EXAMEN EN COMMISSION MERCREDI 20 MAI 2009

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacques Mézard sur la proposition de loi n° 253 (2008-2009), présentée par M. Daniel Raoul et plusieurs de ses collègues, pour le développement des sociétés publiques locales.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a tout d'abord souligné que la proposition de loi, proche de celle déposée par M. Jean-Léonce Dupont, visait principalement à créer, sur le modèle de ce qui existe dans pratiquement tous les pays européens, des sociétés publiques locales : l'objectif poursuivi par ce texte était d'offrir aux collectivités territoriales et à leurs groupements un nouvel outil d'intervention qui leur assure la liberté de contracter avec une société locale, conformément à la jurisprudence communautaire qui, sous certaines conditions, dispense une collectivité de l'application des règles édictées en matière de marchés publics.

Il a rappelé les deux critères retenus par la jurisprudence communautaire (arrêt Teckal du 18 novembre 1999) pour autoriser le recours à ce mode d'intervention dans le cadre d'opérations qualifiées de « prestations intégrées » :

- l'autorité publique doit exercer sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ;

- celle-ci réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent.

Précisant le premier critère, il a expliqué que le contrôle ne devait pas être nécessairement identique en tous points à celui exercé sur les services propres de l'autorité et devait permettre à la collectivité d'influencer d'une manière déterminante les décisions prises par son cocontractant. Il a ajouté que la détention par la collectivité de la totalité du capital de la société constituait un indice du contrôle analogue et que, à l'inverse, ce critère ne pouvait être considéré comme satisfait si le capital de la société était ouvert, même pour une part infime, au privé.

Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président

Sur le second critère, il a déclaré qu'il visait à préserver le jeu de la concurrence en évitant qu'une entreprise contrôlée par une ou plusieurs collectivités publiques exerce une part importante de son activité économique auprès d'autres opérateurs. La jurisprudence communautaire a ainsi précisé, d'une part, que l'activité de l'entreprise devait être consacrée principalement à la collectivité publique, toute autre activité ne revêtant qu'un caractère marginal, d'autre part, que le volume de l'activité, dans le cas d'une entité détenue par plusieurs collectivités publiques, était évalué en prenant en compte les prestations effectuées au profit de l'ensemble des collectivités.

Il a ensuite précisé le statut et les missions de ces sociétés publiques locales, tels que prévus par la proposition de loi, relevant que, aux termes de son article premier, d'une part, elles seraient créées pour réaliser des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général, d'autre part, elles prendraient la forme de sociétés anonymes régies essentiellement par le code de commerce.

Après avoir souligné que la création des sociétés publiques locales était approuvée par tous les représentants des élus locaux et ceux des entreprises publiques locales, il a indiqué qu'elle soulevait en revanche l'inquiétude des opérateurs privés, soucieux de préserver l'équité dans le domaine concurrentiel et d'éviter de « multiples contentieux ».

Il s'est ensuite félicité que la proposition de loi ait fait le choix d'un statut sécurisé pour ces sociétés en offrant aux collectivités actionnaires de nombreuses possibilités d'information et de contrôle :

- représentation dans les organes dirigeants de la société ;

- nomination et révocation des présidents et des directeurs généraux de la société ;

- missions des commissaires aux comptes ;

- intervention des assemblées délibérantes dans la vie sociale ;

- contrôle de légalité des actes principaux affectant l'organisation et le fonctionnement de la société ;

- saisine de la chambre régionale des comptes.

Il a toutefois plaidé pour des garanties supplémentaires, relevant que l'actionnariat unique, permis par la proposition de loi, pouvait présenter un risque de dérive et que, en conséquence, dans l'intérêt même des collectivités, il était préférable de prévoir la présence obligatoire d'au moins deux actionnaires. Il a insisté sur le fait que cette garantie supplémentaire était pleinement approuvée par M. Daniel Raoul, l'auteur de la proposition de loi.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a ensuite présenté le second objet de la proposition de loi : étendre le champ des sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) et en faciliter le développement, proposé à l'article 2. Il a rappelé que la création de ces sociétés résultait d'un amendement à la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, soulignant que le Sénat s'était déjà saisi de cette question lors de l'examen de la loi du 20 juillet 2005 relative aux concessions d'aménagement mais que la commission des lois, par les voix de son président, M. Jean-Jacques Hyest, et de son rapporteur, M. Jean-Pierre Sueur, avait alors jugé nécessaire d'évaluer toutes les implications de ce nouveau dispositif avant de se prononcer.

