II. EXAMEN DES CINQ PROGRAMMES

A. « LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ : REVENU DE SOLIDARITÉ ACTIVE ET EXPÉRIMENTATIONS SOCIALES » : UNE SUR-BUDGÉTISATION AVÉRÉE

Le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » rassemble 1.684,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, très inégalement répartis entre deux actions , comme le montre le tableau suivant :

Répartition des crédits du programme par action

(en euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement = Crédits de paiement

Ouverts en LFI pour 2009

Demandés pour 2010

1

Revenu de solidarité active

555.362.856

1.674.500.000

2

Expérimentation sociale et autres expériences en matière sociale et d'économie sociale

10.080.000

10.000.000

P 304

Lutte contre la pauvreté

565.442.856

1.684.500.000

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue, en outre, le programme support au présent programme. Il apparaît, qu'à ce titre, le programme 124 contribue à hauteur de 2,07 millions d'euros au programme « Lutte contre la pauvreté » . Ce montant est en augmentation de 30 % par rapport à l'année 2009 du fait d'une étude spécifique sur le RSA, qui sera conduite en 2010.

1. Plus de 99 % des crédits constituent la contribution de l'Etat au Fonds national des solidarités actives

a) Le FNSA finance le « RSA activité » et l'Allocation personnalisée de retour à l'emploi

Le RSA vise à améliorer les dispositifs actuels d'incitation des allocataires des minima sociaux à la reprise d'une activité professionnelle. Le principe du RSA est, en effet, que tout allocataire voie ses ressources globales augmenter lorsqu'il reprend une activité professionnelle rémunérée.

Le RSA garantit un revenu minimum à ses bénéficiaires. Un allocataire sans activité reçoit un « montant forfaitaire » qui correspond au RMI. Lorsqu'il reprend une activité son revenu minimum correspond à l'addition de ce montant forfaitaire et d'une fraction de ses revenus professionnels. On distingue ainsi deux niveaux de RSA : un RSA de base ou « RSA socle » et un « RSA activité », précédemment appelé « RSA chapeau ».

Le « RSA socle », qui correspond, comme on vient de le voir, à l'ancien RMI, intègre également l'ex-allocation de parent isolée (API). Le RSA de base des parents isolés est alors « majoré » pour tenir compte de leur situation de famille. Ce schéma ne vaut, pour l'instant, que pour la métropole. Le RSA devrait être généralisé outre-mer au 1 er janvier 2011.

Les financeurs des deux niveaux de RSA sont différents. Les conseils généraux supportent la charge du RSA de base, éventuellement majoré, tandis que l'Etat, à travers le Fonds national des solidarités actives (FNSA), finance le « RSA activité ».

Trois exemples simples sur le RSA

Posons l'hypothèse que le montant forfaitaire ou « revenu minimum garanti » (RMG) est fixé à 100 euros. Tout allocataire, avec ou sans activité, est assuré de percevoir ce montant.

Cas 1 : l'allocataire est sans activité. Le conseil général lui verse 100 euros au titre du « RSA socle ».

Cas 2 : l'allocataire reprend une activité qui lui permet de gagner 100 euros.

Conformément au principe du RSA son revenu minimum doit augmenter.

Ce revenu minimum correspond alors au RMG + 62 % de ses revenus professionnels, soit, en l'espèce, 162 euros.

Au titre du « RSA activité », le FNSA lui verse donc 62 euros.

Cas 3 : l'allocataire reprend une activité qui lui permet de gagner 50 euros.

Son revenu minimum correspond au RMG + 62 % de ses revenus professionnels, soit 132,5 euros.

Le conseil général lui verse 50 euros au titre du « RSA socle » afin d'atteindre le seuil du RMG. Le FNSA lui verse, pour sa part, 32,5 euros au titre du « RSA activité ».

