B. « ACTIONS EN FAVEUR DES FAMILLES VULNÉRABLES » : UN PROGRAMME EN SURSIS ?

Le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables » rassemble 408 millions d'euros, répartis en trois actions , comme le montre le tableau suivant :

Répartition des crédits du programme par action

(en euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement = Crédits de paiement

Ouverts en LFI pour 2009

Demandés pour 2010

1

Accompagnement des familles dans leur rôle de parents

15.587.481

14.577.268

2

Soutien en faveur des familles monoparentales

601.479.989

164.210.000

3

Protection des enfants et des familles

219.390.665

228.776.009

P 106

Actions en faveur des familles vulnérables

836.458.135

407.563.277

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le programme support au présent programme. Il apparaît, qu'à ce titre, le programme 124 contribue à hauteur de 40,65 millions d'euros au programme « Actions en faveur des familles vulnérables » , ce qui constitue une augmentation de près de 46 % par rapport à 2009. Cette hausse sensible s'explique par la difficulté d'application de la comptabilité analytique dans les services déconcentrés. En effet, les agents sont affectés à de nombreuses tâches et il est parfois délicat d'estimer le temps respectif qu'ils passent spécifiquement sur celles relevant du présent programme.

1. Une diminution significative des crédits du fait de la disparition progressive de l'API

Avec la généralisation du RSA en métropole, l'allocation parent isolé (API) a disparu pour être intégrée au RSA . Désormais, celui-ci peut être majoré pour tenir compte de la situation familiale des parents isolés. Cette majoration est à la charge des départements suite au transfert de compétences opéré par la loi du 1 er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d'insertion. Par conséquent, ce programme enregistre une diminution significative de 73 % des crédits de son action 2 (« Soutien en faveur des familles monoparentales »). Pour cette action, le budget passe de 601,5 millions d'euros en 2009 à 164,2 millions d'euros en 2010 . Sur le programme, l'ensemble des crédits diminuent de 51,28 %.

Le RSA n'ayant pas été généralisé outre-mer, l'action 2 de ce programme finance encore, et jusqu'au 1 er janvier 2011, les prestations d'API pour les départements d'outre-mer. L'API stricto sensu compte pour 154,58 millions d'euros . Par ailleurs, les allocataires ultra-marins de l'API bénéficient encore des mécanismes d'intéressement liés à cette prestation pour un coût budgétaire de 6,24 millions d'euros .

Vos rapporteurs spéciaux saluent l'effort mené pour dégager des économies sur cette action. Le projet annuel de performances évalue un tel gain à 4,1 millions d'euros . La lutte contre la fraude constitue l'instrument principal de ces économies.

Il convient de noter que l'action 2 comprend également 7,48 millions d'euros de crédits destinés à maintenir les mécanismes du RSA expérimental lorsque ceux-ci se révélaient plus favorables aux bénéficiaires que l'actuel RSA socle majoré . Conformément à la loi du 1 er décembre 2008, ces « clauses de faveur » s'éteindront au 31 mai 2010.

Vos rapporteurs spéciaux précisent en outre que le PLF pour 2010 comporte une disposition 9 ( * ) visant à compenser l'intégration de l'API dans le « RSA socle », qui est servi par les conseils généraux.

Modalités de compensation aux conseils généraux du transfert de charges du fait de l'intégration de l'API dans le « RSA socle »

Aux termes de l'article 7 de la loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion, les charges supplémentaires résultant de l'extension de compétences « sont intégralement compensées par l'Etat dans les conditions fixées par la loi de finances », la compensation s'opérant, « à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures ».

L'article 51 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 dispose que les départements se voient attribuer une fraction des produits de la TIPP en vue de compenser les charges qui leur sont transférées et fixe les modalités de la compensation.

Au titre de l'année 2009, la compensation versée aux départements correspond :

- à la moitié des prévisions de dépenses exposées en 2008 dans ces mêmes départements au titre de l'API ;

- diminuées de la moitié des prévisions de dépenses exposées en 2008 au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire applicables à l'API ;

- diminuées de la moitié des prévisions de dépenses incombant, en 2008, aux départements au titre de l'intéressement proportionnel et forfaitaire applicable au RMI.

