II. ANALYSE PAR PROGRAMME

L'analyse des programmes de la mission par votre rapporteur spécial ne constitue pas une description exhaustive des dispositifs et des crédits qui leur sont consacrés 20 ( * ) . Elle se concentre en effet sur les questions faisant l'objet d'un suivi particulier par votre rapporteur spécial et votre commission des finances .

A. LE PROGRAMME 154 « ECONOMIE ET DÉVELOPPEMENT DURABLE DE L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DES TERRITOIRES »

1. L'évolution des crédits du programme

Comme on l'a vu plus haut, le nouveau programme 154 résulte de la fusion en 2009 des anciens programmes 154 « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », et 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés ».

Doté de la moitié des CP de la mission, il est le support privilégié de la politique d'intervention du ministère en faveur du monde agricole . Il intervient en complément des financements du fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

a) Principales évolutions constatées sur les crédits

Dépourvu de dépenses de personnel, le programme 154 est composé à 83 % de crédits d'intervention (1,41 milliard d'euros) et à 17 % de crédits de fonctionnement (285,50 millions d'euros). Il voit ses crédits augmenter de 5,5 % en AE et diminuer de 3,5 % en CP 21 ( * ) .

Répartition par action et par titre des crédits de paiement du programme 154

(en euros et en pourcentage)

Action

Titre 2 Personnel

Titre 3 Fonctionnement

Titre 5 Investissement

Titre 6 Intervention

Total

%

11 - Adaptation des filières à l'évolution des marchés

-

100 000

-

431 860 962

431 960 962

25,51%

12 - Gestion des crises et des aléas de la production

-

-

-

75 530 000

75 530 000

4,46%

13 - Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles

-

-

-

302 180 604

302 180 604

17,85%

14 - Gestion équilibrée et durable des territoires

-

3 400 000

500 000

520 299 180

524 199 180

30,96%

15 - Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions

-

260 631 239

-

14 000 000

274 631 239

16,22%

16 - Gestion durable des pêches et de l'aquaculture

-

21 377 325

-

63 462 675

84 840 000

5,01%

Total

0

285 508 564

500 000

1 407 333 421

1 693 341 985

100,00%

%

0,00%

16,86%

0,03%

83,11%

100,00%

Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Un tiers des CP (524,2 millions d'euros) est dédié à la « Gestion équilibrée et durable des territoires » (action 14). Cette action contient des dispositifs de soutien au maintien de l'activité en zones difficiles , en particulier l' indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN), portée à 248 millions d'euros en 2010, soit une hausse de 20 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 (+ 8,3 %).

L'action 14 vise également la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l'environnement :

- prime herbagère agro-alimentaire 22 ( * ) (PHAE) ;

- mesure rotationnelle agro-environnementale 23 ( * ) .

- programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) ;

- mesures agro-environnementales régionales (MAER) ;

Hors mesures « techniques », l'augmentation des crédits de l'action 14 est principalement liée à la nouvelle mesure rotationnelle en faveur de l'assolement et aux revalorisations de l'indemnité compensatrice de handicap naturel (ICHN) . Les crédits en faveur de l'agriculture biologique sont en baisse, mais l'effort en faveur de ce secteur n'est pas remis en question puisque cette réduction des crédits est compensée par une prise en charge accrue par la PAC suite à son bilan de santé.

Un quart des dotations (432 millions d'euros) est consacré à l'« Adaptation des filières à l'évolution des marchés » (action 11). Cette action, en hausse de 3,8 % en CP par rapport à la loi de finances pour 2009, regroupe notamment les crédits de la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante 24 ( * ) (PNSVA), des aides aux filières de production outre-mer , ainsi que les autres aides aux filières servies par l'intermédiaire de FranceAgriMer et de l'ODEADOM. L'augmentation des moyens de l'action 11 en 2010 concerne notamment la politique de la qualité, concrétisée par la création du fonds de structuration des filières issues de l'agriculture biologique et les interventions des offices, dont la dotation est remise à niveau. En dehors de ces lignes, les dotations des autres sous-actions sont stables ou en baisse. Votre rapporteur spécial s'inquiète de la réduction des crédits visant le soutien des exportations , qu'il s'agisse du Fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires (FISIAA) ou du plan sectoriel export.

