I. LA GESTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » N'EST PAS SATISFAISANTE

A. LA SOUS-BUDGÉTISATION DES CRÉDITS : UNE SITUATION PEU SOUTENABLE

Exécution des autorisations d'engagement du programme en 2007

(en euros)

LFI

Ouvertes

Consommées

Taux de consommation

Action 1 « Abaissement du coût du travail et dialogue social »

841.208.518

ND

800.205.600

ND

Action 2 « Mesures d'insertion et aides directes à l'emploi »

314.292.000

ND

428.986.545

ND

Total

1.155.500.518

1.252.099.090

1.229.192.145

98,2 %

Source : rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement

Exécution des crédits de paiement du programme en 2007

(en euros)

LFI

Ouverts

Consommés

Taux de consommation

Action 1 « Abaissement du coût du travail et dialogue social »

834.928.518

ND

793.081.424

ND

Action 2 « Mesures d'insertion et aides directes à l'emploi »

316.402.000

ND

316.189.428

ND

Total

1.151.330.518

1.116.535.038

1.109.270.852

99,35 %

Source : rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement

L'analyse de l'exécution budgétaire du programme 138 montre un bon niveau de consommation des crédits , supérieur à 98 % tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Le programme a fait l'objet de deux principales modifications réglementaires :

- d'une part, l'annulation de 46,06 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 45,32 millions d'euros en crédits de paiement , imputés majoritairement sur les crédits de l'action 1 « Abaissement du coût du travail et dialogue social » ;

- d'autre part, des ouvertures de crédits correspondant à un report d'autorisations d'engagement de 2006 sur 2007 à hauteur de 138,5 millions d'euros . Comme le notait votre rapporteur spécial dans sa contribution au rapport sur le projet de loi de règlement pour l'année 2006, ce report est de nature technique et « s'explique en grande partie par une erreur de saisine dans le logiciel ACCORD » 170 ( * ) .

1. La sous-budgétisation de l'action 1 « Abaissement du coût du travail et dialogue social » entraîne une dette de 532 millions d'euros

L'action 1 du programme 138 « Emploi outre-mer » regroupe essentiellement des crédits destinés à compenser aux organismes sociaux les conséquences financières des exonérations de charges patronales dont bénéficie l'outre-mer. La justification de ces crédits réside dans l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale qui dispose que « toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'État pendant toute la durée de son application ».

Or, l'outre-mer bénéficie de larges mesures d'exonération de cotisations de sécurité sociale. L'article 1 de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003 a, en effet, fortement élargi les exonérations spécifiques de charges sociales patronales destinées à favoriser l'emploi en outre-mer. Outre les entreprises de moins de 11 salariés, ces exonérations concernent des secteurs aussi divers que le BTP, le transport aérien, maritime et fluvial, l'industrie, la presse, les technologies de l'information et de la communication, le tourisme ou l'hôtellerie. Ces secteurs bénéficient d'une exonération totale des cotisations patronales sur tous les salaires, dans une limite qui varie entre 1,3 et 1,5 SMIC en fonction notamment du degré d'exposition du secteur à la concurrence.

Votre rapporteur spécial a fréquemment signalé la sous-budgétisation des dotations de compensation versées par l'État aux organismes de sécurité sociale . Dans sa contribution au rapport précité sur le projet de loi de règlement pour l'année 2006, il notait ainsi que « les crédits consacrés aux exonérations de charges sociales se sont élevés à 830 millions d'euros [...]. Or, le montant chiffré dû aux régimes sociaux s'élève pour cette année 2006 à 1.058,38 millions d'euros. En conséquence, le ministère a creusé en 2006 une dette de 235 millions d'euros ». Le montant cumulé de la dette aux organismes sociaux, telle qu'elle ressortait du rapport du contrôle économique et financier, s'élevait ainsi à 993 millions d'euros.

Les services du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique semblaient avoir pris conscience du problème en mettant en oeuvre un apurement de cette dette, dans le cadre d'une opération plus large concernant un total de dette de l'État vis-à-vis du régime général de sécurité sociale de 5,08 milliards d'euros.

