D. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

S'il est globalement satisfaisant et tout à fait bienvenu, le texte proposé par la commission des affaires européennes est susceptible d'être enrichi afin d'adresser un signal fort en direction du Gouvernement et de nos partenaires européens pour susciter une véritable prise de conscience sur la nécessité de défendre le multilinguisme institutionnel dans l'Union européenne.

Dans un premier temps, il convient de clarifier la portée de la référence aux « institutions européennes » dans le titre de la proposition de résolution européenne. On entend généralement par « institutions européennes » les organes des différentes organisations européennes, au nombre desquelles figurent non seulement l'Union européenne mais également l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ou encore le Conseil de l'Europe qui dispose d'un comité des ministres, d'une assemblée parlementaire et d'une Cour européenne des droits de l'homme. Le vocable d' « institutions communautaires » ou d' « institutions de l'Union européenne » est préférable lorsqu'il s'agit de se référer aux seules institutions de l'Union européenne.

Sur cette question d'ordre rédactionnel, votre rapporteur s'est donc interrogé sur l'opportunité de substituer au titre actuel de la proposition de résolution européenne celui de « proposition de résolution sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions de l'Union européenne ».

Par ailleurs, afin de prendre en compte certaines des remarques formulées précédemment, votre rapporteur a proposé une série d'amendements susceptibles d'enrichir la proposition de résolution dans un sens encore plus favorable au respect du multilinguisme institutionnel.

D'une part, la commission a souhaité préciser, en préambule de la résolution, que le respect du multilinguisme est indispensable à l'effectivité de la citoyenneté européenne, en garantissant à tous les ressortissants communautaires un droit égal d'accès au droit communautaire et de contrôle de l'action des institutions de l'Union . Elle a, en outre, introduit un considérant supplémentaire rappelant que la diversification des compétences linguistiques des citoyens européens, notamment des fonctionnaires communautaires, conditionne l'émergence d'un véritable espace public européen .

D'autre part, la commission s'est également employée à préciser un certain nombre d'initiatives susceptibles d'être mises en oeuvre pour promouvoir le multilinguisme dans le fonctionnement de l'Union européenne :


• afin de réaffirmer auprès des institutions européennes son attachement au strict respect de la diversité linguistique et à l'exclusion de toute discrimination fondée sur la langue, la France doit encourager la poursuite de la réflexion sur la mise en place de mécanismes d'évaluation et de contrôle communautaires spécifiquement dédiés à la question du multilinguisme institutionnel et à la prévention des discriminations fondées sur la langue .

Votre rapporteur espère qu'un compromis raisonnable sera trouvé entre le Parlement européen et la Commission pour s'accorder sur la mise en place d'une structure légère à caractère essentiellement prospectif, telle qu'une agence pour le multilinguisme qui fédérerait un réseau de centres spécialisés dans l'étude et la promotion de la diversité linguistique 27 ( * ) . Cette démarche permettrait en particulier d'encourager la mise en oeuvre de l'objectif de Barcelone et la diversification linguistique.

S'agissant plus précisément du multilinguisme institutionnel, votre rapporteur estime que la réflexion doit porter sur la mise en place de mécanismes concrets d'évaluation visant à responsabiliser les institutions communautaires quant au respect de leurs obligations linguistiques . Il s'agirait, dans un esprit de coopération, de les appeler à rendre régulièrement compte de leurs efforts dans ce domaine devant le Parlement européen et le médiateur européen. Ces rapports publics pourraient ensuite faire l'objet d'un débat qui déboucherait, le cas échéant, sur la formulation de recommandations.

Votre rapporteur considère que cette précision permettrait notamment de faire avancer la rédaction d'un rapport par la Commission ou par l'Office européen de sélection du personnel (EPSO) sur la mise en oeuvre du nouvel article 45 § 2 du statut de la fonction publique européenne portant sur l'obligation de l'apprentissage d'une troisième langue pour avoir accès aux postes de responsabilité. En effet, le secrétariat général du Conseil a indiqué que, pour réclamer un tel rapport en vue de son examen par le « groupe Statut » du Conseil, il lui serait nécessaire de disposer d'un engagement, d'une disposition législative ou d'une déclaration au COREPER le prévoyant. La mobilisation du Sénat s'ajouterait ainsi aux efforts du Gouvernement auprès de la présidence tchèque pour demander ce rapport ;


le Gouvernement doit également inviter les institutions communautaires, et en particulier la Commission européenne et le Conseil, à clarifier les critères présidant aux décisions de traduction de certains de leurs documents de travail. Il s'agit de mieux prendre en compte la portée politique de ces documents (sans pour autant écarter les documents scientifiques ou techniques ayant un impact politique majeur, notamment en matière environnementale) en ne se limitant plus à de simples critères d'ordre formel (du reste, arbitraires) afin de permettre aux parlements nationaux de disposer, dans des conditions d'égalité et dans les meilleurs délais, de toutes les informations nécessaires pour exercer efficacement leur mission de contrôle de l'action de l'Union européenne ;


