CHAPITRE IV - DISPOSITIONS RELATIVES AU JUGE DE L'EXÉCUTION

Article 7 (art. L. 721-7 nouveau du code de commerce) - Compétence concurrente du président du tribunal de commerce et du juge de l'exécution

Cet article insère un article L. 721-7 dans le code de commerce, afin d'y consacrer l'existence d'une compétence concurrente du président du tribunal de commerce et du juge de l'exécution pour prendre, avant tout procès, les mesures conservatoires (saisies conservatoires, sûretés judiciaires) concernant les créances relevant de la juridiction commerciale.

Cette double compétence est actuellement posée par l'article 69 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : « L'autorisation [de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur] est donnée par le juge de l'exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès 32 ( * ) , elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale ».

Elle s'explique par le constat suivant lequel les mesures conservatoires constituent généralement le signe annonciateur des difficultés financières de l'entreprise. L'alerte ainsi donnée devant le président du tribunal de commerce permet à ce dernier de prendre, du point de vue des procédures collectives, les dispositions qui lui paraissent devoir s'imposer.

Si la compétence du juge de l'exécution est exclusive et d'ordre public 33 ( * ) , celle du président du tribunal de commerce n'est, lorsqu'elle peut être invoquée, qu'optionnelle. En pratique souvent, comme le souligne M. Jacques Normand, doyen honoraire de la Faculté de droit et de science politique de Reims, dans le Jurisclasseur consacré aux voies d'exécution, « l'alarme sonne au tribunal de commerce ».

Plus détaillées que le premier alinéa de l'article 69 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, les dispositions proposées pour insérer un article L. 721-7 dans le code de commerce énumèrent les différentes catégories de biens susceptibles de faire l'objet de mesures conservatoires et les cas et conditions dans lesquels ces mesures peuvent être ordonnées. Il s'agit :

- des meubles et des immeubles, dans les cas et conditions prévus par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution ;

- des navires, dans les cas et conditions prévus par la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 relative au statut des navires et autres bâtiments de mer ;

- des aéronefs, dans les cas et conditions prévus par le code de l'aviation civile ;

- des bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes, dans les cas et conditions du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure.

Ces dispositions complèteraient le chapitre I er De l'institution de la compétence ») du titre II (« Du tribunal de commerce ») du livre VII (« Des juridictions commerciales et de l'organisation du commerce ») du code de commerce.

Tout en les approuvant, votre commission a souhaité préciser leur rédaction en faisant référence aux créances relevant « de la compétence » de la juridiction commerciale.

Elle a adopté l'article 7 de la proposition de loi ainsi modifié , qui devient l' article 7 du texte de ses conclusions .

Article 8 (art. 120, 121, 122, 123, 124, 125, 127, 128, 130, 131 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure) - Compétence du juge de l'exécution en matière de saisies des bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes

Cet article modifie les articles 120, 121, 122, 123, 124, 125, 127, 128, 130, 131 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure afin de transférer du tribunal de grande instance au juge de l'exécution 34 ( * ) les compétences relatives à la saisie et à la vente forcée des bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes .

La procédure , qui s'apparente à celle de la saisie immobilière, ne serait pas modifiée :

- nécessité d'un commandement de payer préalable à la saisie (article 119),

- notification au propriétaire de la copie du procès-verbal de saisie (article 120) ;

- citation dudit propriétaire devant le tribunal de grande instance (à l'avenir le juge de l'exécution) du lieu de la saisie pour voir dire qu'il sera procédé à la vente des choses saisies (article 121) ;

- transcription du procès-verbal de saisie au greffe du tribunal de commerce du lieu de l'immatriculation ou dans le ressort duquel le bateau est en construction, qui délivre un état des inscriptions (article 122) ;

- dénonciation de la saisie aux créanciers inscrits, avec l'indication du jour de la comparution devant le tribunal de grande instance (à l'avenir le juge de l'exécution) (article 122) ;

- fixation par le tribunal de grande instance (à l'avenir le juge de l'exécution) de la mise à prix et des conditions de la vente (article 124) ;

