C. LA CRÉATION D'UN DÉFENSEUR DES DROITS DE RANG CONSTITUTIONNEL PAR LA RÉVISION DU 23 JUILLET 2008

L'article 71-1 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008, crée un Défenseur des droits, afin d'apporter une consécration constitutionnelle à la mission de protection des droits assurée par un ensemble d'autorités indépendantes, auxquelles il doit se substituer, et de donner davantage de cohérence et de lisibilité à notre système de protection des droits, pour le plus grand bénéfice des usagers.

1. Un ancrage constitutionnel pour une autorité forte

Face au constat d'une dilution des responsabilités résultant de la multiplication des autorités indépendantes chargées de protéger les droits et libertés, le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République « a souhaité qu'une étape importante soit franchie dans le sens d'une amélioration de la protection des droits des citoyens. »

S'inspirant du « succès rencontré en Espagne par le Défenseur du Peuple mentionné à l'article 54 de la Constitution » 12 ( * ) , il a recommandé la création d'un Défenseur des droits de rang constitutionnel, ayant vocation à exercer les compétences du Médiateur de la République et d'autres autorités indépendantes.

L'article 71-1 de la Constitution crée ainsi un Défenseur des droits, auquel toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourrait adresser une réclamation. Les modalités de saisine du Défenseur doivent être précisées par une loi organique.

Le troisième alinéa du nouvel article 71-1 renvoie également à la loi organique la définition des attributions du Défenseur et de ses « modalités d'intervention ».

Le quatrième alinéa dispose que « le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République pour un mandat de six ans non renouvelable, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Ses fonctions sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement et de membre du Parlement . ». Les autres incompatibilités doivent être précisées par la loi organique.

Par ailleurs, lors de l'examen de la révision constitutionnelle de 2008, plusieurs modifications ont été apportées au texte du nouvel article 71-1, à l'initiative de votre commission et de son président et rapporteur, notre excellent collègue Jean-Jacques Hyest, pour conforter le statut et l'organisation du Défenseur des droits.

Ainsi, la nouvelle autorité a reçu le nom de « Défenseur des droits », et non de Défenseur des droits des citoyens, comme le prévoyait le projet initial, afin de lever toute ambiguïté quant à l'ouverture de sa saisine à toute personne, au delà des seuls citoyens français.

Le Constituant a par ailleurs souhaité étendre le champ de compétence du Défenseur à la sphère privée. Par conséquent, la mission constitutionnelle du Défenseur est de veiller « au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».

Aussi le texte de la Constitution laisse-t-il très ouvert le champ des attributions du Défenseur des droits, en lui permettant de traiter des réclamations mettant en cause des personnes privées.

A cet égard, le rapport de première lecture de notre collègue Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, souligne qu'« afin de donner au législateur organique la latitude la plus large possible », « le champ de compétences du Défenseur ne doit pas être limité a priori à l'examen des réclamations mettant en cause le fonctionnement d'un service public » 13 ( * ) .

Le président et rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann, s'est pour sa part félicité, en deuxième lecture, « que le domaine de compétence du Défenseur des droits puisse être étendu par le législateur organique au-delà des seules questions relatives au fonctionnement des services publics. Cet élargissement potentiel du champ de compétence du Défenseur des droits permettra sans doute de réaliser la simplification et l'unification de nombreuses autorités administratives indépendantes . » 14 ( * ) .

L'article 71-1 prévoit en outre que le Défenseur des droits peut se saisir de sa propre initiative, qu'il peut être assisté par un collège pour l'exercice de certaines de ses attributions, et qu'il rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.

* 12 L'article 54 de la Constitution espagnole de 1978 prévoit l'institution d'un Défenseur du peuple, nommé par les Cortes generales. La loi organique n° 3/1981 du 6 avril 1981 relative au Défenseur du peuple définit les conditions de nomination, les pouvoirs et les moyens de cette institution. Le Défenseur du peuple est élu pour une durée de cinq ans par le Congrès des députés et le Sénat à la majorité des trois cinquièmes des membres de chaque assemblée.

Il a pour mission la protection et la défense des droits fondamentaux et des libertés publiques des citoyens. Il contrôle le respect par l'administration des dispositions de l'article 103 de la Constitution de 1978, aux termes duquel « l'administration sert avec objectivité l'intérêt général et agit en accord avec les principes d'efficacité, de hiérarchie, de décentralisation, de déconcentration et de coordination, en se soumettant complètement à la loi et au droit ».

Il peut être saisi par toute personne physique ou morale, quelles que soient sa nationalité ou sa résidence, et par les députés, les sénateurs et certaines commissions parlementaires. Il peut engager, d'office ou à la demande d'une partie, des enquêtes, les pouvoirs publics étant tenus de l'aider dans cette tâche.

* 13 Voir le rapport précité, p. 207.

* 14 Voir le rapport fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle, modifié par le Sénat, de modernisation des institutions de la Ve République par M. Jean-Luc Warsmann, Assemblée nationale, n° 1009, treizième législature, p. 191. ; consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r1009.asp .

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