EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre 2009, sous la présidence de M. Joël Bourdin, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Charasse, rapporteur spécial, sur la mission « Aide publique au développement », et du rapport de M. Edmond Hervé , rapporteur spécial, sur les comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Accords monétaires internationaux » .

M. Michel Charasse , rapporteur spécial , a indiqué que le niveau global de l'aide publique au développement (APD) financée par la France, en 2008, s'est établi à 7,6 milliards d'euros, soit 0,39 % du revenu national brut (RNB). Ce résultat représente une progression de 2,9 % par rapport à 2007. Notre pays, en la matière, occupe le quatrième rang mondial derrière les Etats-Unis, l'Allemagne et le Royaume-Uni ; en valeur, il constitue le deuxième pays du G7, après le Royaume-Uni et devant l'Allemagne.

En 2009, les annulations de dettes reportées de 2008 devraient permettre une nouvelle progression de l'APD française, à hauteur de 0,44 % du RNB. Pour 2010, les prévisions associées au projet de loi de finances varient entre 0,44 % et 0,48 % du RNB. L'Afrique reste le premier continent bénéficiaire de cette aide, bien que sa part relative ait tendance à se réduire, notamment au profit de l'Asie.

M. Michel Charasse , rapporteur spécial , a souligné l'importance de cet effort, qu'il a estimé « méritoire » eu égard aux contraintes pesant sur les finances publiques. Il a fait valoir que la conjoncture économique mondiale appelle une solidarité accrue en faveur des pays en développement. A cet égard, il a considéré que les décisions prises par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 5 juin 2009 sont de nature à améliorer l'efficacité de l'APD française. En effet, elles tendent à concentrer cette aide sur un champ prioritaire resserré, tant au plan géographique que du point de vue des secteurs d'activités.

Le CICD a également renforcé le pilotage stratégique de l'Agence française de développement (AFD). Néanmoins, M. Michel Charasse , rapporteur spécial , a mis l'accent sur la nécessité que les ambassadeurs disposent des effectifs et des compétences qui leur permettent de porter une appréciation sur le fond des projets de l'Agence. Dans un même souci d'efficience, il a renouvelé ses préconisations en faveur du relèvement du niveau des aides financières accordées, par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), pour soutenir la réalisation de projets économiques portés par des migrants désirant retourner vivre dans leur pays d'origine après un séjour en France.

Par ailleurs, il a indiqué qu'en 2011, d'après les estimations, notre APD devrait être en retrait, à hauteur de 0,42 % du RNB. Alors que la France s'est engagée à consacrer, à l'horizon de 2015, 0,7 % de son RNB à l'aide au développement, la réalisation de cet objectif supposerait une croissance de l'ordre de 17 % par an sur la période 2012-2015. Il a jugé « peu réaliste » cette hypothèse.

Il a également regretté que l'aide « de terrain » reste minoritaire. Ainsi, en 2008, notre APD a résulté de contributions multilatérales à hauteur de 41 % et d'annulations de dettes à hauteur de 9 %. La France, toutefois, a obtenu de diminuer sensiblement sa contribution au Fond européen de développement (FED) pour la période 2011-2013.

En outre, il a signalé que certaines dépenses se trouvent comptabilisées en APD de manière contestable, en particulier les versements en faveur de Mayotte et de Wallis-et-Futuna, les aides bénéficiant aux réfugiés originaires de pays en développement et les frais d'écolage des étudiants étrangers en France. A l'inverse, certaines dépenses qui participent au développement ne sont pas comptabilisées, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale. Il a souhaité que le Gouvernement dresse un inventaire chiffré de ces éléments, afin d'obtenir une vue plus juste de l'effort national en ce domaine.

Puis il a présenté les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour la mission « Aide publique au développement », soit 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces crédits correspondent à 57 % du total des CP du budget général qui devraient être comptabilisables, en 2010, au titre de l'APD, soit 6,2 milliards d'euros répartis sur onze missions. Mais ils représentent seulement le tiers de l'ensemble des dépenses nationales d'APD anticipées pour 2010, soit 8,6 milliards d'euros au moins.

La mission se compose de trois programmes :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement » est piloté par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. A ce titre,  715 millions d'euros en AE et 1,2 milliard d'euros en CP sont prévus pour 2010 ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » relève du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE). Sur ce programme, 2,3 milliards d'euros en AE et 2,2 milliards d'euros en CP sont prévus pour 2010 ;

- enfin, le programme 301 « Développement solidaire et migrations » est géré par le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. En la matière, 26 millions d'euros en AE et 35 millions d'euros en CP sont prévus pour 2010.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2009, ces crédits marquent une hausse de 12 % en CP, mais une baisse de 8 % en AE. Toutefois, M. Michel Charasse , rapporteur spécial , a précisé que cette dernière évolution tient au programme 110, dont la moindre dotation en AE (- 46 %) tend à préserver la « soutenabilité ». Au contraire, les AE du programme 209, qui concentre l'aide « de terrain », se révèlent en progression (+ 16 %). Cependant, il a mis en garde contre d'éventuels transferts du programme 209 au programme 110, dans le cas où la prévision d'AE de ce dernier devrait s'avérer insuffisante.

