EXAMEN DES ARTICLES

Article premier (article L. 131-8 du code de l'éducation) - Suspension du versement des allocations familiales des parents des élèves absentéistes

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

La loi fondatrice du 28 mars 1882 a posé le principe de l'obligation scolaire. Celle-ci se décline aujourd'hui en deux volets :

- d'une part, l'instruction obligatoire des enfants des deux sexes, français et étrangers, de six à seize ans, soit dans un établissement d'enseignement public ou privé, soit dans la famille sous la responsabilité des parents (art. L. 131-1 et L. 131-2 du code de l'éducation) ;

- d'autre part, l'assiduité obligatoire, qui constitue spécifiquement un devoir de l'élève, dès lors qu'il est inscrit dans un établissement, et s'impose donc même après la fin de la scolarité obligatoire (art. L. 511-1 du code de l'éducation).

L'article premier de la présente proposition de loi modifie l'article L. 131-8 du code de l'éducation, qui règle le contrôle de l'obligation d'assiduité scolaire, pour prévoir un régime de suspension des allocations familiales aux parents des élèves absentéistes sur la demande de l'inspecteur d'académie, après le constat qu'un premier avertissement est resté sans effet.

Il conserve le principe qu'en cas d'absence d'un enfant, les personnes responsables doivent, sans délai, en faire connaître les motifs au directeur de l'établissement d'enseignement, ce qui vise aussi bien les écoles, les collèges et les lycées que les établissements privés et les centres de formation des apprentis. De même, il ne revient pas sur la liste des motifs réputés légitimes 7 ( * ) , ni sur le pouvoir d'appréciation des autres motifs laissé à l'inspecteur d'académie. Il garde également à l'inspecteur le pouvoir de diligenter une enquête sociale.

En outre, l'article premier de la proposition de loi maintient le principe de la saisine de l'inspecteur d'académie par le directeur d'établissement, lorsqu'aucun motif d'absence n'a été donné, lorsque les motifs invoqués se révèlent inexacts, ou lorsque les absences sans motif légitime ni excuses valables s'élèvent au moins à quatre demi-journées dans le mois. C'est au chef d'établissement, puis à l'inspecteur, de juger de la validité des excuses proposées. À l'issue d'un dialogue avec les parents, obligatoire en cas d'absences répétées, justifiées ou non, ainsi que l'impose l'article R. 131-6 du code de l'éducation, une régularisation des absences reste donc possible, au-delà des seuls motifs réputés légitimes, tant au niveau des établissements que de l'inspection.

En revanche, outre des modifications rédactionnelles, dont la suppression par l'Assemblée nationale de la mention d'enfants « présumés réfractaires », excessivement péjorative, l'article premier ( alinéa 4 ) modifie le contenu de l'avertissement adressé aux personnes responsables d'un enfant absentéiste par l'inspecteur d'académie .

D'une part, dans le souci de gagner en valeur pédagogique et de proposer une aide aux familles, l'avertissement devra comporter une information sur les dispositifs d'accompagnement parental auxquels les personnes responsables de l'enfant peuvent prétendre.

D'autre part, l'avertissement devra non seulement rappeler les sanctions pénales applicables, mais également administratives. Les sanctions pénales existantes répondent à deux incriminations possibles comme contravention et comme délit. L'article R. 624-7 du code pénal punit d'une amende, pouvant aller jusqu'à 750 euros 8 ( * ) , le fait de ne pas imposer à un enfant l'obligation d'assiduité scolaire, après avertissement de l'inspecteur d'académie. Plus largement et plus sévèrement, l'article 227-17 du même code vise la répression de la mise en péril des mineurs et plus spécifiquement des atteintes à la santé, à la sécurité, à la moralité ou à l'éducation de leur enfant, dues à la négligence des parents. Peuvent être requis jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Les sanctions administratives ne visent, quant à elles, que la seule suspension d'allocations familiales, qui fait précisément l'objet de la proposition de loi.

L'article premier ( alinéa 7 ) modifie les conditions de saisine du président de conseil général pour la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale (CRP) . L'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, issu de la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, a prévu la possibilité pour le président de conseil général de proposer aux personnes responsables de l'enfant la signature d'un CRP. Un tel contrat doit rappeler les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporter toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation constatée. Le non-respect du CRP ou le refus de signature peut entraîner une demande de suspension des allocations familiales.