Le tableau ci-dessous retrace les dépenses prévisionnelles du FNSA :

(en millions d'euros)

FNSA

Prévision 2009 révisée

Prévision 2010

« RSA activité »

1.450

2.900

APRE

75

150

Frais de gestion

100

77

Total dépenses

1.625

3.127

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Le FNSA contribue également au financement de l'Allocation personnalisée de retour à l'emploi (APRE). Cette allocation nouvelle vise à lever les obstacles à la reprise d'emploi en contribuant à la prise en charge d'une partie des coûts qui lui sont associés : mobilité, garde d'enfant, examen du permis de conduire, etc. L'APRE a réellement vocation à être une allocation personnalisée, attribuée au cas par cas en fonction d'une demande précisément identifiée.

Enfin, une partie des dépenses du FNSA permettent de couvrir les frais de gestion du RSA . En effet, la mise en place du revenu de solidarité active a constitué un surcroît de travail pour les caisses d'allocation familiales (CAF) qui gèrent le dispositif (traitement des dossiers, versement de l'allocation). En raison du pic d'activité du fait de la généralisation du RSA, les frais de gestion sont plus élevés en 2009 (100 millions d'euros) qu'en 2010 (77 millions d'euros).

b) Le FNSA est alimenté par une taxe affectée et par une contribution d'équilibre de l'Etat

La loi du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion a prévu qu'une taxe additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement alimente le FNSA . Par ailleurs, l'article L. 262-24 du code de l'action sociale et des familles dispose que « l'Etat assure l'équilibre du fonds national des solidarités actives en dépenses et en recettes » . L'Etat est donc le garant de l'équilibre du Fonds. A ce titre, le FNSA a reçu une contribution de 555,4 millions d'euros en 2009 et le projet de loi de finances pour 2010 prévoit d'apporter au FNSA une dotation de 1.674,5 millions d'euros, comme le montre le tableau ci-après.

Prévisions de recettes du FNSA en 2009 et en 2010

(en millions d'euros)

FNSA

Prévision 2009 révisée

Prévision 2010

Dotation de l'Etat

555,4

1.674,5

Contribution de 1,1 %

1.136

1.287

Report trésorerie

0

165

Total recettes

1.691,4

3.126,5

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

La contribution additionnelle de 1,1 % devait initialement abonder le Fonds à hauteur de 1.432 millions d'euros en 2009. La dégradation de l'économie mondiale a toutefois conduit à revoir ce chiffre à la baisse. La dernière prévision a été effectuée par la Commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport remis au début du mois d'octobre 2009. Elle estime que la contribution devrait rapporter 1.136 millions d'euros, soit une baisse de près de 300 millions par rapport à la prévision de la loi de finances pour 2009.

La diminution des produits de la contribution de 1,1 % devrait normalement conduire à un déficit prévisionnel du FNSA de l'ordre de 100 millions d'euros. Le Gouvernement a toutefois indiqué à vos rapporteurs spéciaux que le FNSA devrait être excédentaire du fait d'une montée en charge du RSA plus lente que prévu en 2009 . Sur ce point, pourtant, le Gouvernement s'est contenté de transmettre des « ordres de grandeur » à vos rapporteurs spéciaux. Le solde positif du FNSA en 2009 ainsi révisé serait de 500 à 600 millions d'euros, ce que vos rapporteurs spéciaux contestent par ailleurs, comme nous le verrons ci-dessous.

Ce solde positif permettrait notamment de financer l'extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans comme l'a annoncé le Président de la République le 29 septembre dernier. Cet élargissement du périmètre du RSA pourrait concerner 160.000 jeunes, ayant travaillé deux ans sur les trois dernières années, pour un montant total de 250 millions d'euros.

2. La prévision de dépense en 2010 au titre du « RSA activité » apparaît surestimée

Comme on vient de le voir, le Gouvernement prévoit que le FNSA dépensera 3.127 millions d'euros pour remplir ses missions en 2010 .

