EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
Article 1er (art. L. 1711-1, L. 1711-3 et L. 1711-4 du code général des collectivités territoriales) - Application à Mayotte de la première partie du code général des collectivités territoriales, mise en place d'un comité local d'évaluation des charges et application différée des dispositions relatives aux services départementaux d'incendie et de secours
En vertu de l'article L.O. 3446-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009, le jour de la réunion du conseil général de Mayotte à l'issue de son renouvellement de mars 2011 sera le premier jour de l'existence de Mayotte en tant que collectivité de l'article 73 de la Constitution, sous le nom de « Département de Mayotte ». A compter de ce jour, les dispositions concernant les départements et régions d'outre-mer devront donc être pleinement applicables au Département de Mayotte. Ainsi, pour ce faire, les cinq premières parties du code général des collectivités territoriales doivent comporter une mention expresse pour être applicables de plein droit à compter de cette date, la sixième étant quant à elle relative aux collectivités de l'article 74. Dans le cadre de l'article 74, c'était jusqu'à présent l'article L.O. 6113-4 du code général des collectivités territoriales qui prévoyait les dispositions du code applicables à Mayotte.
Certaines adaptations dans ces cinq parties du code sont toutefois nécessaires, afin de tenir compte des particularités de Mayotte, collectivité unique exerçant les compétences du département et de la région d'outre-mer. Les articles 1 er à 7 du projet de loi ordinaire procèdent à ces adaptations, pour les dispositions du code n'ayant pas valeur organique. Ces adaptations ne diffèrent guère de celles concernant les actuels départements d'outre-mer.
En donnant une nouvelle rédaction du livre VII du code général des collectivités territoriales relatif aux dispositions particulières applicables à Mayotte, comprenant un article unique L. 1711-1, l'article 1 er procède à quelques adaptations de la première partie du code, relative aux dispositions générales. Cette première partie traite du principe de libre administration des collectivités territoriales, de certains organismes nationaux, au premier rang desquels le comité des finances locales, des biens des collectivités, de leurs établissements et de leurs groupements, des services publics locaux, ainsi que des dispositions générales à caractère économique, financier et comptable.
Votre commission a estimé que le recours à la formulation « La première partie du présent code est applicable à Mayotte », au premier alinéa de l'article L. 1711-1, était inopportune, donnant à penser que cette première partie n'est pas applicable de plein droit. Certes, selon l'avis du Conseil d'Etat rendu en mai 2010 sur les modalités d'application à Mayotte du droit commun en vigueur du fait du passage au principe d'identité législative, communiqué à votre rapporteur, une mention expresse est nécessaire pour soumettre de plein droit Mayotte au droit commun en vigueur puis à ses modifications. La formulation retenue par le projet de loi semble néanmoins excessive et trop proche de celle utilisée pour les collectivités de l'article 74 de la Constitution. Par un amendement de son rapporteur, votre commission a procédé par conséquent à un ajustement rédactionnel, qu'elle a ensuite repris dans la suite des articles, consistant à se limiter à la formulation « Pour l'application à Mayotte des dispositions (...) ». Cette rédaction n'affecte en aucune façon l'applicabilité à Mayotte de chaque partie du code.
Ensuite, dans ses 1° et 2°, l'article L. 1711-1 donne une « clef de lecture », en substituant la référence au Département de Mayotte à la référence à la référence au département ou à la région, et la référence au conseil général à la référence au conseil régional et aux conseils généraux, dans les articles de la première partie du code. Le Département de Mayotte est en effet une collectivité unique de l'article 73 qui exerce les compétences à la fois de la région et du département. En cela elle diffère des quatre départements d'outre-mer, régions monodépartementales, sur le territoire desquels se superposent deux collectivités territoriales distinctes, disposant chacune de son assemblée délibérante, conseil général et conseil régional.
Dans son 3°, l'article L. 1711-1 évoque les modalités d'évaluation des charges résultant pour le conseil général et les communes de Mayotte des compétences transférées par l'Etat dans le cadre de la départementalisation. Cette question est fondamentale pour le bon accompagnement financier de la départementalisation et la juste compensation des transferts de charges. Votre rapporteur a souligné la grande vigilance des élus mahorais sur l'exactitude de l'accompagnement financier des nouvelles compétences par l'Etat.