La version en vigueur de l'article L. 131-8 du code de l'éducation prévoit que l'inspecteur d'académie saisisse le président du conseil général des situations lui paraissant justifier la mise en place d'un CRP. La proposition de loi infléchit ce dispositif, de telle sorte que l'inspecteur soit tenu de saisir sans délai le président du conseil général de tous les avertissements qu'il a adressé pour défaut d'assiduité. L'Assemblée nationale, en séance plénière, a précisé que cette saisine peut avoir pour visée la mise en place non seulement d'un CRP, mais aussi de toute autre mesure d'accompagnement à la disposition du conseil général. Alors que les CRP n'ont pas connu d'engouement de la part des conseils généraux, cette précision laisse ainsi aux exécutifs locaux chargés de l'action sociale une large marge de manoeuvre dans le choix des instruments de soutien aux familles.

N'est pas, par ailleurs, remise en cause la possibilité pour l'inspecteur de saisir le conseil général en vue de la signature d'un CRP en cas de trouble porté au fonctionnement de l'établissement ou de carence de l'autorité parentale, conformément à l'article L. 224-4-1 du code de l'action sociale et des familles.

De plus, dans un souci d'allègement de la gestion administrative, l'article 1 er ( alinéa 7 ) supprime l'information obligatoire du maire de la commune de résidence de l'élève , qui s'impose au directeur d'établissement au moment de sa saisine de l'inspecteur d'académie. Cependant, le maire reste informé par l'inspecteur d'académie des avertissements qu'il adresse, conformément au texte aujourd'hui en vigueur. Une précision supplémentaire est apportée afin que la communication de cette liste ait lieu trimestriellement ( alinéa 8 ) : cette mesure de simplification vise à éviter des signalements au fil de l'eau, imposant une consolidation par les services de la mairie.

La procédure de suspension des allocations familiales ne peut être mise en oeuvre qu'après le constat que l'avertissement de l'inspecteur est resté sans effet . Conformément à la définition de l'obligation d'assiduité, elle vise tous les enfants mineurs , mais uniquement ceux-là. En effet, une fois majeur, l'élève est personnellement responsable de ses actes sans que la responsabilité de sa famille puisse se substituer à la sienne. L'article premier ( alinéa 10 ) de la proposition de loi prévoit que dans le cas où l'élève manque de nouveau quatre demi-journées de classe sur un mois, malgré son avertissement, l'inspecteur d'académie donne l'occasion aux personnes responsables de l'enfant de présenter leurs observations. Cette disposition est nécessaire à plusieurs titres : d'une part, elle est propice au dialogue et à la pédagogie de la responsabilisation en permettant un nouveau contact, par tout moyen, entre l'inspecteur et les parents , d'autre part, elle assure la compatibilité de l'éventuelle procédure de sanction avec les principes de jugement équitable rappelés tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour européenne des droits de l'homme. Si aucun motif légitime d'absence n'est avancé, ni aucune excuse qu'il estime valable, l'inspecteur d'académie saisit le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales en vue de la suspension de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause. Les modalités de calcul de la part sont renvoyées à l'article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale, lui-même introduit par l'article 2 de la présente proposition de loi.

Autant l'inspecteur d'académie garde, même après l'avertissement, un large pouvoir d'appréciation, autant les caisses d'allocations familiales ou de mutualité sociale agricole ont compétence liée et ne peuvent en opportunité s'opposer à la suspension ou retarder sa mise en oeuvre. Cependant, le traitement administratif des demandes de suspension au sein des caisses prend du temps, si bien que pour une suspension au début d'un mois donné, l'ordre doit être parvenu avant le 20 du mois précédent. Ces déphasages expliquent qu'il soit demandé au directeur de caisse de prévenir l'inspecteur d'académie et le président du conseil général de la date de mise en oeuvre effective de la suspension. Il devra également informer les personnes responsables de l'enfant de la suspension, ainsi que des dispositifs d'accompagnement parental dont elles peuvent disposer. Cette information ne fait pas doublon avec celle de l'inspecteur d'académie, dans la mesure où les CAF connaissent mieux que l'éducation nationale les réseaux, les lieux et les personnes susceptibles d'aider les parents.

