C. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION POUR L'APRÈS-CRISE

Au-delà de la question du traitement des déficits en cours, reste l'essentiel, à savoir comment réduire les déficits des années à venir ou encore comment financer le maintien d'un haut niveau de protection sociale tout en tenant compte du montant déjà élevé des prélèvements obligatoires et des contraintes de compétitivité d'une économie ouverte.

La maîtrise des dépenses est évidemment prioritaire et doit être impérativement poursuivie, notamment pour les dépenses d'assurance maladie.

Sur le plan des recettes, il est important de constater qu'aucun observateur, aucune institution, aucun expert avisé n'excluent aujourd'hui une hausse des prélèvements pour faire face aux dépenses supplémentaires, notamment liées au vieillissement de la population. Leurs analyses distinguent d'ailleurs le plus souvent, d'un côté les prélèvements fiscaux, de l'autre les prélèvements sociaux pour lesquels la problématique ne peut être posée de la même façon .

En effet, les prélèvements sociaux donnent lieu à une contrepartie . Or cette contrepartie répond à des besoins en évolution : pour la santé, la possibilité d'être mieux pris en charge et de bénéficier plus longtemps de soins toujours plus sophistiqués ; pour la vieillesse, la disposition d'un revenu de remplacement de bon niveau pendant une durée accrue du fait de l'augmentation de l'espérance de vie.

Il est donc naturel que la progression des dépenses liée à la couverture de ces besoins soit financée, ce qui signifie une augmentation des prélèvements, sauf à modifier les équilibres du système de protection sociale actuel et à positionner autrement les curseurs entre les différents acteurs et financeurs.

Quoi qu'il en soit, les décisions sur les prélèvements de la sortie de crise et de l'après-crise doivent être préparées dès à présent .

Elles devront s'efforcer de concilier une exigence de rendement, permettant de couvrir les dépenses, avec un principe de soutenabilité économique, au regard notamment de la compétitivité de notre pays, et d'équité entre les ménages et les autres contributeurs, afin de préserver la légitimité et l'acceptabilité des prélèvements.

1. Une priorité : régler la question de la dette sociale

Les déficits sans précédent que connaît actuellement la sécurité sociale ont un corollaire immédiat : l'aggravation, elle aussi sans précédent, de la dette sociale.

Quelle que soit la légitimité des motifs qui le justifient, le report du traitement de cette dette présente des risques sérieux pour l'avenir de la sécurité sociale.

a) L'ampleur de la dette sociale

Pour appréhender complètement la dette sociale, il convient de prendre en compte à la fois la dette transférée à la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et la dette courante des organismes de la sécurité sociale gérée par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

La dette portée par la Cades

Depuis sa création, la Cades a repris 134,61 milliards d'euros de dette. La dernière reprise est intervenue à la fin de l'année 2008 et au début de l'année 2009. Elle a porté sur 27 milliards correspondant aux déficits cumulés, à la fin de 2008, des branches maladie et vieillesse du régime général ainsi que du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Au 31 décembre 2009, la dette amortie par la Cades devrait s'élever à 42,59 milliards d'euros. L'amortissement annuel est passé de 2,9 milliards en 2008 à 5,1 milliards en 2009 sous l'effet notamment de la baisse des taux d'intérêt, mais également de l'augmentation du montant total de la dette portée.

La dette restant à amortir devrait s'élever à 92 milliards d'euros à la fin de l'année 2009 .

La dette portée par la Cades

Année

2004

2005

2006

2007

2008

2009 (p)

Montant de la dette portée par la Cades

en Mds d'euros

92,4

102,0

107,7

107,6*

117,6

134,6

en points de Pib

5,6

6,0

6,0

5,7

6,0

6,7

Montant de la dette portée et restant à amortir en fin d'année

en Mds d'euros

65,7

72,7

75,6

73,0

80,1

92,0

en points de Pib

4,0

4,3

4,2

3,9

4,1

4,8

(p) : montants prévisionnels.

