Article 2 (art. 212-1 nouveau du code pénal) - Définition élargie des autres crimes contre l'humanité

Cet article modifie le premier alinéa de l'article 212-1 du code pénal afin de substituer à la définition actuelle des crimes contre l'humanité -autres que le génocide- celle, plus précise, reprise de l'article 7 de la convention de Rome.

Les crimes contre l'humanité tels qu'ils sont actuellement définis par l'article 212-1 réunissent trois caractéristiques :

- les actes concernés sont la déportation, la réduction à l'esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécutions sommaires, l'enlèvement de personnes suivi de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains ;

- ces actes doivent être inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ;

- enfin, ces actes doivent être organisés en exécution d'un « plan concerté » à l'encontre d'un groupe de population civile.

La transposition des termes de la convention de Rome se traduirait par trois modifications principales.

En premier lieu, le champ des comportements incriminés serait précisé. Sur le modèle de l'article 7 de la convention, la rédaction proposée vise non seulement comme aujourd'hui la déportation, la réduction en esclavage et l'enlèvement des personnes, mais aussi l'atteinte volontaire à la vie ou l'extermination (le code pénal mentionne aujourd'hui la notion plus restrictive d'« exécutions sommaires »), l'emprisonnement, le viol, la prostitution forcée ou toute autre forme de violence sexuelle d'une particulière gravité, l'arrestation ou la détention de personnes suivies de leur disparition, les actes de ségrégation. Elle reprend également la notion d'« actes inhumains », notion figurant à l'article 212-1 du code pénal et à la fin de l'article 7 de la convention de Rome afin de ne pas donner de caractère exclusif aux différents crimes contre l'humanité qu'elle énumère.

La rédaction proposée ne fait pas mention de deux types de comportement pourtant visés par le statut de Rome :

- l'« esclavage sexuel » qui toutefois paraît couvert par l'incrimination concernant la réduction en esclavage (3°) ou par celle visant toute forme de violence sexuelle d'une particulière gravité (5°) ;

- le « crime d'apartheid » dont les caractéristiques paraissent cependant se confondre avec les « actes de ségrégation commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systématique et de domination d'un groupe racial » (10°).

En second lieu, aux termes du présent article, ces différents comportements constitueraient un crime contre l'humanité dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique conformément aux stipulations de l'article 7 de la convention de Rome. En l'état du droit, les exécutions sommaires, les enlèvements, la torture ou les actes inhumains visés par le code pénal constituent des crimes contre l'humanité dès lors qu'ils constituent une pratique massive et systématique. L'exigence d'une condition cumulative est restrictive dans la mesure où si une pratique massive apparaît le plus souvent systématique, une pratique systématique n'est pas toujours massive. L'alignement sur la rédaction du statut de Rome lève cette restriction.

Il est vrai que la rédaction actuelle du premier alinéa de l'article 212-1 n'exige pas que la déportation et la réduction en esclavage s'inscrivent dans une « pratique systématique et massive » alors qu'elles devraient désormais, comme tous les autres crimes contre l'humanité, entrer dans le cadre d'une « attaque systématique ou massive ». Cette modification paraît sans incidence puisque la déportation et l'esclavage ne semblent pouvoir être considérés comme des crimes contre l'humanité, indépendamment d'une pratique systématique ou massive. En outre, elle permet opportunément de distinguer plus clairement entre l'esclavage, crime contre l'humanité, et d'autres infractions comme la traite des êtres humains, visée à l'article 225-4-1, susceptible de concerner un acte isolé.

Enfin, la dernière modification proposée lève la condition actuellement requise par l'article 212-1 selon laquelle le crime contre l'humanité n'est constitué que s'il est inspiré par des « motifs politiques, philosophiques, sociaux ou religieux ». Ces critères -d'ailleurs élargis aux discriminations ethniques et sexistes- ne seraient désormais retenus que pour caractériser la persécution (8°), les considérations liées à la race participant par ailleurs de la définition de la ségrégation (10°).

En revanche, la rédaction proposée par le projet de loi continue de lier le crime contre l'humanité à l'exécution d'un « plan concerté ». Sans doute, cette condition, reprise de la charte du Tribunal de Nuremberg, ne figure-t-elle pas dans la convention de Rome. Elle paraît néanmoins découler des stipulations définissant le crime contre l'humanité dans le cadre d'une « attaque généralisée ou systématique ». Elle permet, en outre, de mieux distinguer les crimes contre l'humanité des infractions relevant de la catégorie des crimes de guerre pour laquelle la condition du plan concerté n'est pas requise.

Il ne faut sans doute pas exagérer la difficulté de prouver le plan concerté car celui-ci peut se déduire de l'ampleur du crime lui-même.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

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