pleinement les attributs de la propriété . A cet effet, la relation propriétaire/occupants est à redéfinir, notamment pour l'immobilier de bureaux. Au delà de la démarche stratégique, certaines fonctions, comme celle de l'entretien, sont à assumer plus nettement . Les propositions de votre rapporteur spécial ( cf. infra ) s'inscrivent dans cette perspective ;

- d'autre part, d' optimiser l'exercice territorial de ses responsabilités en la matière. En effet, si au niveau central la responsabilisation sous une autorité unique des directeurs en charge de l'immobilier des ministères s'est accentuée (malgré le maintien de certains particularismes), au niveau local il conviendra de suivre attentivement les résultats du nouveau rattachement de France Domaine à la DGCP, et ses bénéfices attendus à travers le rôle transversal des TPG dans leurs relations avec les collectivités territoriales ;

- enfin, de poursuivre l'adaptation du cadre financier donné à cette politique. A cet égard, il faut considérer que le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », dans sa configuration actuelle, ne représente qu'une étape. Ce compte, en effet, a d'abord été conçu comme un dispositif d'incitation aux cessions, dans la perspective de rationaliser le patrimoine immobilier de l'Etat. Cependant, les règles d'intéressement aux ventes actuellement en vigueur entretiennent les ministères dans leur posture de « propriétaire » des immeubles qui leur sont affectés , et pourraient dès lors comporter certains effets pervers. Aussi convient-il de commencer à les réviser ( cf. encadré ci-dessous ). En effet, une gestion de l'Etat efficace, en ce domaine, ne peut à terme que reposer sur une complète « mutualisation » ou « fongibilité » interministérielle des ressources comme des dépenses immobilières.

L'intéressement des ministères aux cessions immobilières de l'Etat :

un régime à corriger progressivement

Modifiant le dispositif antérieurement fixé par la circulaire du 21 février 1992 relative à la réforme de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat (circulaire dite « Cresson »), le gouvernement, depuis 2004, a défini un nouveau régime d'intéressement des ministères à la cession d'immeubles. En son état actuel, ce dispositif se présente comme suit.

Dans l'hypothèse de cessions donnant lieu à relogement de services , les ministères bénéficient, de manière automatique en cas de cessions dont le produit est inférieur à deux millions d'euros, d'un retour de 85 % de ce produit, en vue de financer les opérations de relogement ou, si leurs dépenses réelles à cet égard s'avèrent inférieures, pour d'autres dépenses immobilières. Les 15 % restant sont affectés au désendettement de l'Etat . S'agissant des cessions d'un montant supérieur à 2 millions d'euros, les conditions de relogement font l'objet d'une validation préalable par le ministre chargé du budget, sur la base des propositions des administrations concernées et après une instruction centralisée qui associe le service France Domaine, la direction du budget et le secrétariat général du conseil de l'immobilier de l'Etat.

Dans le cas de cessions d'immeubles inoccupés , les ministères bénéficient de 50 % du produit des ventes si celui-ci est supérieur à deux millions d'euros, 85 % s'il est inférieur. Les 50 % et 15 % restant respectivement sont affectés au désendettement de l'Etat.

Pour les immeubles militaires , par dérogation, l'intéressement du ministère de la défense a été fixé à 100 % du produit des cessions réalisées. Par ailleurs, des « contrats de performance » souscrits individuellement par les ministères, peuvent conduire à l'adaptation des règles de principe . Ainsi, les services de l'équipement récupèrent 95 % du produit de vente des immeubles dont ils disposent ; le ministère des affaires étrangères et la direction générale du trésor et de la politique économique (DGTPE) bénéficient quant à eux, en ce qui concerne les immeubles situés à l'étranger, d'un intéressement de 100 % du produit des cessions.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur la légitimité de ces « régimes de faveur ». Plus généralement, il estime qu'en vue de ne pas maintenir les réflexes de « quasi-propriétaires » des administrations à l'égard des immeubles qui leurs sont affectés, une révision de l'ensemble des règles d'intéressement précitées doit être progressivement conduite , dans le sens d'une intensification de l'effort de désendettement associé aux cessions et, partant, d'une minoration des avantages consentis aux administrations, pour les supprimer à terme.