* : la légère diminution constatée en 2007 correspond à une opération d'ajustement du montant total des transferts effectués au titre du déficit cumulé de la Cnam à fin 2006 et qui s'est traduite par un versement de l'Acoss à la Cades, courant 2007, de 65 millions d'euros clôturant les opérations relatives à la loi de 2004.

Source : Cades

Compte tenu de l'attribution à la Cades de 0,2 point de CSG pour accompagner le transfert de 27 milliards d'euros de dette à la fin de l'année 2008 et au début de 2009, l'extinction de la caisse est toujours prévue pour 2021 .

La dette courante des organismes de sécurité sociale

Alors qu'une reprise de dette est intervenue il y a moins d'un an, le régime général et le FSV connaîtront en 2009 un déficit total avoisinant 27 milliards d'euros. Compte tenu de l'existence de reliquats de dette non repris par la Cades, ce montant pourra même être porté à 30,5 milliards, à la fin de 2009.

Pour 2010, la dette courante de ces mêmes régime et organismes sociaux devrait atteindre 36 milliards d'euros.

Afin de tenir compte de cette situation des comptes des régimes sociaux, le Gouvernement propose dans le présent projet de loi de fixer à 65 milliards d'euros le plafond des avances de trésorerie auxquelles peut recourir l'Acoss, soit un montant jamais atteint depuis la création de l'agence .

b) Un report de traitement particulièrement risqué

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ne prévoit aucune mesure de traitement de la dette en cours d'accumulation, ni au titre du déficit réalisé en 2009, ni pour celui de 2010.

Cette situation est particulièrement préoccupante, dans la mesure où le report des décisions sur ce sujet risque de rendre le traitement de cette dette plus douloureux et présente de sérieuses incertitudes.

* Le coût de la gestion de la dette et le risque de taux

Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son dernier rapport, « indépendamment de tout amortissement, il est désormais nécessaire de consacrer plus de 4 milliards d'euros de prélèvements sociaux et fiscaux au paiement des intérêts de la dette du régime général et du régime agricole ».

Evolution des amortissements et des charges d'intérêt sur la période 2006-2008

En millions d'euros

2006

2007

2008

Intérêts (charge nette)

Acoss*

271

648

834

Ffipsa

86

186

283

Cades

2 661

3 101

3 093

TOTAL

3 018

3 935

4 230

Amortissement de la dette Cades

2 815

2 578

2 885

Amortissements + intérêts

5 833

6 513

7 095

* y compris la partie de trésorerie gérée pour des tiers

Source : Cour des comptes

Certes, le très bas niveau des taux d'intérêt en 2009 - à court terme notamment - a permis de réduire très sensiblement le montant des charges financières assumées par l'Acoss dans la gestion de la trésorerie de la sécurité sociale, tandis que la Cades a pu consacrer davantage de recettes à l'amortissement proprement dit de la dette qu'elle porte.

Cependant, rien ne garantit que cette situation perdurera et une augmentation des taux courts aurait un impact immédiat et important sur les comptes sociaux.

Surtout, comme l'a souligné la Cour des comptes dans le rapport précité, « la séparation entre la gestion de la trésorerie contractée par l'Acoss, qui ne peut s'effectuer sur un horizon supérieur à un an, et la dette transférée à la Cades, qui peut faire l'objet d'un refinancement à moyen et long terme, interdit aux gestionnaires de saisir toutes les opportunités d'arbitrage offertes par l'évolution des taux d'intérêts ».

Par ailleurs, la croissance exponentielle des fonds que doit mobiliser l'Acoss pour lui permettre de s'acquitter de ses obligations va la contraindre à diversifier ses sources de financement dans des conditions encore imprécises.

