II. DE NOUVEAUX OBJECTIFS AMBITIEUX DE CESSIONS À LA RÉALISATION INCERTAINE

Le présent PLF, dans la continuité de la LFI pour 2009, prévoit des cessions immobilières d'ampleur dont la plus grande part concernent le ministère de la défense.

A. LES OBJECTIFS DE PRODUITS

1. Une prévision ambitieuse : 900 millions d'euros de produits, dont 700 millions issus des cessions du ministère de la défense

Les crédits du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » sont prévus par le présent PLF à hauteur de 900 millions d'euros au total, en AE comme en CP. Ils correspondent au niveau du produit global officiellement attendu, en 2010, des cessions immobilières de l'Etat . Ce montant représente environ 1,4 % de la valeur du parc immobilier inscrite au bilan de l'Etat au 31 décembre 2008 (62,4 milliards d'euros).

La prévision paraît ambitieuse en l'état du marché immobilier . Elle s'inscrit dans le mouvement d'intensification mis en oeuvre, en la matière, depuis 2005, tel que le fait apparaître le tableau ci-dessous. Au reste, comme indiqué plus haut, cette prévision n'intègre pas les recettes de droits immobiliers que l'article 28 du présent PLF tend à rendre imputables sur le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » (cf. supra , I).

Produits des cessions immobilières de l'Etat

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Réalisations

90

110

90

107

173

634

798

820

397

329

(au 30 juin)

-

Prévisions en LFI

-

-

-

-

-

600

439

500

600

1.400

900

(PLF)

Source : documentation budgétaire

Les trois-quarts de ces produits - 700 millions d'euros - sont supposés provenir des cessions que réalisera le ministère de la défense , actuellement engagé dans un plan de rationalisation immobilière de grande ampleur (vente des emprises parisiennes par suite du regroupement des services de l'administration centrale du ministère sur le site « Balard », dans le XV e arrondissement de la capitale - cf. l'encadré ci-après ; ventes d'emprises régionales dans le cadre de la restructuration des bases de défense ; ventes de logements domaniaux du fait du nouveau plan de stationnement des forces militaires). D'après les prévisions de la LFI, les cessions immobilières de ce ministère devaient déjà se monter à un milliard d'euros en 2009 .

Le projet « Balard » et les cessions parisiennes du ministère de la défense

Le ministère de la défense prépare le regroupement, à l'horizon de l'année 2014, de l'ensemble de ses états majors et services centraux sur le site « Balard » , dans le XV e arrondissement de Paris. Il s'agit d'une emprise de l'Etat déjà utilisée par le ministère de la défense, qui abritait jusqu'à présent, pour l'essentiel, des installations techniques de la direction générale de l'armement et des bureaux de l'armée de l'air. Le site, sur deux parcelles de 16,5 hectares au total , devrait accueillir environ 10.000 agents répartis sur 320.000 m 2 de bureaux .

Ce projet doit être réalisé sur la base d'un contrat de partenariat public-privé (PPP), dont l'investissement de la tranche ferme est évalué à 600 millions d'euros et la charge globale annuelle à une centaine de millions d'euros . La maintenance immobilière et certains services aux bâtiments et à l'occupant feront partie du périmètre du contrat. L'appel à candidatures a été lancé en juin 2009 ; la signature du contrat est prévue au premier semestre 2011 pour des travaux débutant à la fin de la même année. La livraison de l'ensemble immobilier est programmée fin 2014.

Le produit de la cession des autres emprises parisiennes du ministère de la défense aurait pu permettre le financement du projet « Balard ». Toutefois, cette solution aurait conduit à maintenir durablement sans usage un volume de crédits importants, les cessions intervenant dès 2009 et 2010 alors que les travaux , comme indiqué ci-dessus, ne commenceront que fin 2011 . Aussi, il a été décidé que les produits de cession seraient utilisés à d'autres opérations immobilières du ministère , notamment des opérations d'infrastructures liées au nouveau plan de stationnement des forces.

Le transfert de propriété des immeubles parisiens du ministère de la défense est envisagé à une structure associant la Caisse des dépôts (CDC) et la SOVAFIM (société de valorisation foncière et immobilière). Cette solution permettrait à l'Etat de bénéficier à court terme du produit des cessions prévues, malgré la situation défavorable du marché immobilier, et de s'assurer d'un intéressement aux cessions ultérieures des biens. Elle offrirait également de bonnes conditions pour la valorisation de ces derniers.

Des discussions sont engagées, à cet égard, entre l'Etat, assisté par un groupement de conseils, et le consortium CDC-SOVAFIM. Les points en débat touchent notamment au montant du transfert, à la répartition des actions entre la CDC et la SOVAFIM et à la clause d'intéressement de l'Etat.

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

2. Une réalisation très incertaine en l'absence d'une véritable programmation

Chaque année, et tout particulièrement dans le contexte actuel de crise économique, la réalisation de l'objectif de cessions immobilières de l'Etat reste aléatoire , étant fonction, notamment, du dynamisme du marché . Ce rappel souligne l' importance, pour le Parlement, de s'attacher à l'examen de la gestion effectivement réalisée, traduite par la loi de règlement des comptes, davantage qu'aux prévisions inscrites en LFI.