Ainsi, il préconise que, dès 2009, le partage de principe du produit des ventes se fasse à hauteur de 25 % en faveur du désendettement de l'Etat .

D'une manière générale, l'Etat doit poursuivre l'objectif d'élaborer une politique immobilière d'ensemble , qui ne saurait ni se résumer à des opérations de cession lesquelles ne doivent pas constituer un objectif « final », mais seulement l'un des vecteurs d'une gestion cohérente , ni se cantonner à une logique essentiellement ministérielle . Ce dernier aspect de l'organisation actuelle, en effet, a toutes les chances de conduire à des dysfonctionnements, issus d'une appréhension fragmentée des stratégies à mettre en oeuvre . Le cas de l'immeuble du 20, avenue de Ségur, à Paris (immeuble envisagé pour accueillir, notamment, la future Maison de la francophonie), pourrait d'ores et déjà en constituer une illustration aussi regrettable qu'éclairante ( cf. encadré ci-après ).

Dans le même ordre d'idée, les opérations immobilières des établissements publics ne devraient pas être abandonnées à leur seule responsabilité et, le cas échéant, à leur inexpérience en la matière. Sur ce plan, les conditions peu profitables, pour l'Etat, de la cession de l'immeuble de l'Imprimerie nationale ( cf. encadré ci-après ) doivent servir d'« anti-modèle ». Aussi votre rapporteur spécial rejoint-il les appréciations portées par notre collègue Joël Bourdin, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dans son rapport sur le présent PLF, quant à la cession programmée des bâtiments anciennement affectés à l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) : il n'est pas souhaitable de confier la responsabilité de cette vente à l'Office interprofessionnel des grandes cultures, qui s'en remettra à un opérateur privé, plutôt qu'à France Domaine ou à la SOVAFIM.

La cession et le rachat de l'immeuble de l'Imprimerie nationale,

l'implantation de la Maison de la francophonie :

quels enseignements tirer de deux « ratés » de la gestion immobilière de l'Etat ?

« L'affaire » de l'Imprimerie nationale signale notamment l'opportunité d'organiser un « portage » pour certains immeubles de l'Etat .

Votre commission des finances, le 17 octobre 2007, a organisé une audition, ouverte à l'ensemble de nos collègues et à la presse 42 ( * ) , sur les conditions dans lesquelles s'est réalisée la vente , finalisée en 2005 mais engagée dès 2002, par l'Imprimerie nationale, de l'immeuble « historique » qu'elle occupait, à Paris, rue de la Convention, puis le rachat par l'Etat de ce même immeuble , engagé fin 2006 et conclu en 2007, en vue d'affecter les bâtiments au ministère des affaires étrangères (MAE, aujourd'hui ministère des affaires étrangères et européennes). Dix-sept mois ont séparé les actes authentiques des deux opérations ; entre temps, le MAE a réorienté sa stratégie pour d'implantation parisienne de ses services, de sorte que l'acquisition de l'ancien immeuble de l'Imprimerie nationale lui est apparu opportune.

Il suffira ici de rappeler que l'Imprimerie nationale avait cédé son immeuble au prix total de 93 millions d'euros (compte tenu d'un complément du prix initialement conclu, versé en application des clauses de la vente à hauteur de 18 millions d'euros), alors que l'Etat l'a racheté au prix de 325 millions d'euros .