Ainsi, lors de son audition du 14 octobre 2009 par la commission des affaires sociales, Pierre Burban, président de l'Acoss, a indiqué que, « pour faire face à son besoin de financement de près de 62 milliards en 2010, l'Acoss recourra, en complément de ses instruments classiques que sont les avances de trésorerie de la Caisse des dépôts et consignations et l'émission de billets de trésorerie, à des émissions complémentaires sur les marchés assurées, d'un point de vue technique, par l'agence France Trésor (AFT) agissant comme prestataire de services de l'Acoss. Ainsi, la couverture des besoins de trésorerie serait assurée par plusieurs instruments :

« - des avances de la CDC à hauteur de 25 milliards dans le cadre de l'avenant à la convention signée en 2006 et dont le montant global pourrait être fixé à 31 milliards à l'occasion de la signature de la nouvelle convention prévue en 2010 ;

« - des opérations de mutualisation des trésoreries positives d'organismes sociaux en application de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. A ce titre, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pourrait apporter une contribution d'un milliard d'euros en 2010 ;

« - des émissions accrues de billets de trésorerie auprès des investisseurs privés et publics, le montant de ces émissions pouvant passer de 3 à 10 milliards ;

« - enfin, des émissions de titres nouveaux au nom de l'Acoss, assurées techniquement par l'AFT. »

Comme l'a lui-même souligné le président de l'Acoss, une telle situation ne pourra persister au-delà de l'année 2010. Rappelons que la vocation de l'Acoss n'est pas d'assurer le financement de déficits cumulés considérables mais de trouver les ressources de trésorerie nécessaires pour faire face aux décalages entre perception des recettes et versements des prestations de la sécurité sociale.

Des décisions qui risquent d'être plus douloureuses

Les transferts de dette à la Cades deviendront de plus en plus coûteux à l'approche de la date prévue pour la disparition de la caisse. En effet, conformément aux dispositions de la loi organique du 2 août 2005, tout transfert de dette doit s'accompagner des ressources nécessaires pour y faire face sans repousser la date d'extinction de la dette portée.

En juin dernier, la Cades a calculé les « tarifs » des reprises de dette éventuelles au cours des années à venir :

- pour reprendre 10 milliards de dette le 4 janvier 2010, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,077 point ;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 3 janvier 2011, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,085 point ;

- pour reprendre 10 milliards de dette le 2 janvier 2012, il faudrait augmenter le taux de CRDS de 0,095 point.

Dès lors qu'aucune reprise de dette n'est prévue par le projet de loi de financement pour 2010, une éventuelle reprise ne pourra intervenir qu'à la fin de l'année 2010 ou au début de l'année 2011. A cette date, les déficits cumulés du régime général et du FSV devraient, selon les prévisions figurant dans le présent projet de loi, atteindre 63,7 milliards d'euros. Le transfert à la Cades de cette somme impliquerait une augmentation de la CRDS de 0,54 point. Son taux, actuellement fixé à 0,5 % passerait alors à 1,04 %.

Si l'on attendait une année supplémentaire, la dette à transférer pourrait atteindre 99,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2011. Compte tenu des calculs de la Cades, il faudrait alors porter le taux de la CRDS de 0,5 % à 1,44 %.

Ces chiffres démontrent la nécessité d'envisager dès à présent le traitement de la dette sociale en cours d'accumulation . Sans doute faudra-t-il recourir à des solutions diverses. Peut-être devra-t-on envisager de modifier la loi organique de 2005 pour allonger quelque peu la durée de vie de la Cades, mais une telle évolution n'est concevable que si elle s'accompagne, simultanément, d'une augmentation crédible des recettes de la caisse , démontrant clairement que les pouvoirs publics refusent de reporter la dette d'aujourd'hui sur les générations futures.

Une solution consisterait par exemple à faire en sorte que chaque tranche de dette nouvelle transférée à la Cades soit remboursée dans un délai limité préfixé et que les recettes de la caisse soient augmentées en conséquence.