- réalisation de la vente sur saisie à l'audience des criées du tribunal de grande instance (à l'avenir du juge de l'exécution) quinze jours après une apposition d'affiche et une insertion de cette affiche dans un des journaux désignés pour recevoir les annonces judiciaires du ressort du tribunal et dans un journal spécial de navigation intérieure, le tribunal (à l'avenir le juge de l'exécution) ayant toutefois la possibilité d'ordonner que la vente soit faite ou devant un autre tribunal de grande instance (à l'avenir un autre juge de l'exécution) ou en l'étude et par le ministère soit d'un notaire, soit d'un autre officier public, au lieu où se trouve le bateau saisi (article 125) ;

- obligation pour l'adjudicataire de verser son prix sans frais, à la Caisse des dépôts et consignations dans les vingt-quatre heures de l'adjudication, à peine de folle enchère puis de présenter requête au président du tribunal de grande instance pour faire commettre un juge devant lequel il citera (à l'avenir attraira devant le juge de l'exécution) les créanciers à l'effet de s'entendre à l'amiable sur la distribution du prix (article 128) ;

- dans le cas où les créanciers ne s'entendraient pas sur la distribution du prix, établissement d'un procès-verbal de leurs prétentions et contredits et obligation pour chacun des créanciers de déposer au greffe du tribunal (à l'avenir du juge de l'exécution) une demande de collocation 35 ( * ) contenant constitution d'avoué avec titre à l'appui ; à la requête du plus diligent, appel des créanciers, par un simple acte d'avoué, devant le tribunal (à l'avenir le juge de l'exécution) qui statue à l'égard de tous, même des créanciers privilégiés (article 130) ;

- signification du jugement dans les trente jours de sa date, à avoué seulement pour les parties présentes, et aux domiciles élus pour les parties défaillantes ; absence de possibilité d'opposition mais possibilité d'appel dans un délai de dix, quinze ou trente jours à compter de la signification du jugement, selon que le siège du tribunal (à l'avenir le juge de l'exécution) et le domicile élu dans l'inscription sont dans le même arrondissement, dans le même département ou dans des départements différents (article 131) ;

- dans les huit jours qui suivent l'expiration du délai d'appel et, s'il y a appel, dans les huit jours de l'arrêt, établissement par le juge déjà désigné de l'état des créances, colloquées en principal, intérêts et frais (article 131) ;

- sur ordonnance par le juge-commissaire (à l'avenir le juge de l'exécution), délivrance par le greffier du tribunal de grande instance (à l'avenir le greffier du juge de l'exécution) des bordereaux de collocation exécutoire contre la Caisse des dépôts et consignations.

Les modifications proposées répondent à une recommandation du rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard, que votre rapporteur a entendu :

« Il serait opportun de confier cette compétence au juge de l'exécution du TGI, ainsi que la saisie conservatoire, lorsque celle-ci ne relève pas du tribunal de commerce .

« Pour l'ensemble de ces mesures d'exécution, le transfert de compétence devra s'accompagner des ajustements procéduraux qui s'imposent et d'une généralisation de la représentation obligatoire par avocat devant le juge de l'exécution du TGI, au regard de l'importance des enjeux et de la complexité des matières 36 ( * ) . »

Ce regroupement du contentieux paraît pertinent compte tenu de la technicité de la matière et de la proximité de la procédure avec celle de la saisie immobilière que le juge de l'exécution pratique déjà.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a adopté sans modification l'article 8 de la proposition de loi, qui devient l' article 8 du texte de ses conclusions .

Article 9 (art. L. 213-5, L. 213-6, L. 221-3-1 nouveau, L. 221-8, sous-section 5 nouvelle de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II, art. L. 221-11 et L. 221-12 nouveaux, art. L. 521-1 et L. 532-6-1 nouveau du code de l'organisation judiciaire) - Répartition du contentieux de l'exécution

Cet article modifie plusieurs articles du code de l'organisation judiciaire afin de regrouper le contentieux de l'exécution mobilière devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance et le contentieux de l'exécution immobilière ou quasi-immobilière devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance.

Les modifications proposées répondent à la recommandation n° 8 du rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par le recteur Serge Guinchard 37 ( * ) .

• La concentration du contentieux de l'exécution immobilière et quasi-immobilière devant le tribunal de grande instance

Le réécrit les articles L. 213-5 et L. 213-6, relatifs à l'organisation et aux compétences des juges de l'exécution des tribunaux de grande instance.