Cette opération d'apurement ne semble pas avoir réglé le problème des impayés de l'État . La Cour des comptes, dans son rapport sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative publié en 2007 171 ( * ) , relève ainsi :

- d'une part, que l'apurement des retards de paiement envers les organismes du régime général de sécurité social s'est élevé à 352 millions d'euros, alors que « le montant total des arriérés à l'égard des régimes sociaux au 31 décembre 2006 s'établissait, avant l'opération d'apurement des dettes à l'égard du régime général [...] à 720 millions d'euros » ;

- d'autre part, que « le secrétariat d'État estime à 331 millions d'euros le montant des impayés nouveaux constitués en 2007 envers les organismes sociaux » du fait de la permanence de la sous-budgétisation des dotations de compensation aux organismes de sécurité sociale.

Par conséquent, le secrétariat d'État à l'outre-mer évalue à 532,55 millions d'euros au 31 décembre 2007 la dette résultant des sous-budgétisations chroniques des compensations des exonérations de charges sociales . Cette situation perdure en 2008. Votre rapporteur spécial relevait dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2008 172 ( * ) que « selon les dernières estimations disponibles, le coût des exonérations devrait atteindre, à droit constant, 1.153 millions d'euros en 2008. Or, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 867 millions d'euros » pour financer ces charges.

De manière plus générale, le rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel pour l'année 2007 173 ( * ) relève « un important volume d'impayés de près de 510,73 millions d'euros au titre du seul exercice 2007, à raison de :

« - 361,1 millions d'euros (AE=CP) pour les exonérations de charges sociales,

« - 17,5 millions d'euros (en CP) pour le logement,

« - 83,3 millions d'euros (en CP) pour les contrats de projets et contrats de développement,

« - 48,83 millions d'euros (en CP) correspondent, par ailleurs au non paiement d'une partie de la DGDE Polynésie française ».

Votre rapporteur spécial n'hésite pas à qualifier cette situation d'insoutenable . En effet, les coûts de compensation par l'État résultant des exonérations de charges sociales sont des dépenses obligatoires, qui résultent directement de dispositions législatives. Leur évaluation est prévisible et pourtant les dotations de l'État persistent à être systématiquement sous-évaluées .

Dans ce contexte, l'annulation de crédits à hauteur de 46,06 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 45,32 millions d'euros en crédits de paiement sur ce programme est particulièrement critiquable . La Cour des comptes, dans son rapport précité relatif aux mouvements de crédits opérés par voie administrative, relève ainsi que « les annulations effectuées par décret d'avance sur la mission « Outre-mer » ont porté sur des crédits dont il n'est pas possible de considérer qu'ils étaient sans objet. Elles se traduiront par une aggravation de la situation de tension qui caractérise déjà les programmes concernés et devraient induire des reports de charge sur l'exercice 2008 ». Votre rapporteur spécial ne peut que faire siens les commentaires de la Cour des comptes et estimer que ces annulations de crédits ne sont pas justifiées. Il estime, par ailleurs, qu'il conviendra d'être très attentif, dans l'examen des prochains projets de loi de finances, à la budgétisation de l'action « Abaissement du coût du travail et dialogue social ».

* 170 Rapport sur le projet de loi de règlement du budget 2006, n° 393 (2006-2007) - Tome II - contributions des rapporteurs spéciaux, Henri Torre, commission des finances.

* 171 Rapport au Parlement conjoint au projet de loi de finances rectificative - mouvements de crédits opérés par voie administrative - décrets portants ouverture et annulation de crédits à titre d'avance, Cour des comptes, novembre 2007.

* 172 Rapport sur le projet de loi de finances pour 2008, n° 91 (2007-2008) - Tome III - Annexe 18, Henri Torre, commission des finances.

* 173 Rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel près le ministère de l'outre-mer relatif à l'exécution budgétaire et à la situation financière et comptable ministérielle de l'année 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page