Quoi qu'il en soit, votre commission souhaite que, dès cette année, un premier pas soit fait. Elle propose que 20 milliards - soit le « point haut » de la trésorerie de l'Acoss en 2010 - soient transférés à la Cades et qu'en conséquence le taux de la CRDS soit accru de 0,15 % et donc porté à 0,65 %.

2. Un impératif : poursuivre la maîtrise des dépenses

Le contexte financier actuel exige que soient poursuivis et même amplifiés les efforts des dernières années, bien au-delà des plans d'économies présentés dans les dernières lois de financement. Cela exige, en particulier, de déployer une action forte à l'hôpital et de s'enjoindre de réussir la réforme des retraites.

Poursuivre la réforme de l'hôpital

Les dépenses de l'hôpital représentent environ 45 % des dépenses de l'assurance maladie. Plusieurs travaux récents ont montré que des efforts de productivité pouvaient être accomplis dans les établissements. Il est donc nécessaire d'affirmer une volonté forte pour continuer à réformer l'hôpital. Le Premier président de la Cour des comptes a fait valoir, lors de son audition devant la commission des affaires sociales le 27 octobre, que la Cour des comptes a constaté «  une disparité surprenante des performances des hôpitaux qui ne s'explique que partiellement par les différences de vocations et d'échelle entre les établissements de l'échantillon étudié. » Il en a conclu qu'il existe de réelles marges de progrès et d'efficience à l'hôpital.

Pour votre commission, il est impératif que toutes ces marges soient mobilisées. Ce sera une mission prioritaire pour les agences régionales de santé qui vont se mettre en place dans le courant de l'année 2010. C'est aussi dans cet esprit qu'il est proposé de ramener l'horizon de la convergence, que le Gouvernement souhaite reporter à 2018, à 2014 . En effet, toutes les études sur les écarts de coûts devraient être achevées en 2012 ; il n'y a pas lieu d'attendre six années pour en tirer les conséquences.

Réussir le rendez-vous de 2010 sur les retraites

La situation financière de la branche vieillesse, désormais installée dans une plage de déficit supérieur à 10 milliards d'euros, exige que le rendez-vous de 2010 sur les retraites permette d'apporter des solutions durables à l'équilibre des comptes de la vieillesse. La Mecss en fera d'ailleurs son principal sujet de réflexion au début de l'année 2010. La sauvegarde du régime de retraite de base est en jeu.

3. Une nécessité : assurer le financement de la protection sociale

La première nécessité est de sauvegarder les recettes de la sécurité sociale, ce qui signifie qu'il faut, d'une part, poursuivre l'élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux, d'autre part, envisager la mobilisation de nouvelles ressources.

a) Poursuivre l'élargissement de l'assiette des prélèvements sociaux

Comme le souligne régulièrement la Cour des comptes dans ses rapports, les meilleurs prélèvements sont ceux qui ont l'assiette la plus large avec des taux bas. En matière sociale, il est particulièrement souhaitable que les prélèvements portent sur l'assiette la plus large possible afin d'éviter notamment une trop forte concentration sur les seuls revenus du travail, qui conduit automatiquement à pénaliser l'emploi.

Le forfait social, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, a permis, comme le souhaitait depuis longtemps votre commission, de soumettre à un prélèvement une partie des éléments de rémunération exemptés de cotisations sociales.

En dépit de ces diverses mesures, toutes les assiettes exemptées de cotisations sociales ne sont pas encore soumises à un prélèvement social . Des marges existent donc encore. Il ne serait pas anormal qu'un certain nombre d'avantages accordés aux salariés, tels que les chèques vacances, soient soumis au forfait social, dont le taux reste très inférieur à celui des cotisations sociales de droit commun.

Il en est de même pour un certain nombre de dispositifs soumis à prélèvements spécifiques, comme les retraites « chapeau » ou les stock-options, pour lesquels un rapprochement avec le droit commun pourrait être envisagé.

De même, une remise à plat des indemnités de rupture est aujourd'hui nécessaire afin de rendre parfaitement équitables les prélèvements qui s'y appliquent, qu'ils soient fiscaux ou sociaux.

