N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 mai 2009

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur la proposition de résolution présentée par MM. Gérard CÉSAR et Simon SUTOUR, au nom de la commission des Affaires européennes (2), en application de l'article 73 bis du Règlement, sur le projet de règlement relatif aux catégories de produits de la vigne , aux pratiques oenologiques et aux restrictions qui s'y appliquent ,

Par M. Gérard CÉSAR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, François Fortassin, Alain Fouché, Adrien Giraud, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Philippe Paul, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall.

(2) Cette commission est composée de : M. Hubert Haenel , président ; MM.  Denis Badré, Michel Billout, Jean Bizet, Jacques Blanc, Jean François-Poncet, Aymeri de Montesquiou, Roland Ries, Simon Sutour, vice-présidents ; Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Hermange, secrétaires ; MM. Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, Pierre Bernard-Reymond, Didier Boulaud, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Gérard César, Christian Cointat, Pierre-Yves Collombat, Philippe Darniche, Mme  Annie David, MM. Robert del Picchia, Pierre Fauchon, Bernard Frimat, Yann Gaillard, Mme Fabienne Keller, MM. Serge Lagauche, Jean-René Lecerf, Mmes Colette Mélot, Monique Papon, MM. Jean-Claude Peyronnet, Hugues Portelli, Yves Pozzo di Borgo, Josselin de Rohan, Mme Catherine Tasca et M. Richard Yung.

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

324 , 393 (2008-2009)

Introduction

Mesdames, Messieurs,

Longtemps assimilé à un vin de second rang par rapport au vin rouge ou blanc, le vin rosé a acquis désormais ses lettres de noblesse et représente un marché substantiel. Ni un vin blanc, ni un vin rouge, ni un mélange des deux, le vin rosé « traditionnel » est un vin à part et à part entière. Les consommateurs ne s'y trompent pas, d'ailleurs, qui sont de plus en plus nombreux à l'apprécier. Les professionnels non plus qui, dans le respect des méthodes traditionnelles, font de la France le premier producteur mondial de vin rosé.

Or, le vin rosé « authentique », c'est-à-dire obtenu par des méthodes traditionnelles de vinification, et non par coupage, c'est-à-dire par mélange de vin blanc et de vin rouge, est aujourd'hui en danger, du moins pour ce qui est des vins de table. Le projet de règlement de la Commission européenne sur les pratiques oenologiques, pris pour l'application du règlement européen d'avril 2008 portant réforme de l'organisation commune de marché du vin -l'OCM vitivinicole- lève en effet l'interdiction de coupage pour les vins rosés de table existant depuis le précédent règlement communautaire de mai 1999. Celle-ci empêcherait les producteurs européens de jouer à armes égales avec ceux des pays tiers, qui eux recourent au mélange rouge-blanc et vendent leur production sous le nom de rosé sur le territoire communautaire.

Or, le recours au coupage présente des risques de standardisation des produits, d'édulcoration de leur contenu et, au final, de confusion dans l'esprit de consommateurs qui seront incités à se détourner de cette catégorie de vin. Mais si les professionnels du secteur, suivis par le Gouvernement, ont clairement manifesté leur désaccord auprès des instances communautaires, notre pays est encore isolé sur ce dossier à l'échelle européenne.

Il est donc essentiel, aujourd'hui, de soutenir le ministre de l'agriculture et de la pêche, qui négocie ce dossier à Bruxelles pour le compte de la France, afin de faire entendre la voix particulière de notre pays et de tenter d'y rallier certains de nos partenaires européens lors du vote du texte le 19 juin prochain. Tel est l'objet de la présente proposition de résolution, que ce rapport tend à soutenir tout en la complétant.

I. LE VIN ROSÉ : UN VIN SPÉCIFIQUE ET APPRECIÉ DES FRANÇAIS

A. UN PRODUIT QUALITATIF ET ORIGINAL

Longtemps le vin rosé a été enfermé dans une perception négative : tenu pour un vin secondaire, élaboré par défaut, sans grande technicité, il était indigne de l'intérêt de l'oenologue. Du fait des progrès très importants réalisés au stade de la production et de l'engouement des consommateurs les accompagnant, la situation s'est profondément modifiée, le rosé étant aujourd'hui un produit « tendance » contribuant à dynamiser un marché du vin confronté à une conjoncture difficile.

1. Un vin chargé d'histoire

Loin d'être un vin nouveau ou dépourvu d'héritage, le rosé est un vin issu d'une histoire séculaire et de traditions bien établies. Il serait même, d'après les historiens du vin, le premier vin de l'histoire .

En effet, le vin élaboré dans l' Antiquité par les Egyptiens, les Grecs et les Romains, premières civilisations à avoir développé des pratiques viticoles dignes de ce nom, ne pouvait qu'être de couleur claire. Le raisin était soit foulé, soit pressé directement, et son jus immédiatement recueilli afin de le faire fermenter « en clair ». En l'absence de cuvaison, il était de facto impossible d'obtenir une couleur rouge soutenue. De nombreuses représentations anciennes attestent la pratique courante de la vinification en rosé, permettant d'obtenir le vinum clarum , qui deviendra ensuite « claret », puis « clairet ».

Au Moyen Age , le « vin clair » reste le premier type de vin produit et commercialisé, même si l'évolution des techniques, et notamment le développement des pressoirs, permet d'obtenir du vin rouge, ou vinum rubeum . A titre d'exemple, les domaines de l'archevêché de Bordeaux produisaient au XIII e siècle 87 % de vin clair, pour seulement 13 % de vin rouge et une part quasi symbolique de vin blanc. Ces proportions étaient la règle, non seulement dans le bordelais, mais également dans les autres régions françaises.

Ces tendances perdurent à la Renaissance et jusqu'au XVII e siècle . Un inventaire de caves parisiennes réalisé dans la première moitié de ce siècle à Paris fait état d'une proportion de 80 % de « vin clairet ». Les écrits des médecins rendent compte des vertus qu'on lui accordait alors. On appréciait ainsi la fraîcheur et la vivacité de vins considérés comme « sains », « nourrissant peu le corps » et destinés aux consommateurs urbains et plutôt aristocrates.

Ce n'est qu'à la fin du XVII e siècle que la tendance va évoluer en faveur des « vins noirs » ou « vins vermeils », qui existaient depuis des siècles mais dont la demande ne s'était pas exprimée de manière significative. Considérés comme « plus nourissants », ces vins plus fortement colorés, plus rudes, plus tanniques et issus d'une macération plus longue, vont peu à peu supplanter les vins rosés. A partir du XIX e siècle , les vins rouges sont produits de façon largement majoritaire, mais le vin rosé conservera, bon an mal an, une part de marché non négligeable.

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