. Aux termes de l'article L. 213-5, les fonctions de juge de l'exécution sont actuellement exercées par le président du tribunal de grande instance, qui peut les déléguer à un ou plusieurs juges en fixant la durée et l'étendue territoriale de cette délégation .

Les modifications proposées consistent à prévoir que les fonctions de juge de l'exécution au tribunal de grande instance doivent être exercées par un ou plusieurs juges de l'exécution du tribunal d'instance .

Dans son rapport précité, la commission sur la répartition des contentieux explique avoir écarté l'idée de concentrer les procédures de saisie immobilière au tribunal d'instance du siège du tribunal de grande instance 38 ( * ) pour privilégier le maintien de la compétence du tribunal de grande instance, « en prévoyant toutefois que le juge de l'exécution exerçant au tribunal d'instance dans le ressort duquel est situé le TGI serait, de plein droit, le juge de l'exécution du TGI . »

Elle souligne que : « Cette solution est parfaitement possible puisque le juge d'instance est un juge du TGI et qu'en pratique il exerce sur le site ou, à tout le moins, dans l'agglomération du TGI. En confiant au même juge le soin de connaître de l'ensemble des procédures d'exécution, ce dispositif préserverait les apports de la réforme de la saisie immobilière et garantirait les conditions d'une harmonisation effective des règles intéressant les procédures d'exécution 39 ( * ) . »

Les modifications proposées constituent la traduction législative de cette idée séduisante. Toutefois, le caractère systématique du transfert des fonctions de juge de l'exécution du tribunal de grande instance à un ou plusieurs juges du tribunal d'instance a suscité l'opposition des représentants des organisations représentatives de magistrats entendus par votre rapporteur.

L'Association nationale des juges d'instance s'est ainsi déclarée favorable au maintien de la compétence du tribunal de grande instance en matière immobilière et quasi immobilière et même à l'exercice de ces fonctions par le juge d'instance.

Elle a toutefois attiré l'attention de votre rapporteur sur les difficultés de mise en oeuvre d'une telle réforme si les fonctions de juge de l'exécution étaient exercées, de plein droit, par le juge d'instance en toute matière :

« En effet, l'entrée en vigueur de la réforme des tutelles au 1 er janvier 2009 -faisant, notamment, obligation au juge des tutelles de réviser l'intégralité des mesures de protection dans un délai de cinq ans à peine de caducité des mesures- alourdit considérablement la charge des tribunaux d'instance. A cela s'ajoute la diminution des effectifs au sein des tribunaux d'instance concernés par la réforme de la carte judiciaire. Dans un tel contexte, prévoir l'attribution de plein droit des fonctions de juge de l'exécution au juge d'instance risque d'être source d'importants dysfonctionnements .

« Par ailleurs, les magistrats du tribunal de grande instance qui exercent actuellement les fonctions de juge de l'exécution en matière immobilière connaissent parfaitement bien la matière et rien ne s'oppose à ce qu'ils continuent d'exercer ces fonctions . »

Sensible à ces arguments, développés par l'ensemble des organisations représentatives de magistrats, votre commission a décidé de maintenir la compétence actuelle du président du tribunal de grande instance , étant précisé que l'article R. 213-6 du code de l'organisation judiciaire lui permet de déléguer les fonctions juridictionnelles qui lui sont spécialement attribuées à un ou plusieurs juges du tribunal, y compris aux magistrats du siège qui assurent le service d'un tribunal d'instance.

. Aux termes de l'article L. 213-6, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance détient une compétence exclusive, sauf lorsque les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas compétentes, à l'égard :

- des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ;

- des mesures conservatoires et des contestations relatives à leur mise en oeuvre ;

- de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle 40 ( * ) ;

- des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires ;

- des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.

Les modifications proposées, qui reprennent les recommandations de la commission sur la répartition des contentieux et recueillent l'assentiment de votre commission sous réserve de modifications rédactionnelles 41 ( * ) , consistent à modifier son champ de compétence :

- en y incluant, outre les immeubles, les biens quasi-immobiliers que sont les navires de mer, les aéronefs et les bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes ;

- en en retranchant les mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et la procédure de rétablissement personnel, qui seraient transférées au juge de l'exécution du tribunal d'instance .