Montants des exemptions d'assiettes en 2009

(en milliards d'euros)

Dispositifs

Montants des exemptions d'assiettes

I. Participation financière et actionnariat salarié

20,0

Dont :

Participation

8,7

Intéressement

7,9

Plan d'épargne en entreprise (PEE)

1,3

Stock-options

2,1

II. Aides directes consenties aux salariés

5,4

Dont :

Titres restaurant

2,4

Chèques vacances

0,3

Avantages accordés par les comités d'entreprise

2,6

Chèque emploi service universel préfinancé

0,1

III. Prévoyance complémentaire, retraite supplémentaire

17,1

Dont :

Prévoyance complémentaire

13,1

Retraite supplémentaire

3,8

Plan d'épargne retraite collective (Perco)

0,2

IV. Rupture du contrat de travail

3,5

Dont :

Indemnités de licenciement

3,2

Indemnités de mise à la retraite

0,4

TOTAL

46,1

Source : annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale

De la même façon, on observe quelques pertes d'assiette sur la CSG alors que celle-ci est pourtant très large. Ainsi, par rapport à l'assiette de la CRDS, plus étendue, la CSG ne s'applique ni aux prestations familiales, ni aux aides au logement, ni aux ventes de métaux précieux, bijoux et objets d'art et d'antiquité, ni à la totalité des sommes misées dans les jeux. Si l'assujettissement à la CSG des prestations sociales parait difficile dans le contexte de crise actuel et compte tenu du taux non négligeable de la CSG, soit 8,2 %, un alignement de l'assiette de la CSG sur celle de la CRDS en matière de jeux et de ventes de métaux précieux, bijoux et objets d'art pourrait d'ores et déjà être mis en oeuvre.

b) Se préparer à mobiliser des ressources nouvelles

Plusieurs pistes peuvent être explorées dans le cadre de la mobilisation de nouvelles ressources en faveur de la sécurité sociale.

Un meilleur ciblage des allégements de charges sociales

Dans son dernier rapport sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, la Cour des comptes revient sur la question du coût des allégements généraux de sécurité sociale et l'examine notamment au regard de ses effets sur l'emploi et la croissance.

Les études menées sur ce sujet divergent et ne permettent pas de tirer des conclusions tranchées. Néanmoins, toutes soulignent le coût de ce dispositif et certaines font des propositions pour en limiter le champ ou l'impact.

Evolution des exonérations de cotisations

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Allégements généraux

16,1

16,5

18,5

20,8

21,7

21,5

Exonérations heures supplémentaires

-

-

-

0,6

2,8

2,8

Rachat de RTT

-

-

-

-

0,1

0,0

Exonérations ciblées compensées

2,3

2,5

3,1

4,0

3,9

3,6

Total mesures compensées

18,4

19,0

21,6

25,4

28,5

27,8

Exonérations non compensées

2,0

2,1

2,4

2,7

2,5

2,6

Total exonérations

20,4

21,1

24,0

28,2

31,0

30,4

Source : rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale - octobre 2009

Parmi les propositions de réforme avancées figurent, par exemple, une baisse du seuil de 1,6 Smic en-dessous duquel ces allégements s'appliquent, une limitation aux entreprises de taille petite ou moyenne ou encore un accès réservé aux entreprises respectant certains critères sociaux ou environnementaux.

Le Gouvernement a décidé de lancer une mission sur ce sujet. En attendant les résultats de ses travaux, il pourrait être judicieux de mettre en oeuvre ce que propose la Cour des comptes, à savoir une annualisation du calcul des allégements pour éviter certains contournements. Une telle mesure permettrait une économie de 2 à 3 milliards d'euros sur ces allégements .

Le développement des taxes comportementales

Les taxes comportementales sont notamment celles qui sont applicables au tabac et à l'alcool, mais également aux boissons sucrées et aux produits alimentaires jugés néfastes pour la santé. Elles ont pour objet de freiner la consommation des produits concernés en raison de leur caractère nocif en termes de santé publique. Elles visent donc à infléchir des comportements.