Le montant global de la compensation à verser aux départements en 2009 avait ainsi été évalué à 322 millions d'euros.

L'article 51 de la loi de finances pour 2009 a donc attribué aux conseils généraux une fraction de tarif de TIPP de montant équivalent à 322 millions d'euros, dont le produit est réparti entre eux au prorata des dépenses d'API minorées des dépenses d'intéressement qu'ils supportent.

Deux ajustements sont, par ailleurs, prévus :

- la fraction de tarif de TIPP sera corrigée au vu des montants définitifs de dépenses exécutées en 2008 au titre de l'API et de l'intéressement lié au RMI et à l'API : c'est l'objet de l'article 19 du projet de loi de finances pour 2010.

- la compensation sera ajustée, en loi de finances pour 2011, au vu des comptes administratifs des départements pour l'année 2009.

Au titre des années suivantes, l'article 7 de la loi du 1 er décembre 2008 dispose que la compensation est ajustée de manière définitive au vu des dépenses constatées dans les comptes administratifs des départements pour 2010 en faveur des bénéficiaires du RSA majoré. Cet ajustement sera inscrit dans la loi de finances suivant l'établissement de ces comptes, c'est-à-dire la loi de finances pour 2012 .

Préalablement à cet ajustement définitif, la Commission consultative sur l'évaluation des charges sera consultée :

- en 2010, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de l'extension des compétences des départements ;

- en 2011, sur les modalités d'évaluation des charges résultant de cette extension de compétences et sur l'adéquation de la compensation définitive au montant des dépenses engagées par les conseils généraux.

2. L'action 3 « Protection des enfants et des familles » : une action « fourre-tout » sans axe structurant

L'action 3 « Protection des enfants et des familles » rassemble 228,8 millions d'euros de crédits . Avec la disparition progressive de l'API, cette action devient la plus importante du programme . En 2010, elle constitue près de 56,1 % de l'enveloppe globale, contre 26,2 % en 2009.

Elle recouvre le financement de l'Agence française de l'adoption, de la lutte contre la maltraitance et de la protection juridique des majeurs à la charge de l'Etat. L'intitulé de l'action apparaît inapproprié pour englober l'ensemble de ces mesures qui n'ont, de surcroît, aucun lien entre elles. Il convient d'ajouter que la protection juridique des majeurs compte pour 97 % des crédits de l'action alors même qu'elle est sans lien avec la « protection des enfants et des familles ».

a) La protection juridique des majeurs : la réforme de 2007 allège les charges de l'Etat

Le statut de la protection juridique des majeurs a été fixé par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, entrée en vigueur le 1 er janvier 2009. Cette réforme a permis une substantielle réduction des charges de l'Etat pour l'exercice 2009. Celui-ci ne finance plus en effet que les mesures pour les personnes qui ne perçoivent pas de prestations sociales ainsi que les mesures de tutelle, curatelle pour celles percevant une prestation sociale à la charge du département (RMI-API ou RSA, APA, PCH). Pour 2010, le coût de ce dispositif s'élève à 222,2 millions d'euros pour 190.258 mesures financées sur un total de 475.476, soit près de 40 % de l'ensemble (le reste étant pris en charge par les départements et la sécurité sociale).

Le projet annuel de performances note que « l'augmentation du nombre de mesures avec la mise en oeuvre de la réforme se limite, en 2010, à 2,7 % au lieu de 6,9 % à dispositif constant ». Vos rapporteurs spéciaux se félicitent des économies générées par la mise en place de cette réforme.

b) La subvention de l'Etat à l'Agence française de l'adoption est stable

L'Agence française de l'adoption (AFA) est un opérateur de l'Etat, constitué sous forme de groupement d'intérêt public, qui a pour mission d'être un intermédiaire pour l'adoption des mineurs étrangers de moins de 15 ans.

La dotation que lui verse l'Etat est stable à 3,76 millions d'euros .

Par ailleurs, le Gouvernement a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que les préconisations du rapport de contrôle budgétaire 10 ( * ) qu'ils ont effectué conjointement avec Paul Blanc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, sont progressivement mises en oeuvre. A ce titre, l'Agence se dotera d'une comptabilité analytique en 2010 et une convention d'objectifs et de gestion (COG) est en cours de signature entre l'Etat et l'AFA.