Pour mémoire, en 2006 et en 2007, le niveau des produits de cessions immobilières de l'Etat a en grande partie résulté de ventes d'ordre exceptionnel. Ainsi, en 2007, à elle seule, la cession du centre de conférences internationales situé avenue Kléber, à Paris, conclue pour 404 millions d'euros, a contribué à près de la moitié du produit total des cessions de l'exercice. De semblables opérations n'ont pu être réalisées en 2008, et le niveau de cessions relativement ambitieux prévu en LFI n'a pu être atteint, compte tenu notamment de la « raréfaction » des immeubles de prestige susceptibles d'être cédés par l'Etat , la plupart des biens disponibles de ce type ayant été vendus lors des exercices antérieurs, et d'un marché immobilier peu favorable , qui s'est retourné de façon très sensible à partir de l'automne 2008. L'Etat a parfois dû renoncer à vendre faute d'un nombre suffisant d'offres ou du fait d'offres dont le montant n'était pas satisfaisant, s'avérant en deçà de la valeur domaniale du bien.

Dans ce contexte, il est d'ores et déjà certain que l'objectif « historique » de cessions fixé par la LFI pour 2009 , à hauteur de 1,4 milliard d'euros dont un milliard en provenance des cessions du ministère de la défense, ne sera pas atteint . Selon les indications fournies à votre rapporteure spéciale, au 15 octobre 2009 les recettes du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » enregistrées au titre de l'exercice s'élevaient à 355,8 millions d'euros (ce résultat, au plan comptable, est d'ailleurs discutable pour partie - cf. l'encadré ci-dessous).

Une part des cessions théoriquement prévues pour 2009 fera donc nécessairement l'objet d'un report sur l'année 2010 , comme le signale en termes exprès le PAP du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » annexé au présent PLF.

Point d'étape : les cessions immobilières de l'Etat réalisées en 2009

Les recettes du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » s'élevaient au titre de 2009 à 329 millions d'euros au 1 er juillet et 355,8 millions d'euros au 15 octobre .

Cependant, près des deux tiers de ce résultat (215 millions d'euros) étaient issus du versement d'une « soulte » correspondant à des loyers capitalisés , par la société nationale immobilière (SNI), dans le cadre d'un contrat de bail de dix ans portant sur le parc de logements familiaux occupés par les agents du ministère de la défense. La Cour des comptes, dans son rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2008, a justement critiqué comme irrégulière l'imputation sur le compte spécial de cette recette, qui ne constitue pas un produit de cession . (Il convient de noter que l'extension du périmètre des recettes du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » proposée par l'article 28 du présent PLF (cf. supra ) permettrait, à compter de 2010, semblable imputation de droits immobiliers.)

Néanmoins, des opérations de cession étaient en cours pour des biens importants, notamment à Paris les immeubles occupés par le ministère de la défense et le siège de Météo-France, quai Branly dans le VII e arrondissement.

Source : ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

Au demeurant, l'objectif de cessions fixé pour 2010 s'avère ne pas reposer sur une réelle programmation :

- d'une part, la prévision d'un produit de 700 millions d'euros de cessions du ministère de la défense , comme le milliard d'euros inscrit dans les prévisions de la LFI pour 2009, repose sur les seuls arbitrages associés à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 . Il a été indiqué à votre rapporteure spéciale qu'aucun autre élément d'appréciation, en particulier quant au contexte de marché, n'avait été pris en considération pour déterminer le montant qui figure dans le PAP du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ;

- d'autre part, depuis la création de ce compte, hors le cas particulier du ministère de la défense qui vient d'être mentionné, l'objectif de cessions immobilières retenu chaque année relève davantage de l'affichage politique que de la planification gestionnaire . En effet, la prévision budgétaire, à cet égard, n'est fondée que sur un arbitrage ministériel ; la liste de biens identifiés comme cessibles par le service France Domaine semble ne jouer qu'un rôle marginal dans cette décision, la réalisation dans l'année en cause des ventes ainsi envisagées n'étant d'ailleurs jamais assurée.

La prévision de produits inscrite dans le présent PLF à hauteur de 200 millions d'euros hors cessions militaires, niveau relativement modeste, est expressément liée, dans le PAP du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », à l'évolution du marché observée depuis 2008 et à « l'objectif de sincérité des prévisions ». Toutefois, on peut raisonnablement estimer que, sauf circonstances singulièrement défavorables, les ventes réaliseront un produit sensiblement supérieur. Il semble donc que, pour l'essentiel, le niveau de cette prévision tient au souci de minimiser , dans les résultats d'ensemble qui seront constatés en 2010 (c'est-à-dire le produit consolidé de toutes les cessions, militaires et autres), l'insuffisance déjà anticipée des cessions du ministère de la défense , par rapport à la prévision propre à celui-ci.

Dans ces conditions, le chiffrage de l'objectif de cessions immobilières de l'Etat se révèle très artificiel . Le PAP du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » annexé au présent PLF, sous cet aspect, paraît largement dépourvu de signification , et l'information qu'il est supposé donner au Parlement de qualité médiocre. Votre rapporteure spéciale ne peut que déplorer cette situation.

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