2. L'obsolescence du filtre parlementaire

En 1973, le législateur avait, dans le souci d'éviter l'engorgement de l'institution, veillé à mettre en place un « filtre parlementaire ». Il s'agissait d'exiger que les dossiers de réclamations individuelles fussent transmis par l'intermédiaire d'un parlementaire (député ou sénateur). Ce filtre a fonctionné de façon satisfaisante jusqu'à une période récente.

Mais, progressivement, la nécessité et la pertinence de ce « filtre » se sont estompées.

La loi n° 2000-321 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations du 12 avril 2000 l'a ainsi expressément supprimé s'agissant du pouvoir de proposer des réformes reconnu au Médiateur de la République. Celui-ci peut désormais être saisi par tout citoyen d'une demande de réforme et même s'autosaisir.

Par ailleurs, depuis la mise en place, en 1999, des délégués du Médiateur répartis sur le territoire, les citoyens ont pris pour habitude de saisir directement cet échelon de proximité, ce qui oblige les délégués à faire valider cette démarche rétroactivement par un parlementaire. De même, l'amélioration de la transparence et de l'interactivité dans les relations entre l'administration et les usagers a naturellement conduit ces derniers à s'adresser directement aux services centraux du Médiateur, en particulier par voie électronique. 40% des demandes leur sont ainsi adressées spontanément, sans respecter la règle du « filtre », ce qui oblige là encore à de fastidieuses démarches de formalisation a posteriori par des parlementaires.

Enfin, la saisine indirecte s'est trouvée en contradiction, d'une part, avec les pratiques européennes (le Médiateur européen et 23 Médiateurs nationaux peuvent être directement saisis), d'autre part avec celles de nombreuses autorités administratives indépendantes créées depuis et chargées de la protection des droits, telles que la HALDE, la CNIL, le Défenseur des enfants, et plus récemment le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, autorités auxquelles tout citoyen peut s'adresser directement.

Pour l'ensemble de ces raisons, l'Office parlementaire d'évaluation de la législation a proposé en 2006 l'ouverture de la saisine du Médiateur de la République à tout citoyen, estimant qu'elle répondait « à la fois à la nécessité d'assurer l'accès au droit et aux exigences de rapidité et de proximité que requièrent certains dossiers » .

L'Office a toutefois jugé indispensable de maintenir la possibilité d'une saisine par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur, afin de préserver « le moyen d'information dont disposent ainsi les parlementaires sur les difficultés rencontrées par les citoyens dans leurs relations avec l'administration » 4 ( * ) .

* 4 Recommandation n° 12 du rapport n° 404 (2005-2006) de M. Patrice Gélard, déposé le 15 juin 2006 sur les autorités administratives indépendantes, consultable à l'adresse suivante : http:/www.senat.fr/rap/r05-404-1/r05-404-1.htm l .

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