Il a expliqué que les SPLA, constituées sous la forme de sociétés anonymes avec des actionnaires exclusivement publics -les collectivités territoriales et leurs groupements- avaient pour objet de réaliser des opérations d'aménagement. Approuvant les modifications apportées par la proposition de loi à ces sociétés, il a toutefois considéré que la faculté ouverte par le texte de permettre la forme de la société par actions simplifiée (SAS) en complément de celle de société anonyme (SA) pour la constitution de SPLA n'était pas conforme à l'intérêt des collectivités, les dispositions réglementant les SAS ne présentant pas la même protection que celles applicables aux SA. De même, pour les raisons développées à l'article 1er, il lui a semblé nécessaire de maintenir à deux le nombre minimum d'actionnaires comme aujourd'hui. Il a indiqué que M. Daniel Raoul partageait cette analyse et envisageait de déposer des amendements afin de rectifier sa proposition de loi en ce sens lors de l'examen en séance publique. En conséquence, le rapporteur n'a pas proposé d'amendement à la commission sur cet article.

M. Pierre-Yves Collombat s'est étonné que la proposition de loi prévoie, en son article 3, de compenser à due concurrence les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour les collectivités territoriales de l'application de la proposition de loi, M. Pierre Fauchon ajoutant qu'il appartenait aux collectivités désireuses de recourir à des sociétés publiques locales de les financer elles-mêmes.

M. Jean-Pierre Sueur a déclaré approuver la proposition de loi, dont il est l'un des cosignataires. Il a, cependant, jugé paradoxal qu'elle entende faciliter le développement des SPLA tout en maintenant leur caractère expérimental pendant une durée de cinq ans.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a répondu que le maintien du caractère expérimental pouvait s'expliquer par la spécificité des SPLA, relevant que ces structures pourraient, par exemple, bénéficier de la délégation des droits de préemption et de priorité institués par le code de l'urbanisme.

M. Elie Brun a craint que la proposition de loi ne soit comprise comme une volonté d'échapper aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les projets d'aménagement alors que les possibilités d'intervention des collectivités territoriales dans ce domaine sont aujourd'hui très encadrées, citant en particulier les sociétés d'économie mixte locales.

M. Jacques Mézard , rapporteur, a mis en avant la nécessité de doter les sociétés publiques locales d'un statut très sécurisé. Il a ajouté que la création des sociétés publiques locales ne supprimerait pas les sociétés d'économie mixte ; elle constituait un nouvel outil qui existe dans les autres pays européens et faciliterait notamment la gestion de certains équipements qui implique, aujourd'hui, le recours à une procédure très lourde.

M. Pierre-Yves Collombat s'est déclaré favorable à la création des sociétés publiques locales, susceptibles selon lui d'offrir aux élus locaux de nouveaux outils, par exemple, pour les projets d'ingénierie publique. En réponse à M. Elie Brun, il a estimé que la création des sociétés publiques locales n'affranchirait pas les collectivités de la totalité des procédures d'appels d'offres. Il a souligné qu'il ne fallait pas trop attendre de la concurrence, cette dernière apparaissant parfois « organisée ».

La commission a ensuite adopté cinq amendements du rapporteur, tous présentés à l'article premier, tendant à :

- apporter certaines clarifications rédactionnelles ;

- porter à deux le nombre minimum d'actionnaires ;

- prévoir la détention par les collectivités locales associées à des établissements publics de la majorité des droits de vote ;

- cantonner l'activité des sociétés au territoire des collectivités locales qui en sont membres.

Puis elle a adopté sans modification l'article 2, laissant à M. Daniel Raoul l'initiative de présenter des amendements pour le modifier en séance publique. Elle a également adopté sans modification l'article 3.

La commission a adopté le texte de la proposition de loi ainsi modifiée.

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