Article 2 (art. L.O. 6111-1 à L.O. 6176-2, L.O. 6242-3, L.O. 6342-3, L.O. 6452-3 du code général des collectivités territoriales) - Suppression d'une procédure de référé suspension propre à certaines collectivités d'outre-mer et abrogation des dispositions constituant le statut organique de Mayotte en tant que collectivité d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution
L'article 2 modifie ou abroge certaines des dispositions organiques de la sixième partie du code général des collectivités territoriales, dont certaines ne concernent pas Mayotte.
• L'abrogation du statut de Mayotte en tant que collectivité de l'article 74 de la Constitution
Le livre I er de la sixième partie du code général des collectivités territoriales (articles L.O. 6111-1 à L.O. 6176-2) constituait le statut organique de Mayotte, collectivité d'outre-mer de l'article 74 de la Constitution. Il a vocation à disparaître en conséquence de la départementalisation, dès le premier jour du passage à l'article 73, en mars 2011. Ainsi, le 4° de l'article 2 abroge les dispositions que contient ce livre, sous réserve de celles qui restent en vigueur transitoirement jusqu'au 1 er janvier 2014.
Le 1° de l'article 2 maintient donc transitoirement ce livre I er , de façon à y faire figurer les dispositions en vigueur jusqu'au 1 er janvier 2014, sous l'intitulé « Dispositions transitoires applicables à Mayotte ». Il s'agit du régime fiscal et douanier (articles L.O. 6161-22 à L.O. 6161-24), du service d'incendie et de secours, qui relève à ce jour à Mayotte de la compétence du seul conseil général (articles L.O. 6161-27 à L.O. 6161-41), ainsi que du fonds intercommunal de péréquation pour les communes de Mayotte 28 ( * ) (articles L.O. 6175-1 à L.O. 6175-6). Le 3° de l'article 3 prévoit l'abrogation de ces dispositions au 1 er janvier 2014, terme de la période transitoire. Le 3° omet toutefois d'abroger le livre premier lui-même au 1 er janvier 2014. Votre commission a pris en compte cette modification à opérer.
Parallèlement, l'article 1 er du projet de loi ordinaire prévoit à compter du 1 er janvier 2014 l'application à Mayotte des dispositions relatives aux services départementaux d'incendie et de secours et l'article 4 l'application des dispositions relatives à la fiscalité locale de droit commun, pour celles d'entre elles qui figurent dans le code général des collectivités territoriales (il ne s'agit donc pas des dispositions du code général des impôts relatives à la fiscalité locale).
Concernant plus particulièrement le régime fiscal et douanier, l'article L.O. 6161-22, maintenu à titre transitoire jusqu'au 31 décembre 2003, dispose que le conseil général de Mayotte peut, sur proposition du préfet, aménager l'assiette et modifier les taux et les conditions de recouvrement des impôts et contributions en vigueur localement (principalement l'impôt sur le revenu des personnes physiques, perçu par le conseil général et non par l'Etat, et la taxe à la consommation) et l'article L. 6161-24, maintenu de même, dispose qu'il peut, également sur proposition du préfet, établir le tarif des douanes et modifier les taux des droits de douane et des autres impositions exigibles à l'importation. Ces délibérations du conseil général doivent être approuvées par le ministre chargé de l'outre-mer. L'article L.O. 6161-22 prévoit également que ces dispositions fiscales cessent de s'appliquer à compter de l'entrée en vigueur du code général des impôts et des autres dispositions fiscales, au plus tard le 31 décembre 2013, de même que l'article L.O. 6161-24 prévoit quant à lui que ces dispositions douanières cessent de s'appliquer 29 ( * ) à compter de l'entrée en vigueur du code des douanes, au plus tard le 31 décembre 2013.
Aussi, l'abrogation au 1 er janvier 2014 des articles organiques relatifs au régime fiscal et douanier mahorais supprimera la mention de l'application du code général des impôts et du code des douanes à compter de la même date, sauf à insérer une disposition expresse dans le projet de loi ordinaire. Aussi votre commission a-t-elle procédé à cette insertion, pour maintenir le principe de l'application du droit commun fiscal et douanier en 2014.
Par ailleurs, le 3° prévoit formellement une « clef de lecture » pour la période transitoire, substituant la référence au Département de Mayotte à la référence à la collectivité départementale de Mayotte, concernant les dispositions restant applicables jusqu'au 1 er janvier 2014. Votre commission a souhaité que cette « clef de lecture » soit insérée dans le code lui-même, pour en assurer une meilleure lisibilité.