Au regard de son budget, le fonds de roulement de l'Agence apparaît toujours élevé (2,2 millions d'euros). Sa réduction progressive est prévue dans le cadre de la COG. En 2010, il servira notamment à financer le déséquilibre, de l'ordre de 250.000 euros, prévu entre les dépenses et les recettes.

c) Les crédits visant à protéger l'enfance en danger sont en légère hausse

Le GIPED (groupement d'intérêt public Enfance en danger) bénéficie d'une subvention de 2,2 millions d'euros, en légère hausse, permettant de faire fonctionner le Service nationale téléphonique de l'enfance en danger (SNATED) et l'Observatoire nationale de l'enfance en danger (ONED). Comme le note la Cour des comptes 11 ( * ) , « la dépense en faveur de la protection de l'enfance correspond à des crédits très limités, mal individualisés, dans un programme disparate ».

Sur cette question, vos rapporteurs spéciaux regrettent tout particulièrement la décision du Gouvernement de ne pas mettre en place le Fonds national de protection de l'enfance (FNPE), pourtant prévu par la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. L'objet du FNPE est de « compenser les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre de la loi [...] et de favoriser les actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection ». La charge financière correspondante a été évaluée pour les départements à 137 millions d'euros 12 ( * ) .

Dans sa réponse à l'enquête sur la Cour des comptes sur la protection de l'enfance en danger, le Gouvernement indique que « la faisabilité de ce fonds est apparue difficile. [...] Il n'est pas apparu souhaitable au Premier ministre de constituer ce fonds ». Vos rapporteurs spéciaux rappellent que l'exécution des lois votées par le Parlement ne relève pas d'un pouvoir discrétionnaire du Premier ministre .

Il est donc vivement souhaitable que le Gouvernement revienne devant la représentation nationale, le cas échéant en proposant un amendement de suppression de l'article 27 de la loi du 5 mars 2007. A cette occasion, il indiquera au Parlement les modalités de compensation des charges finalement retenues pour que les départements ne soient pas pénalisés financièrement par la mise en oeuvre de la loi de 2007. Cette discussion pourrait utilement avoir lieu lors de l'examen du présent projet de loi de finances.

Pour conclure sur cette action, il convient enfin de noter que 500.000 euros de subventions sont accordés à plusieurs associations intervenant dans le champ de la maltraitance ou de l'adoption.

3. L'accompagnement des familles dans leur rôle de parents : une probable sous-budgétisation

Les crédits de l'action 01 diminuent de 6,4 % cette année, passant de 15,6 millions d'euros à 14,6 millions d'euros. La justification au premier euro apparaît plus que lacunaire dans le projet annuel de performances puisqu'elle ne mentionne aucun montant !

Par ailleurs, d'après les informations obtenues par vos rapporteurs spéciaux, cette action portera la participation de l'Etat au financement de la « carte enfant famille » dont le coût n'a pas pu leur être précisé. Il apparaît néanmoins plus que probable que cette action ait été sous-budgétisée.

4. Vers une extinction progressive des dettes du programme

Les années précédentes, ce programme générait presque structurellement une dette à la fois au titre de l'API et au titre des mesures de tutelle et de curatelle .

Une dette de 36,1 millions d'euros subsiste au titre des exercices 2006, 2007 et 2008 de l'API. Toutefois, l'insuffisance de crédits en 2008 s'est considérablement réduite (1,14 millions d'euros) par rapport à 2007 (19,7 millions d'euros). Le Gouvernement a assuré que ce résidu de dette serait apuré par la loi de finances rectificative pour 2009. Vos rapporteurs spéciaux y seront très vigilants .

Au regard de l'exécution au 31 juillet 2009, il semblerait qu'aucune dette ne sera à déplorer pour l'exercice 2009.

Par ailleurs, la dette contractée du fait des mesures tutélaires a été totalement résorbée en 2009 grâce au report de crédits non consommés en 2008 . Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que la situation, sur ce point, ait été assainie.