Par ailleurs, il a indiqué que l'effort de réduction des effectifs se poursuivra en 2010. En effet, le plafond d'emploi de la mission « Aide publique au développement » est fixé par le projet de loi de finances à 2.667 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une baisse de 122 ETPT ( 4,4 %) par rapport à 2009. La réduction nette d'effectifs publics, toutefois, doit rester limitée à 87 ETPT, compte tenu de transferts vers d'autres administrations.

Enfin, la dépense fiscale associée à la mission devrait être quasiment nulle en 2010, car les dispositifs d'épargne en faveur du développement n'ont recueilli que très peu de souscripteurs. En conséquence, M. Michel Charasse , rapporteur spécial , s'est interrogé sur l'opportunité de maintenir en vigueur ces instruments.

M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a alors présenté les comptes de concours financiers « Prêts à des Etats étrangers » et « Accords monétaires internationaux ».

Le premier compte retrace les opérations relatives aux prêts consentis par l'Etat au titre de l'aide au développement. En 2010, ce compte devrait présenter un solde négatif, à hauteur de 108 millions d'euros, le montant des prêts accordés excédant celui des remboursements encaissés. La mission regroupant les crédits nécessaires au financement de ces prêts est dotée par le projet de loi de finances d'un milliard d'euros en AE et de 737 millions d'euros en CP. Trois dispositifs, en pratique, sont concernés.

Le premier dispositif tient aux prêts à des pays émergent, pour le financement d'infrastructures. A ce titre, sont prévus 400 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP. Les principaux décaissements prévisibles concernent les transports, notamment le projet de ligne à grande vitesse au Maroc, celui du tramway de Rabat, et les projets de métros au Caire et à Hanoï. Cependant, M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a estimé que la présence industrielle de la France à l'international reste « trop modeste ».

Le deuxième dispositif vise les opérations de refinancement liées aux traitements de dette, en faveur des pays les moins avancés et des pays à revenu intermédiaire, qui sont décidés dans le cadre du Club de Paris. A cet égard, sont prévus 229 millions d'euros, en AE comme en CP. M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a souligné le caractère aléatoire des réalisations en ce domaine.

Faisant le point sur l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), dont la France est le premier contributeur en cumul, il a signalé que le processus concerne de manière effective trente-cinq pays sur la quarantaine d'éligibles. Les allègements de dette approuvés en faveur de ces pays représentent un montant global de 36 milliards d'euros. Vingt-six pays ont fait l'objet d'un désendettement, mais les dettes de neuf pays se trouvent encore en cours de traitement. Le Congo pourrait franchir son « point d'achèvement » avant la fin de l'année 2009, et il pourrait en aller de même, en 2010, pour la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo, le Libéria et le Togo.

M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a appelé l'attention sur les enjeux économiques et humains qui s'attachent à ces opérations. Il a mis en avant le sort souvent dramatique qu'endure la population des pays concernés, et il a souhaité que la France et les autres Etats membres de l'Union européenne s'engagent davantage en faveur de la sécurité alimentaire.

Le troisième dispositif financé à partir du compte « Prêts à des Etats étrangers » consiste dans les prêts à l'AFD. Ces prêts permettent à l'Agence :

- d'une part, de financer les prêts concessionnels qu'elle accorde à des Etats ayant atteint le « point d'achèvement » de l'initiative en faveur des PPTE. A cet effet, 170 millions d'euros en AE et 73 millions d'euros en CP sont inscrits dans le projet de loi de finances ;

- d'autre part, de constituer des provisions pour risque commercial, au titre des prêts concessionnels non souverains qu'elle peut consentir. Dans ce but, 205 millions d'euros en AE et 135 millions d'euros en CP sont prévus.

Le compte « Accords monétaires internationaux », quant à lui, est destiné à retracer la coopération monétaire avec la Zone franc. Eu égard au niveau des avoirs extérieurs actuellement détenus par les banques centrales de cette zone, le compte n'est doté d'aucun crédit pour 2010, comme les années précédentes. A court terme, la situation actuelle ne paraît pas justifier une évolution du régime de change. Toutefois, M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a recommandé de rester vigilant quant à l'évolution économique de la zone, dans un contexte de marché qui lui est peu favorable.

Un débat s'est ouvert.

M. Adrien Gouteyron s'est plu à relever que les observations des deux rapporteurs spéciaux rejoignent celles qu'il a portées, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », sur l'efficacité du réseau diplomatique français et son rayonnement dans le monde. Dans cette perspective, il a estimé que la réduction des effectifs du MAEE a été menée suffisamment loin. Par ailleurs, il a souhaité obtenir des précisions sur la contribution de la France au FED.

M. André Ferrand a jugé nécessaire de sensibiliser davantage nos ambassadeurs aux questions relatives au développement. En outre, il a fait part de ses préoccupations pour l'avenir politique et économique de Madagascar.