(en millions d'euros)

FNSA

Prévision 2010

« RSA activité »

2.900

APRE

150

Frais de gestion

77

Total dépenses

3.127

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Vos rapporteurs spéciaux n'adhérent pas à cette prévision . En effet, d'après les informations qu'ils ont obtenues auprès du Gouvernement, le montant mensuel moyen de « RSA activité » versé en rythme de croisière serait de 109 euros. Si ce montant est rapporté au tableau ci-dessus, cela signifie que le Gouvernement estime que le « RSA activité » bénéficiera chaque mois à environ 2.220.000 personnes.

Les premiers travaux de la Direction du trésor et de la politique économique 5 ( * ) prévoyaient que 1,8 million de ménages seraient allocataires du RSA activité en rythme de croisière. Cette cible a été relevé par le Gouvernement et le « RSA activité » pourrait concerner jusqu'à 2.100.000 personnes. Le chiffre ayant servi de base de calcul à l'évaluation des bénéficiaires du RSA en 2010 reste supérieur de 120.000 unités à cette dernière estimation.

Vos rapporteurs spéciaux constatent donc que le Gouvernement effectue sa prévision budgétaire en considérant que la totalité, et même au-delà, des personnes potentiellement bénéficiaires toucheront effectivement le « RSA activité » dès le 1 er janvier 2010 .

Cette méthode semble tout à fait irréaliste. De fait, le cabinet de M. Martin Hirsch, Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a confirmé que l'objectif était d'atteindre 90 % de la cible d'ici juin 2010. Au 1 er septembre 2009, 360.000 personnes étaient bénéficiaires du « RSA activité », soit moins de 20 % de la cible. L'objectif du Gouvernement apparaît donc pour le moins ambitieux pour ne pas dire très volontariste, notamment au regard de précédentes montées en charge d'allocations sociales 6 ( * ) . Compte tenu de l'expérience acquise avec d'autres prestations sociales, la montée en charge du dispositif pourra être considérée comme terminée une fois atteint le seuil de 90 %.

Pour autant, même en adhérant à l'hypothèse du Gouvernement, soit 90 % de la cible atteinte d'ici juin 2010, le Fonds apparaît encore largement sur-doté. Sous cette hypothèse, vos rapporteurs spéciaux ont en effet calculé que, en période de croisière, 206 millions seraient nécessaires chaque mois pour financer le « RSA activité », soit pour une année entière, 2.472 millions d'euros.

Hypothèses et modalités de calcul des crédits nécessaires pour financer le « RSA activité » en 2010

Quatre hypothèses du Gouvernement sont retenues :

- le montant moyen du « RSA activité » versé est de 109 euros ;

- l'ensemble des bénéficiaires potentiels est estimé à 2.100.000 ;

- en rythme de croisière, 90 % des bénéficiaires potentiels seront rentrés dans le dispositif, soit 1.890.000 personnes :

- cette cible serait atteinte d'ici juin 2010.

1.890.000 x 109 = 206.010.000

Chaque mois , en période de croisière, le « RSA activité » coûterait donc 206 millions d'euros . Pour une année pleine, le dispositif s'élèverait à 2.472 millions d'euros auquel il faut désormais ajouter 250 millions d'euros pour financer l'extension du RSA aux jeunes actifs.

La dépense afférente au second semestre 2010 atteindrait donc 1.236 millions d'euros (6 x 206 millions).

Pour le premier semestre, vos rapporteurs spéciaux retiennent l'hypothèse que le montant moyen versé est supérieur à 109 euros, comme cela a pu être constaté depuis le début de la montée en charge . En effet, les premiers bénéficiaires à être entrés dans le dispositif correspondent à ceux qui y avaient financièrement le plus intérêt. Au 1 er septembre 2009, le niveau moyen de RSA versé est ainsi de 180 euros.

Pour effectuer une prévision réaliste, il convient de retenir un montant dégressif du niveau moyen de RSA versé : à mesure que le nombre de bénéficiaires augmente, le montant moyen versé diminue . Vos rapporteurs spéciaux ont fait le choix de retenir une diminution régulière et linéaire de ce montant, jusqu'au montant de 109 euros.

