N° 174

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 janvier 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d' irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ,

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Jacques Gautier, Mme Jacqueline Gourault, M. Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. François Pillet, Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Pierre Vial, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (13 ème législature ) : 442 , 497 et T.A. 77

Sénat : 158 (2007-2008)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, le 22 janvier 2008, la commission, réunie le mercredi 23 janvier 2008 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi n° 158 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental .

La commission des lois a d'abord examiné le volet du projet de loi consacré à la rétention de sûreté qui constitue une mesure entièrement nouvelle dans notre droit puisqu'elle autorise un enfermement après la peine, renouvelable d'année en année sans limitation de durée.

L'analyse de la commission s'est appuyée sur des travaux antérieurs et en particulier sur le rapport de la mission d'information conduite par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier sur la question des délinquants dangereux atteints de troubles psychiatriques. Elle s'est appuyée également sur les informations recueillies par le rapporteur et plusieurs de ses collègues à la suite de très nombreuses auditions, de visites régulières dans les établissements pénitentiaires et de déplacements à l'étranger (en Belgique et au Canada).

La commission des lois a estimé qu'il existe un large accord sur trois constats : l'évaluation de la dangerosité, aujourd'hui très insuffisante en France, doit intervenir au plus tôt et conduire à une prise en charge effective dès le début de la détention ; il existe au sein des établissements pénitentiaires une proportion importante de personnes atteintes de troubles mentaux qui doivent bénéficier par priorité de soins ; enfin les prisons comptent aussi certaines personnes atteintes de troubles graves de la personnalité qui ne sont pas, en l'état actuel des connaissances, selon une majorité de psychiatres, susceptibles de soins et peuvent être très dangereuses. La commission a constaté que le dispositif de la rétention de sûreté visait précisément cette dernière catégorie de personnes.

Sur la base de ces observations, elle a adopté deux amendements tendant à :

- prévoir une évaluation de la personne au centre national d'observation -actuellement implanté dans la maison d'arrêt de Fresnes- dans l'année qui suit sa condamnation . Au vu du bilan dressé, le juge de l'application des peines pourrait définir un parcours individualisé d'exécution de la peine ; en outre, il pourrait décider, si l'évaluation fait apparaître des troubles psychiatriques graves, le transfert de la personne au sein de l'une des unités hospitalières spécialement aménagées, pour la prise en charge des malades mentaux détenus (UHSA), dont la création est prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 et qui devraient ouvrir cette année (article premier) ;

- renforcer l'évaluation, un an avant la fin de la peine , en vue de l'application de la rétention de sûreté en exigeant également une observation pluridisciplinaire de six semaines au centre national d'observation avant que la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté ne formule un avis.

La commission des lois a, par ailleurs, souhaité clarifier certains des aspects du dispositif proposé en indiquant en particulier que la commission chargée de prononcer la rétention de sûreté était une juridiction . De même, elle a considéré que les obligations prévues par le projet de loi dans le cadre d'une surveillance judiciaire prolongée ou d'un suivi socio-judiciaire prolongé ou celles susceptibles d'être imposées à l'issue d'une rétention de sûreté relevaient d'un régime identique et que la commission propose d'unifier sous la désignation de « surveillance de sûreté ».

Elle a en outre conforté les garanties dont la procédure est assortie en prévoyant notamment que les obligations auxquelles la personne est soumise à l'issue de la rétention de sûreté, dans le cadre de cette surveillance de sûreté, doivent être décidées après un débat contradictoire au cours duquel la personne est assistée par un avocat et peuvent faire l'objet de voies de recours.

La commission a observé que le projet de loi prévoyait l'application de la rétention de sûreté dans deux cas de figure, soit immédiatement après l'exécution de la peine d'emprisonnement, soit une fois la personne libérée, en cas de manquement grave à une obligation qui lui a été imposée.

Cependant, la commission a observé que l'article premier (art. 706-53-13), subordonnant l'application de la rétention de sûreté à l'issue de l'incarcération à une mention expresse dans la condamnation prévoyant le réexamen de la personne en vue d'une telle rétention, retarderait de plusieurs années cette modalité d'application de la rétention de sûreté. Dans ce délai, des individus particulièrement dangereux, pour lesquels un placement sous surveillance judiciaire puis sous surveillance de sûreté pourrait se révéler insuffisant, sortiraient de prison.

Or, la commission des lois a estimé qu'il n'était pas possible en l'espèce de s'affranchir du principe de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Elle a donc proposé d'introduire deux nouvelles obligations réservées aux individus les plus dangereux : l' assignation à domicile sous le régime de la surveillance électronique et la mesure de déplacement surveillé . Elle a en outre interdit qu'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité puisse bénéficier d'une libération conditionnelle sans l'avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté (article 12).

Par ailleurs, la commission a largement approuvé le volet du texte instituant une nouvelle procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui améliore le système actuel en permettant à la juridiction qui constate l'irresponsabilité pénale de se prononcer aussi sur la réalité des charges à l'encontre des mis en cause ainsi que, le cas échéant, sur les mesures de sûreté indispensables.

Enfin, la commission a assoupli le dispositif relatif à l'injonction de soins en maintenant la possibilité prévue actuellement par le code de la santé publique permettant à un psychologue d'intervenir à la place d'un médecin lorsque la personnalité du condamné le justifie.

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

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