L'« Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » est, en volume de crédits, la troisième action du programme (18 % des CP, soit 302,18 millions d'euros). Y figurent les moyens dédiés à l'installation, à la modernisation et au départ . La stabilité des crédits de cette action résulte de deux mouvements inverses : les crédits de préretraite baissent (aides à la cessation d'activité réduites de moitié), ainsi que, dans une moindre mesure, les prêts de modernisation, les aides à la modernisation et l'indemnité viagère de départ. On constate en revanche une montée en puissance des dispositifs liés au soutien à l'installation , et notamment des prêts bonifiés à l'installation (PBI), dont les crédits augmentent. Ces PBI et les dotations aux jeunes agriculteurs sont en hausse de 3 millions d'euros en AE et de 4,5 millions d'euros en CP. Un taux de cofinancement communautaire de 50 % est de plus maintenu jusqu'en 2015.

Les subventions pour charges de service public des opérateurs ont été regroupées sous l'action 15 « Moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et gestion des interventions » (près de 275 millions d'euros et 16 % des CP du programme). Ce choix, résultant probablement d'un souci de commodité en gestion, participe d'une catégorisation des dépenses par titre plutôt que par destination et paraît peu compatible avec l'esprit de la LOLF . Au demeurant, les crédits de l'action 15 sont en hausse de 1,5 % en raison de l'augmentation des subventions pour charges de service public allouées à l'Agence de services et de paiement (+ 11,5 millions d'euros), à FranceAgriMer (+ 2,1 millions d'euros), et à l' ODEADOM (+ 820.000 d'euros). La subvention revenant aux Haras nationaux , fixée à 42,6 millions d'euros en 2010, est quant à elle en baisse de 4,25 % par rapport à la loi de finances initiale 2009. A ce stade, les réformes des opérateurs du programme appelées par la RGPP sont donc encore loin de permettre des économies .

La politique de la pêche fait l'objet de l'action 16 « Gestion durable des pêches et de l'aquaculture » dotée de 84,8 millions d'euros en CP. L'augmentation des crédits de cette action avait été massive en 2009 en raison de la mise en oeuvre du Plan pour une pêche durable et responsable (PPDR) depuis 2008. La fin du cycle de dépenses de ce plan arrivé à son terme explique la baisse des crédits en 2010 (- 115 millions d'euros en AE et - 54 millions d'euros en CP par rapport à 2009).

Enfin, seuls 4,5 % des crédits sont dédiés à la « gestion des crises et des aléas de production ». L'action 12 n'est en effet dotée que de 75,5 millions d'euros de CP. Ils sont notamment consacrés à l'assurance récolte (38,1 millions d'euros en AE=CP), à la dotation du fonds d'allègement des charges (FAC), pour 8 millions d'euros en AE=CP, et au mécanisme « Agridiff » pour les agriculteurs en difficulté (3,75 millions d'euros de CP). Votre rapporteur spécial rappelle que les modifications apportées par l'Assemblée nationale conduisent à abonder ces deux derniers dispositifs de 100 millions d'euros supplémentaires chacun en AE. Pour ce qui concerne le niveau important de CP de l'action 12 en 2010, il s'explique par le dernier paiement des charges de bonification de prêts de crise (26 millions d'euros). Ce dispositif sera totalement abandonné l'année prochaine au profit du FAC.

b) La baisse des crédits n'aura pas lieu

Le programme 154 devait connaître une baisse significative de ses crédits sur la période de programmation 2009-2011 (- 16,82 % en 2010 et - 6,83 % en 2011). Mais le renforcement de la plupart des actions imputées sur le programme 154 démontre l' abandon de fait de ce cadrage pluriannuel , pour les motifs exposés plus haut.