5. Un programme à revoir en profondeur

a) Une simplification drastique de la performance au prix d'une perte d'informations

Vos rapporteurs spéciaux sont particulièrement surpris que les objectifs et indicateurs de performance associés au programme ne concernent que l'action 3 « Protection des enfants et des familles » . Deux actions ne font l'objet d'aucune analyse en termes de performance. Cela ne semble pas dommageable pour l'action 2 « Soutien en faveur des familles vulnérables » qui devrait disparaître en 2011. En revanche, un tel manque est préjudiciable pour l'action 1 « Accompagnement des familles dans leur rôle de parents » dont l'utilité des crédits n'apparaît déjà pas entièrement justifiée.

Le Gouvernement a suivi en partie les préconisations de l'audit du CIAP réalisé sur ce programme 13 ( * ) . Cet effort doit être salué, même si le résultat obtenu diverge en partie des suggestions émises. Ainsi, sur cinq objectifs existant en 2009, deux ont disparu. Il s'agit de l'objectif 1 « Aider les parents à exercer plus aisément leur rôle de parents et à réaliser l'éducation de leurs enfants » et de l'objectif 2 « Garantir un minimum de ressources aux familles monoparentales en situation précaire et favoriser leur retour à l'emploi ».

Le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances reste muet sur les raisons qui ont conduit à supprimer ces deux objectifs. Les approximations du Gouvernement sur ce point reflètent plus sûrement les incertitudes qui pèsent sur le devenir de ce programme et les priorités qu'il devrait suivre.

b) Le programme peine à trouver sa cohérence

Vos rapporteurs spéciaux adhérent pleinement à l'analyse du CIAP selon laquelle le programme « doit être recomposé » dès lors que « l'hétérogénéité des dispositifs rassemblés dans le programme [...] ne permet pas de dégager une approche stratégique globale de l'intervention de l'Etat à l'égard des familles vulnérables ». Dans sa réponse à l'audit du CIAP, « la DGAS convient des insuffisances de la présentation stratégique actuelle du programme 106, qui n'éclaire pas de manière satisfaisante sur ses enjeux et ses priorités ».

Le CIAP formule plusieurs scénarii sans qu'aucun d'entre eux n'apparaisse totalement satisfaisant pour redonner au programme « une cohérence qui lui fait défaut » . Une meilleure articulation du programme doit être recherchée avec d'autres programmes, notamment le n° 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ». Vos rapporteurs spéciaux seront attentifs aux propositions que le Gouvernement pourrait leur transmettre avant le PLF pour 2011.

Les principales observations de vos rapporteurs spéciaux sur le programme 106 « Actions en faveur des familles vulnérables »

1) Les crédits du programme diminuent de près de 51 % passant de 836,4 millions d'euros en 2009 à 407,6 millions d'euros en 2010 .

2) Cette diminution s'explique par la disparition progressive de l'API qui est désormais intégrée au RSA. Les charges correspondantes sont transférées aux conseils généraux qui gèrent le dispositif du « RSA socle ».

3) L'action 3 « Protection en faveur des enfants et des familles » regroupe désormais près de 56 % des crédits du programme.

4) La protection juridique des majeurs, bien qu'ayant un lien ténu avec l'intitulé du programme, devient, avec 222,2 millions d'euros de dotations, la principale politique publique financée par celui-ci.

5) Le Gouvernement a annoncé son intention de ne pas doter le Fonds national de protection de l'enfance (FNPE) pourtant prévu par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance . Vos rapporteurs spéciaux marquent leur plus vif mécontentement vis-à-vis de cette décision. Ils exigeront des précisions du Gouvernement sur les modalités qu'il envisage en vue de compenser les charges résultant de cette loi pour les départements .

6) Vos rapporteurs spéciaux notent avec satisfaction que les dettes du programme, tant au titre de l'API que des mesures tutélaires, devraient être résorbées d'ici la fin de l'année .

7) Avec la disparition de l'API, ce programme mériterait d'être revu en profondeur afin de trouver une cohérence qui lui fait aujourd'hui défaut , y compris en termes de performance.

* 9 Article 19 du projet de loi de finances pour 2010.

* 10 Rapport n° 236 (2008-2009) sur l'agence française de l'adoption.

* 11 Cour des comptes, « La protection de l'enfance », octobre 2009.

* 12 Rapport de la Cour des comptes précité.

* 13 CIAP, rapport précité

Page mise à jour le

Partager cette page