Rapport de la commission sur la répartition des contentieux (extrait)

La commission souhaite par ailleurs créer un bloc cohérent de l'exécution en réunissant auprès de ce juge de l'exécution du TGI l'ensemble des procédures d'exécution portant sur des biens assimilés à des immeubles, navires, aéronefs et bateaux de 20 tonnes et plus 42 ( * ) .

? Saisie des navires

C'est ainsi qu'en matière de saisie des navires, la saisie conservatoire relève, en application de l'article 29 du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer, de la compétence du président du tribunal de commerce ou, à défaut, du juge d'instance, s'il n'existe pas de tribunal de commerce. La compétence du TI est désormais dénuée de toute raison d'être, a fortiori depuis la création de la fonction de juge de l'exécution.

Il convient de soumettre cette procédure à l'article 69 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui conduirait à prévoir que la saisie soit ordonnée par le juge de l'exécution du TGI ou par la juridiction commerciale pour les créances commerciales.

Pour la saisie vente, en application de l'article 36 du décret de 1967, le tribunal compétent est le tribunal de grande instance du lieu de saisie du navire. Or, cette saisie est une procédure lourde, se rapprochant à de nombreux égards de la saisie immobilière 43 ( * ) . Il conviendrait de transférer cette compétence au juge de l'exécution du TGI.

Enfin, l'autorisation d'effectuer un ou plusieurs voyages contre fourniture d'une garantie appropriée, prévue par l'article 27 du décret du 27 octobre 1967, pourrait relever de la juridiction qui a ordonné la saisie.

? Saisie des aéronefs

La situation étant identique pour la saisie des aéronefs, il conviendrait de retenir des solutions identiques.

Pour la saisie conservatoire, l'article R. 123-9, alinéa 1 er , du code de l'aviation civile prévoit que tout créancier a le droit de pratiquer une saisie conservatoire lorsque l'aéronef est de nationalité étrangère ou que son propriétaire n'est pas domicilié en France. Dans cette hypothèse, il est prévu que le juge compétent pour autoriser la saisie est le juge d'instance du lieu où l'appareil a atterri. Dans les autres cas, ce sont les règles de droit commun qui s'appliquent.

Cette distinction n'est pas justifiée et il conviendrait de confier l'ensemble du contentieux au juge de l'exécution du TGI, sous réserve de la compétence de la juridiction commerciale.

Pour la saisie vente, en application de l'article R. 123-3 du code de l'aviation civile, le tribunal compétent pour procéder à la vente forcée d'un aéronef est le tribunal de grande instance alors que la procédure s'apparente à celle de la saisie immobilière. Il conviendrait de confier cette compétence au juge de l'exécution du TGI.

? Saisie des bateaux de 20 tonnes et plus

En matière de saisie vente des navires d'un tonnage égal ou supérieur à 20 tonnes, l'article 121 du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure confère compétence au tribunal de grande instance. La procédure s'apparente à celle de la saisie immobilière. Il serait opportun de confier cette compétence au juge de l'exécution du TGI, ainsi que la saisie conservatoire, lorsque celle-ci ne relève pas du tribunal de commerce.

Pour l'ensemble de ces mesures d'exécution, le transfert de compétence devra s'accompagner des ajustements procéduraux qui s'imposent et d'une généralisation de la représentation obligatoire par avocat devant le juge de l'exécution du TGI, au regard de l'importance des enjeux et de la complexité des matières.

Rappelons qu'aux termes de l'article L. 213-7 du code de l'organisation judiciaire, qui ne serait pas modifié, le juge de l'exécution peut renvoyer une affaire qu'il juge complexe à la formation collégiale du tribunal de grande instance. Cette formation, qui comprend le juge ayant ordonné le renvoi, statue comme juge de l'exécution.

• La concentration du contentieux de l'exécution mobilière devant le tribunal d'instance

Les 2°, 3° et 4° créent de nouvelles dispositions relatives à l' organisation et aux compétences des juges de l'exécution des tribunaux d'instance .