Le chapitre IV du titre I er du livre VI de la première partie du code (articles L. 1614-1 et suivants) prévoit de droit la compensation financière des charges nouvelles résultant pour les collectivités territoriales de tout transfert, création ou extension de compétence , ainsi que l'évaluation des charges financières correspondant aux compétences transférées par l'Etat sur la base des dépenses antérieurement à la charge de l'Etat. Cette évaluation est arrêtée par l'Etat après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges, qui est une formation restreinte du comité des finances locales (article L. 1211-4-1). Les créations et extensions de compétences doivent, quant à elles, être accompagnées des ressources nécessaires déterminées par la loi, lorsqu'elles créent des charges nouvelles.
Concernant le Département et les communes de Mayotte, l'évaluation des charges correspondant aux compétences transférées par l'Etat sera soumise pour avis à la commission consultative sur l'évaluation des charges. Le projet de loi propose toutefois que, préalablement, cette évaluation soit également soumise à un comité local propre à Mayotte, de façon à associer davantage les élus mahorais, dans le cadre du processus de départementalisation. Au sein de ce comité local, dont la composition et le mode de fonctionnement seront définis par décret, siègeront à parité, sous la présidence d'un magistrat des juridictions financières, des représentants de l'Etat désignés par le préfet de Mayotte et des représentants du Département et des communes de Mayotte. Si elle peut allonger les délais d'évaluation des charges, l'intervention de ce comité local en amont de la commission consultative constitue néanmoins une garantie pour les élus mahorais, qui seront directement consultés et pourront ainsi exprimer leur avis aux représentants de l'Etat dans ce cadre. Ce comité local revêt un caractère pérenne, sans limitation de durée.
On observe toutefois que la commission consultative sur l'évaluation des charges rend un avis sur l'évaluation des dépenses résultant des transferts de compétences, mais également, en vertu de l'article L. 1614-3-1, constate l'évolution des charges résultant des créations et extensions de compétences ou des modifications des conditions d'exercice des compétences transférées. Dans l'état actuel de la rédaction de l'article L. 1711-1, le comité local ne serait compétent que pour l'évaluation des charges résultant des transferts. Or l'étude d'impact évoque (pp. 24 et 25), outre les transferts de compétences, les créations et les extensions de compétences qui concerneront Mayotte dans la période de mise en place progressive de la départementalisation. Compte tenu du caractère permanent du comité local, votre commission a estimé que cette restriction à la seule évaluation des charges transférées n'était pas justifiée. La confiance des élus mahorais passe par un élargissement du rôle consultatif du comité local, permettant ainsi un dialogue intégral sur l'impact financier de l'évolution des compétences du conseil général et des communes.
Votre commission a adopté un amendement en ce sens présenté par son rapporteur.
Enfin, dans son 4°, l'article L. 1711-1 prévoit que les articles de la première partie du code relatifs au service départemental d'incendie et de secours ne seront applicables à Mayotte qu'à compter du 1 er janvier 2014, à l'exception de ceux concernant les réserves communales de sécurité civile (articles L. 1424-8-1 à L. 1424-8-8) et le fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (article L. 1424-36-1). Cette entrée en vigueur différée correspond au 3° de l'article 2 du projet de loi organique, qui maintient en matière de service d'incendie et de secours les dispositions actuellement en vigueur à Mayotte jusqu'au 1 er janvier 2014, lesquelles confient cette responsabilité - et son financement - au seul conseil général de Mayotte. La mise en place d'un service départemental d'incendie et de secours de droit commun, avec notamment la participation des communes de Mayotte, est conditionnée en particulier à la mise en place de la fiscalité locale de droit commun. Ce délai devrait également permettre l'achèvement de l'intégration des sapeurs-pompiers mahorais dans les cadres d'emplois des sapeurs-pompiers professionnels de la fonction publique territoriale.
Votre rapporteur s'est étonné de ce que soit écartée après 2014, sans justification manifeste, l'application à Mayotte des dispositions relatives aux réserves communales de sécurité civile et au fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours. Votre commission a donc adopté un amendement visant à rendre applicables ces dispositions. Par cet amendement, elle a également prévu que l'actuel service d'incendie et de secours soit formellement éligible au fonds d'aide, ce qui semble être le cas en pratique, en l'absence de texte.
Enfin, dans un souci de clarté du code, votre commission a réparti en trois articles L. 1711-1, L. 1711-3 et L. 1711-4 les dispositions des 1° et 2°, du 3°, puis du 4° de l'article L. 1711-1, en raison de leur nature différente, tout en tenant compte de la création d'un article L.O. 1711-2 par l'article 1 er du projet de loi organique.
Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .