Article 3 (art. 213-4-1 nouveau du code pénal) - Responsabilité pénale du supérieur hiérarchique dans le cas d'un crime contre l'humanité commis par le subordonné

Cet article insère un nouvel article dans le sous-titre consacré aux crimes contre l'humanité afin de définir les conditions dans lesquelles la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique militaire ou civil peut être engagée dans les cas où il aurait pu empêcher ou réprimer l'exécution d'un crime contre l'humanité par un subordonné ou en référer aux autorités compétentes.

Outre l'hypothèse classique de la responsabilité pénale de celui qui « ordonne, sollicite ou encourage » la commission d'un crime contre l'humanité visée par l'article 33 du statut de Rome, ce texte, dans son article 28, prévoit aussi la responsabilité du supérieur hiérarchique qui reste inactif face aux agissements criminels du subordonné placé sous son autorité et son contrôle effectifs 22 ( * ) .

Ainsi, la responsabilité du chef militaire peut être engagée quand deux conditions sont réunies :

- il savait ou aurait dû savoir que ses forces commettaient ou allaient commettre des crimes contre l'humanité ;

- il « n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites ».

Les conditions dans lesquelles la responsabilité du supérieur hiérarchique civil est engagée sont plus strictes dans la mesure où le lien hiérarchique entre le chef et le subordonné est supposé moins fort que dans une organisation militaire. Elles sont au nombre de trois :

- le supérieur hiérarchique savait que ses subordonnés commettaient ou allaient commettre de tels crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations pertinentes (le texte de la convention n'exige pas en revanche qu'il « aurait dû savoir ») ;

- le supérieur n'a pas pris toutes les mesures en son pouvoir pour en empêcher ou réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites ;

- enfin, et cette condition n'est pas requise pour les militaires, les crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs.

En France, la mise en cause de la responsabilité pénale d'une personne du fait de sa passivité est encadrée. En effet, en vertu de l'article 121-1 du code pénal : « nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ». Cependant, la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique militaire peut être mise en cause sur la base de l'article L. 122-4 du code de justice militaire : « Lorsqu'un subordonné est poursuivi comme auteur principal d'une des infractions prévues à l'article L. 122-3 (crimes ou délits commis en temps de guerre) et que ses supérieurs hiérarchiques ne peuvent être recherchés comme co-auteurs, ils sont considérés comme complices dans la mesure où ils ont organisé ou toléré les agissements criminels de leurs subordonnés. » La responsabilité est alors recherchée par le biais classique de la complicité. Cependant, les termes du code de justice militaire sont en deçà de ceux du statut de Rome et ne visent pas en particulier les cas où l'autorité militaire « aurait dû savoir ».

Par ailleurs, le code pénal ne comporte pas de disposition permettant d'engager la responsabilité pénale du supérieur hiérarchique civil sinon dans le cadre général de la complicité visée par l'article 121-7 du code pénal 23 ( * ) : ainsi, la passivité du chef à l'égard d'un subordonné ne peut être poursuivie. Notre droit comporte donc des lacunes au regard des stipulations du statut de Rome.

Le présent article vise à les réparer en reproduisant les formulations de l'article 28 du statut. Il différencie exactement dans les mêmes termes les conditions dans lesquelles la responsabilité du chef militaire ou du chef du civil peut être recherchée même si dans les deux cas, comme le prévoit le statut de la CPI, leur responsabilité ne joue qu'à l'égard des subordonnés placés sous leur autorité et leur contrôle effectifs.

Conformément à la logique de notre droit pénal, le chef hiérarchique est considéré comme complice des faits et donc passible des mêmes peines que l'auteur. Cette nouvelle hypothèse de complicité s'ajouterait aux dispositions générales de l'article 121-7 du code pénal mais ne concernerait que les crimes contre l'humanité ou, comme le prévoit le nouvel article 462-7 que le présent projet propose d'insérer dans le code pénal, les crimes de guerre.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article sans modification .

* 22 S'agissant du chef militaire, le statut de Rome s'inspire de la convention de la Haye de 1907, de l'article 7 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg et des articles 86 (2) et 87 du protocole 1 des conventions de Genève de 1945. S'agissant des autres supérieurs hiérarchiques, le statut reprend les stipulations de deux tribunaux pénaux internationaux (Art. 7 (3) du statut du TPIY et du 6 (3) du statut du TPIR).

* 23 Selon l'article 121-7 : « Est complice d'un crime ou d'un délit la personne qui sciemment, par aide ou assistance, en a facilité la préparation ou la consommation.

Est également complice la personne qui par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir aura provoqué à une infraction ou donné des instructions pour la commettre. »

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