Le insère ainsi un article L. 221-3-1 prévoyant qu' au sein du tribunal d'instance, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge de l'exécution . Rappelons que l'article L. 221-3 dispose déjà qu'au sein du tribunal d'instance, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des tutelles.

Le abroge l'article L. 221-8, aux termes duquel le juge du tribunal d'instance est compétent en matière de saisies des rémunérations, par dérogation à l'article L. 213-6, et exerce les pouvoirs du juge de l'exécution conformément à l'article L. 145-5 du code du travail 44 ( * ) .

Cette abrogation constitue la conséquence du qui prévoit de compléter la section 1 (« Compétence matérielle ») du chapitre I er Institution et compétence ») du titre II (« Le tribunal d'instance ») du livre II du code de l'organisation judiciaire par une sous-section 5, intitulée « compétence du juge de l'exécution » et comprenant deux articles numérotés L. 221-11 et L. 221-12 45 ( * ) .

Le texte proposé pour l'article L. 221-11 donne compétence au juge de l'exécution du tribunal d'instance pour connaître :

- des mesures d'exécution forcée et des mesures conservatoires portant sur des biens qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance, c'est-à-dire des biens mobiliers , des contestations relatives à leur mise en oeuvre , ainsi que des demandes en réparation fondées sur leur exécution ou leur inexécution dommageable ;

- des difficultés relatives aux titres exécutoires , par exemple dans l'hypothèse où un jugement ne serait pas assez précis sur le calcul de la dette mise à la charge d'une des parties.

A la différence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance, et comme actuellement, le juge de l'exécution du tribunal d'instance ne serait pas compétent pour connaître des demandes nées ou se rapportant directement aux mesures d'exécution forcée : il ne pourrait donc pas se prononcer sur des demandes portant sur le fond du droit, par exemple annuler un acte notarié. En matière mobilière, les procédures d'exécution sont en effet moins complexes et plus rapides qu'en matière immobilière. Au demeurant, sauf en matière de saisie des rémunérations, le juge de l'exécution n'intervient qu'en cas de contestation des mesures prises par l'huissier de justice.

Il n'est pas non plus précisé que le juge de l'exécution serait compétent pour connaître de la distribution découlant d'une mesure d'exécution forcée. Cette précision paraît effectivement inutile car le juge intervient en la matière à l'occasion des contestations relatives à la mise en oeuvre de telles mesures.

Le texte proposé pour l'article L. 221-12 lui donne en outre compétence pour connaître des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel , alors que cette compétence est actuellement dévolue au juge de l'exécution du tribunal de grande instance.

Rapport de la commission sur la répartition des contentieux (extrait) 46 ( * )

À ce jour, le juge de l'exécution (compétence propre du président du tribunal de grande instance, qui peut la déléguer), est compétent en matière de saisie immobilière, de surendettement des particuliers et de mesures d'exécution mobilière (saisie-attribution, mesures d'expulsion, etc.). Pourtant, le surendettement et l'exécution mobilière, qui représentent 130 000 affaires par an, forment un tout cohérent avec les compétences du tribunal d'instance, puisqu'ils concernent essentiellement les difficultés économiques et sociales des particuliers (impayés, expulsions, etc.). Par ailleurs, la procédure en vigueur devant le juge de l'exécution en matière mobilière est largement calquée sur celle du tribunal d'instance (modalités de représentation des parties identiques et oralité de la procédure). Enfin, le juge d'instance, ès qualités, est resté compétent pour certaines procédures d'exécution : la saisie des rémunérations et le paiement direct de pensions alimentaires. Ces considérations conduisent en pratique environ la moitié des présidents de TGI à déléguer aux juges d'instance les fonctions de juge de l'exécution en matière mobilière, ce taux de délégation atteignant 70 % en matière de surendettement 47 ( * ) .

Il apparaît donc opportun, pour des raisons de fond, de procédure et de souci de clarification, de renforcer le bloc de compétence du tribunal d'instance en transférant au juge d'instance les fonctions de juge de l'exécution en matière mobilière . Ce transfert permettrait de mettre fin aux compétences propres du tribunal d'instance en matière de saisie des rémunérations et de paiement direct de pensions alimentaires, moyennant quelques ajustements procéduraux. Pour toutes les procédures d'exécution mobilière, le juge du tribunal d'instance interviendrait avec la qualité de juge de l'exécution.