Suivant les conclusions du rapport de l'Inspection générale des finances sur ce dossier 43 ( * ) , la différence de prix de l'immeuble (232 millions d'euros) entre les deux ventes s'explique essentiellement, à la fois :  par les importantes opérations de valorisation du bien menées par le groupe Carlyle, acquéreur lors de la vente réalisée par l'Imprimerie nationale, auquel l'Etat a racheté l'immeuble ;  par l'appréciation de ce bien résultant de l'évolution du marché de l'immobilier de bureaux, dans la capitale, entre 2002 (à la date de la promesse de vente de l'Imprimerie nationale) et 2006 (lors de la promesse de « revente », à l'Etat, du groupe Carlyle). Il demeure que les conditions de cette double opération, à l'évidence, n'ont pas été optimales au regard des finances publiques.

Aussi, on peut penser que l'expérience appelle, pour l'avenir, à un renforcement des moyens d'expertise immobilière de France Domaine, par un recours plus substantiel qu'aujourd'hui à des professionnels du secteur , soit à travers le recours aux prestations de cabinets spécialisés, soit par le recrutement contractuel d'agents formés en ce domaine.

Par ailleurs, comme l'a souligné le rapport précité de l'Inspection des finances, ce cas illustre bien le bénéfice que pourraient trouver les intérêts patrimoniaux de l'Etat à l'existence d'une structure permettant aux services publics de se décharger des coûts d'occupation et d'entretien des immeubles dont ils ont la disposition mais, au moins dans l'immédiat, pas l'usage, tout en évitant le recours à des cessions , dans la mesure où ces immeubles devraient à plus ou moins court terme s'avérer nécessaires aux missions assurées par l'Etat ou ses établissements publics.

Dans cette perspective, votre rapporteur spécial s'associe tout particulièrement à l'amendement à l'article 26 du présent PLF présenté par notre collègue Philippe Marini , rapporteur général, au nom de votre commission des finances 44 ( * ) . Cet amendement vise à prévoir expressément la faculté, pour l'Etat et ses établissements publics, de transférer leurs biens immobiliers à la SOVAFIM, dans des conditions stipulées avec celle-ci, en vue qu'elle assure le « portage » de ces biens , et les valorise, avant leur retour dans le patrimoine de l'Etat ou leur cession à l'un de ses établissements publics . Cette disposition, en pratique, viserait tous les cas de figure où l'Etat ou ses établissements publics disposent d'immeubles qui leurs sont devenus inutiles, mais dont l'usage sera à nouveau pertinent, dans un avenir relativement proche, pour des services publics. Il s'agit de permettre :

- soit un « portage » de biens de l'Etat qui seront cédés par la SOVAFIM à un établissement public, ou de biens d'un établissement public qui seront cédés à l'Etat, ou de biens d'un établissement public qui seront cédés à un autre établissement public ;

- soit un « portage » de biens de l'Etat en vue que la SOVAFIM les « re-transfère » à l'Etat même. Dans l'intervalle, l'opération permettrait de décharger les services affectataires des coûts d'occupation (loyers budgétaires) et d'entretien afférents aux biens considérés.

Cet amendement, en dernière analyse, tend à écarter le risque de ventes « bradées », par l'Etat ou ses démembrements, sous la pression des coûts que représentent des charges liées à la gestion d'immeubles inemployés.

L'objectif vise particulièrement les établissements publics , dont les cessions immobilières ne bénéficient pas, en principe, de l'assistance de France Domaine. Il s'agit de les inciter à utiliser le nouvel outil de gestion immobilière que l'article 26 du présent PLF tend à faire de la SOVAFIM en rénovant le cadre de son activité, étendue à la valorisation de l'ensemble des actifs immobiliers de l'Etat et de ses établissements publics.

Le cas de l'immeuble du 20, avenue de Ségur, à Paris, illustre la nécessité de globaliser la gestion immobilière de l'Etat .