De même, pour le nombre de bénéficiaires, vos rapporteurs spéciaux retiennent une montée en charge régulière et linéaire, étant donné que 20 % de la cible sont atteints au 1 er septembre 2009 et que 90 % le seront d'ici le 30 juin 2010.

Au regard des hypothèses retenues, on obtient, pour le premier semestre 2010, le tableau de montée en charge suivant :

1 er janvier

1 er février

1 er mars

1 er avril

1 er mai

1 er juin

Pourcentage de la cible atteint

48 %

55 %

62 %

69 %

76 %

83 %

Nombre de bénéficiaires

1.008.000

1.155.000

1.302.000

1.449.000

1.596.000

1.743.000

Niveau moyen de RSA versé

151,6 €

144,5 €

137,4 €

130,3 €

123,2 €

116,1 €

Coût du dispositif

152.812.800 €

166.897.500 €

178.894.800 €

188.804.700 €

196.627.200 €

202.362.300 €

Source : calculs de la commission des finances

Ce tableau de montée en charge est cohérent avec les estimations du Gouvernement qui considère que 50 % de la cible sera atteinte en janvier 2010.

Pour connaître, le montant total des dépenses du FNSA pour l'année 2010, il suffit d'effectuer l'addition suivante :

- coût du RSA pour le premier semestre (tableau ci-dessus) : 1.086,4 millions d'euros ;

- coût du RSA pour le second semestre : 1.236 millions d'euros ;

- coût de l'extension du RSA aux jeunes actifs : 250 millions d'euros ;

- coût de l'APRE : 150 millions d'euros ;

- frais de gestion : 77 millions d'euros .

Ainsi, sous des hypothèses prudentes, vos rapporteurs spéciaux évaluent l'ensemble des dépenses du FNSA, en 2010, à 2.799,4 millions d'euros, ce qui équivaut à une différence de 327,6 millions d'euros avec l'estimation du Gouvernement.

Vos rapporteurs spéciaux établissent le coût du « RSA activité » seul à 2.322,4 millions d'euros (hors « RSA jeunes »). Cette somme est elle aussi relativement éloignée du chiffre de 2.900 millions d'euros inscrit dans le projet annuel de performances .

3. Les recettes du FNSA en 2010 seront également supérieures à la prévision du fait d'un solde largement excédentaire en 2009

Deux effets jouent en sens contraire sur le solde du FNSA en 2009. Du côté des recettes, la crise affecte les rentrées fiscales et le rendement de la contribution de 1,1 % qui alimente le FNSA devrait être moindre qu'attendu. Du côté des dépenses, la montée en charge du dispositif s'est révélée plus lente que prévu puisque seulement 20 % de la cible des bénéficiaires potentiels a été atteinte au 1 er septembre 2009. Ce second effet devrait néanmoins être très supérieur au premier.

Sur la base de ce constat, le solde excédentaire devrait être très supérieur au montant de 165 millions d'euros initialement prévu. Le Gouvernement a notamment avancé le chiffre de 500 à 600 millions d'euros. Vos rapporteurs spéciaux jugent toutefois que le solde sera supérieur à 750 millions d'euros.

a) Une montée en charge plus lente que prévu : une dépense prévisible d'environ 800 millions d'euros en 2009

Sous les mêmes hypothèses que celles retenues ci-dessus pour calculer le coût du « RSA activité » pour le premier semestre 2010, on obtient, pour le dernier trimestre 2009, le tableau ci-dessous :

1 er octobre

1 er novembre

1 er décembre

Pourcentage de la cible atteint

27 %

34 %

43 %

Nombre de bénéficiaires

567.000

714.000

903.000

Niveau moyen de RSA versé

172,9 €

165,8 €

158,7 €

Coût du dispositif

98.034.300 €

118.381.200 €

143.306.100 €

Source : calculs de la commission des finances

Le Fonds a d'ores et déjà dépensé un peu moins de 300 millions d'euros au 1 er octobre 2009. Par conséquent, sur l'ensemble de l'année 2009, le FNSA serait donc amener à dépenser 659,7 millions d'euros au titre du « RSA activité ».

