B. L'OUVERTURE DES MARCHÉS DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ

1. Une ouverture à la concurrence graduelle en droit

Conformément aux directives européennes, la France a procédé par étapes à l'ouverture à la concurrence des marchés de l'électricité et du gaz naturel, en adoptant les lois du 10 février 2000, du 3 janvier 2003, du 9 août 2004 et du 7 décembre 2006.

Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, la libéralisation a conduit à adapter le cadre législatif, afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c'est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.

Les étapes de l'ouverture pour l'électricité ont été les suivantes :

- en mai 2000, 30 % du marché étaient ouverts (pour les clients dont la consommation était supérieure à 16 GWh par an) ;

- en février 2003, 37 % du marché étaient ouverts (pour une consommation supérieure à 7 GWh par an) ;

- au 1 er juillet 2004, 70 % du marché étaient ouverts (pour tous les consommateurs autres que les ménages) ;

- enfin, la totalité du marché, soit près de 450 TWh, est ouvert à la concurrence depuis le 1 er juillet 2007.

Les étapes de l'ouverture pour le gaz naturel ont été les suivantes :

- en août 2000, éligibilité de tous les sites ayant une consommation annuelle de gaz supérieure à 237 GWh et de tous les producteurs d'électricité ou producteurs simultanés d'électricité et de chaleur, quel que soit leur niveau de consommation annuelle ;

- en août 2003, éligibilité de tous les sites ayant une consommation annuelle de gaz supérieure à 83 GWh ;

- au 1 er juillet 2004, éligibilité de toutes les entreprises et collectivités territoriales ;

- depuis le 1 er juillet 2007, éligibilité de tous les consommateurs.

2. Une ouverture à la concurrence limitée en pratique

Plus de deux ans après la libéralisation complète du marché, la plupart des consommateurs ont choisi de rester aux tarifs réglementés, et la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement.

Selon les données établies par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) au 30 novembre 2009, 756 000 sites non résidentiels de consommation d'électricité sont en offre de marché, dont 366 000 seulement chez un fournisseur alternatif, pour un total de 4,85 millions de sites. En ce qui concerne les sites résidentiels de consommation d'électricité , 1,325 million sont en offre de marché, dont 1,312 million chez un fournisseur alternatif, pour un total de 29,9 millions de sites. Ainsi, toutes catégories de sites confondues, 94 % d'entre eux sont encore aux tarifs réglementés, 1 % sont en offre de marché chez un fournisseur historique, et 5 % seulement sont en offre de marché chez un fournisseur alternatif.

Toutefois, l'ouverture du marché est plus grande si l'on considère non plus le nombre des sites, mais les volumes de consommation d'électricité, en raison de la forte concentration de ceux-ci sur quelques sites industriels. Ainsi, toutes catégories de sites confondues, la répartition des consommations annualisées est de 67 % aux tarifs réglementés, 23 % en offre de marché chez un fournisseur historique, et de 10 % en offre de marché chez un fournisseur alternatif. Pour les plus grands sites non résidentiels de consommation ces proportions sont respectivement de 31 %, 51 % et 18 %. Pour les sites résidentiels de consommation, elles sont respectivement de 96 %, quasiment 0 % et 4 %. On le constate, ce sont les plus grands sites industriels qui ont su faire jouer la concurrence pour passer en majorité en offre de marché, tandis que les ménages sont demeurés dans leur immense majorité au tarif réglementé d'électricité.

L'ouverture à la concurrence est légèrement plus grande en ce qui concerne le gaz naturel. Selon les données établies par la CRE au 30 novembre 2009, 243 000 sites non résidentiels de consommation de gaz sont en offre de marché, dont 113 000 seulement chez un fournisseur alternatif, pour un total de 685 000 millions de sites. En ce qui concerne les sites résidentiels de consommation de gaz , 1,144 million sont en offre de marché, dont 637 000 seulement chez un fournisseur alternatif, pour un total de 10,79 millions de sites. Ainsi, toutes catégories de sites confondues, 88 % d'entre eux sont encore aux tarifs réglementés, 6 % sont en offre de marché chez un fournisseur historique, et 6 % seulement sont en offre de marché chez un fournisseur alternatif.

Pour le gaz également, l'ouverture du marché est supérieure si l'on considère non plus le nombre des sites, mais les volumes de consommation. Ainsi, toutes catégories de sites confondues, la répartition des consommations annualisées est de 53 % aux tarifs réglementés, 31 % en offre de marché chez un fournisseur historique, et de 16 % en offre de marché chez un fournisseur alternatif. Pour les plus grands sites non résidentiels de consommation ces proportions sont respectivement de 12 %, 58 % et 30 %. Pour les sites résidentiels de consommation, elles sont respectivement de 90 %, 6 % et 4 %.

Ainsi, tant pour le gaz que pour l'électricité, aussi bien en nombre de sites qu'en volumes de consommation, et pour toutes les catégories de consommateurs, la part des offres de marchés assurées par des fournisseurs alternatifs demeurent largement minoritaire. Elle est tout à fait marginale en ce qui concerne les consommateurs résidentiels.

Cette prédominance des tarifs réglementés s'explique d'abord par le fait que ceux-ci bénéficient auprès des consommateurs d'une image positive, tenant à leur simplicité, à la notoriété des fournisseurs qui les proposent, ainsi qu'au caractère modéré de leur évolution résultant de leur encadrement par l'Etat.

Par ailleurs, en dépit des efforts de communication consentis par la CRE et le Médiateur de l'énergie, près des deux tiers des Français, selon certains sondages, ignorent encore qu'ils ont le droit de changer de fournisseur d'électricité ou de gaz.

Enfin et surtout, l'évolution des prix de l'énergie n'incite pas les consommateurs à quitter les tarifs réglementés. En effet, l'introduction de la concurrence ne s'est pas traduite par une baisse des prix. Pour le gaz, le prix de marché n'est pas très différent du tarif réglementé, qui est calculé sur les mêmes hypothèses économiques, comme une somme de coûts. Pour l'électricité, le prix de marché, qui reflète surtout les coûts de production en pointe à partir d'hydrocarbures, est sensiblement supérieur au tarif réglementé, qui reflète davantage les coûts de production en base à partir d'énergie nucléaire. Ce « ciseau tarifaire » explique que le marché des consommateurs domestiques soit presque intégralement demeuré au tarif réglementé.

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