2. Les efforts en cours

Au cours des deux dernières années, un effort particulier a été mené pour mieux accorder la pratique à la lettre du code de procédure pénale de sorte que les établissements accueillant une forte population de délinquants sexuels offrent également une prise en charge adaptée. Une liste de vingt deux établissements a ainsi été définie 24 ( * ) conjointement par le ministère de la justice et celui de la santé. Les prisons concernées devraient en principe recevoir un renfort d'effectifs. Certains des interlocuteurs de votre rapporteur ont cependant regretté que la mise en oeuvre de ce dispositif -par exemple dans l'établissement pilote retenu pour la région parisienne- ne soit pas placée sous la responsabilité d'un chef de service.

Le rôle d'un conseiller d'insertion et de probation

L' action des conseillers d'insertion et de probation est recentrée sur la lutte contre la récidive (circulaire du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d'intervention des services pénitentiaires d'insertion et de probation). Elle s'articule en deux temps :

- à l'issue d'une période d'observation d'un mois, la personne placée sous main de justice doit être orientée vers l'une des cinq formes de prise en charge -plus ou moins intensive selon le profil de l'intéressé ;

- après une période d'observation de trois mois, cette première orientation doit être infirmée ou confirmée.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par l'administration pénitentiaire, cette nouvelle réorganisation devrait se mettre en place progressivement sur la période 2009-2011 afin de ne pas déstabiliser des services déjà très sollicités.

Elle implique en particulier l'organisation de groupes de parole centrés sur la notion de passage à l'acte.

L'action des services médicaux

Parmi les différents établissements pénitentiaires visités par votre rapporteur, la maison d'arrêt de Fresnes est sans doute celui qui, grâce à l'initiative de l'équipe médicale, a mis en place l'un des programmes de prise en charge des délinquants sexuels les plus élaborés.

En effet, au sein de l'unité psychiatrique d'hospitalisation (UPH), une unité de soins spécialisés pour les auteurs d'infractions à caractère sexuel propose une prise en charge intensive et circonscrite dans le temps. Comme l'a indiqué le docteur Magali Bodon-Bruzel à votre rapporteur, le « fondement du travail thérapeutique est, avec et pour le patient, la recherche de la prévention de la récidive ».

La prise en charge s'effectue par sessions de vingt-cinq semaines pour deux groupes formés de six personnes et les patients s'engagent par un contrat signé.

La structure est placée sous la responsabilité d'un psychiatre qui n'intervient pas directement dans les groupes mais évalue les patients et peut proposer un traitement médicamenteux tendant à la maîtrise pulsionnelle. Elle comprend trois infirmières chargées de donner des soins (entre 9 h et 17 h) et deux psychothérapeutes (à hauteur de trois demi-journées par semaine chacun).

La thérapie s'appuie principalement sur les groupes (chaque patient participe quotidiennement à un groupe) et recourt aux techniques cognito-comportementales sans ignorer cependant l'approche psychanalytique. Il semble que cette prise en charge intensive commence à produire ses effets au bout du troisième mois (sous la forme d'une prise de conscience de l'acte commis qui fait souvent l'objet d'un « déni psychique » de la part de l'auteur).

La quatrième session est en cours. L'organisation des trois sessions précédentes a permis de dégager plusieurs enseignements :

- selon le docteur Bodon-Bruzel, les patients -généralement condamnés à de lourdes peines- « investissent fortement leur prise en charge : certains ont avoué en groupe des faits jamais évoqués auparavant, ils manifestent des affects en fin de session et font des liens entre leur acte et leur propre histoire » ;

- un quart d'entre eux a demandé une chimiothérapie spécifique en cours ou à la fin de la prise en charge ;

- l'hospitalisation au sein de l'unité permet aussi aux patients de continuer à échanger entre eux, notamment dans la cour commune de promenade. Elle laisse aussi, comme l'indique le docteur Bodon-Bruzel, la possibilité aux soignants d'intervenir sans délai, ponctuellement et au cas par cas en direction des patients fortement mobilisés au plan psychique qui ont besoin d'être évalués, écoutés et parfois traités.

Il est souhaitable, comme l'ont confirmé les médecins rencontrés par votre rapporteur, qu'une prise en charge médicale spécifique -sous la forme de psychothérapies- intervienne à certains moments clefs de la détention (dans les premières années suivant la condamnation et avant la libération) et que, dans l'intervalle, des conseillers d'insertion et de probation puissent intervenir régulièrement dans une perspective plus criminologique que médicale.

Sans doute l'attention doit-elle porter aujourd'hui par priorité sur la continuité de la prise en charge entre la prison et le milieu ouvert . Comme l'a observé le professeur Jean-Louis Senon, lors de son audition par votre rapporteur, la récidive, si elle a lieu, se produit très souvent entre le sixième et le neuvième mois suivant la libération. Il serait sans doute très souhaitable que la personne puisse, si elle le souhaite, conserver dans le milieu libre les mêmes interlocuteurs sociaux et médicaux. A tout le moins, un passage de témoins apparaît indispensable.

Il faut souligner, à cet égard, le rôle joué par les centres ressources pour la prise en charge des auteurs de violences sexuelles afin de favoriser un partenariat entre les équipes de services médico-psychologiques régionaux (SMPR) en prison, les médecins coordonnateurs et les équipes de psychiatrie générale.

Enfin, votre rapporteur souhaite souligner de nouveau la nécessité d'assurer un recrutement des conseillers d'insertion et de probation à la mesure des missions accrues qui leur sont confiées.

La loi pénitentiaire évoquait la création de 1.000 postes supplémentaires. La loi de finances n'autorise que 123 emplois supplémentaires. Néanmoins, le secrétaire d'Etat à la justice, M. Jean-Marie Bockel, s'était montré favorable devant votre commission des lois à un programme pluriannuel de création d'emplois qui pourrait être soumis au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances.

* 24 Casabianda, Salon de Provence, Perpignan, Muret, Saint Quentin-Fallavier, Roanne, Riom, Mauzac, Bédenac, Poitiers, Saint-Martin de Ré, Nantes, Argentan, Caen, Val de Reuil, Liancourt, Bapaume, Toul, Ensisheim, Melun, Joux la Ville, Le Port.

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