Le Fonds porte deux autres dépenses : les frais de gestion du dispositif et l'allocation personnalisée de retour à l'emploi (APRE).

Les frais de gestion s'élèvent, pour 2009, à 100 millions d'euros sur lesquels le Fonds ne possède pas de marge de manoeuvre.

En revanche, jusqu'à présent, l'engagement de dépenses au titre de l'APRE s'est révélé beaucoup plus faible que prévu. D'après les données transmises à vos rapporteurs spéciaux, au 1 er octobre 2009, seuls 16 millions d'euros avaient été engagés sur les 75 millions ouverts en loi de finances initiale pour 2009. Il semble peu probable que l'ensemble de cette enveloppe soit consommée d'ici la fin de l'année. L'objectif de son utilisation à hauteur de 50 %, soit près de 40 millions d'euros, apparaît déjà ambitieux.

Les dépenses du Fonds pour 2009 seraient ainsi de 799,7 millions d'euros , répartis de la façon suivante :

- « RSA activité » : 659,7 millions d'euros ;

- frais de gestion : 100 millions d'euros ;

- APRE : 40 millions d'euros (hypothèse haute).

b) Des recettes en baisse mais suffisantes

Au titre de sa participation, l'Etat a déjà versé au FNSA 420 millions d'euros sur les 555,4 millions votés en LFI pour 2009 . La différence sera éventuellement transférée au Fonds en fin d'année s'il n'est pas à l'équilibre.

Cette décision dépendra des recettes définitives du Fonds en 2009 qui demeurent incertaines. En effet, la part de la contribution de 1,1 % relative aux revenus du patrimoine est prélevée par l'Etat fin novembre tandis que la part relative aux revenus de placement est prélevée tout au long de l'année.

La Commission des comptes de la sécurité sociale a cependant évalué le rendement total de la contribution à 1.136 millions d'euros pour 2009 . Les informations obtenues par vos rapporteurs spéciaux auprès des services du Ministère du Budget laissent entendre que cette prévision sera proche de la réalité. En l'état actuel de la conjoncture économique, aucune raison nouvelle n'incite à la revoir, une fois encore, à la baisse.

Les recettes totales du Fonds en 2009 devraient donc représenter 1.556 millions d'euros .

c) Le solde d'exécution du FNSA en 2009 pourrait s'élever à plus de 750 millions d'euros

Au total, compte tenu des données exposées ci-dessus, le solde excédentaire du FNSA pourrait s'élever à 756,3 millions d'euros pour l'année 2009 7 ( * ) . Ce solde va constituer une recette au titre de l'année 2010 . Malgré une recette fiscale plus faible qu'espérée en 2009, la montée en charge beaucoup plus lente que prévu a conduit à bouleverser l'équilibre voté en loi de finances pour 2009.

Le solde excédentaire initialement retenu dans le PLF pour 2010 était de 165 millions d'euros, soit une différence de 591,3 millions d'euros avec l'estimation de vos rapporteurs spéciaux .

4. Sur la base d'estimations prudentes, les crédits du programme pourraient donc être réduits de 500 millions d'euros par rapport aux montants demandés pour 2010

Vos rapporteurs spéciaux ont montré d'une part que le budget du FNSA en 2010 apparaissait sensiblement surestimé, d'autre part que le Fonds dégagera en 2009 un solde excédentaire particulièrement élevé qui sera reporté en 2010. Sur la base de ces calculs, il est possible de connaître la contribution que l'Etat doit apporter au FNSA en 2010 pour que celui-ci soit en équilibre.

