C. « HANDICAP ET DÉPENDANCE » : DES DÉPENSES MARQUÉES PAR UNE REVALORISATION DE L'AAH D'ICI 2012

Le programme 157 « Handicap et dépendance » mobilise 9,1 milliards d'euros , répartis en six actions, comme le montre le tableau suivant :

Répartition des crédits du programme par action

(en euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement = Crédits de paiement

Ouverts en LFI pour 2009

Demandés pour 2010

1

Évaluation et orientation des personnes handicapées

14.872.792

21.700.000

2

Incitation à l'activité professionnelle

2.477.100.000

2.532.900 000

3

Ressources d'existence

6.110.838.403

6.524.200.000

4

Compensation des conséquences du handicap

18.200.485

17.154.725

5

Personnes âgées

2.469.109

2.000.000

6

Pilotage du programme

5.802.322

5.800.000

P 157

Handicap et dépendance

8.629.283.111

9.103.754.725

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » constitue le programme support au présent programme. Il apparaît, qu'à ce titre, le programme 124 contribue à hauteur de 165,68 millions d'euros au programme « Handicap et dépendance » , ce qui constitue une diminution de près de 21 % par rapport à 2009. La création des agences régionales de santé (ARS) implique en effet un transfert de 620 ETPT affectés dans les services médico-sociaux déconcentrés de l'Etat vers les ARS. Par conséquent, ces ETPT ne sont plus, en comptabilité analytique, imputés au présent programme.

1. L'AAH constitue plus de 68 % des crédits du programme

a) Un dérapage inquiétant en cours d'exécution pour l'année 2009

En juin 2009, la lettre plafond adressée au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville expliquait qu'un « dépassement du plafond prévu dans la loi de programmation des finances publiques est inéluctable au titre de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), compte tenu de la sur-exécution 2008, des effets volume plus importants que prévu en 2009 et 2010 et du décalage d'une partie des économies prévues, engendrant un dépassement net sur le programme de 260 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ».

Les informations obtenues auprès du Gouvernement laissent penser que le dérapage lié à l'AAH en 2009 sera de l'ordre de 300 millions d'euros .

Interrogé par vos rapporteurs spéciaux, le Gouvernement s'est montré particulièrement surpris par l'ampleur de l'écart entre la prévision et l'exécution en cours d'année. Plusieurs facteurs sont susceptibles d'être entrés en ligne de compte sans que l'Administration sache quelle pondération leur attribuer. L'AAH est une allocation différentielle et, à ce titre, elle est attribuée sous condition de ressources, y compris celles du conjoint. La crise économique a donc pu être un agent favorable à l'augmentation du nombre de bénéficiaires et du montant moyen versé.

Faute de connaître les raisons précises du dérapage de 2009, le Premier ministre a autorisé un surplus de 260 millions de crédits inscrits en vue financer l'AAH en 2010 .

b) Les crédits pour 2010 apparaissent sous-évalués

L'action 3 « Ressources d'existence » du présent programme regroupe 6.234,2 millions d'euros au titre de l'AAH , soit à elle seule plus de 50 % des crédits de la mission .

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du nombre de bénéficiaires et du montant mensuel de l'AAH.

Évolution du nombre de bénéficiaires et du montant mensuel moyen de l'AAH

2007

2008

2009

2010

Constaté

Prévisions initiales

Prévisions rectifiées

Constaté

Prévisions initiales

Prévisions rectifiées

Prévisions initiales

Nombre moyen de bénéficiaires

809.000

811.300

817.500

831.700

824.400

849.800

856.600

Montant moyen mensuel de l'allocation

554 €

562 €

567 €

565 €

587 €

593 €

606 €

Source : commission des finances du Sénat

Comme on peut le constater, les prévisions se sont souvent révélées erronées les années passées, ce qui a pu conduire à la formation de dettes de l'Etat à l'égard des organismes de sécurité sociale. Toutes les dettes constatées au 31 décembre 2006 ont été remboursées en octobre 2007, soit 92,5 millions d'euros.

Il est malheureusement regrettable qu'une nouvelle dette, certes de moindre ampleur, se soit presque immédiatement substituée à l'ancienne. En 2008, la loi de finances rectificative et les mouvements de gestion ont dû abonder le programme à hauteur de 236,53 millions d'euros. Au 31 décembre 2008, il subsistait cependant encore 4,15 millions d'euros de dettes au titre de l'AAH. D'après les informations obtenues par vos rapporteurs spéciaux, cette dette a été apurée en 2009 par des mesures de fongibilité.

Par ailleurs, le Gouvernement a indiqué que le déficit inévitable pour 2009 serait apuré sous réserve du vote d'une dotation complémentaire dans la loi de finances rectificative pour 2009 .

A priori, aucun déficit ne devrait donc être reporté sur l'exercice 2010. Vos rapporteurs spéciaux s'inquiètent pourtant des hypothèses retenues par le Gouvernement pour calculer l'enveloppe de l'AAH en 2010 et qui, comme les années précédentes, pourrait être à l'origine d'un nouveau déficit.