Le rétablissement du versement des allocations familiales respecte le parallélisme des formes ( alinéa 11 ) : l'inspecteur d'académie saisit le directeur de l'organisme débiteur d'une demande de rétablissement après avoir constaté l'assiduité de l'enfant. L'assiduité est ici caractérisée négativement comme le fait de ne pas avoir été absent pendant plus de quatre demi-journées sans motif légitime ou excuses valables au cours d'un mois. Elle est mesurée sur un mois de scolarisation , et non un mois calendaire, à compter du mois au titre duquel le versement des allocations a été suspendu. Les vacances scolaires ne sont donc pas prises en compte dans le calcul de la durée d'assiduité retrouvée. Ainsi, après un premier avertissement resté sans effet, pour l'absentéisme d'un enfant en mars donnant lieu à une suspension d'allocations, les versements pourront reprendre si l'assiduité de l'enfant est avérée à partir du 1 er avril pendant un mois de scolarité, c'est-à-dire jusqu'au mois de mai s'il n'y a pas eu de vacances scolaires ou jusqu'au mois de juin dans le cas contraire.

La suspension des allocations familiales peut déboucher sur leur suppression en cas de persistance de l'absentéisme ( alinéa 12 ). Deux cas se présentent :

- soit, l'élève redevient assidu après la suspension des allocations et le versement est rétabli pleinement et rétroactivement ;

- soit l'élève demeure absent sans justification pendant quatre nouvelles demi-journées sur le mois et les allocations suspendues sont supprimées.

La suppression intervient à la demande de l'inspecteur d'académie après qu'il a une nouvelle fois mis en mesure les personnes responsables de l'enfant de lui présenter leurs observations et qu'il a apprécié la validité des excuses qui lui étaient présentées. En résumé, en cas d'absences continues sur plusieurs mois consécutifs, le premier mois donne lieu à un avertissement, le deuxième mois à une suspension et le troisième à une suppression. En revanche, tout retour à l'assiduité peut déclencher le rétablissement des allocations suspendues, à l'exclusion des allocations supprimées dont le paiement n'est plus dû.

Reste le problème des vacances d'été, pendant lesquelles un élève ne peut par définition prouver son assiduité. En cas d'absence en juin, suite à un avertissement resté lettre morte, quelle que soit la bonne volonté des parents, l'élève n'aura pas l'occasion matérielle de retrouver le chemin des cours. Le dispositif de suspension et les conditions de rétablissement des allocations familiales entraîneraient mécaniquement la poursuite de l'arrêt des versements pendant l'été, puis au mois d'août leur suppression. Pour pallier ce défaut et garantir l'équité du dispositif, l'article premier de la proposition de loi ( alinéa 13 ) prévoit que la suspension des allocations ne peut prendre effet s'il est impossible de vérifier sous deux mois la condition de reprise d'assiduité. Ainsi, les allocations familiales resteront versées pendant l'été et une éventuelle suspension des allocations familiales ne pourra intervenir avant le mois de septembre.

II - La position de votre commission

L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne peut être traité par le biais d'une seule mesure . Il se présente sous des formes très diverses : il peut être très régulier et confiner au décrochage scolaire, mais il se manifeste souvent de façon perlée ou sélective. Parfois, les élèves sont présents dans les établissements sans être présents au cours. Toutes ces manifestations d'absentéisme ont été bien caractérisées récemment dans un rapport de l'académie de Créteil ciblant l'enseignement professionnel. 9 ( * ) L'absentéisme connaît une forte volatilité et prend une ampleur différente selon l'âge de l'élève, son cycle de formation, son établissement, les mois de l'année, ...

À ces différentes manifestations peuvent correspondre des causes très diverses , parmi lesquelles les difficultés d'apprentissage et une orientation par défaut doivent être prises en compte aussi bien que les problèmes psychologiques ou le travail dissimulé.

La proposition de loi fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents un élément clef de la lutte contre l'absentéisme . Elle est le pendant d'un autre volet proprement scolaire , qui est parallèlement mis en oeuvre par le Gouvernement avec la réforme du primaire afin de lutter contre l'échec scolaire au collège, avec la rénovation en chantier du système d'orientation et avec les mesures de suivi et de traitement du décrochage scolaire.