Les recettes prévisionnelles du Fonds comprennent à la fois les produits de la contribution de 1,1 % estimés, en 2010, à 1.181 millions d'euros et le report du solde excédentaire de 2009.

Reste à financer = dépenses 2010 - recettes 2010

Reste à financer = dépenses 2010 - (contribution 1,1 % + solde 2009)

Reste à financer = 2.799,4 - (1.181 + 756,3)

Reste à financer = 862,1 millions d'euros

Pour que le Fonds soit en équilibre, l'Etat doit abonder son budget à hauteur de 862,1 millions d'euros.

Le tableau d'équilibre du FNSA en 2010 serait alors le suivant :

(en millions d'euros)

Dépenses FNSA

2.799,4

Recettes FNSA

2.799,4

Dont RSA activité

2.572,4

Dont budget de l'Etat

862,1

Dont APRE

150

Dont contribution sociale

1.181

Dont frais de gestion

77

Report de 2009

756,3

Source : calculs de la commission des finances

Vos rapporteurs spéciaux notent une différence de 812,4 millions d'euros entre la contribution de l'Etat au FNSA initialement prévue par le PLF, soit 1.674,5 millions d'euros, et celle qu'ils évaluent, soit 862,1 millions d'euros.

Par conséquent, vos rapporteurs spéciaux vous proposeront d'adopter un amendement visant à réduire les crédits de ce programme de 500 millions d'euros . Ce montant ne prend pas en compte l'intégralité de la différence constatée. En effet, dès lors que les calculs présentés ci-dessus ne sont que prévisionnels et que, de surcroît, une incertitude pèse encore sur les recettes du FNSA en 2009, il convient de respecter un impératif de prudence. Pour ces raisons, vos rapporteurs spéciaux souhaitent laisser un volant de crédits au FNSA.

Si, le 25 novembre prochain 8 ( * ) , le rendement de la contribution de 1,1 % devait se révéler sensiblement inférieur à l'hypothèse retenue, vos rapporteurs spéciaux se réserveraient, avec l'accord de votre commission des finances, la possibilité de réviser ce montant, voire même de proposer de retirer l'amendement.

Il convient toutefois de noter que le vote d'un tel amendement ne portera en aucun cas préjudice au FNSA et, plus généralement, au financement du RSA . En effet, l'Etat a l'obligation légale que le Fonds soit en équilibre. S'il apparaît, en fin d'exécution, que le solde du FNSA est négatif, la loi de finances rectificative apportera le complément budgétaire pour atteindre l'équilibre.

Contrôle budgétaire sur la mise en place du RSA

Travaux de la mission et bilan d'étape

Vos rapporteurs spéciaux ainsi que Mme Bernadette Dupont, membre de la commission des affaires sociales, ont débuté, en avril dernier, un contrôle budgétaire relatif à la mise en place du RSA. Ce contrôle devrait se poursuivre au cours de l'année 2010.

Les membres de la mission de contrôle ont d'ores et déjà effectué plusieurs auditions et deux déplacements :

Mercredi 1 er avril 2009

Audition de M. Jean-Louis Deroussen, président, Hervé Drouet, directeur et Frédéric Marinacce, directeur des prestations familiales, de la caisse nationale des allocations familiales.

Audition de M. Yves Bonnet, inspecteur général des finances, de Mme Isabelle Yeni, inspectrice générale des affaires sociales, de M. Romain Dubois, inspecteur des finances et M. Hervé Leost, inspecteur des affaires sociales, auteurs du rapport de la mission d'expertise sur les effectifs nécessaires aux caisses d'allocations familiales pour gérer le revenu de solidarité active.

Mardi 7 avril 2009

Audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.

Mardi 5 mai 2009

Audition de M. Christian Charpy, directeur général de Pôle emploi.

