Art. L. 236-30 nouveau du code de commerce - Autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion et la constitution de la société nouvelle
L'article L. 236-30 nouveau du code de commerce détermine l'autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion et la constitution de la société qui en est issue .
L'article 11 de la directive 2005/56/CE impose à chaque Etat membre de désigner « le tribunal, le notaire ou toute autre autorité compétente pour contrôler la légalité de la fusion transfrontalière pour la partie de la procédure relative à la réalisation de la fusion transfrontalière et, le cas échéant, à la constitution d'une nouvelle société issue de la fusion transfrontalière lorsque la société issue de la fusion transfrontalière relève de sa législation nationale ».
L'autorité désignée par la législation nationale aura la charge de contrôler que les sociétés qui fusionnent ont approuvé le projet commun de fusion transfrontalière dans les mêmes termes et, le cas échéant, que les modalités relatives à la participation des travailleurs auront été fixées dans le respect des dispositions prévues par la directive et introduites dans le code du travail par les articles 3 et 6 du présent projet de loi.
A cet effet, il incombe à chaque société participant à l'opération de fusion de remettre à cette autorité :
- l'attestation de conformité qui aura été délivrée par le greffier en vertu de l'article L. 236-29 nouveau du code de commerce, et ce dans un délai de six mois à compter de sa délivrance ;
- le projet commun de fusion transfrontalière, approuvé par les associés de chacune des sociétés participant à la fusion.
Le Gouvernement a souhaité confier l'exercice de ce contrôle aux notaires.
Ce choix a le mérite d'être conforme à la solution retenue dans le cadre du contrôle de légalité de la constitution d'une société européenne par voie de fusion de sociétés anonymes 43 ( * ) .
Il n'en a pas moins été contestée par les députés, à l'initiative de sa commission des lois laquelle, à l'unanimité, a préféré octroyer cette compétence au greffier du tribunal dans le ressort duquel la société issue de la fusion a son siège. Cette position a été confirmée en séance publique par la majorité des députés présents, malgré l'opposition du Gouvernement.
Toutefois, dans un souci de compromis, la commission des lois, à l'initiative de son président Jean-Luc Warsmann, a rectifié son amendement afin de permettre aux sociétés concernées de s'adresser, pour ce contrôle de légalité, soit au notaire, soit au greffier . Cette solution a finalement été adoptée par les députés, le garde des Sceaux s'en étant remis à la sagesse de l'Assemblée nationale.
Votre rapporteur souligne que la question du choix de l'autorité de contrôle de la fusion est le seul point de débat de fond dans ce projet de loi.
Lors des auditions conduites par votre rapporteur, les représentants de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), de l'Association française des entreprises privées (AFEP) et du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ont unanimement souhaité attribuer cette compétence au greffier. Selon eux, cet octroi permettrait de simplifier et de raccourcir les délais de la procédure de fusion en confiant les tâches exigées par les articles 10 et 11 de la directive à une même autorité. Il semble donc très probable qu'en pratique, seuls les greffiers se verront solliciter par les sociétés pour délivrer ce certificat.
Il existe sans doute une logique réelle à faire assurer cette mission par le greffier, dans la mesure où il est l'interlocuteur traditionnel des créateurs et dirigeants d'entreprises. Pour autant, il faut souligner que le rôle qu'impose la directive 2005/56/CE à l'autorité chargée de ce contrôle est tout à fait nouveau et ne peut être comparé aux fonctions habituellement exercées par le greffier dans le cadre des fusions internes. Le contrôle de légalité ne saurait en effet revêtir un caractère simplement formel ; il est un contrôle de fond sur le respect des exigences requises, en particulier en matière de droit du travail.
A l'inverse, la fonction initialement accordée par le projet de loi à la profession notariale n'est non plus pas très proche de l'activité traditionnelle de ces professionnels, et ce d'autant plus que la constitution des sociétés n'est plus soumise en France à l'exigence d'un acte authentique depuis de longues années. Dans les faits, les notaires n'ont par ailleurs pas eu beaucoup d'occasions d'exercer le contrôle de la légalité dans le cadre de la constitution de sociétés européennes, tant celles-ci sont encore embryonnaires en France 44 ( * ) .
Quoi qu'il en soit, tant le Conseil supérieur du notariat que le Conseil national des greffiers de tribunaux de commerce ont indiqué à votre rapporteur, lors des auditions, qu'ils feraient en sorte de préparer leurs membres à l'exercice de cette responsabilité nouvelle. Sur ce point, les représentants du Conseil supérieur du notariat ont précisé que des structures d'appui aux notaires chargés d'exercer un contrôle de légalité des sociétés européennes avaient été créées dans chaque région. Ils ont en outre exposé que le Conseil supérieur proposerait dans les prochaines semaines des modules de formation spécifiquement dédiés au contrôle dans le cadre des fusions transfrontalières.
Si votre commission se satisfait du compromis réalisé par l'Assemblée nationale , elle tient à souligner qu'il ne sera pas sans conséquence en pratique de choisir de faire exercer le contrôle par un notaire ou, à l'inverse, par un greffier 45 ( * ) .
Choisir de faire certifier la légalité de la fusion présente incontestablement un avantage pour la rapidité de l'opération, dans la mesure où cela n'oblige pas à s'adresser à deux autorités distinctes. Cependant, le greffier, dans le cadre d'une telle fonction, sera soumis au président de la juridiction en cas de contentieux, ce qui peut être de nature à susciter des recours devant celui-ci et ainsi, à judiciariser à l'excès cette étape de la procédure.
En outre, en certains points du territoire, le greffe des tribunaux compétents en matière commerciale reste assuré par des fonctionnaires et non par des officiers publics comme dans le cadre des tribunaux de commerce. Or, en termes de responsabilité, cette différence n'est pas sans conséquence, puisque pour une même opération, le contentieux obéira aux règles de la responsabilité civile ou aux règles de la responsabilité administrative.
A l'inverse, le choix du notaire présente l'inconvénient de saisir une autre autorité, ce qui peut être source de délais supplémentaires. Au cours des débats devant l'Assemblée nationale, l'impartialité de ce professionnel a pu être mise en doute, notamment lorsqu'il est appelé à contrôler la légalité d'une opération à laquelle il a participé, en amont, en instrumentant ou en intervenant à titre de conseil. Le pouvoir réglementaire a néanmoins déjà réglé cette difficulté dans le cadre de la société européenne en instaurant de strictes règles d'incompatibilité 46 ( * ) . Il serait essentiel qu'une telle disposition soit reprise dans le cadre des fusions transfrontalières.
En revanche, l'action en responsabilité éventuelle contre le notaire sera exercée dans les conditions du droit commun, la caisse de garantie de la profession pouvant, le cas échéant, être amenée à supporter les conséquences financières résultant du préjudice subi du fait d'un contrôle de légalité déficient.
En tout état de cause, votre commission insiste pour que le contrôle de légalité , quel que soit le professionnel qui l'exerce, intervienne dans un délai aussi bref que possible . Aussi vous soumet-elle un amendement tendant à prévoir que ce contrôle devra être effectué dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat .
* 43 Deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 229-3 du code de commerce.
* 44 A l'heure actuelle, moins d'une dizaine de sociétés européennes ont été créées en France.
* 45 En revanche, quelle que soit l'autorité qui exercera le contrôle, elle sera, dans le cadre de son office, soumise à un même tarif, défini par le ministère de la justice.
* 46 Article R. 229-2 du code de commerce.