B. LE RETARD PAR RAPPORT À LA PROGRAMMATION N'EXPLIQUE QUE LA MOITIÉ DES ÉQUIPEMENTS MANQUANTS

1. La loi de programmation 1997-2002 : des dépenses inférieures d'environ 13 milliards d'euros aux crédits programmés

Dans le cas de la loi de programmation 1997-2002 , notre ancien collègue Maurice Blin 93 ( * ) , alors rapporteur spécial des crédits d'équipement de la mission « Défense », évaluait dès 2002 l'écart cumulé de dépenses par rapport à la version initiale de la loi, à 8,64 milliards d'euros de 2002, auxquels il fallait ajouter des crédits qui auraient dû s'ajouter à la programmation, mais qui s'y étaient en partie substitués, telles celles relatives au budget de la recherche civile et du développement (BCRD).

La Cour des comptes, de son côté, a toujours considéré que le niveau insuffisant des dépenses (et non de crédits d'équipement souvent non dépensés et détournés sur d'autres lignes) équivalait à une annuité de programmation soit un chiffre très proche de celui retenu par le Livre blanc .

Au total, le retard de dépenses par rapport à la programmation 1997 2002 est de l'ordre de 13 milliards d'euros .

La sous-exécution financière de la loi de programmation militaire 1997-2003

(en millions d'euros)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

LPM 1997-2002

14 265

14 265

14 265

14 265

14 265

14 265

85 590

Revue de programmes (RDP)

13 604

13 604

13 604

13 604

54 416

LFI

14 283

12 965

13 696

13 003

12 871

12 274

79 092

Exécution (LFE)

13 417

12 246

12 291

12 325

12 177

12 127

74 583

Budget civil de recherche et de développement (BCRD)

322

80

143

235

193

191

1 164

Sommes versées à la Polynésie au titre des conventions passées, hors loi de programmation, entre le territoire et l'État

23

40

67

103

116

92

441

LFI-BCRD-Polynésie-LPM/RDP

-327

-1 420

-779

-1 600

-1 703

-2 274

-8 103

LFE-BCRD-Polynésie-LPM/RDP

-1 193

-2 139

-1 523

-1 618

-1 736

-1 760

-9 969

LFE-BCRD-Polynésie-LPM

-1 193

-2 139

-2 184

-2 278

-2 397

-2 421

-12 612

Source : ministère de la défense

2. La loi de programmation 2003-2008 : des dépenses inférieures de seulement 1,5 à 3 milliards d'euros à la programmation ?

On a vu que, selon le Livre blanc , la loi de programmation 2003-2008 correspond à environ la moitié du retard pris pour la réalisation physique du modèle d'armée 2015 (11 milliards d'euros 94 ( * ) , sur un total de 24 milliards d'euros). Paradoxalement, d'un point de vue strictement financier, il ne paraît manquer que de 1,5 à 3 milliards d'euros par rapport aux dépenses prévues par la programmation . Ce paradoxe s'explique par le fait que, contrairement à la loi de programmation 1997-2002, la loi de programmation 2003-2008 s'est surtout caractérisée par des dérives de coûts .

Le tableau ci-après dresse un bilan purement financier de la loi de programmation 2003-2008.

Le Livre blanc évalue la différence de crédits entre la loi de programmation et la loi de finances initiale à 1 milliard d'euros sur la période 2003-2008, ce qui sous-estime peut-être la réalité. Le manque de crédits paraît plutôt devoir être évalué à 1,5 milliard d'euros , répartis entre :

- le fait que les « annuités LPM » sont indexées par le gouvernement au taux de 1,5 %, alors que la loi de programmation militaire prévoit une indexation sur l'inflation (ce qui correspond à un manque de crédits cumulé de 0,5 milliard d'euros si l'inflation est bien de 2,9 % en 2008, comme le prévoit actuellement le consensus des conjoncturistes) ;

- la politique de maîtrise des dépenses publiques, qui a conduit, depuis 2005, à une réduction des crédits de 0,2 % chaque année sur l'ensemble du budget de la défense, pensions comprises (soit un manque de crédits cumulé de 0,5 milliard d'euros) ;

- le fait que les crédits inscrits en loi de finances initiale sont inférieurs aux « annuités LPM » ainsi calculées par le gouvernement (soit un manque de crédits cumulé là encore de 0,5 milliard d'euros).