Le dispositif de suspension des allocations familiales, élaboré dans la proposition de loi, ne manque pas de légitimité , réaffirme symboliquement l'attachement de la société à l'assiduité scolaire et se révèle plus souple et moins lourd que les sanctions pénales . La possibilité de sanctionner les manquements à l'obligation scolaire par la suspension des allocations familiales existe depuis longtemps en droit français.

L'article 5 de l'ordonnance du 6 janvier 1959 portant prolongation de la scolarité obligatoire prévoit déjà un double mécanisme de sanctions pénales et administratives : « les manquements à l'obligation scolaire constituent des contraventions. Ils peuvent entraîner la suspension ou la suppression du versement aux parents de prestations familiales dans des conditions fixées par décret . » C'est le fondement légal du décret du 18 février 1966 qui, jusqu'à son abrogation par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, réglait la procédure de suspension ou de suppression des allocations familiales. Mais parallèlement à cette abrogation, le décret n° 2004-162 du 19 février 2004 prévoyait une nouvelle contravention spécifique dans le code pénal et la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances créait avec les contrats de responsabilité parentale un instrument de médiation souple couplant accompagnement et sanction.

Les sanctions pénales des carences de l'autorité parentale, soit au titre d'une contravention, soit d'un délit, demeurent d'emploi difficile, parce qu'elles risquent d'être disproportionnées dans des cas légers et d'arriver trop tard pour des cas lourds. Votre commission estime que peu de familles sont véritablement dans la négligence mais beaucoup dans la souffrance et la résignation. C'est sur ces familles qu'il faut agir pour les faire sortir de leur fatalisme par un électrochoc salutaire et les faire bénéficier d'une aide à la parentalité adéquate.

La proposition de loi rétablit un dispositif de sanction administrative très progressif avec une phase d'avertissement et une véritable offre de dialogue avec les parents qui pourront expliquer leurs situations à l'inspecteur d'académie, puis une phase de suspension partielle des allocations et à nouveau une nouvelle possibilité d'échange et d'aide, et enfin la suppression au bout de trois mois dans les cas les plus graves . Les phases d'avertissement et de dialogue avec l'éducation nationale sont des moments cruciaux : c'est là que se jouera concrètement le succès de la mesure parce que les parents pourront être écoutés et aiguillés vers des structures, des réseaux ou des groupes de paroles, susceptibles de les aider.

Les représentants de l'académie de Créteil reçus par votre rapporteur estiment que sur 600 à 800 familles aujourd'hui convoquées à l'inspection académique, la moitié règle rapidement les problèmes d'assiduité scolaire après l'entretien. Ceci prouve que l'avertissement et le dialogue en face à face ont une efficacité certaine et doivent toujours être privilégiés en première approche. Dans la moitié restante des cas, soit la famille ne s'est pas rendue à l'entretien, soit rien n'a changé dans la scolarité de l'enfant. Les inspecteurs et le rectorat envisageraient, si la proposition de loi était adoptée, de convoquer une nouvelle fois ces familles devant une commission solennelle et de leur proposer un choix clair entre la suspension des allocations familiales et le suivi de modules d'aide à la parentalité sous la responsabilité des assistantes sociales de l'éducation nationale. Ces modules éducatifs prendraient idéalement la forme de groupes de paroles et d'échanges plutôt que d'exposés magistraux inutiles. Cette démarche pragmatique est très intéressante. Ce n'est pas, en effet, l'aspect punitif de la proposition de loi qui doit être mis en avant mais son versant éducatif qui peut être très bénéfique, s'il est pris à bras le corps par l'ensemble des acteurs de terrain.

Votre commission estime, en effet, que la suspension des allocations familiales doit être plutôt considérée comme une arme de dissuasion visant à inciter les parents à une supervision plus attentive et plus active de leurs enfants . C'est la menace de la punition en dernier ressort, qui poussera des familles à entrer dans une démarche constructive de long terme. Cette suspension des allocations brandie à l'horizon peut faire prendre conscience aux parents de la gravité de la situation dans laquelle se trouve leur enfant et pour les contraindre, si nécessaire, à recevoir une aide adéquate. Il n'est pas rare en effet que les familles les plus en difficulté se cachent, évitent tout regard extérieur et fuient toute aide pour préserver leur dignité, alors même que leur situation se détériore irrémédiablement . Il est de la responsabilité de la communauté nationale d'aider ces familles, malgré elles-mêmes dans un premier temps, mais à leur bénéfice et à leur soulagement sur le long terme.

