EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 9 JUIN 2010

La commission examine le rapport de M. Laurent Béteille sur la proposition de loi n° 277 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues, sur le recours collectif.

M. Laurent Béteille , rapporteur. - Nous avons déjà, avec M. Yung, présenté les conclusions du groupe de travail sur une action de groupe à la française. Je ne reviens donc pas sur nos préoccupations. Il y avait, je crois, un consensus pour trouver une solution évitant les dérives du droit anglo-saxon et notamment américain. Nos propositions étaient donc les plus respectueuses possible de la tradition juridique française.

La présente proposition a été rédigée bien avant l'achèvement de nos travaux et sa logique est tout à fait différente, comme vous pouvez le voir sur les schémas qui vous ont été distribués. Je vous propose de rejeter ses articles, tout en ayant un échange devant le Sénat tout entier et de manière à avancer des propositions. Nous avons besoin de temps pour les retravailler avec le Gouvernement. En effet, l'essentiel de la procédure civile est d'ordre réglementaire ; il faudra donc articuler le texte législatif avec la partie réglementaire rédigée parallèlement.

Quelque intéressante qu'elle soit, la proposition de Mme Bricq ne répond pas aux objectifs du groupe de travail. Elle présente le défaut majeur de modifier le régime déontologique des avocats en les autorisant à démarcher les clients et à demander des honoraires proportionnels aux résultats, toutes choses que nous avons voulu éviter. Par ailleurs, l'action en représentation conjointe ne fonctionne pas et, pourtant, la proposition de loi en conserve le principe du mandat. De plus, ce texte retient un système d' opt-in mais s'achève avec une démarche d' opt-out , ce qui ne peut fonctionner.

L'absence de texte de la commission, même avec un avis négatif à l'ensemble des articles, permettra un débat intéressant et remettra l'action de groupe sur le devant de la scène. L'opinion est mûre et l'on n'est pas loin de déboucher, même si le MEDEF freine et que le Gouvernement pose en préalable, notamment, une avancée des projets européens. Avançons d'abord, nous aurons une base de négociation en donnant l'exemple à Bruxelles.

M. Richard Yung . - La proposition, qui remonte à plusieurs années, était devenue caduque. Elle a donc été redéposée mais, entre-temps, le groupe de travail a fonctionné, ce qui nous amènera à la modifier. Je pense au domaine d'application, dont on a maintenant une idée assez précise alors que le texte était resté prudemment dans le vague. Il en va de même du règlement du dommage. L'essentiel de l'architecture demeure et le choix est assez clair sur l' opt-in malgré...

M. Laurent Béteille , rapporteur. - ... de sérieux doutes.

M. Richard Yung . - On peut améliorer la proposition et je ne souhaite pas en rester à une aimable discussion.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Il y aura cet après-midi-là la proposition plus une question orale avec débat en quatre heures. On aurait pu demander le renvoi en commission, mais cela a l'inconvénient d'être frustrant parce que cela coupe le débat. Comment en traiter en deux heures ? La discussion s'interrompra avant l'examen complet des articles, mais l'on n'oubliera pas ces éléments lors du débat futur sur le texte issu du groupe de travail. Les contraintes rendent le choix difficile : nous prendrions deux ou trois jours pour un projet de loi sur le sujet de l'action de groupe. Il n'est pas réaliste de traiter de cela en deux heures.

M. Richard Yung . - Le débat apportera des clarifications. Mais après ? Voilà des années que l'on en discute, et le Gouvernement n'est pas enthousiaste.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Certains ministres avaient fait des propositions ambitieuses quand ils étaient parlementaires. L'un d'entre eux n'est-il pas aujourd'hui porte-parole du Gouvernement ?

M. Richard Yung . - Mme Lagarde connaît bien le système américain... Pourra-t-on, après le débat, déposer d'autres propositions ?

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Bien sûr ! Mieux vaut dire qu'il y a des points de désaccord et voir l'articulation avec la procédure civile qui est de nature réglementaire.

M. François Zocchetto . - Il y a quinze jours, nous étions assez enthousiastes pour dire que les choses devaient évoluer assez rapidement. Je suis agréablement surpris que nous en reparlions aussi vite. Il faut sans aucun doute rédiger quelque chose car c'est le souhait de la majorité d'entre nous. Je rappelle ce que j'ai déjà dit sur l'exclusion nécessaire de l'état des personnes et de la santé ; la déontologie des avocats doit rester ce qu'elle est afin d'éviter les dérives que l'on connaît aux Etats-Unis sur les honoraires ; s'agissant de l'opt-in, le texte doit reposer sur une adhésion volontaire : on ne doit pas se trouver dans la procédure sans l'avoir choisi ; l'agrément des associations doit être assorti de garanties pour éviter ce que j'avais appelé des « procureurs privés ».

M. Hugues Portelli . - S'exprimant devant des juristes, Mme Lagarde nous a fait savoir que le ministère préparait un texte sur d'autres bases.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il serait donc de mauvais goût que le Sénat en élabore un...

M. Bernard Frimat . - Nous avons une grande satisfaction : chaque fois que nous parlons de quelque chose, nous donnons au Gouvernement des idées de texte. Mieux vaut un projet élaboré longtemps à l'avance qu'apparu après un petit déjeuner !

Les auteurs de la proposition auraient pu la modifier en fonction des résultats du groupe de travail. Puisque ce n'est matériellement pas possible, la solution d'un débat suivi d'un rejet ne représenterait pas une grande frustration. L'important est de rebondir, avec une proposition de Mme Bricq ou du groupe de travail.

Nous avons quelques rendez-vous avec le Gouvernement : par exemple, travaille-t-il de façon intense au statut pénal du chef de l'Etat que nous avions renvoyé en commission dans cette attente ?

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Je tiendrai mes engagements. S'il ne devait pas y avoir de projet de loi, il y aurait une proposition de loi sur le statut pénal.

M. Bernard Frimat . - Notre travail est de stimuler le Gouvernement, ainsi sur la garde à vue, mais l'amener à faire une politique intelligente tient des travaux d'Hercule.

M. Laurent Béteille , rapporteur. - Je n'ai pas d'objection de principe à ce qui a été dit. Il était matériellement impossible d'élaborer dans ces délais un texte inspiré de notre groupe de travail. J'ai entendu en audition la Chancellerie et Bercy. La première est assez positive, quoique prudente ; elle a émis des suggestions et l'on peut faire quelque chose qui tienne la route : il est possible d'aboutir assez vite à une proposition de loi.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Nous demanderons alors l'inscription au nom de la commission, de manière à avoir le temps d'examiner tous les aspects de la proposition de loi, comme nous l'avons fait sur un autre sujet complexe pour le numérique avec la proposition Escoffier-Détraigne.

M. Hugues Portelli . - Sur le rapport entre la loi et le règlement, j'ai envie de déposer une proposition de loi organique, prévue par l'article 34 de la Constitution, qui introduise la procédure civile dans le domaine législatif.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Pas intégralement !

M. Hugues Portelli . - En tout cas, au niveau des principes généraux.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Il serait ennuyeux de priver les professeurs de droit d'un des rares exemples clairs de distinction entre les domaines législatif et règlementaire.

M. Laurent Béteille , rapporteur. - Il y a en effet un critère à trouver : la « cuisine judiciaire » ne relève pas de la loi, l'accès à la justice, si.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Nous suivons le rapporteur ?

Les conclusions du rapporteur sont approuvées.

La commission décide de ne pas adopter de texte afin que la discussion en séance publique porte sur le texte de la proposition de loi.

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