Parmi les facteurs qui exerceront une pression à la hausse sur la dotation du programme , votre rapporteur spécial relève la mise en oeuvre des orientations du Grenelle de l'environnement en faveur de l'agriculture biologique , de l' installation de nouveaux exploitants , qualifiée de « priorité » par le MAAP, des actions d' adaptation des filières aux marchés qui « seront confortées » , de la gestion des crises et des aléas qui fera l'objet de dispositifs renforcés, de l'assurance récolte , ou encore de la compensation des exonérations de charges sociales .

En raison de la conjugaison de tous ces facteurs haussiers, la baisse des crédits annoncée du programme 154 ne devrait pas avoir lieu.

2. Principales observations sur la justification au premier euro

a) La faiblesse du dispositif budgétaire de gestion des crises

Le paradoxe veut que les aléas climatiques, sanitaires ou économiques, dont on a vu qu'ils bouleversaient profondément l'exécution budgétaire chaque année, soient pris en charge par l'action la moins dotée du programme.

Bien que la survenue de crises soit par nature imprévisible et rende difficile toute budgétisation en loi de finances initiale, le caractère récurrent des aléas qui touchent le monde agricole peut ici faire douter de la sincérité de la prévision .

Si l'augmentation des crédits du Fonds d'allègement des charges est bienvenue 25 ( * ) , votre rapporteur spécial ne peut que regretter qu'une fois encore, le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) ne soit pas doté par le projet de loi de finances pour 2010, alors même que l'article L. 361-5 du code rural dispose que les ressources du fonds sont composées d'une subvention inscrite au budget de l'Etat 26 ( * ) . Le MAAP fait valoir que « le ministère du budget s'oppose à l'inscription de crédits en loi de finances initiale au titre des calamités » 27 ( * ) , au motif que le montant des indemnisations à verser n'est pas connu au moment de l'élaboration du budget. Cette argumentation est contestable, dans la mesure où la loi dispose explicitement que le montant de subvention de l'Etat dont bénéficie le FNGCA doit être au moins égal au produit des contributions des exploitants, et non au montant des indemnisations à attribuer . Lors de son audition par votre commission des finances, le 14 octobre 2009, le ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche a fait valoir un autre argument : « l'absence de dotation du FNGCA s'explique par l'obligation de la survenue de sinistres préalables ». Votre rapporteur spécial s'interroge sur l'existence d'une telle obligation.

Le projet annuel de performances 2010 indique, comme les PAP des deux années précédentes, que le fonds « sera doté en 2011 ». Il est donc possible, sinon probable, qu'en 2010 votre commission des finances continue à émettre des avis favorables sur d'autres décrets d'avance permettant d'abonder la mission en gestion.

Au-delà de la question du FNGCA, votre rapporteur spécial attire l'attention sur la nécessité de saisir l'occasion de la future loi de modernisation agricole pour enrichir les dispositifs de gestion des aléas climatiques, sanitaires ou économiques. Par ailleurs, il souligne qu'il a décidé de consacrer en 2009-2010 une mission de contrôle budgétaire à ce thème.

b) Le recentrage de l'activité des Haras nationaux

La baisse de 4,25 % en 2010 par rapport à la loi de finances initiale 2009 de la subvention pour charges de service public attribuée aux Haras nationaux couronne le succès de la démarche de modernisation entamée ces dernières années et appelé de ses voeux par votre commission des finances 28 ( * ) .

Selon le PAP 2010, le recentrage des Haras nationaux sur leurs « seules missions de service public » , et l'évolution de cet établissement public vers un office du cheval permettant de mieux structurer la filière « sont engagés, au travers d'un plan progressif sur cinq ans » . Un programme de réduction des effectifs de l'opérateur à hauteur de 147 ETP sur 2009-2011 a, en outre, été décidé. Ce programme devrait se traduire par la diminution progressive de sa subvention pour charges de service public . La fusion avec l'école nationale d'équitation , qui fait suite à une recommandation de la RGPP, doit être effective au 1 er janvier 2010.