Enfin, le 4° de l'article 2 abroge, à compter de la première réunion du conseil général de Mayotte après son renouvellement de mars 2011, toutes les dispositions du livre I er de la sixième partie du code général des collectivités territoriales autres que celles maintenues transitoirement et visées ci-dessus. Cette première réunion du conseil général après son renouvellement de mars 2011 constituera en effet le premier jour de l'existence de Mayotte en tant que collectivité unique relevant de l'article 73 de la Constitution, en application de l'article L.O. 3446-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique du 3 août 2009.
Votre rapporteur s'est interrogé sur la valeur organique ou non de ces dispositions transitoires maintenues entre 2011 et 2014. Dès lors qu'elles ne s'appliqueront plus à une collectivité de l'article 74 mais à une collectivité de l'article 73, quand bien même elles seraient héritées de l'ancienne collectivité, on peut estimer qu'elles n'auront plus valeur organique. Comme il sera saisi du projet de loi organique, le Conseil constitutionnel aura le loisir de répondre à cette question s'il le souhaite, comme il le fait habituellement en signalant la valeur ordinaire et non organique de certaines dispositions, sans les censurer pour leur présence dans une loi organique. Au surplus, l'article 2 du projet de loi organique traite déjà d'articles de valeur législative ordinaire, concernant le service d'incendie et de secours. Les articles maintenus par le projet de loi organique ayant valeur ordinaire, ils pourraient, s'il y a lieu, être modifiés par une loi ordinaire.
• La suppression de la procédure spécifique de référé-suspension
Le 2° de l'article 2 supprime expressément la procédure de référé-suspension qui permet actuellement à tout membre du conseil général de Mayotte, lorsqu'il saisit le tribunal administratif d'un recours en annulation d'un acte de la collectivité ou d'un de ses établissements publics, d'en demander également la suspension de l'exécution (article L.O. 6152-3). Cette abrogation est immédiate, contrairement à l'abrogation générale du livre premier, en mars 2011. En outre, le 2° supprime la même procédure pour les membres des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon (articles L.O. 6242-3, L.O. 6342-3 et L.O. 6452-3). Contrairement à la procédure de référé-suspension classique, ouverte à tout intéressé, cette procédure réservée aux seuls membres des assemblées délibérantes de ces quatre collectivités ne comporte pas, outre le critère du doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué, le critère de l'urgence.
Cette procédure particulière a pourtant été instituée récemment, par la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer. L'exposé des motifs qualifie cette procédure - pourtant formellement contrôlée par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2007-547 DC du 15 février 2007, puisqu'elle résulte d'un texte organique - d'inconstitutionnelle, en tant qu'elle n'est pas assortie de la condition de l'urgence. En fait, ainsi que l'indique la décision n° 2007-559 DC du 6 décembre 2007 du Conseil constitutionnel 30 ( * ) à propos de la même procédure instituée en faveur des élus de l'assemblée de la Polynésie française, cette procédure instaure une différence de situation injustifiée entre certains élus et les autres justiciables et donc une atteinte au principe d'égalité, du fait de l'absence de la condition d'urgence pour ces élus. Le commentaire paru aux Cahiers du Conseil constitutionnel sur cette décision du 6 décembre 2007 justifie ainsi les raisons pour lesquelles le Conseil n'avait pas censuré les dispositions analogues dans sa décision du 15 février de la même année :
« Ajoutons que, si le Conseil constitutionnel avait accepté un tel recours dans sa décision du 15 février 2007 pour d'autres collectivités d'outre-mer, une telle décision concernait soit de nouvelles collectivités, soit des collectivités de taille inférieure et ne statuait pas sur une loi tendant précisément à renforcer la stabilité des institutions. On retrouve ici l'approche réaliste du Conseil constitutionnel concernant l'outre-mer. »
Votre commission approuve l'abrogation de ces dispositions jugées contraires à la Constitution et au principe d'égalité devant la justice.
Dans un souci général de clarification et de lisibilité des dispositions transitoires, votre commission a procédé à la réécriture complète de l'article 2.
Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .
* 28 Les communes de Mayotte disposant de très peu de ressources propres, il a été institué un fonds intercommunal de péréquation (FIP), financé principalement par un prélèvement sur les recettes du conseil général et par la dotation de rattrapage et de premier équipement. Il comporte une section de fonctionnement et une section d'investissement. Il dispose d'un comité de gestion composé majoritairement d'élus. La mise en place d'une fiscalité communale en 2014 permet de supprimer ce fonds, qui perd de son intérêt.
* 29 L'accession au statut européen de région ultrapériphérique imposera en tout état de cause l'application du régime douanier commun.
* 30 Décision sur la loi organique tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française.