C. LE SOLDE DÉFICITAIRE ET SON FINANCEMENT

1. Un déficit en augmentation de moitié par rapport à l'exécution 2007

L'exercice 2008 s'est clôt sur un solde déficitaire de 56,3 milliards d'euros soit 17,9 milliards d'euros au-delà du solde de 2007 qui s'est monté à 38,4 milliards d'euros. Par suite du renversement de la conjoncture, le solde en exécution est plus déficitaire - de près de 15 milliards d'euros - que celui fixé en la loi de finances initiale.

Comme le montre le tableau ci-dessous issu comme le précédent du rapport précité de la Cour des comptes, le solde primaire, c'est-à-dire le solde hors charge de la dette est à nouveau négatif en 2008.

Depuis 1993, le solde primaire n'aura donc été positif, si l'on met de côté l'année 2007 où il était quasi-équilibré, que pendant trois années : 1999, 2000 et 2001.

2. Les modalités de couverture du besoin de financement

Le besoin de financement de l'Etat, initialement estimé à 146,9 milliards d'euros par la loi de finances initiale pour 2008, est arrêté par le présent projet de loi de règlement à 164 milliards d'euros .

Ce besoin de financement avait été successivement réévalué à 149,4 milliards d'euros par la loi de finances rectificative pour le financement de l'économie (n° 2008-1016 du 16 octobre 2008) et à 159,5 milliards d'euros par la loi de finances rectificative n° 2008-1443 du 30 décembre 2008.

a) Déficit, amortissements et reprises de dettes

En exécution 2008, le besoin de financement de l'Etat est en accroissement de 59,1 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2007, soit une augmentation de 56 %, et de 17,1 milliards d'euros par rapport à la prévision inscrite en loi de finances initiale, soit une augmentation de 11,6 %.

Ces évolutions sont tout d'abord imputables au creusement du déficit budgétaire , dont l'impact en trésorerie s'élève à 56,4 milliards d'euros, contre 41,7 milliards d'euros prévus en LFI pour 2008 (+ 35,3 %).

Par ailleurs, le montant exceptionnel des remboursements d'emprunts arrivés à échéance se traduit par l'augmentation substantielle des amortissements de dette à moyen et long terme, qui passent de 69,1 milliards d'euros en exécution 2007 à 97,6 milliards d'euros en 2008, soit une augmentation de 41,2 %.

Enfin, la hausse du besoin de financement résulte de la reprise par l'Etat de la dette du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA), remboursée par émission de BTF à la fin de l'année 2008. Cette reprise de dette s'est traduite par un accroissement de 7,9 milliards d'euros de la ligne « Amortissement de dettes reprises par l'Etat ».

Evolution du tableau de financement de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

b) Les ressources de financement mobilisées

La couverture du besoin de financement de l'Etat a tout d'abord été assurée par une augmentation des émissions à moyen et long terme, qui ont été portées à 128,5 milliards d'euros (soit une augmentation de 30,9 milliards d'euros par rapport à 2007).

Les conditions de marché ont contribué à l'augmentation de ces émissions, dont on rappelle qu'elles sont nettes des rachats . En effet, l'Etat a jugé inopportun de procéder à des rachats de titres de maturité 2009 dans les conditions dégradées de la fin de l'année 2008 et n'a pas procédé à l'intégralité des rachats programmés.

La crise financière a également accru la demande de titres de court et moyen terme, conduisant l'Etat à augmenter ses émissions de BTF , dont la variation a été portée à 59,8 milliards d'euros, soit 35,5 milliards d'euros de plus qu'anticipé en LFI pour 2008 (+ 146 %). Cette augmentation a en partie servi à augmenter le solde du compte du Trésor à la fin de l'année 2008 .

Votre rapporteur général rappelle que, depuis 2006, l'Agence France Trésor s'est vu assigner un objectif de réduction de l'excédent de trésorerie libre de l'Etat non exigé par la sécurité de gestion de la dette, et ce afin de faire contribuer la trésorerie de l'Etat à la réduction de l'endettement.

La stratégie observée fin 2008 a donc délibérément pris le contrepied de cet objectif, dans le but de sécuriser les liquidités destinées à préfinancer les actions de soutien au secteur bancaire, le versement de l'État au Fonds stratégique d'investissement et le plan de relance de l'économie 22 ( * ) .

Selon le rapport annuel de performance de la mission « Engagements financiers de l'Etat », « seul cet accroissement du solde du compte a permis de gérer la dette et la trésorerie en début d'année 2009 dans des conditions de sécurité maximales, la mise en oeuvre rapide du plan de relance entraînant des décaissements accélérés dès le tout début de l'année qu'il n'était pas possible de financer sur les seuls premiers jours de 2009 ».

Au titre des ressources de trésorerie , votre rapporteur général relève enfin une légère variation à la baisse de l'encours des dépôts des correspondants du Trésor (- 1,6 milliard d'euros), alors que les lois de finances rectificatives d'octobre et décembre 2008 avaient anticipé cette diminution à respectivement - 6,9 et - 4,2 milliards d'euros.

L'encours de ces dépôts connaît des fluctuations sensibles en cours d'année, dont le rapport annuel 2009 de la Cour des comptes a souligné les effets potentiellement perturbateurs pour la gestion de la trésorerie de l'Etat (cf. encadré).