La confusion actuelle sur la future affectation de l'immeuble sis au 20, avenue de Ségur, dans le VII e arrondissement de la capitale, du point de vue où se place votre rapporteur spécial, peut être perçu comme un reflet des risques encourus, pour les deniers publics, du fait d'une gestion principalement ministérielle , et comme telle fragmentaire, du patrimoine immobilier de l'Etat. En effet, ce bâtiment, actuellement en cours de rénovation, devait à l'origine abriter :

- d'une part, pour les deux tiers de sa surface (soit environ 22.000 m 2 ), le ministère chargé de l'écologie (aujourd'hui ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, MENAD), qui l'occupe depuis 1994, et dont le déménagement, le temps des travaux, a été budgétairement prévu par la LFI pour 2007 (à hauteur de 40 millions d'euros d'AE, inscrits dans la mission « Ecologie et développement durable ») ;

- d'autre part, pour le tiers de la surface restant, la future « Maison de la francophonie », projet visant à regrouper sur un site unique l'ensemble des institutions en charge de la francophonie ayant leur siège à Paris, conformément à la convention signée par la France, en septembre 2006, avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) 45 ( * ) .

Cette convention a fait l'objet d'un projet de loi de ratification, déposé au Sénat en mars 2007 (n° 281, 2006-2007), dont l'examen était compris dans l'ordre du jour prévu par le décret du Président de la République du 27 juin 2007 convoquant le Parlement en session extraordinaire. Cependant, lors de l'audition par votre commission des finances, le 17 juillet 2007, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement du budget pour 2006, de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, notre collègue Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », a exprimé ses préoccupations quant à la dérive des coûts de l'opération visant à installer la Maison de la francophonie dans les locaux de l'avenue de Ségur (un investissement passant de 35 millions d'euros, suivant l'estimation initiale, à 85 millions d'euros puis à 120 millions d'euros selon les dernières estimations, alors que la LFI pour 2007 a prévu à ce titre 60 millions d'euros d'AE, inscrits dans la mission « Gestion et contrôle des finances publiques »). Par la suite, le projet de loi de ratification précité n'a pas été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée.

Dans ces conditions, à l'heure actuelle, le lieu d'installation de la future Maison de la francophonie reste incertain. En outre, il n'apparaît plus assuré que le MENAD regagne l'avenue de Ségur , le gouvernement actuel ne souhaitant pas nécessairement mettre en oeuvre un projet « hérité » du gouvernement précédent, alors que le périmètre du ministère chargé de l'écologie, d'un gouvernement à l'autre, s'est trouvé très sensiblement modifié.

Il revient aujourd'hui à France Domaine de prospecter toutes les pistes de sortie de cette situation regrettable, aux allures d'« impasse ». En particulier, dans l'hypothèse où la Maison de la francophonie et le MENAD devraient ne pas s'installer au 20, avenue de Ségur, le service devra déterminer le meilleur sort souhaitable pour cet immeuble (affectation en fonction des besoins des administrations ou cession, ou encore « portage » à travers la SOVAFIM) et trouver pour la Maison de la francophonie un bâtiment correspondant à ses besoins spécifiques, quitte à remettre en cause, le cas échéant, la cession en cours d'un immeuble qui trouverait là son utilité. En d'autres termes, seule une appréhension globale du patrimoine immobilier de l'Etat permettra de trouver une solution dans ce dossier .

On remarquera que le même type de problématique et d'exigences se trouve à l'oeuvre en ce qui concerne la recherche actuelle d'un immeuble permettant de rassembler ses services au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement .

2. L'architecture de la mission correspondante

Comme le compte « Participations financière de l'Etat » ( cf. supra ), dans la LFI pour 2006, la mission correspondant au compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ne comportait qu'un programme unique, homonyme (le programme 721). La LFI pour 2007 a modifiée cette situation : afin de respecter les prescriptions organiques rappelées par le Conseil constitutionnel 46 ( * ) , la mission est désormais constituée de deux programmes .

