N° 173

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 janvier 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l' Organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français ,

Par M. Xavier PINTAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan, président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue, vice - présidents ; MM. Jean-Guy Branger, JeanLouis Carrère, Jacques Peyrat, André Rouvière, André Trillard, secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mmes Paulette Brisepierre, Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Hubert Falco, Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir le numéro :

Sénat : 153 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi d'un projet de loi autorisant l'approbation de l'Accord entre le Gouvernement de la République française et l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'organisation ITER et aux privilèges et immunités de l'Organisation ITER sur le territoire français.

Ce texte constitue une déclinaison de l'accord signé à Paris le 21 novembre 2006 et établissant l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion.

Cet accord, qui définit l'objet, la structure institutionnelle et les modes de gestion de l'organisation ITER prévoyait en effet, dans son article 12, qu'un accord de siège devait être conclu entre l'Organisation et son Etat hôte, la France.

L'accord soumis à l'examen du Sénat a, par conséquent, pour objet de régir le statut du personnel, des représentants des Etats parties à ITER et de l'organisation ITER ainsi que de ses experts. Il établit, comme c'est l'usage dans de tels accords, des facilités, privilèges et immunités.

Avant d'exposer le contenu de cet accord de siège, votre rapporteur procédera à un bref rappel de l'objet de l'organisation ITER, la maîtrise de la fusion nucléaire, et l'historique de ce projet.

I. ITER, UNE COOPÉRATION À L'ÉCHELLE MONDIALE POUR LA MAÎTRISE DE L'ÉNERGIE DE FUSION

A. L'ÉNERGIE DE FUSION

L'augmentation continue de la consommation d'énergie, la disparition programmée des énergies fossiles, la dépendance du continent européen en matière énergétique et les conséquences de l'effet de serre sur l'environnement n'offrent que peu d'alternatives à la maîtrise de la consommation et à la recherche de nouveaux modes de production d'énergie.

La fusion est l'une des voies explorées.

1. Le principe

Très rapidement, il existe deux types de réactions nucléaires permettant de produire de l'énergie à grande échelle :

Fusion de deux noyaux légers

Fission d'un noyau lourd (source CEA)

- la fission, phénomène à l'oeuvre dans les centrales nucléaires actuelles, dans laquelle un noyau lourd se brise sous l'effet du choc d'une particule ;

- et la fusion dans laquelle deux noyaux légers se combinent, phénomène à l'origine de l'énergie produite dans le soleil qui nous procure chaleur et lumière par la conversion d'hydrogène en hélium.

Les atomes d'hydrogène du soleil fusionnent sous la pression due à la gravité qu'il n'est pas possible de reproduire sur terre. L'objectif est donc de créer les conditions de la fusion par d'autres moyens.

Parmi les réactions de fusion envisageables, celle qui combine le deutérium et le tritium, deux isotopes de l'hydrogène, est la plus simple à réaliser. On estime que quelques kilogrammes de deutérium et de tritium permettraient de produire autant d'énergie que 10 000 tonnes de pétrole. Le deutérium se trouve en grande quantité dans l'eau et il est peu coûteux à isoler tandis que le tritium, qui n'existe pas dans la nature, peut être obtenu à partir du lithium.

Afin de fusionner, les noyaux atomiques doivent acquérir une vitesse suffisante, obtenue en chauffant le combustible à très hautes températures, de l'ordre de 100 à 150 millions de degrés. A cette température, le mélange deutérium tritium devient ce qu'on appelle un plasma, un état particulier de la matière où les noyaux, animés d'une très grande vitesse, peuvent fusionner par collision.

Contenu dans une enceinte en forme d'anneau et tenu à l'écart des parois, pour éviter le refroidissement, par des champs magnétiques de grande intensité (les aimants représentent près de 30 % du coût de l'installation ITER), le plasma permet d'obtenir des réactions de fusion.

Une partie de la réaction de fusion permet d'entretenir la température de façon quasi autonome, tandis que l'autre partie de la réaction produit une énergie qui peut être orientée vers la production d'électricité selon un processus classique (échangeurs de chaleur, vapeur et turbines).

Un réacteur à fusion est donc composé d'un « coeur », où se produit la réaction nucléaire, entouré d'une enveloppe destinée à la production du tritium ainsi qu'à la récupération de l'énergie produite.

Une fois maîtrisée, la fusion pourra jouer un rôle important dans la production d'énergie : le combustible est disponible et pratiquement inépuisable ; un réacteur de fusion ne produit pas de gaz à effet de serre ; la réaction de fusion peut être arrêtée très rapidement, en quelques secondes et ne présente donc pas de risque d'emballement ; aucun des combustibles de base n'est radioactif et la fusion ne produit pas de déchets radioactifs à vie longue : seuls les matériaux du réacteur devront être stockés environ 100 ans.

2. Les projets en cours

Le projet ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) s'inscrit dans une démarche de coopération internationale engagée de longue date sur l'énergie de fusion. Des premiers résultats ont été obtenus sur plusieurs installations expérimentales spécialisées.