Votre rapporteur spécial se félicite de ces orientations traduites dans le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'opérateur, censé couvrir la période 2009-2013.

Les principales observations de votre
rapporteur spécial sur le programme 154

1. La gestion des aléas climatiques, économiques et sanitaires reste en 2010 le parent pauvre de la mission APAFAR et du programme 154. Ainsi, le FNGCA n'est toujours pas doté par la loi de finances initiale .

2. La réforme des principaux opérateurs du programme doit se poursuivre et, surtout, permettre de réaliser des économies . Le montant des subventions allouées en 2010 n'apparaît pas très rassurant de ce point de vue. L'année prochaine, seule la réduction de la dotation destinée aux Haras nationaux représente un progrès significatif .

3. La montée en puissance des dispositifs liés à l'agriculture biologique, à la dynamique de l'installation et au maintien de l'activité en zones difficiles , en particulier grâce à l'indemnité compensatrice de handicap naturel, doit être soulignée.

* 20 On se reportera, pour une telle description, au projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010.

* 21 Toutefois, les modifications apportées par l'Assemblée nationale conduisent finalement à une hausse pour chacune de ces catégories de crédits. La majoration des crédits du programme est en effet de 234,47 millions d'euros en AE et de 167,74 millions d'euros en CP. Comme votre rapporteur spécial l'a déjà observé, cette augmentation devrait porter principalement sur le dispositif « Agridiff » ainsi que sur la dotation du fonds d'allègement des charges (FAC).Cf. la page 9 du présent rapport.

* 22 La PHAE vise la biodiversité et le soutien de l'élevage par le maintien des surfaces en herbes. Son niveau de CP est réduit de moitié en 2010 pour atteindre 60 millions d'euros. Cette baisse résulte d'une prise en charge accrue au titre du cofinancement communautaire (181 millions d'euros pour un coût global de la PHAE estimé à 241 millions d'euros). Aucune AE n'est inscrite au titre du présent projet de loi de finances, ce qui témoigne de la disparition programmée de la PHAE. Elle a permis la signature d'environ 63.000 contrats en cours avec les exploitants agricoles, ce qui témoigne de son succès mais il est prévu de lui substituer dès l'année prochaine un nouveau dispositif communautaire de prime à l'herbe.

* 23 Issue du bilan de santé de la PAC, cette mesure rotationnelle en faveur de l'assolement conduit à prévoir 135 millions d'euros en AE et 29 millions d'euros en CP en 2010.

* 24 La PNSVA reste au même niveau qu'en 2009, soit 165 millions d'euros en CP. Cette prime supplémentaire est particulièrement utile dans le contexte des difficultés majeures rencontrées par les éleveurs français.

* 25 Porté de 4 à 8 millions d'euros en 2009, le FAC devait être reconduit au même niveau en 2010, mais les modifications apportées par l'Assemblée nationale ont pour effet de le majorer de 100 millions d'euros supplémentaires. En 2010, il se substitue de plus à la bonification des prêts de crise.

* 26 Lors de l'examen du décret d'avance du 25 octobre 2007, qui faisait suite à la pratique récurrente d'un abondement en gestion du FNGCA par des crédits initialement dévolus à la PNSVA, votre rapporteur spécial avait qualifié cette opération d'« acrobatie budgétaire », relevant « d'une interprétation très large de l'urgence et de l'imprévisibilité des dépenses qui doivent fonder le recours à un tel instrument réglementaire ».

* 27 Réponse du ministre de l'agriculture et de la pêche à un référé de la Cour des comptes du 25 juin 2007.

* 28 Voir les rapports d'information n° 64 (2006-2007) « Les Haras nationaux doivent-ils dételer ? » et n° 218 (2007-2008) «  Les Haras nationaux. Pour un outil modernisé au service de la filière cheval ».

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