Le « bourrage », c'est-à-dire l'affection d'une partie de l'« enveloppe LPM » à des dépenses qui n'en relèvent pas a priori, réduit encore les crédits disponibles . Cette notion correspond essentiellement au programme 191 « Recherche duale » (ex-budget civil de recherche et de développement, BCRD), au bénéfice principalement du CNES. L'ambiguïté de la rédaction de la loi de programmation militaire 2003-2008 95 ( * ) ne permet pas de déterminer si les annuités qu'elle prévoit s'entendent hors recherche duale. Le gouvernement a fait le choix de considérer que tel n'était pas le cas. Ces dépenses s'élevant à environ 0,2 milliard d'euros par an, les « bourrages » réduisent d'environ 1,3 milliard d'euros sur 6 ans les crédits disponibles pour les dépenses entrant explicitement dans le champ de la loi de programmation. Ainsi, si la consommation des crédits affichée par le gouvernement, qui comprend les « bourrages », est quasiment égale aux crédits de loi de finances initiale (avec un manque cumulé de seulement 0,2 milliard d'euros sur la période), si l'on considère que les « bourrages » ne relèvent pas de la loi de programmation militaire, l'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution correspond à une sous-consommation de plus de 1,5 milliard d'euros .

Les transferts vers le CEA, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros par an, qui financent en particulier certains programmes liés à la dissuasion nucléaire - et qui ont été reclassés en dépenses en 2008 -, relèvent en revanche incontestablement de la loi de programmation militaire.

Cette légère sous-exécution de la loi de programmation militaire provient en partie du mode de financement des opérations extérieures (OPEX). En effet, les OPEX font l'objet d'une forte sous-budgétisation en loi de finances, et sont financées par des annulations de crédits d'équipement. De 2003 à 2007, les « surcoûts OPEX financés par des crédits d'équipement » ont été, selon le Livre blanc , de 0,9 milliard d'euros.

Au total, la sous-exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 pourrait être de l'ordre de 1,5 milliard d'euros, voire 3 milliards d'euros si l'on considère que les « bourrages » n'ont pas vocation à être financés par l'« enveloppe LPM ».

L'exécution financière de la loi de programmation militaire 2003-2008

(en milliards d'euros)

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Total

La détermination de l'enveloppe prévue par la LPM :

Annuité LPM en euros 2003 (montants figurant dans la LPM)

13,7

14,6

14,7

14,8

15

15,1

87,9

Ce qu'aurait été une indexation sur l'inflation (prévue par la LPM)

13,7

14,8

15,2

15,6

15,9

16,5*

91,8

Annuité LPM effectivement retenue par le gouvernement (indexation de 1,5 % par an)

13,7

14,8

15,2

15,5

15,9

16,2

91,3

Ecart par rapport à une indexation sur l'inflation

0

0

-0,1

0

0

-0,3

-0,4

Annualité LOPSI

0,1

0,1

0,1

0,2

0,2

0,2

0,9

CP assurant la neutralité fiscale (TVA) du changement de statut de DCN

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

0,6

Abattement de 0,2 % sur l'ensemble du budget de la défense, pensions comprises

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

-0,4

Transferts TV/TIII

2003

-0,1

-0,1

-0,1

-0,1

0

0

-0,4

2004

0

0

0

0

0

0

-0,1

2005

0

0

0

0

0

0

0

Consolidation

0

0

0

0

-0,2

-0,2

-0,4

Enveloppe prévue par la LPM, selon le gouvernement

13,6

14,9

15,2

15,7

15,9

16,3

91,7

La loi de finances initiale :

LFI

13,6

14,8

15,1

15,5

15,9

16

90,7

Ecart de l'enveloppe LPM (telle qu'évaluée par le gouvernement) et de la LFI

-0,1

0

-0,1

-0,1

0

-0,2

-0,5

L'exécution :

Dépenses qui ne relèvent pas a priori de la LPM (« bourrage ») :

Recherche duale (ex-BCRD), au bénéfice du CNES

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

1,2

Restructuration de DCN (volet social)

0

0,1

0

0

0

0

0,2

0,2

0,3

0,2

0,2

0,2

0,2

1,3

Consommation (transferts CEA compris) :

Consommation dont « bourrage » ci-avant

13,3

13,8

15,7

16

15,7

16

90,5

Ecart entre consommation y c « bourrages » et LFI

-0,3

-1

0,6

0,6

-0,2

0**

-0,2

Consommation hors « bourrage » ci-avant

13,1

13,5

15,5

15,8

15,5

15,8**

89,2

Ecart entre consommation hors « bourrages » et LFI

-0,4

-1,3

0,4

0,3

-0,4

-0,2**

-1,6

Ecart entre consommation hors « bourrages » et loi de programmation militaire indexée sur l'inflation

-3,3

* Hypothèse d'inflation de 2,9 % en 2008 (Consensus Forecasts, juin 2008). ** Prévision.

Source : calculs de vos rapporteurs spéciaux, d'après la Cour des comptes et le ministère de la défense

* 93 Rapport général n° 68 (2002-2003).

* 94 Montant déduit par vos rapporteurs spéciaux des autres chiffres indiqués par le Livre blanc (cf. supra).

* 95 « Au-delà de 2003, la part du budget civil de recherche qui relève de la défense et les charges afférentes à la restructuration de la direction des constructions navales, à l'exclusion de la recapitalisation, seront évoquées dans le cadre des discussions budgétaires annuelles. »

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