Elles ont néanmoins aussi pour intérêt d'apporter des ressources, particulièrement justifiées lorsqu'elles sont attribuées à la sécurité sociale. Il y a en effet une grande logique à affecter au financement des dépenses de santé la taxation des tabacs et alcools et demain, pourquoi pas, la taxation de certains produits gras ou sucrés.

- les droits sur le tabac

Comparée aux pays de l'Union européenne, la France a un taux d'imposition du tabac très élevé et une des consommations les plus basses.

Les droits applicables au tabac ont de fait considérablement augmenté dans notre pays au cours des dernières années. Pour 2009, leur rendement est estimé à 9,6 milliards d'euros, soit à un montant quasiment identique par rapport à 2008 qui traduit une stabilité de la consommation.

Ces droits n'ont toutefois pas été relevés depuis août 2007 et il ne serait pas injustifié de prévoir un ajustement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. A titre d'exemple, porter le minimum de perception du droit de consommation sur les cigarettes de 155 euros à 164 euros (pour mille cigarettes) permettrait un accroissement des recettes d'un peu plus de 430 millions d'euros .

- les droits sur l'alcool

Pour l'alcool, la situation est différente : la France applique un taux d'accises moyen faible pour une consommation parmi les plus élevées de l'Union européenne.

Aussi est-il souvent affirmé que de réelles marges de progression existent . Aucun consensus ne permet certes d'envisager à court terme une augmentation des droits sur certains produits, en particulier sur le vin, en raison de la crise que traverse actuellement le secteur viticole. A moyen terme toutefois, il faudra réexaminer la question, en prenant en compte notamment les considérations de santé publique, auxquelles la commission des affaires sociales est très attachée, et en ne s'interdisant pas de mettre en regard de l'économie alcoolière le coût des conséquences d'une consommation excessive d'alcool pour l'assurance maladie.

Le rendement des droits sur les boissons alcooliques est estimé à 3,17 milliards d'euros pour 2009, en augmentation de 4,5 % par rapport à 2008. Outre un effet prix, une large partie de cette progression résulte de l'augmentation de la consommation d'alcools forts, dont les droits représentent les deux tiers du rendement total, soit un peu plus de 2 milliards d'euros. Ainsi, malgré un niveau élevé de taxation, on continue à enregistrer une hausse de la consommation d'alcools forts qui touche en particulier la jeunesse. Une telle situation justifie amplement qu' une augmentation de ces droits sur les alcools soit rapidement décidée.

- la taxation des produits gras ou sucrés

De la même façon, l'instauration d'une taxe nutritionnelle est une piste qui ne peut plus être éludée, ne serait-ce que pour aider à la prise de conscience de la rapide progression du phénomène de l'obésité dans notre pays, particulièrement chez les enfants.

Certes une telle taxe pourrait avoir un impact sur le pouvoir d'achat des ménages mais il conviendrait de la cibler sur les produits les plus nocifs sur un plan diététique et ne rentrant pas dans la catégorie des aliments de première nécessité : boissons et sodas sucrés, barres chocolatées et sucrées, etc. Elle n'aurait pas vocation à être fixée à un taux élevé, mais elle pourrait être calibrée de manière à rapporter environ 500 millions d'euros, ce qui ne représenterait pas plus de quelques centimes sur les canettes ou bouteilles de boissons gazeuses et sucrées.

Elle aurait toute légitimité à venir financer l'assurance maladie en raison du fort accroissement des dépenses assumées par celle-ci au titre du diabète et de toutes les complications liées à l'obésité.

C'était d'ailleurs l'une des conclusions de la mission confiée à Jean-François Chadelat sur le Ffipsa : créer une taxe sur les boissons sucrées au profit du régime de protection sociale agricole pour combler - partiellement - son déficit.

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