Le dispositif de suspension des allocations familiales sera efficace s'il est appliqué avec discernement et pragmatisme , comme une mesure de dissuasion plutôt que comme sanction et s'il s'inscrit dans une démarche globale d'accompagnement des familles. Il est donc bienvenu de laisser la plus large liberté d'appréciation des situations particulières aux chefs d'établissement et aux inspecteurs d'académie, dont votre rapporteur a rencontré les représentants et a pu apprécier la compréhension fine de toutes les composantes de l'absentéisme.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis (article L. 401-3 (nouveau) du code de l'éducation) - Présentation du projet d'établissement et du règlement intérieur aux parents d'élèves

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Cet article additionnel, inséré au cours de la discussion en séance publique à l'initiative du rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, crée un nouvel article L. 401-3 dans le code de l'éducation. Il vise à ce que, dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public, le projet d'école ou d'établissement et le règlement intérieur soient présentés aux personnes responsables d'un enfant lors de sa première inscription par le directeur de l'école ou le chef d'établissement.

II - La position de votre commission

Au sein du livre quatrième du code de l'éducation consacré aux établissements d'enseignement scolaire, les articles L. 401-1 et L. 401-2 forment un titre préliminaire introduit par la loi du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école afin de rassembler les dispositions, peu nombreuses, communes aux écoles et aux établissements d'enseignement secondaire.

Dans chaque école et établissement d'enseignement scolaire public doit être élaboré avec les représentants de la communauté éducative, un projet d'école ou d'établissement. Il est ensuite adopté par le conseil d'école ou le conseil d'administration de l'établissement pour une durée de 3 à 5 ans. Son but fondamental est de définir les modalités particulières de mise en oeuvre des objectifs et des programmes nationaux. Il doit préciser les voies et les moyens mis en oeuvre pour assurer la réussite de tous les élèves, y compris le mode d'association des parents à la réalisation de cet objectif.

En outre, les écoles et les EPLE doivent rappeler dans un règlement intérieur les droits et les devoirs de chaque membre de la communauté éducative et déterminer les moyens d'en assurer le respect. Les modalités du contrôle de l'assiduité y figurent de plein droit. Dans les écoles, le règlement intérieur est préparé à partir d'un document type élaboré par l'inspecteur d'académie du département. L'article D. 411-7 du code de l'éducation prévoit l'affichage du règlement dans les écoles et sa remise aux parents d'élèves. En parallèle, l'article R. 421-5 du même code précise pour les collèges et les lycées que le règlement intérieur adopté par le conseil d'administration de l'établissement est porté à la connaissance des membres de la communauté éducative, sans préciser les modalités de la publicité.

Le projet d'établissement et le règlement intérieur constituent le ciment de la communauté éducative , toute orientée vers la réussite de l'ensemble des élèves. Votre commission estime par conséquent fondamental que les parents d'élèves, membres à part entière de la communauté éducative, puissent être associés à leur élaboration par l'intermédiaire de leurs représentants, conformément aux textes en vigueur. Cependant, il convient d'aller plus loin pour que tous les parents d'élèves soient clairement informés des règles qui prévalent à l'école, mais aussi de l'importance que revêt l'école pour l'avenir de leurs enfants. C'est pourquoi les modalités de publicité prévues par le code de l'éducation ne paraissent pas suffisantes.

En effet, l'ensemble des auditions menées par votre rapporteur pointaient le renforcement de l'implication des parents d'élèves dans la vie de l'école comme l'élément fondamental de la lutte contre l'absentéisme scolaire . Il n'est pas rare que des parents ne perçoivent plus l'utilité ni le sens de l'école. Dans ce cas, il est difficile de leur demander d'accompagner la réussite scolaire de leurs enfants ou même simplement de les faire venir physiquement à l'école pour échanger avec les enseignants. L'institution scolaire peut paraître comme distante et intimidante, voire parfois tout simplement incompréhensible, pour des parents qui n'en possèdent pas les codes.