En effet, jusqu'à présent, l'augmentation du nombre de bénéficiaires n'a jamais été inférieure à 2 %. Le Gouvernement retient pourtant une hypothèse d'une augmentation de 0,80 % sans justifier l'écart avec les années précédentes.

De surcroît, le Président de la République avait annoncé, le 10 juin 2008, une revalorisation de l'AAH de 25 % entre 2007 et 2012. En 2010, deux revalorisations de 2,2 % auront lieu au 1 er avril et au 1 er septembre. Le montant mensuel de l'AAH fin 2010 sera ainsi de 711,95 € par mois .

Échéancier de revalorisation de l'AAH

Échéances

Taux de revalorisation

AAH correspondante

Progression depuis 2007

en pourcentage

en euros

au 31/12/2007

621,27

1 er janvier 2008

1,10 %

628,10

1,10 %

6,83

1 er septembre 2008

3,90 %

652,60

5,00 %

31,33

1 er avril 2009

2,20 %

666,96

7,40 %

45,69

1 er septembre 2009

2,20 %

681,63

9,70 %

60,36

1 er avril 2010

2,20 %

696,63

12,10 %

75,36

1 er septembre 2010

2,20 %

711,95

14,60 %

90,68

1 er avril 2011

2,20 %

727,61

17,10 %

106,34

1 er septembre 2011

2,20 %

743,62

19,70 %

122,35

1 er avril 2012

2,20 %

759,98

22,30 %

138,71

1 er septembre 2012

2,20 %

776,59

25,00 %

155,32

Source : réponse au questionnaire budgétaire adressé par vos rapporteurs spéciaux

L'AAH constitue toutefois une allocation subsidiaire et différentielle. Dès lors, le montant moyen versé est inférieur au montant de l'AAH. Le Gouvernement évalue l'augmentation du montant moyen versé à 2,2 % en 2010 pour atteindre 606 euros à la fin de l'année 2010. L'hypothèse selon laquelle le montant moyen versé augmente moins vite que la revalorisation de l'AAH semble légitime. Pour autant, force est de constater, qu'en 2009, le montant moyen versé a augmenté de 4,95 % au-delà de l'AAH elle-même qui n'a progressé que de 4,45 %.

Avec les mêmes chiffres de progression du nombre de bénéficiaires, soit 2,2 %, et du montant moyen versé, soit 4,95 %, le déficit en fin d'année prochaine serait de l'ordre de 251,9 millions d'euros.

Coût de l'AAH en 2010 en fonction des paramètres de progression de 2009

En 2009, 849.800 personnes ont bénéficié de l'AAH pour un montant mensuel moyen de 593 euros.

Avec une progression de 2,2 % du nombre de bénéficiaires en 2010, celui-ci s'élèverait à environ 868.500 personnes, au lieu d'une prévision retenue par le PLF de 856.600.

Avec une progression de 4,95 % du montant mensuel moyen, celui-ci s'élèverait à 622,35 euros, au lieu d'une prévision retenue par le PLF de 606 euros.

Par conséquent, sur l'année 2010, le montant total d'AAH atteindrait la somme de 6.486,13 millions d'euros. Le Gouvernement retient le chiffre de 6.234,2 millions d'euros, soit une différence de 251,9 millions d'euros.

Vos rapporteurs spéciaux ont cependant obtenu l'assurance du Gouvernement que le chiffrage pour 2010 avait bien pris en compte tous les paramètres adéquats et qu'il n'y a donc pas lieu de prévoir de mouvements de crédits au sein de la mission vers le programme . Ils seront particulièrement attentifs à l'exécution en 2010.

Il convient enfin de noter que l'action 3 « Ressources d'existence » porte également 290 millions d'euros de crédits au titre de financement du Fonds spécial d'invalidité qui verse l'allocation supplémentaire d'invalidité . Elle concernera, en 2010, environ 102.000 allocataires .

2. Le départ massif des fonctionnaires de l'Etat a été préjudiciable au bon fonctionnement des MDPH

La subvention de l'Etat aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) inscrite à l'action 1 « Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées » est en augmentation de près de 55 % en 2010 , passant de 14,87 millions d'euros en 2009 à 21,70 millions en 2010 . Cette hausse s'explique par le fait que l'Etat est obligé de compenser financièrement le départ des personnels qu'il aurait dû mettre à la disposition des MDPH et qui soit sont partis en retraite, soit ont choisi de réintégrer leur administration d'origine , ce dernier cas étant majoritaire.

Cette situation apparaît préjudiciable à plusieurs titres. Le dédommagement financier accordé aux MDPH ne compense pas la perte de compétences et d'expérience. Il est notable que le fonctionnement de certaines MDPH a pu être perturbé par ces départs massifs des fonctionnaires de l'Etat.