M. Joël Bourdin a relevé que les crédits dédiés aux financements des bourses d'études prévus pour 2010 sont en baisse, par rapport à 2009, dans le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ». D'autre part, il s'est inquiété de la situation des pays de la Zone franc dans le contexte d'une forte appréciation de l'euro par rapport au dollar. Enfin, il a fait valoir les fortes potentialités agricoles que recèle l'Afrique et, en conséquence, il a appelé à orienter notre APD dans cette direction.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur le montant relativement peu élevé des crédits prévus dans le projet de loi de finances au titre des traitements de dette des PPTE.

En réponse à ces interventions, M. Michel Charasse , rapporteur spécial , a apporté une première série de précisions.

Il a d'abord fait part de l'amélioration significative de l'intérêt des ambassadeurs pour les enjeux de l'APD, qu'il a constatée, durant les quinze dernières années, à l'occasion de ses contrôles sur pièces et sur place. Cette aide, en effet, est désormais perçue comme un levier d'action diplomatique. Toutefois, il a estimé que les moyens dont les ambassadeurs disposent, dans ce cadre, restent trop peu importants. Il a donc préconisé que soient affectés en ambassade des sous-préfets en position de mobilité, spécialement chargés du suivi des dossiers d'aide au développement.

Il a ensuite indiqué que la prévision du versement français au FED, à la suite de la révision de la clé de contribution, devrait être de 804 millions d'euros en 2011, contre 872 millions en 2010. A ses yeux, le principal défaut du FED tient à la faiblesse de l'aide bilatérale qu'il permet d'apporter, alors que les aides multilatérales ne confèrent aucune « visibilité » à l'action de l'Union européenne en ce domaine.

En ce qui concerne les crédits destinés aux bourses d'études que retrace la mission « Aide publique au développement », il a fait valoir la nécessité de disposer d'une vision consolidée avec les crédits de même objet que regroupe la mission « Action extérieure de l'Etat ». De même, il a fait observer qu'une part substantielle des crédits en faveur du développement économique se trouve logée dans d'autres missions budgétaires.

Il a noté que la souveraineté de Madagascar fait obstacle à un règlement de la situation politique de ce pays à l'initiative de la communauté internationale. Cependant, il a signalé que, dans une situation comparable, la coopération française en Haïti a pu être rétablie en employant le canal de la société civile.

Il a également précisé que l'aide alimentaire de la France, dans la mesure où elle se réalise, pour l'essentiel, par la voie de contributions multilatérales, s'avère fortement dépendante de l'action des organisations internationales.

M. Edmond Hervé , rapporteur spécial , a complété ce propos.

Il a estimé qu'il est difficile de connaître la réalité de l'APD française, faute d'une comptabilisation exhaustive des différents apports en la matière. Il a cité, à titre d'exemple, la coopération médicale et hospitalière et la coopération décentralisée. Il a recommandé que les ambassadeurs soient convenablement informés de ce type d'interventions.

Par ailleurs, il a rejoint les propos de M. Joël Bourdin pour estimer que la situation des pays de la Zone franc est aujourd'hui préoccupante.

Enfin, il a rappelé que les crédits inscrits dans le projet de loi de finances au titre des annulations de dettes de PPTE sont, comme l'ensemble des crédits du compte spécial « Prêts à des Etats étrangers », des crédits évaluatifs. Aussi, en pratique, l'exécution peut s'écarter sensiblement des prévisions.

M. Jean Arthuis , président , a fait observer que, si la coopération en faveur des pays en développement se trouve mal comptabilisée, la présence dans les hôpitaux français d'un personnel médical nombreux en provenance de ces pays est, en revanche, bien attestée.

Puis, à l'initiative de M. Michel Charasse , rapporteur spécial , la commission a adopté deux amendements modifiant les crédits de la mission « Aide publique au développement » :

- le premier tend à supprimer les crédits prévus dans le programme 110 « Aide économique et financière au développement » en faveur du Fonds du sarcophage de Tchernobyl, du Compte pour la sûreté nucléaire et du « Northern Dimension Environmental Partnership », soit au total 29 millions d'euros en AE et 12,35 millions d'euros en CP. L'intention est que le Gouvernement réinscrive ces crédits dans la mission appropriée ;

- le second transfère les crédits prévus au titre du Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), soit 25 millions d'euros en CP, du programme 110 « Aide économique et financière au développement » au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». Cet amendement vise soustraire la gestion du FFEM au ministère chargé de l'économie, pour la confier au MAEE. Selon M. Michel Charasse , rapporteur spécial , ce transfert est de nature à permettre de dégager, en gestion, une marge de manoeuvre supplémentaire pour financer l'aide « de terrain », en particulier les dons-projets de l'AFD.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l' adoption des crédits ainsi modifiés de la mission « Aide publique au développement » et l' adoption sans modification des crédits des deux comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Accords monétaires internationaux » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 .

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2009, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa position .

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