Mardi 9 juin 2009

Visite de la Caf de Seine Saint-Denis :

Audition de M. Belmounes, directeur général, M. Tourbin, président du conseil d'administration, Mme Lorenzi, agent comptable, Mme Choquer-Marchand, directrice de l'action sociale, Mme Dalfin, directrice des prestations, et Mme Puget, sous-directrice des prestations de la caisse d'allocations familiales de Seine-Saint-Denis et de M. Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales de la caisse nationale d'allocations familiales

Lundi 12 juin 2009

Audition de M. René-Paul Savary, président de la commission « insertion et cohésion sociale » de l'Assemblée des départements de France

Mercredi 24 juin 2009

Déplacement dans les Bouches-du-Rhône.

Visite de Pôle Emploi :

Audition de Mme Catherine d'Hervé, directrice régionale, et de M. Alain Bos, directeur territoriale des Bouches-du-Rhône de Pôle emploi.

Visite de la caisse d'allocations familiales :

Audition de MM. Jean-Charles Slama, directeur, Denis Callewaert, directeur chargé de l'évaluation et Laurent Azouley, responsable du département audit de gestion de la caisse d'allocations familiales.

Audition de M. Jean-Noël Guérini, Président du conseil général.

Un premier bilan laisse apparaître les constats suivants :

- les CAF ont dû affronter un pic d'activité intense à compter de la généralisation du RSA au 1 er juin 2009, ce qui a eu pour conséquence d'allonger le délai de traitement des dossiers et d'en augmenter le stock ;

- la compatibilité des systèmes d'information entre les conseils généraux et les CAF s'est parfois révélée défaillante ;

- les conseils généraux affrontent un niveau croissant de contestation des décisions des CAF, notamment en ce qui concerne le « RSA activité », ce qui se traduit par des coûts de gestion importants ;

- le traitement des dossiers des agriculteurs non salariés a soulevé plusieurs difficultés, notamment parce qu'il est délicat de connaître le revenu d'activité disponible ;

- en matière d'indus, la responsabilité du recouvrement n'est pas toujours bien établie entre les CAF et les conseils généraux ;

- la gestion de l'APRE s'est révélée déficiente tant au niveau national, par Pôle emploi, qu'au niveau local où les opérateurs gestionnaires de ces crédits ont été désignés très tardivement. Les conseils généraux ont notamment regretté une certaine timidité dans l'attribution de cette allocation ayant parfois l'impression qu'il s'agit « d'une enveloppe de crédits fictive ».

En 2010, compte tenu de la conjoncture économique actuelle, vos rapporteurs spéciaux examineront tout particulièrement l'impact du RSA sur la reprise d'une activité par les bénéficiaires.

5. Des incertitudes pèsent sur le budget 2011

a) Le « RSA jeunes » : quelles modalités de financement à partir de 2011 ?

Le 29 septembre 2009, le Président de la République a annoncé l'extension du RSA aux jeunes actifs de moins de 25 ans qui ont travaillé au moins deux ans (soit 3.600 heures) sur les trois dernières années.

Le dispositif juridique du « RSA jeunes » est prévu par un article rattaché à la présente mission adopté, à l'initiative du Gouvernement, par l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement a précisé que les étudiants de moins de 25 ans dont l'activité professionnelle prévaut sur les études auraient accès au RSA pour compléter leurs revenus du travail dans les mêmes conditions que les autres jeunes actifs. En revanche, les autres étudiants ne bénéficieraient pas de la mesure. Les apprentis en contrat-apprentissage seraient également concernés, dès lors qu'ils rempliraient la condition d'activité préalable.

Il convient surtout de noter que cette extension constitue une dépense entièrement nouvelle. En 2008, lors du vote de la loi généralisant le RSA, le Gouvernement avait indiqué que celui-ci était neutre pour le budget de l'Etat. Les dépenses induites devaient être couvertes par la création de la taxe additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des produits de placement. Or, cette mesure devrait concerner 160.000 jeunes, dont 120.000 en emploi, pour un coût de 250 millions d'euros en année pleine . Par ailleurs, l'année 2010 va constituer une année de montée en charge de ce nouveau dispositif et il est peu probable que la totalité de cette enveloppe soit consommée.