Pour tenir compte de la situation particulière de la capitale, qui constitue la seule commune dans laquelle sont implantés plusieurs tribunaux d'instance, il pourrait être opportun de prévoir qu'un seul tribunal d'instance est compétent pour l'ensemble du ressort du tribunal de grande instance.

? Transfert a minima du surendettement

Si la réunification des procédures d'exécution mobilière au tribunal d'instance devait être différée, il conviendrait, a minima, que le surendettement soit directement rattaché au tribunal d'instance, sans plus relever alors de la fonction de juge de l'exécution. En effet, la procédure de surendettement n'est pas conditionnée par l'existence d'un titre exécutoire et peut affecter le fond même des droits des créanciers, en cas d'effacement. La commission relève que cette alternative a minima présenterait le mérite de conférer l'autorité de chose jugée aux jugements de vérification de créance au cours de la procédure de surendettement, évitant ainsi au créancier de devoir diligenter une deuxième procédure au fond pour obtenir un titre.

? Exclusion de la saisie immobilière

La saisie immobilière, qui impose la représentation par avocat et se caractérise par sa grande complexité, resterait attachée au tribunal de grande instance, dans des conditions permettant toutefois de maintenir l'unicité de la fonction de juge de l'exécution. La commission considère que, dans ces conditions, le maintien de l'exécution immobilière au TGI ne poserait aucune difficulté de coordination. En particulier en matière de surendettement, en cas d'orientation vers le rétablissement personnel d'un débiteur propriétaire immobilier, les règles de procédure en vigueur assurent une parfaite coordination entre le dispositif régissant le surendettement et celui régissant la saisie immobilière (articles L. 332-8 et R. 332-26 à R. 332-27 du code de la consommation).

Souscrivant aux dispositions proposées, votre commission a souhaité les réécrire afin de les préciser et de les compléter .

Il s'agit tout d'abord de préciser, au premier alinéa du texte proposé pour l'article L. 221-11 du code de l'organisation judiciaire, que le juge de l'exécution du tribunal d'instance connaît de manière exclusive des mesures d'exécution forcée, des difficultés relatives aux titres exécutoires, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, portant sur les biens et droits autres que ceux visés à l'article L. 213-6. La référence aux droits, en sus des biens, permet de prévenir toute incertitude sur la compétence du juge de l'exécution du tribunal d'instance en matière de saisie des rémunérations et de paiement direct des pensions alimentaires .

Il s'agit ensuite, par l'insertion d'un nouvel article L. 221-13 dans le code de l'organisation judiciaire, de prévoir que le juge de l'exécution du tribunal d'instance connaît des demandes relatives aux astreintes dans les conditions prévues par les articles 33 et 35 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.

Aux termes de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991, tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision ; le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité. L'article 35 dispose quant à lui que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.

• Application outre-mer

Le réécrit l'article L. 521-1 afin de rendre applicable à Mayotte les dispositions précitées relatives au juge de l'exécution, ainsi que les titres I et III du livre II du code de l'organisation judiciaire, respectivement relatifs au tribunal de grande instance et à la juridiction de proximité. Jusqu'à présent seul le titre V, relatif aux juridictions des mineurs, y était applicable.

Cette extension tire la conséquence de la réforme des juridictions de l'exécution et répare plusieurs omissions. A Mayotte en effet, la juridiction du premier degré est le tribunal de première instance qui exerce à juge unique les compétences dévolues au tribunal de grande instance et au tribunal d'instance. Il est donc normal de prévoir l'application du titre I du livre II du code de l'organisation judiciaire. Au demeurant, il serait également normal de prévoir l'application de l'ensemble du titre II car il contient des dispositions relatives au juge des tutelles. De même, comme il y a une juridiction de proximité (article L. 522-28), il est normal de prévoir l'application du titre III du même livre.

En définitive, le texte adopté par votre commission exclut l'application à Mayotte des seuls titres IV et VI du livre II du code de l'organisation judiciaire, respectivement consacrés à la cour d'assises et aux juridictions d'attributions visées à l'article L. 2161-1 que sont entre autres le tribunal de commerce, le tribunal maritime et commercial, les juridictions des forces armées ou encore le tribunal paritaire des baux ruraux. En effet, il existe à Mayotte une cour criminelle (articles L. 522-35 et L. 522-36) et le tribunal de première instance connaît de toutes les affaires relevant du droit commun pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction (article L. 522-2).