Des réactions de fusion contrôlées ont été obtenues pour la première fois en 1991, mais les défis scientifiques et techniques à relever restent de taille : dans l'installation actuelle la plus performante, l'énergie dégagée par la fusion est voisine de l'énergie injectée dans le processus.

Le projet Joint European Torus (JET) a été lancé en 1978. Il s'agit d'une entreprise européenne commune financée à 80 % par Euratom et à 10 % par l'Autorité britannique de l'énergie atomique. Installé à Culham, en Grande-Bretagne, le JET est en fonctionnement depuis 1983. Il s'agit de la plus grande installation de ce type dans le monde. Elle est plutôt consacrée à l'étude de la physique des plasmas « performants » sur des temps courts (quelques secondes).

La machine Tore Supra , installée à Cadarache depuis 1988, est plus spécialisée dans la maîtrise des plasmas moins performants mais sur des durées beaucoup plus importantes (2 minutes et plus).

Sur le fondement des résultats obtenus par ces différentes installations, l'objectif principal d'ITER est de démontrer la maîtrise de la combustion entretenue d'un plasma deutérium-tritium sur des temps longs.

Le projet ITER vise à produire une puissance de fusion de plusieurs centaines de mégawatts avec une amplification de puissance supérieure à 10, c'est à dire que le rapport entre l'énergie injectée dans le plasma (50 Megawatt) et celle issue de la fusion (500 Megawatt) doit être de un à dix.

B. ITER, UNE COOPÉRATION À L'ÉCHELLE MONDIALE

1. Un processus engagé il y a plus de 20 ans

ITER est un projet de collaboration internationale autour d'un dispositif visant à démontrer la faisabilité scientifique et technique de l'énergie de fusion. Ce projet scientifique à l'échelle planétaire est né en 1985 sur proposition de l'Union soviétique.

Un accord international a été signé en 1988 entre l'Europe, les Etats-Unis, le Japon et l'Union soviétique dont la coopération a abouti, en 2001, à un projet détaillé pour une installation expérimentale.

Chronologie du projet ITER

- Novembre 1985 : Sommet de Genève, l'Union Soviétique de Mikhaïl Gorbatchev propose de construire un « Tokamak » de nouvelle génération

- Octobre 1986 : Les Etats-unis, l'Europe et le Japon acceptent cette proposition et le projet est placé sous l'égide de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA)

- Avril 1988 à 1998 : Elaboration technologique du projet

- Fin 1998 : Les Etats-unis se retirent du projet ITER

- Juillet 2001 : Achèvement de l'ingénierie détaillée du nouveau projet

- Janvier 2003 : Les Etats-unis et la Chine rejoignent le projet

- Juin 2003 : La Corée du Sud rejoint le projet

- Novembre 2003 : Cadarache devient le site candidat européen pour accueillir ITER

- Juin 2005 : Décision de l'implantation d'ITER en France

- Décembre 2005 : l'Inde rejoint le projet

- 21 novembre 2006 : signature à Paris de l'Accord sur l'établissement de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER entre la communauté européenne, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée, la Russie et les Etats-Unis.

- 25 octobre 2007 : entrée en vigueur de l'Accord ITER

- 7 novembre 2007 : signature de l'Accord de siège

2. Le choix du site de Cadarache

Le site de Cadarache (Bouches du Rhône) a été retenu, le 28 juin 2005, au terme d'une compétition avec trois autres sites, au Canada, en Espagne et au Japon. En 2003, l'Espagne s'est rangée à une candidature européenne unique en contrepartie de la localisation à Barcelone de l'Agence ITER-Europe, chargée de la mise en oeuvre des engagements européens dans ITER. Cadarache était en concurrence avec le site japonais de Rokkasho-Mura.

En contrepartie du choix de Cadarache, le Japon a obtenu :

- de fournir 20 % de l'équipe du projet,

- de proposer le nom du chef d'équipe,

- d'obtenir 20 % des contrats industriels,

- la mise en oeuvre d'un programme de recherche complémentaire appelé « l'approche élargie » qui représente environ 700 millions d'euros (50 % Europe, 50 % Japon) et auquel la France contribue pour 50 % de la part de l'Europe, soit un total, pour la France, de 169,5 millions d'euros au maximum, sous forme de contributions en nature,

- la construction d'un centre d'étude des matériaux ainsi que la construction au Japon de DEMO, le prototype de réacteur industriel qui devrait être construit après ITER.

Le site de Cadarache couvre une surface totale de 40 hectares. L'aménagement du site est intégralement pris en charge par la France pour un engagement de 215 millions d'euros.

Le projet créera environ 500 emplois directs pendant la phase de construction et 1 000 pendant la phase d'exploitation. En outre 1 400 emplois indirects devraient être créés dans la région PACA pendant la phase de construction et 2 400 pendant la phase d'exploitation.

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