En 2010, par exception, le FNSA financera à la fois le « RSA socle » que le « RSA chapeau ». En revanche, le Gouvernement n'a pas précisé les modalités de financement du « RSA jeunes » à partir de 2011.

b) Le RSA sera-t-il étendu à l'outre-mer ?

Conformément à la loi du 1 er décembre 2008, le RSA est étendu aux départements d'outre-mer à compter du 1 er janvier 2011, au plus tard. Toutefois, malgré des demandes répétées de vos rapporteurs spéciaux, le Gouvernement n'a pas été en mesure d'apporter des informations précises sur cette question. Aucune prévision budgétaire ne leur a été transmise.

Devant ce manque d'informations, vos rapporteurs spéciaux peuvent douter de l'intention du Gouvernement de réellement appliquer le RSA dans les départements d'outre-mer. Ils souhaitent donc connaître ses intentions sur ce point .

6. Le programme porte également, à titre subsidiaire, des crédits relatifs à l'expérimentation sociale

Le programme porte également 10 millions d'euros de crédits au titre des expérimentations sociales , en très légère baisse par rapport à 2009.

Ces crédits viennent essentiellement alimenter le Fonds d'innovation et d'expérimentation sociale (8 millions d'euros) . Ils servent également à subventionner les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (880.000 euros), des organismes nationaux et locaux d'économie sociale (820.000 euros), ainsi que la Délégation interministérielle à l'innovation, à l'expérimentation sociale et à l'économie sociale (DIIESES).

Le projet annuel de performances se montre toujours aussi lacunaire sur la finalité et, surtout, l'efficacité de ces crédits . Nonobstant, la stabilité de la dotation consacrée à ces actions reçoit l'approbation de vos rapporteurs spéciaux.

Les principales observations de vos rapporteurs spéciaux sur le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales »

1) 1.674,5 millions d'euros sont demandés pour financer le « RSA activité » , via le Fonds national des solidarités actives.

2) Sur la base des calculs effectués par vos rapporteurs spéciaux, la dotation de l'Etat au FNSA devrait s'élever à 862,1 millions d'euros, soit une différence de 812,4 millions d'euros par rapport aux crédits demandés en PLF . Cet écart s'explique :

- par une prévision de dépenses inférieure de 327,6 millions d'euros à celle mentionnée dans le PLF ;

- par une augmentation de recettes de 484,8 millions d'euros , du fait d'un report du solde excédentaire de 2009 largement supérieur à la prévision initiale, et malgré une diminution des produits de la contribution fiscale affectée au FNSA.

3) Adoptant une attitude prudente à l'égard des hypothèses sur lesquelles se fondent leurs estimations, vos rapporteurs spéciaux vous proposent donc d'adopter un amendement visant à réduire la dotation du FNSA de 500 millions d'euros, ce qui viendrait réduire d'autant le déficit de l'Etat.

4) Le programme finance également des expérimentations sociales, pour un montant de l'ordre de 10 millions d'euros. Vos rapporteurs spéciaux approuvent la stabilité de ces crédits tant le projet annuel de performances annexé au projet de loi se monte lacunaire sur l'intérêt des actions menées dans ce cadre.

* 5 Pour une synthèse, voir Trésor-Eco n° 61, « Le revenu de solidarité active : principes de construction et effets attendus », juillet 2009.

* 6 A titre d'exemple, après un an de montée en charge de l'allocation personnalisée d'autonomie, seule 70 % de la cible avait été atteinte.

* 7 Recettes - Dépense = Solde 1.556M€ - 799,7 M€ = + 756,3 M€

* 8 Date à laquelle, la part « patrimoine » de la contribution de 1,1 % sera encaissée par l'Etat. Pour mémoire, cette part représente 40 % de la totalité des produits de la contribution.

Page mise à jour le

Partager cette page