Pour l'Etat, cette situation n'est guère préférable. En effet, il doit obligatoirement réintégrer des fonctionnaires sur des postes dont il ne dispose pas nécessairement. Surtout, la compensation payée aux MDPH vient en sus du traitement de ces fonctionnaires.

Sur ce point, vos rapporteurs spéciaux soutiennent les propositions de nos collègues Annie Jaraud-Vergnolle et Paul Blanc dans leur rapport d'information sur les MDPH 14 ( * ) .

3. Une légère hausse des crédits consacrés à l'incitation à l'activité professionnelle

L'incitation à l'activité professionnelle (action 2) constitue un axe structurant du programme . L'article 182 de la loi de finances pour 2009 prévoit qu'une procédure de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est engagée à l'occasion de toute demande d'attribution ou de renouvellement de l'AAH. Plus encore, si cette reconnaissance est acquise, la personne handicapée est automatiquement orientée vers un établissement ou un service d'aide par le travail (ESAT), vers le marché du travail ou vers un centre de rééducation professionnelle.

Pour mettre en oeuvre cette politique, 2.532,9 millions d'euros sont prévus en 2010 répartis de la façon suivante :

- 1.383,3 millions d'euros constituent la dotation de l'Etat aux ESAT .

Ces crédits devraient permettre de financer 116.211 places déjà installées et la création de 1.400 nouvelles places en 2010, pour un coût moyen de 11.941 euros par place, soit un montant quasi-stable par rapport à 2009.

L'article 180 de la loi de finances pour 2009 instaurait des tarifs plafonds pour les ESAT afin de favoriser une convergence tarifaire entre établissements. Cette mesure a effectivement généré une économie de 2,5 millions d'euros en 2009, contre 10,3 initialement prévus, et devrait à nouveau permettre d'économiser 5 millions d'euros en 2010.

- 1.149,6 millions d'euros versés aux ESAT dans le cadre de l'aide au poste . L'aide au poste compense les charges en partie supportées par les ESAT au titre de la rémunération garantie, des cotisations sociales afférentes, du financement de la formation professionnelle continue et de la prévoyance pour les travailleurs handicapés admis dans ces établissements.

4. Une diminution des crédits liés aux actions subsidiaires : 1,5 million d'euros d'économies

Sur l'ensemble des autres actions du programme, les crédits prévus sont en légère baisse pour un montant global de 1,5 million d'euros.

L'action 4 « Compensation des conséquences du handicap » porte 17,15 millions d'euros qui couvrent la subvention permettant de rémunérer les personnels enseignants des cinq instituts nationaux pour enfants et adolescents déficients sensoriels .

L'action 5 « Personnes âgées » rassemble 2 millions d'euros principalement destinés à financer des associations et des actions de lutte contre la maltraitance . Il convient de noter que la fraction pérenne de cette action demeure stable. En effet, en 2009, près de 469.000 euros avaient été inscrits sur cette ligne au titre de mesures non reconductibles.

L'action 6 « Pilotage du programme » est dotée de 5,8 millions d'euros et a pour objet d'assurer le financement des subventions à certaines associations nationales oeuvrant en faveur des personnes handicapées et des centres régionaux d'aide à l'enfance et à l'adolescence inadaptée, ainsi que des centres d'information sur la surdité .

Les principales observations de vos rapporteurs spéciaux sur le programme 157 « Handicap et dépendance »

1) Le programme regroupe 9.103,75 millions d'euros de crédits .

2) La dotation de l'AAH s'élève, pour sa part, à 6.234,2 millions d'euros .

3) En exécution, au titre de l'année 2009, l'AAH devrait connaître un dérapage de l'ordre de 300 millions d'euros, qui ne devrait toutefois pas être reporté sur l'année 2010 , sous réserve du vote d'une dotation complémentaire en loi de finances rectificative pour 2009.

4) Les raisons du dérapage de 2009 sont encore incertaines et cette méconnaissance laisse planer un doute sur la fiabilité de la prévision pour 2010 . Une augmentation, en 2010, du nombre de bénéficiaires et du montant moyen versé dans les mêmes proportions qu'en 2009 causerait un nouveau déficit de l'ordre de 240 millions d'euros.

5) Le départ massif des fonctionnaires de l'Etat s'est révélé préjudiciable au bon fonctionnement des MDPH . Par ailleurs, l'Etat a été contraint de compenser financièrement, à hauteur de 7 millions d'euros, le départ de ces personnels .

6) L'incitation à l'activité professionnelle, qui regroupe un budget de 2.532,9 millions d'euros , demeure un axe fort du programme. Les dotations aux ESAT sont en augmentation de 2,25 % et des mesures d'économies permettent de financer 1.400 nouvelles places en 2010.

7) Un effort de gestion permet de dégager 1,5 million d'économies sur les autres actions du programme .

* 14 Rapport n° 485 (2008-2009), Les maisons départementales des personnes handicapées sur la bonne voie : premier bilan, quatre ans après la loi du 11 février 2005.

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