Les modalités de cette transformation, mutatis mutandis , ont été similaires à celles mises en oeuvre pour le compte « Participations financières de l'Etat » : le programme unique de la mission correspondant au compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », dans la LFI pour 2006, comportant deux actions, chacune a été érigée en programme distinct. Depuis 2007, la mission se compose ainsi des deux programmes suivants, programmes « mono-action » : le programme 721 , « Contribution au désendettement de l'Etat », et le programme 722 , « Dépenses immobilières ».

Les deux programmes sont placés sous la responsabilité du chef du service France Domaine , actuellement M. Daniel Dubost 47 ( * ) .

* 38 Le détail de ces travaux a été retracé par votre rapporteur spécial à l'occasion de l'examen du PLF pour 2007 : voir le rapport précité n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 12, p. 34.

* 39 Cf. notamment le rapport précité n° 78 (2006-2007), tome III, annexe 12, p. 42.

* 40 La présence de fonds de concours au sein du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » constitue une innovation de la LFI pour 2007. Cet élargissement de périmètre de ses recettes doit permettre au compte de retracer des versements en provenance d'autres acteurs que l'Etat, qui seraient parties prenantes d'opérations immobilières concernant celui-ci, en particulier les collectivités territoriales, et notamment celles dont les services sont logés dans des « cités administratives ».

* 41 Le TGPE est mis à jour par les ministères et centralisé par France Domaine. Il donne une vision juridique (droits de l'Etat, ministères affectataires, services utilisateurs) et une valeur vénale indicative du patrimoine. Outil de comptabilisation patrimoniale en cours de fiabilisation, il ne constitue pas une base de données exhaustive sur les biens identifiés ; il retrace peu ou mal les données d'urbanisme et de gestion économique et administrative des biens (coût des charges, effectifs logés, ratios d'utilisation). Seul le rapprochement entre TGPE, système de gestion des occupations (GIDE) et systèmes locaux de gestion pourra apporter une connaissance complète des caractéristiques du patrimoine immobilier de l'Etat.

Par ailleurs, il n'existe pas de référentiel technique unique permettant d'apprécier la qualité d'entretien et de conservation des immeubles. Quelques initiatives ministérielles ont été prises en ce sens, mais de façon dispersée et en fonction des politiques suivies par chaque administration.

Les SPSI, depuis 2006, représentent un premier effort de croisement des diverses dimensions de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat, alors que les démarches antérieures en ce sens n'avaient pas intégré les conditions d'occupation. Parallèlement, le chantier du système d'information CHORUS prévoit la reprise des fonctionnalités du TGPE à l'horizon 2009, après un travail de fiabilisation des données. A terme, il s'agit d'articuler celles-ci avec des bases et outils complémentaires, afin d'assurer la gestion patrimoniale et locative (SPSI, loyers, entretien, etc.) en toute connaissance de cause.

* 42 Audition de MM. Jean-Luc Vialla, ancien président-directeur général de l'Imprimerie nationale, Xavier Hürstel, sous-directeur à la direction du budget, Jean-Yves Leclerc, sous directeur à l'Agence des participations de l'Etat, Philippe Dumas, inspecteur général des finances, Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, Eric Sasson, président du fonds Carlyle Real Estate pour l'Europe, et Christopher Finn, managing director du groupe Carlyle. Cf. le rapport d'information n° 37 (2006-2007) de votre rapporteur spécial et nos collègues Bernard Angels, Marie-France Beaufils et Adrien Gouteyron.

* 43 Rapport n° 2007-M-069-01, établi par M. Philippe Dumas, communiqué à votre commission des finances. Votre rapporteur spécial a auditionné M. Philippe Dumas le 31 octobre 2007.

* 44 Cf. le rapport général de notre collègue Philippe Marini sur le présent PLF, tome II.

* 45 Cf. notamment la communication de notre collègue Catherine Tasca à votre commission des affaires étrangère, le 25 juillet 2007.

* 46 Décision précitée du 29 décembre 2005.

* 47 Dans le cadre de l'examen du présent PLF, votre rapporteur spécial a auditionné M. Daniel Dubost, ainsi que M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, le 25 octobre 2007.

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