III. UNE RÉFORME PERFECTIBLE

Souscrivant à la réforme proposée, votre commission vous propose de prévoir dans la loi son extension aux collectivités d'outre-mer, le détour par une ordonnance n'apparaissant pas justifié . Les autres amendements qui vous sont soumis ont principalement pour objet de réformer les modalités de décharge du comptable public, afin d'assurer leur conformité à la Constitution, de maintenir la compétence des assemblées délibérantes des collectivités territoriales pour apprécier l'utilité publique de dépenses ayant donné lieu à gestion de fait, et d'harmoniser les délais de prescription des actions en responsabilité contre les comptables publics et les comptables de fait.

A. ASSURER LA CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION DES MODALITÉS DE DÉCHARGE D'UN COMPTABLE PUBLIC

Les conditions dans lesquelles un comptable public pourrait être déchargé de sa responsabilité pécuniaire et personnelle ne sont pas satisfaisantes ( articles 11 et 21 ).

En premier lieu, et selon le texte adopté par l'Assemblée nationale : « lorsque le ministère public ne relève aucune charge à son égard, le comptable concerné est déchargé de sa gestion par ordonnance du président de la formation de jugement ou d'un magistrat délégué à cette fin . » L'indicatif valant impératif en droit, le magistrat du siège aurait compétence liée à l'égard des conclusions du parquet . De telles dispositions seraient assurément contraires au principe d'indépendance de la justice, protégé tant par la Constitution française que par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Consciente de cette difficulté, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait déposé un amendement tendant à permettre au magistrat du siège de refuser de rendre l'ordonnance de décharge, sans toutefois tirer les conséquences de ce refus. L'amendement fut retiré en séance publique après que M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, eut fait valoir à juste titre que : « si le président d'une chambre ne signait pas l'ordonnance de décharge, il ne pourrait de toute façon pas poursuivre et la décharge du comptable serait acquise malgré tout au terme du délai de prescription actuellement fixé à six ans 22 ( * ) . »

Sur le plan pratique, les conséquences de cet amendement auraient été pires que celles d'une compétence liée du juge des comptes : en cas de départ à la retraite du comptable, ce dernier aurait dû attendre six ans pour obtenir quitus et aurait donc dû continuer à constituer des garanties et à s'assurer.

Sur le plan juridique, son adoption serait revenue à autoriser un véritable déni de justice, sans doute également contraire à la Constitution : alors que la compétence du juge des comptes est d'ordre public, celui-ci aurait pu refuser de rendre une décision de justice dont le sens ne lui aurait pas convenu.

En second lieu, les voies de recours « classiques » auxquelles le rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale et le secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement ont fait allusion paraissent insuffisantes .

Sans doute l'ordonnateur mécontent de la décharge d'un comptable n'ayant pas, à ses yeux, recouvré certaines recettes avec suffisamment de diligence pourrait-il, suivant les cas, soit faire appel de la décision du magistrat de la chambre régionale des comptes devant la Cour des comptes, soit introduire un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat contre l'ordonnance rendue par le magistrat de la Cour.

Toutefois, en l'absence de motivation de la décision du juge, il lui serait difficile d'étayer son recours. Pourrait-il obtenir communication du rapport du magistrat chargé d'examiner les comptes et des conclusions du ministère public ? Le projet de loi ne le prévoit pas.

Enfin, le requérant ne bénéficierait pas du double degré de juridiction et, s'agissant d'un recours contre l'ordonnance d'un juge de la Cour des comptes, la cassation ne pourrait être obtenue qu'en invoquant une erreur de droit, peu probable en l'espèce.

Pour remédier à ces difficultés, votre commission vous propose de prévoir la notification au comptable et à l'ordonnateur concernés du rapport du magistrat chargé de l'instruction ainsi que des conclusions du ministère public et de leur permettre de saisir directement la formation collégiale de jugement dans un délai de deux mois à compter de cette notification ; à défaut, le comptable serait déchargé de sa gestion par arrêté du ministre dont il relève .

* 22 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale, première séance du 10 avril 2008.

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