Les dépôts des correspondants du Trésor :
une cause d'aléas importants et non maîtrisés pour la trésorerie de l'Etat

En dépit de l'enjeu considérable qu'il représente pour la gestion de la trésorerie de l'Etat, le comportement des correspondants est encore mal appréhendé. Les établissements publics nationaux sont à l'origine de près d'un tiers des dépôts des correspondants du Trésor. Malgré l'importance de l'enjeu, le suivi de leur trésorerie est encore très imprécis. L'obligation pour les établissements publics nationaux soumis au règlement général de comptabilité publique d'annoncer au préalable toutes les opérations financières supérieures à 1 million d'euros a certes contribué à fiabiliser les prévisions de trésorerie à un jour. Mais la visibilité sur un horizon plus lointain reste très faible compte tenu de la grande volatilité de leurs opérations. Après une croissance régulière ces dernières années, l'encours des établissements publics nationaux a brusquement reculé, diminuant d'environ 13 milliards d'euros entre septembre 2007 et septembre 2008. Les raisons de cette baisse sont mal connues. Cette méconnaissance ne fait qu'accroître l'incertitude sur l'évolution à moyen terme de l'encours des correspondants, et par suite de la trésorerie de l'Etat.

L'encours des collectivités locales sur le compte du Trésor présente une saisonnalité très marquée en fin d'année. L'AFT enregistre un afflux massif de liquidités dans les derniers jours de l'année suivi d'un retrait de niveau comparable dans les premiers jours de l'année suivante. Ce phénomène s'est accentué ces dernières années avec une hausse des dépôts pouvant atteindre entre 6 et 8 milliards d'euros.

Ce sursaut massif et temporaire s'explique par plusieurs facteurs dont l'administration n'est pas en mesure aujourd'hui d'estimer les parts respectives : souscription d'emprunts dits de « clôture » de fin d'année liés à l'obligation d'équilibre réel du budget des collectivités locales ; solde des lignes de trésorerie mises en place dans le cadre d'une stratégie de trésorerie « zéro » ; opérations exceptionnelles se concentrant sur les derniers jours de l'année.

Ce phénomène, qui concerne la plupart des régions et des départements ainsi que certaines grandes communes et communautés (urbaines, d'agglomération ou de communes) est particulièrement difficile à prévoir. L'enquête menée auprès de certaines collectivités n'a pour l'instant pas permis d'accroître la visibilité sur ce pic de dépôts pour lequel demeure une incertitude dépassant le milliard d'euros.

Source : Cour des comptes - Rapport public annuel 2009

Au total, l'encours de la dette négociable sera passé de 921 milliards d'euros fin 2007 à 1.017 milliards d'euros fin 2008 23 ( * ) . L'accroissement de la demande pour les titres de court terme se traduit par l'accroissement de la part des BTF, dont l'encours représente 13,6 % du total fin 2008, contre 8,5 % fin 2007 , et par la réduction de la durée de vie moyenne de la dette avant swaps, qui passe de 7 ans et 51 jours à 6 ans et 292 jours sur la même période.

Cette évolution n'est pas sans susciter des interrogations quant à la portée réelle de l'encadrement parlementaire de l'évolution de la dette. En effet, le 9° de l'article 34 de la LOLF dispose que la loi de finances de l'année « fixe le plafond de la variation nette, appréciée en fin d'année, de la dette négociable de l'Etat d'une durée supérieure à un an ».

L'évolution de la dette à court terme n'est donc pas visée par ces dispositions, alors même que l'accroissement de la part des bons de Trésor dans l'encours global expose les finances de l'Etat à un aléa réel en cas de tension sur les taux courts. Votre rapporteur général reviendra en détails sur cette question dans ses travaux préliminaires au débat d'orientation des finances publiques.

Telle est la raison pour laquelle, votre rapporteur général a décidé, en liaison avec le rapporteur spécial en charge des engagements financiers de l'Etat, notre collègue Jean-Pierre Fourcade, de prendre l'initiative d'un amendement assurant une meilleure information du Parlement, par l'intermédiaire des commissions de finances des deux assemblées, sur l'évolution de la dette comprise entre 3 mois et 1 an.


Encours de la dette négociable de l'Etat

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, d'après l'Agence France Trésor

* 22 Comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire 2008, « l'évolution de la conjoncture financière a conduit l'Etat à adapter notablement la stratégie de gestion de sa trésorerie pour sécuriser au mieux ses liquidités. Comme les banques, le Trésor a placé chaque soir auprès de la banque centrale un volume élevé de liquidités rémunérées au taux de la facilité de dépôt. Au 31 décembre 2008, le solde du compte du Trésor à la Banque de France s'élevait, pour cette raison, à 10,3 milliards d'euros, contre 0,3 milliard d'euros fin 2007. Les autres composantes de la trésorerie (qui s'élevaient à 26,9 milliards d'euros contre 13,6 milliards d'euros fin 2007) ont servi à financer le dispositif d'apport en fonds propres aux banques par la SPPE. Enfin, le solde a été affecté au financement des mesures annoncées du plan de financement de l'économie adopté par le Parlement en février 2009. En effet, afin de prendre en compte les volumes massifs de financement mis sur les marchés de taux par les Etats occidentaux au début de l'année 2009, l'Etat a décidé de préfinancer une partie des mesures du plan précité, à hauteur de 10 milliards d'euros ».

* 23 Pour mémoire, et sous l'effet de la mise en oeuvre des mesures du plan de relance, l'encours de la dette négociable atteignait 1.075 milliards d'euros à la fin du mois d'avril 2009.

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