Votre commission approuve donc le principe d'une rencontre obligatoire entre les parents et le chef d'établissement pour présenter le projet d'école ou d'établissement, y compris et surtout son volet pédagogique, et le règlement intérieur . Ce rendez-vous obligatoire constituera le premier contact des parents avec l'école et devrait permettre de mieux les intégrer au sein de la communauté éducative au grand bénéfice de tous. Il est important de commencer cette démarche dès le primaire . En effet, c'est à la fois là où le contact avec les parents est le plus aisé et où les retards cognitifs et scolaires peuvent s'accumuler irréversiblement. Si l'on veut améliorer les comportements, et notamment l'assiduité au collège, puis au lycée, il faut s'assurer que les enfants n'aient pas déjà perdu pied en primaire. La transition entre le primaire et le collège, avec la classe de 6 e en pivot, est un moment difficile et doit également être convenablement préparée. La Malette des Parents ciblait précisément ce moment crucial. C'est aussi pour établir une continuité entre le primaire et le secondaire que les réseaux ambition réussite de l'éducation prioritaire sont conçus comme des réseaux d'écoles et de collèges en synergie.

Le moment de la première inscription est bien choisi pour une rencontre entre le directeur ou le chef d'établissement et les parents puisqu'il est neutre , sans qu'un passif soit déjà accumulé entre la famille et l'école, avant que l'enfant soit jugé comme un bon ou mauvais élève. Un entretien individuel serait préférable , mais devant les difficultés pratiques de mise en oeuvre, il apparaît sage de prévoir la possibilité de réunions collectives d'information.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 (article L. 552-3-1 (nouveau) du code de la sécurité sociale) - Modalités de suspension du versement des allocations familiales

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 2 de cette proposition de loi insère au sein du code de la sécurité sociale un nouvel article L. 552-3-1. Il reprend par coordination certaines des dispositions insérées par l'article premier dans le code de l'éducation. Il rappelle qu'en cas de manquement à l'obligation d'assiduité scolaire, le directeur d'une caisse d'allocations familiales est tenu de suspendre, sur demande de l'inspecteur d'académie, le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l'enfant en cause. Il précise enfin que les modalités de calcul de la part susceptible d'être suspendue sont définies par décret en Conseil d'État .

II - La position de votre commission

Le code de la sécurité sociale dispose que les allocations sont dues à partir du deuxième enfant à charge (art. L. 521-1) et sont versés à la personne qui assume, dans quelques conditions que ce soit, la charge effective et permanente de l'enfant (art. L. 521-2). Leur calcul est complexe et s'appuie sur des fractions d'une base mensuelle revalorisable. Hors majoration, les allocations familiales représentent 32 % de la base mensuelle pour le deuxième enfant à charge et 41 % pour le troisième enfant à charge et les suivants (art. D. 521-1), soit 73 % de la base pour trois enfants, 114 % pour quatre enfants, etc. En 2010, les allocations familiales s'élèvent à 123,92 € pour deux enfants et 282,70 € pour trois enfants, puis 158,78 € par enfant supplémentaire.

D'après les échos qu'en a reçus votre rapporteur, le décret en Conseil d'État exigé par l'article 2 devrait retenir le principe de la suspension d'une part des allocations dues normalement à la famille égale au ratio d'enfants absentéistes sur l'ensemble de la fratrie . Si un des enfants au sein d'une fratrie de trois est absentéiste, alors la part susceptible d'être suspendue représente un tiers du montant des allocations, soit 94,23 €.

Il n'aurait été ni juste, ni raisonnable de punir l'ensemble d'une fratrie pour les erreurs d'un seul enfant en suspendant la totalité des allocations familiales à cause d'un seul absentéiste. Votre commission approuve donc la suspension partielle des allocations qui ne visera que la part due au titre de l'enfant en cause et le renvoi à un décret en Conseil d'État des modalités pratiques de calcul.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles) - Aménagement du régime du contrat de responsabilité parentale

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 3 de cette proposition de loi assure la coordination entre le code de l'éducation et le code de l'action sociale et des familles en tirant les conséquences des nouvelles modalités de suspension des allocations familiales sur le régime du contrat de responsabilité parentale (CRP ).

