B. LA MODESTIE DES RÉPONSES APPORTÉES PAR LE GOUVERNEMENT

Deux questions essentielles sont désormais posées : d'une part, le traitement des déficits accumulés, d'autre part, la question du déficit de 2010 et, naturellement aussi, celui des déficits des années suivantes.

Pour l'année 2010, le Gouvernement ne fait que présenter des propositions limitées , bien loin de pouvoir remédier aux 30 milliards de déficit du régime général. Il convient certes de ne pas gêner la sortie de crise, mais quelques signaux supplémentaires auraient put être inscrits dans le présent projet de loi de financement.

1. Recettes : 600 millions de mesures nouvelles

Les mesures nouvelles du projet de loi en matière de recettes atteignent près de 600 millions d'euros pour l'ensemble des régimes obligatoires et 550 millions pour le régime général.

Le tableau ci-après détaille l'impact attendu par le Gouvernement des mesures nouvelles 2010 sur les recettes .

Mesures nouvelles 2010 sur les recettes

(en millions d'euros)

Régime général

Tous régimes

FSV

Mesures nouvelles 2010 sur les recettes

550

593

46

Augmentation du forfait social

380

380

Suppression de l'exonération dont bénéficient certains contrats d'assurance vie à la succession

172

172

21

Augmentation de la taxe promotion sur les dispositifs médicaux

3

3

Contribution exceptionnelle des organismes complémentaires au titre du financement de la lutte contre la pandémie grippale

255

300

Doublement de la contribution sur les retraites « chapeau »

25

Transfert de droits de consommation sur les tabacs au panier Tepa et au régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles

- 165

- 167

Non-compensation du bonus outre-mer

- 95

- 95

Ces mesures sont de trois catégories différentes :

- la première recouvre une mesure exceptionnelle : il s'agit de la contribution des organismes complémentaires au financement de la lutte contre la pandémie grippale, soit environ 300 millions pour l'ensemble des régimes en 2010 (article 10 du projet de loi) ;

- la deuxième s'inscrit dans le cadre de la politique de rationalisation des niches sociales ; elle regroupe quatre mesures, dont trois seulement ont un impact en 2010 : le renforcement des prélèvements portant sur les retraites « chapeau », le doublement du forfait social, la suppression du seuil annuel de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux pour l'imposition des plus-values aux prélèvements sociaux et l'aménagement du régime des contrats d'assurance vie au regard des contributions sociales en cas de décès ;


Les mesures du projet de loi de financement pour 2010 tendant à
revenir sur divers dispositifs dérogatoires

le renforcement des prélèvements portant sur les retraites « chapeau » (article 14)

Cette disposition vise à supprimer l'écart de taxation bénéficiant actuellement aux régimes de retraite dits « chapeau » par rapport aux autres régimes de retraite supplémentaire.

En effet, les régimes de retraite « chapeau », qui ont pour caractéristique essentielle de conditionner les droits à pension à l'achèvement de la carrière dans l'entreprise, bénéficient actuellement d'une exonération totale, sans plafond, de CSG et de cotisations sociales au titre de la contribution des employeurs au financement de ces régimes.

En revanche, dans les régimes de retraite supplémentaire, l'exonération de cotisations sociales des contributions des employeurs est plafonnée et celles-ci sont soumises à la CSG, à la CRDS et au forfait social créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Il est donc prévu de doubler les taux spécifiques applicables à la contribution de l'employeur dans le cas des retraites « chapeau » qui passeraient ainsi respectivement de 6 %, 8 % et 12 % à 12 %, 16 % et 24 %.

Le rendement - relativement limité - attendu de cette mesure est de 25 millions d'euros . Il correspond au doublement des sommes acquittées à ce titre en 2008 par 841 entreprises, soit 26 millions d'euros.

l'augmentation du forfait social (article 15)

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a institué un prélèvement spécifique, dénommé forfait social, assis sur une partie des assiettes exemptées de cotisations sociales, à savoir les revenus d'activité du secteur privé qui n'entrent pas dans l'assiette des cotisations sociales mais qui sont néanmoins soumis à la CSG et à la CRDS. Les revenus concernés recouvrent l'intéressement, la participation, les contributions des employeurs aux régimes de retraite supplémentaire et les abondements de l'employeur aux plans d'épargne entreprise et aux plans d'épargne pour la retraite collective.

Le taux de ce prélèvement a été fixé l'année dernière à 2 %. Il est proposé de le doubler, soit de le porter à 4 %, ce qui rapporterait environ 380 millions d'euros de ressources supplémentaires à la sécurité sociale dès 2010.

Même à ce nouveau montant, il reste très en-deçà du taux de cotisation de droit commun appliqué aux salaires, soit 30,4 % au titre des charges sociales patronales de base.

la suppression du seuil annuel de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux pour l'imposition des plus-values aux prélèvements sociaux (article 16)

Les revalorisations successives du seuil de cession de valeurs mobilières au-delà duquel les gains nets réalisés lors de la cession de ces valeurs sont taxés ont entraîné une contraction progressive de l'assiette des prélèvements sociaux correspondants. Afin de limiter cet effet dépréciateur pour les recettes de la sécurité sociale, la mesure proposée vise à neutraliser le seuil de cession pour les prélèvements sociaux : désormais, les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières seront soumises aux prélèvements sociaux (8,2 % de CSG, 0,5 % de CRDS, 2 % de prélèvement sur les revenus du capital, 0,3 % de contribution à la CNSA et 1,1 % de contribution au financement du RSA), soit un taux global de 12,1 %, dès le premier euro.

