II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

La proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes du Sénat ne rejette pas le principe d'un système PNR européen. Elle exprime néanmoins des critiques fortes à l'encontre de la proposition de décision-cadre, le droit au respect de la vie privée et à la protection des données à caractère personnel n'étant pas garanti en l'état du texte.

Cette vigilance est d'autant plus justifiée qu'à plusieurs reprises, la commission des affaires européennes a attiré l'attention sur les graves insuffisances des accords conclus entre les Etats-Unis et l'Union européenne pour le transfert des données PNR vers les Etats-Unis 15 ( * ) .

Les standards du PNR européen doivent être bien plus protecteurs des droits fondamentaux.

A. DEUX QUESTIONS FONDAMENTALES À TRANCHER : LES DONNÉES PNR SONT-ELLES RÉELLEMENT UTILES ET FAUT-IL UN « PNR EUROPÉEN » ?

1. Des données utiles...

L'utilité des données PNR demeure un sujet de controverse. Ainsi, le G29 ou le contrôleur européen de la protection des données remarquent l'absence d'éléments chiffrés démontrant l'utilité et la nécessité de ces données pour les services de sécurité. A l'opposé, les services en charge de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée affirment que ces données sont une mine de renseignements extrêmement utiles et que leur exploitation n'est en aucune façon redondante avec d'autres dispositifs en vigueur comme les données APIS ou les visas biométriques.

Sans apporter de réponses définitives, les éléments précis et chiffrés manquant effectivement, votre rapporteur estime compte tenu des auditions et des premiers retours d'expérience que les données PNR ne sont pas redondantes avec d'autres dispositifs et sont une aide précieuse pour les services de sécurité.

Sur le premier point -une éventuelle redondance avec d'autres systèmes en vigueur (collecte des données APIS, consultation du Système d'information Schengen, mise en place d'un système européen de visa biométrique, obligation d'un passeport biométrique...)-, votre rapporteur attire l'attention sur le fait que ces systèmes sont particulièrement utiles pour identifier une personne avec certitude et déclencher des mesures (arrestation, refoulement, surveillance...) lorsque cette personne attire déjà l'attention des services de sécurité.

Les données PNR sont d'une autre nature. Elles sont aussi utiles pour détecter des personnes non connues a priori des services de sécurité mais dont certains comportements peuvent être révélateurs d'un risque pour la sécurité. Poussant le raisonnement à l'extrême, M. Gérard Schoen de la direction générale des douanes a déclaré à votre rapporteur que la donnée PNR la moins intéressante était en définitive le nom du passager. Le profilage s'effectue à partir de l'analyse des autres données PNR, le nom permettant dans un second temps de relier cette analyse à un individu. Au demeurant, le nom est une des données les moins fiables du système PNR. Pour s'assurer de l'identité d'une personne, la consultation des données APIS et des documents de voyage est le moyen le plus pertinent.

Sur le second point, l'analyse des données PNR permet de bâtir des hypothèses de risque relativement fiables et de cibler en retour des contrôles ou la mise en place d'une surveillance.

En matière douanière, M. Gérard Schoen a révélé que le ciblage des contrôles à partir des données PNR était désormais un outil primordial et décisif pour l'efficacité de ses services. Entre 60 et 80 % des stupéfiants saisis par la douane dans les aéroports le sont à la suite d'un tel ciblage 16 ( * ) .

Des tests montrent que le taux de résultat des contrôles ciblés est huit fois supérieur à celui des contrôles aléatoires.

Ces résultats supposent une actualisation continue des hypothèses de risque, les stratégies des filières étant extrêmement fluctuantes. Pour y parvenir, les douanes testent des modèles de ciblage. Sont ainsi analysés les cas des personnes arrêtées aléatoirement pour tenter de discerner un critère objectif qui aurait permis de le détecter par la méthode de ciblage.

Efficaces pour lutter contre les trafics, les données PNR le sont également pour lutter contre le terrorisme, même s'il est plus difficile d'évaluer la plus-value.

M. Bernard Squarcini, directeur central du renseignement intérieur, a expliqué à votre rapporteur que le terrorisme international ne reposait plus sur un support étatique, mais s'appuyait sur des individus relativement isolés agissant en réseau. Cette évolution de la menace implique une détection précoce afin d'évaluer la dangerosité, cerner l'environnement et « neutraliser judiciairement l'individu avant le passage à l'acte ».

Dans ce contexte, les données PNR sont précieuses. Elles fournissent une multitude de petites informations qui, agrégées à d'autres, sont autant de signaux d'alarme. M. Bernard Squarcini a souligné qu'en matière de renseignement, il était très rare qu'une donnée soit décisive. Les données PNR ne dérogent pas à cette règle. Elles ne viennent que compléter une panoplie documentaire. C'est la raison pour laquelle il est très difficile d'évaluer la plus-value propre des données PNR dans la lutte antiterroriste comme le souhaiteraient de nombreux critiques du projet de PNR européen.

Enfin, votre rapporteur estime que l'efficacité du système peut nécessiter de croiser les données PNR avec les données APIS et les fichiers SIS et FPR. C'est d'ailleurs ce que permet déjà la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

* 15 Voir notamment le compte-rendu de la réunion de la commission des affaires européennes du Sénat du 19 septembre 2006.

* 16 Les douanes saisissent environ 75 % des stupéfiants en France.

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