Aux termes de l'actuel article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, peuvent seuls justifier la conclusion d'un CRP entre le conseil général et les parents ou représentants légaux d'un mineur, les cas avérés d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement de l'établissement ou toute manifestation de carence de l'autorité parentale. En cas d'un manquement aux obligations fixées dans le CRP ou d'un refus de signature sans motif légitime, le président du conseil général peut :

- demander la suspension des allocations familiales afférentes à l'enfant concerné ;

- saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;

- saisir l'autorité judiciaire en vue d'une mise sous tutelle des prestations familiales ; le juge des enfants peut, s'il y a lieu, nommer un délégué aux prestations familiales, chargé de prendre toutes décisions pour répondre aux besoins liés à l'entretien, à la santé et à l'éducation des enfants et de préparer les parents à une gestion autonome des allocations, conformément à l'article 375-9-1 du code civil.

L'article 3 de la proposition de loi modifie l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles pour :

- mettre en exergue la possibilité offerte au président du conseil général, saisi par l'inspecteur d'académie d'un cas d' absentéisme scolaire , de proposer aux parents ou représentants légaux de l'enfant la signature d'un CRP , conformément à l'article premier de la présente proposition de loi (alinéas 3 et 4) ;

- élargir aux parents et représentants légaux d'un mineur l'initiative de solliciter la signature d'un CRP , alors que seul le président du conseil général lui-même, de son propre chef ou saisi par un tiers, peut jusqu'à présent le proposer (alinéa 6) ;

- supprimer la possibilité pour le président du conseil général de demander comme sanction la suspension des allocations familiales en cas de CRP dus à des cas d'absentéisme scolaire, puisque il revient désormais à l'inspecteur d'académie d'agir (alinéa 8).

II - La position de votre commission

La plupart des dispositions de l'article 3 effectuent des coordinations utiles à l'intelligence de la proposition de loi et à la cohérence des codes de l'éducation et de l'action sociale. Votre commission y souscrit. Il serait en particulier préjudiciable à la clarté, à la simplicité et à l'efficacité du dispositif de laisser subsister la possibilité pour le président du conseil général de demander la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, en concurrence des pouvoirs de l'inspecteur d'académie.

Plus significatif est l'élargissement de l'initiative de la signature d'un CRP aux représentants légaux d'un enfant. Ceci est de nature à favoriser l'adoption par les parents d'attitudes non plus passives et réactives, mais dynamiques et proactives, ce qui devrait renforcer l'efficacité du CRP qu'ils signeront. Toutefois, il faudra veiller à la publicité de cette mesure , afin que les parents soient bien informés de la nature et du contenu d'un CRP, ainsi que de la faculté qui leur est offerte d'en solliciter la conclusion.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (article L. 131-8 du code de l'éducation) - Prise en compte de la part des allocations familiales suspendue dans le calcul du revenu de solidarité active

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 4 de cette proposition de loi vise à éviter que la suspension des allocations familiales ne soit compensée par un rehaussement du revenu de solidarité active (RSA), pour les familles qui en sont les bénéficiaires.

En effet, aux termes de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles, le RSA est une allocation différentielle qui porte les ressources du foyer au niveau d'un revenu garanti calculé en faisant la somme d'une fraction des revenus professionnels des membres du foyer et d'un montant forfaitaire, dont le niveau varie en fonction de la composition du foyer et du nombre d'enfants à charge. Les allocations familiales sont prises en compte dans l'estimation des ressources du foyer, conformément à l'article L. 262-3 du même code, si bien qu'en cas de baisse du niveau d'allocations en raison d'une suspension, le RSA versé augmentera à due concurrence pour garantir le revenu du foyer.

Pour éviter que la suspension des allocations familiales soit privée de toute portée auprès des familles bénéficiaires du RSA, l'article 4 prévoit que la part d'allocations suspendue demeure prise en compte dans l'estimation des ressources du foyer (alinéas 3). Le montant du RSA versé restera donc inchangé. La même mesure est transposée dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon qui n'ont pas encore mis en place le RSA et conservent le dispositif du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API) jusqu'au 1 er janvier 2011 (alinéas 5 et 7).

II - La position de votre commission

Le rapport du délégué interministériel à la famille sur les manquements à l'obligation scolaire en 2003 soulignait que le RMI tendait par son caractère différentiel à annuler les effets de la suspension des allocations familiales. 10 ( * ) Il était instauré de ce fait une grave inégalité entre les familles bénéficiaires de minima sociaux et celles dont les revenus supérieurs au seuil réglementaire leur en interdisaient le bénéfice.