Le rendement attendu de cette mesure est d'un peu plus de 110 millions d'euros par an à compter de 2011.

l'aménagement du régime des contrats d'assurance-vie au regard des contributions sociales en cas de décès (article 17)

La mesure proposée vise à remédier à une inégalité de traitement entre les souscripteurs de contrats d'assurance-vie selon qu'il s'agit de contrats en euros ou de contrats multi-supports (ou contrats en unités de comptes), les uns étant soumis aux prélèvements sociaux, les autres non. Cette anomalie aboutit en outre à priver de recettes non négligeables la sécurité sociale. C'est pourquoi, il est proposé de soumettre aux mêmes prélèvements sociaux l'ensemble des intérêts capitalisés sur les contrats d'assurance-vie en cours à l'occasion du décès du souscripteur.

Le rendement attendu de cette mesure est estimé à 273 millions d'euros en 2010.

- la troisième est issue de la réaffectation d'une fraction du droit de consommation sur les tabacs au profit, d'une part, du panier de compensation des exonérations liées aux heures supplémentaires, d'autre part, du financement d'une mesure d'amélioration de la pension de réversion du régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles (article 13).

2. Dépenses : 2 milliards d'économies sur la maladie

S'agissant des dépenses, le tableau ci-après présente une synthèse des mesures nouvelles pour 2010 en précisant leur impact financier.

Mesures nouvelles 2010 sur les dépenses

(en millions d'euros)

Régime général

Tous régimes

Mesures d'économies sur les dépenses d'assurance maladie

1 836

2 198

Mesures d'économies intégrées à l'Ondam 2010

1 844

2 211

Economies sur biologistes et radiologues

200

240

Maîtrise médicalisée hors produits de santé (IJ, actes paramédicaux, plan transports, ALD)

325

390

Maîtrise médicalisée produits de santé

167

200

Baisses de prix ciblées de médicaments et de dispositifs médicaux

250

300

Baisses de prix génériques

83

100

Economies sur médicaments à 35 % (SMR faible et SMRI à 15 %)

121

145

Lutte contre la fraude

125

150

Economies sur les dépenses d'IJ hors maîtrise médicalisée et lutte contre les fraudes

92

110

Convergence tarifaire établissements de santé

125

150

Augmentation du forfait journalier hospitalier

130

156

Générication de médicaments en sus de la tendance

167

200

Baisse de la contribution des établissements au centre national de gestion

25

30

Gestion des tarifs de la liste en sus

33

40

Mesures hors Ondam

- 8

- 13

Diminution de la dotation à l'Oniam

42

47

Provision pour le financement de l'Anap et de l'Asip

- 50

- 60

Mesures nouvelles en dépenses pour le risque famille

27

27

Prise en charge, par l'Etat, d'une fraction des pertes sur créances d'indus au titre de prestations nouvellement comptabilisées en comptes de tiers

20

20

Ouverture du prêt à l'aide à l'habitat aux assistants maternels

0

0

Amélioration de la détection des logements fictifs ouvrant droit aux aides au logement et autres mesures de lutte contre la fraude

7

7

Mesures nouvelles en dépenses pour le risque AT-MP

- 5

- 5

Réforme des incitations financières

- 5

- 5

Mesures nouvelles en dépenses pour le risque vieillesse

622

634

Cumul emploi invalidité

4

4

Transfert au FSV du financement des validations gratuites des périodes d'arrêt maladie, maternité, accidents du travail, invalidité

618

630

La maladie est au régime

L'analyse de ce tableau montre que l'essentiel des évolutions attendues en termes de dépenses proviendra en 2010, comme les années précédentes, de l'assurance maladie, les économies atteignant un total d'environ 2,2 milliards d'euros . Les mesures d'économies envisagées s'articulent autour des axes suivants :

- la maîtrise médicalisée des dépenses et la lutte contre les abus et les fraudes pour 780 millions , dont 390 millions au titre des prescriptions hors produits de santé (prescriptions d'arrêts de travail, d'examens de biologie, de soins paramédicaux, de transports ; meilleure gestion des dépenses liées aux ALD), 200 millions au titre des produits de santé (recommandations médico-économiques de la Haute Autorité de santé, engagements pris dans le cadre des contrats individuels d'amélioration des pratiques - Capi), 40 millions au titre de la liste en sus et 150 millions dans le cadre de la lutte contre les abus et la fraude ;

- les ajustements de prix et de tarifs , sur les secteurs des soins de ville comme de l'hôpital, pour 990 millions , avec des baisses de tarifs de radiologie et de biologie pour 240 millions, des baisses de prix des médicaments (sous brevet et génériques) et des dispositifs médicaux pour 400 millions et un rapprochement tarifaire pour certaines prestations d'hospitalisation entre les secteurs public et privé pour 150 millions ;

- le recentrage des dépenses d'assurance maladie sur le financement des soins les plus utiles médicalement pour 411 millions d'euros , avec la hausse du forfait journalier de 2 euros, soit une économie évaluée pour l'assurance maladie à 156 millions et l'abaissement à 15 % du taux de remboursement de certains médicaments, soit une économie de 145 millions.

La vieillesse est en attente

Pour la branche vieillesse, le présent projet de loi de financement poursuit la clarification du financement des avantages non contributifs de retraite : ce sera désormais le FSV qui financera les validations gratuites de trimestres accordées au titre des périodes d'arrêt de travail du fait de la maladie, de la maternité, des accidents de travail ou de l'invalidité. Ce transfert se fera sur deux ans et devrait soulager les charges de la Cnav et des régimes alignés à hauteur de 630 millions en 2010.

Aucune autre mesure ne figure dans le projet de loi, à l'exception de l'aménagement du mécanisme de la majoration de la durée d'assurance des mères de famille, imposé par les circonstances. La question de l'assainissement des comptes de la branche retraite est en effet entièrement renvoyée au rendez-vous de 2010.

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