Le insère un article L. 532-6-1 afin de rendre applicables à Wallis-et-Futuna , où la juridiction du premier degré est dénommée tribunal de première instance, les dispositions du code de l'organisation judiciaire relatives au juge de l'exécution.

Votre commission a adopté l'article 9 de la proposition de loi ainsi modifié , qui devient l' article 9 du texte de ses conclusions .

Article 10 (art. L. 3252-6 du code du travail) - Coordination dans le code du travail

Cet article abroge l'article L. 3252-6 du code du travail, aux termes duquel un décret en Conseil d'État détermine la juridiction compétente pour connaître de la saisie des rémunérations, par coordination avec l'insertion dans le code de l'organisation judiciaire, par l'article précédent, d'un nouvel article L. 221-11 attribuant cette compétence au juge de l'exécution du tribunal d'instance.

Rappelons que l'article L. 3252-6 du code du travail a succédé, à compter du 1 er mai 2008 et en application de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, à un article L. 145-5 qui donnait déjà au juge du tribunal d'instance compétence pour connaître de la saisie des rémunérations.

Votre commission juge préférable, plutôt que d'abroger l'article L. 3252-6 du code du travail, d'y rappeler la compétence du juge de l'exécution du tribunal d'instance . En effet, dans la mesure où les dispositions relatives à la procédure de saisie des rémunérations figurent dans les articles précédents et suivants, il paraît préférable d'éviter de compliquer la tâche les praticiens habitués à l'utilisation de ce code.

Votre commission a adopté l'article 10 de la proposition de loi ainsi modifié , qui devient l' article 10 du texte de ses conclusions .

Article 11 (art. 10 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution) - Assistance et représentation devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance

Cet article modifie l'article 10 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution afin de prévoir que, devant le juge de l'exécution du tribunal d'instance, les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant le tribunal d'instance 48 ( * ) .

Actuellement, et selon une rédaction qui résulte de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 réformant la saisie immobilière, les parties disposent de cette faculté devant le juge de l'exécution sous réserve des dispositions particulières applicables à la vente forcée des immeubles : en cette matière, leur représentation devant le juge de l'exécution est obligatoire, sauf pour les demandes présentées dans le cadre de la procédure de surendettement et pour les demandes d'autorisation de vente amiable du bien faisant l'objet de la procédure de saisie.

Les modifications proposées ont pour objet de tirer la conséquence de la réforme du contentieux de l'exécution opérée par l'article 9 de la proposition de loi.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur se sont toutefois interrogées sur leur portée, en particulier sur le point de savoir si les parties resteraient tenues, sauf disposition contraire, de constituer avocat devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance 49 ( * ) .

Pour lever ces interrogations et dans la mesure où la technicité de la matière le justifie sans conteste, votre commission a souhaité le spécifier en prévoyant à l'article 10 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution que, sous réserve des dispositions particulières applicables à la saisie des immeubles, navires, aéronefs et bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes, devant le juge de l'exécution les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter selon les règles applicables devant le tribunal d'instance.

Elle a adopté l'article 11 de la proposition de loi ainsi modifié , qui devient l' article 11 du texte de ses conclusions .

* 32 Deux justifications sont avancées. Une fois le procès engagé, le président du tribunal de commerce ne peut plus avoir la même liberté d'esprit si, comme cela se voit dans les petites juridictions consulaires, il préside à la fois le tribunal et la formation de jugement. On a voulu éviter que sa décision puisse passer pour un préjugé dans une instance au fond qui aurait déjà été engagée. De plus, une fois le procès engagé devant la juridiction consulaire, celle-ci est informée. La compétence dérogatoire ne se justifie donc plus. Le juge de l'exécution a alors seul compétence pour ordonner une mesure conservatoire.

* 33 Saisi à tort (compétence autre que commerciale, procès parallèlement engagé), le président du tribunal de commerce doit relever d'office son incompétence.