Pour que la dissuasion éducative ne perde pas toute efficacité et pour restaurer l'égalité entre les familles, il apparaît nécessaire de garantir qu'aucun relèvement du RSA ou du RMI dans les collectivités d'outre mer ne viendra compenser la suspension des prestations familiales.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 bis - Élaboration dans chaque établissement scolaire d'un rapport annuel sur l'absentéisme

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

Afin de renforcer le suivi statistique de l'absentéisme scolaire, l'Assemblée nationale a inséré cet article additionnel, qui prévoit la présentation d'un rapport d'information annuel dans chaque école et chaque établissement du secondaire. Le conseil d'école pour les écoles primaires et le conseil d'administration seraient compétents pour élaborer et diffuser auprès de la communauté éducative le rapport sur l'absentéisme.

II - La position de votre commission

Une lutte efficace contre l'absentéisme scolaire nécessite un suivi rigoureux des dispositifs mis en place afin de les évaluer et de les adapter à la complexité des situations concrètes rencontrées dans chaque établissement. Il est donc primordial que l'éducation nationale se dote d'un outil statistique performant et que les données collectées localement soient mises à la disposition de la communauté éducative.

Les grandes tendances de l'absentéisme sont connues : il est nettement moins important au primaire qu'au secondaire, au collège qu'au lycée, au lycée général et technologique qu'au lycée professionnel. Cependant, le besoin se fait désormais sentir d'enquêtes détaillées et régulières sur le modèle de celle menée par la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) sur l'année 2007-2008. À ces statistiques agrégées au niveau national, il faut joindre des données plus fines par établissement et par zone géographique afin de dresser un profil plus ressemblant d'un phénomène complexe et d'en mesurer avec plus d'exactitude l'ampleur.

C'est pourquoi votre commission accueille favorablement la présentation d'un rapport annuel sur l'absentéisme école par école, établissement par établissement . Dans la mesure où les chefs d'établissement procèdent déjà au pointage des absences, conformément aux articles R. 131-5 et R. 131-6 du code de l'éducation, et où bien souvent la saisie informatique des données en permet une extraction aisée, l'élaboration d'un rapport annuel ne devrait pas entraîner un surcroît de travail trop important.

En outre, la remise d'un rapport sur l'absentéisme n'aura pas qu'une utilité statistique, si ce document comporte un minimum de travail sur les données collectées avec un traitement par classe, par section, par âge et une réflexion partagée sur les causes locales de l'absentéisme constaté dans l'établissement. On peut en attendre des vertus pédagogiques . D'abord, l'ensemble des acteurs, enseignants, CPE, chefs d'établissement, parents et aussi enfants prendront pleinement conscience de l'ampleur globale de comportements très isolés et appréhendés de façon morcelée . Ensuite, ce rapport fournira l'occasion chaque année d'un dialogue entre tous ces acteurs afin de trouver les solutions les plus adaptées à la situation particulière de l'établissement. Enfin, il devrait être l'occasion d'un rapprochement entre les établissements d'une même zone , encouragés à se doter des mêmes procédures de mesure de l'absentéisme.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 - Rapport d'évaluation et mise en place d'un comité de suivi

I - Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale

L'article 5 de cette proposition de loi prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport évaluant les dispositifs de lutte contre l'absentéisme scolaire et d'accompagnement parental. Un comité de suivi pluraliste composé de députés et de sénateurs formulera parallèlement ses recommandations.

II - La position de votre commission

Quoique le Gouvernement ne respecte pas toujours les obligations qui lui sont faites à cet égard, l'absentéisme scolaire est un sujet suffisamment grave et délicat pour mériter tant la remise d'un rapport que la mise en place d'un comité de suivi, qui permettront de sortir des postures idéologiques et des imprécisions partisanes au profit d'une évaluation concrète et rigoureuse.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 7 La maladie de l'enfant, la maladie transmissible ou contagieuse d'un membre de la famille, une réunion solennelle de famille, un empêchement résultant de la difficulté accidentelle des communications et l'absence temporaire des personnes responsables lorsque les enfants les suivent.

* 8 Montant maximal correspondant à une contravention de 4 e classe, conformément à l'article 131-13 du code pénal.

* 9 Lutter contre l'absentéisme dans la voie professionnelle initiale, IEN 2 nd degré, Académie de Créteil, novembre 2007, pp. 5-6.

* 10 Luc Machard , Les manquements à l'obligation scolaire, janvier 2003, p. 133.

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