• un signal fort en faveur du respect du multilinguisme dans le processus d'élargissement doit être adressé aux autorités communautaires, en particulier à la direction générale de l'élargissement de la Commission européenne . Aussi, votre rapporteur estime-t-il que les candidats à l'entrée dans l'Union européenne devraient, au minimum, être autorisés à conduire leurs négociations d'adhésion dans la langue de leur choix parmi les langues de travail de la Commission européenne, et, par la suite, à traduire l'acquis communautaire à partir de cette langue ;


• la proposition de résolution pourrait appeler à une amélioration de la présentation multilingue des sites Internet communautaires , en particulier ceux mettant à la disposition du public des informations relatives au fonctionnement du marché intérieur et à la consommation ;


• la France doit se rapprocher non seulement du gouvernement allemand mais également de tous les pays dont la langue officielle est négligée dans le processus décisionnel communautaire (en particulier les pays de langue latine) en vue d'élaborer une stratégie commune en faveur du multilinguisme. Cette démarche pourrait, le cas échéant, s'appuyer sur le développement et le renforcement de partenariats dans le domaine de la formation des fonctionnaires nationaux et européens .

Il paraît, en effet, surprenant que l'Allemagne, première puissance linguistique de l'Europe en raison de son poids démographique et premier contributeur au budget communautaire, continue de voir sa langue ainsi marginalisée au niveau communautaire. Il est donc souhaitable, comme le suggère la proposition de résolution de la commission des affaires européennes, que l'Allemagne et la France conjuguent leurs efforts pour contribuer, dans un esprit de réciprocité , au rayonnement de leurs langues nationales, notamment en favorisant leur apprentissage par les futurs fonctionnaires européens. Un signal fort en ce sens serait particulièrement bien accueilli par nos partenaires outre-Rhin.

À ce titre, votre rapporteur rappelle que le traité de l'Élysée du 22 janvier 1963 entre la France et l'Allemagne prévoit une coopération étroite de nos deux pays en matière d'enseignement des langues, en stipulant notamment que « les deux Gouvernements reconnaissent l'importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l'autre. Ils s'efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d'accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande. Le Gouvernement fédéral examinera, avec les gouvernements des Länder, compétents en la matière, comment il est possible d'introduire une réglementation qui permette d'atteindre cet objectif. Dans tous les établissements d'enseignement supérieur, il conviendra d'organiser un enseignement pratique de la langue française en Allemagne et de la langue allemande en France, qui sera ouvert à tous les étudiants ».

Votre commission tient à saluer, en particulier, la collaboration étroite entre la France et l'Allemagne à l'occasion de la refonte du statut de la fonction publique européenne, qui a permis d'introduire, à partir de 2009, l' exigence de la maîtrise d'une troisième langue étrangère pour la promotion interne dans la Commission .

Néanmoins, il convient de ne pas exclure de cette démarche en faveur du multilinguisme institutionnel nos alliés traditionnels que sont les pays de langues latines, notamment l'Espagne, le Portugal et l'Italie ;


• enfin, votre rapporteur considère que l'apprentissage obligatoire d'au moins deux langues étrangères doit s'imposer comme la norme dans tous les systèmes éducatifs de l'Union . En conséquence, la présente proposition de résolution devrait souligner que les démarches de la France en faveur de la diversité linguistique seront d'autant plus efficaces que notre pays se montrera exemplaire dans la mise en oeuvre effective de l'objectif de Barcelone de 2002. En outre, le Gouvernement devrait s'assurer auprès de ses partenaires européens que l'apprentissage obligatoire des langues étrangères sera maintenu ou, le cas échéant, rétabli dans leur système éducatif.

* 27 C'est la préférence manifestée par la Commission européenne à la suite de l'étude de faisabilité sur la mise en place d'une agence européenne pour la diversité linguistique et l'apprentissage des langues.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page