* 34 En application de l'article 9 de la proposition de loi, il s'agira du juge de l'exécution du tribunal de grande instance.

* 35 La collocation est une procédure par laquelle les créanciers d'un même débiteur qui ont obtenu un jugement ordonnant la vente publique des biens de leur débiteur et qui du fait de l'insuffisance du prix pour couvrir l'ensemble de leurs créances, sont réunis pour assister à la distribution du produit de cette vente

* 36 « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée » - Rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard - La Documentation française - 2008 - page 217.

* 37 Op. cit. - pages 215 à 217 et 241 et 242.

* 38 « Cette solution serait pertinente en termes de spécialisation du magistrat appelé à connaître des procédures civiles d'exécution, mais n'apporterait pas de réponse à celle du greffier, dont le rôle est particulièrement important en matière de saisie immobilière. Par ailleurs, elle imposerait de procéder à des aménagements dans les tribunaux d'instance que les TGI ont déjà dû assumer (salles d'audience équipées de chronomètres, panneaux d'affichage, etc.). Surtout, elle ne répondrait pas à l'objectif de lisibilité de l'organisation judiciaire, en confiant aux tribunaux d'instance une matière immobilière qui impose la représentation obligatoire par avocat. » -Op. cit. - pages 215 et 216.

* 39 Op. cit. - page 216.

* 40 Le II de l'article 5 de la proposition de loi le rappelle par une disposition interprétative. La justification de cette compétence étendue, qui permet au juge de l'exécution de connaître des demandes portant sur le fond du droit, tient à la nécessité d'assurer l'efficacité de la procédure de saisie immobilière, qui demeure d'une grande complexité.

* 41 Votre commission n'a pas jugé nécessaire, comme l'y avaient invité les représentants de la Chambre nationale des huissiers de justice, de consacrer la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle le juge de l'exécution n'est pas compétent pour connaître de l'action en réparation du préjudice causé au créancier par l'exécution fautive de son mandat par un huissier de justice (Deuxième chambre civile, 21 février 2008). En effet, les dispositions proposées ne remettent nullement en cause cette jurisprudence. Dès lors, il n'est pas utile d'alourdir encore un texte de loi compliqué, d'autant que bien d'autres arrêts de la Cour de cassation pourraient être ainsi consacrés.

* 42 Sur la base d'une contribution écrite de M. J.-B. Racine, professeur de droit à l'université de Nice-Sophia Antipolis, adressée à la commission sur la répartition des contentieux.

* 43 V. S. Guinchard et T. Moussa (Dir.), Droit et pratique des voies d'exécution, Dalloz action, 2007-2008, n° 724.04.

* 44 L'article L. 145-5 du code du travail donnait au juge du tribunal d'instance compétence pour connaître de la saisie des rémunérations. Il a été abrogé par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail à compter du 1 er mai 2008. Depuis lors, l'article L. 3252-6 dudit code dispose qu'un décret en Conseil d'Etat détermine la juridiction compétente pour connaître de la saisie des rémunérations.

* 45 Les sous-sections 1 à 4 traitent respectivement de la compétence civile du tribunal d'instance, de la compétence du juge du tribunal d'instance, de la compétence du juge des tutelles et de la compétence du tribunal de police.

* 46 « L'ambition raisonnée d'une justice apaisée » - Rapport de la commission sur la répartition des contentieux présidée par Serge Guinchard - La Documentation française - 2008 - pages 241 et 242.

* 47 Cf. Rapport du comité de suivi sur le surendettement comité de suivi de l'application des dispositions relatives au surendettement de la loi du 1 er août 2003, présidé par le premier président de la Cour de cassation - La Documentation française - 2005 - page 10.

* 48 Les parties se défendent en principe elles-mêmes devant le tribunal d'instance mais peuvent être assistées ou représentées (article 827 du nouveau code de procédure civile) : par un avocat, leur conjoint, leurs parents ou alliés en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ou une personne exclusivement attachée à leur service personnel ou à leur entreprise. En vertu de l'article 2 de la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, elles peuvent également se faire assister ou représenter par leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité.

* 49 Le principe de la représentation obligatoire des parties devant le tribunal de grande instance est actuellement posé à l'article 751 du code de procédure civile.

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