c) Les délais d'entrée dans le droit commun

L'avis du conseil général de Mayotte du 19 juillet 2010 prônait une « départementalisation progressive et adaptée ». Ce processus s'apparente à celui qu'ont suivi les quatre autres départements d'outre-mer, à la suite de la loi de départementalisation de 1946. L'extension et l'adaptation des textes ont pris du temps, la progression des conditions de vie a été lente, au point que la départementalisation dans les Antilles suscite de nombreuses critiques depuis longtemps. Sans doute pensait-on que tout changerait très vite. L'acceptation par les élus mahorais et, plus largement, par la population mahoraise du caractère nécessairement progressif et adapté de cette départementalisation apparaît comme une garantie contre de trop rapides désillusions.

Dans les domaines visés par les ordonnances, dans le cadre d'une habilitation globale d'une durée de dix-huit mois, l'étude d'impact jointe au projet de loi donne des indications du temps nécessaire à la conception et à la publication des ordonnances : par exemple six mois seulement pour le code de commerce, neuf mois pour l'organisation judiciaire de droit commun et dix-huit mois pour les juridictions spécialisées ou bien encore douze mois pour les deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales, qui ne sont pas traitées par le projet de loi.

La date du 1 er janvier 2014 correspond en principe à un basculement dans le droit commun en matière fiscale et douanière, rompant avec le régime fiscal et douanier dérogatoire actuel. Le Département et les communes de Mayotte devraient bénéficier de la fiscalité locale de droit commun, avec la taxe d'habitation, les taxes foncières et la nouvelle contribution économique territoriale qui a succédé à la taxe professionnelle. Ce basculement fiscal a déjà été plusieurs fois repoussé jusqu'à présent.

L'article 68 de la loi du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoyait l'application à Mayotte du code général des impôts et du code des douanes au 1 er janvier 2007. La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer a repoussé cette entrée en vigueur au 1 er janvier 2014. Votre commission souhaite qu'il ne soit pas à nouveau repoussé après 2014. Concernant plus spécialement la fiscalité locale, si le cadastre est en place, les opérations préparatoires ne sont pas toutes achevées. Elles sont cependant bien engagées pour celles qui sont encore en cours (achèvement de l'état civil par la commission de révision de l'état civil, opération d'adressage, identification des propriétaires des parcelles cadastrées) et devraient aboutir dans les délais pour celles qui ne sont pas encore commencées (évaluation des valeurs locatives des parcelles cadastrées).

Ce basculement fiscal du 1 er janvier 2014 coïncidera presque avec le renouvellement intégral du conseil général de Mayotte, en mars 2014, lequel sera simultané au renouvellement intégral de tous les conseils généraux et régionaux de l'hexagone, décidé par le législateur en vue de la mise en place du conseiller territorial. Cette concordance des calendriers électoraux est perçue comme une autre forme d'application du droit commun.

En revanche, votre commission constate que le projet de loi est muet sur l'attribution aux collectivités de Mayotte des recettes fiscales prévues par le code général des collectivités territoriales dans les régions d'outre-mer (taxe spéciale sur les carburants notamment) et surtout sur l'attribution de l'octroi de mer, même si la Commission européenne souhaite régulièrement que son emploi soit justifié au profit du développement de l'économie locale pour autoriser son maintien. Certes, il ne faut alourdir trop brutalement la fiscalité mahoraise, en multipliant les nouveaux impôts, mais la population est déjà acquise au fait que la fiscalité locale devra se développer. A cet égard, selon les auditions de votre rapporteur, la population mahoraise est bien consciente que la départementalisation nécessite un accroissement des prélèvements fiscaux et sociaux et elle l'accepte, notamment pour donner aux communes et au Département les moyens d'exercer progressivement leurs prérogatives et de favoriser le développement économique et le rattrapage social. Concernant la taxe spéciale sur les carburants et l'octroi de mer, ils se substitueraient en tout état de cause à des prélèvements analogues existant déjà.

Enfin, en matière de prestations sociales et de cotisations de sécurité sociale, l'étude d'impact jointe au projet de loi indique que le rapprochement avec le droit commun se fera sur une période de vingt à vingt-cinq ans. Ce délai est réaliste, compte tenu des écarts actuels de niveau de vie entre Mayotte et, certes, la métropole, mais aussi entre Mayotte et les autres départements d'outre-mer. Toutefois, la mise en place du revenu de solidarité active est envisagée dès 2013, avec un montant inférieur au montant métropolitain. Le caractère progressif se traduit aussi dans la fixation des montants des prestations et du taux des cotisations, mais pas par le report de leur application. L'évolution récente du salaire minimum interprofessionnel garanti de Mayotte en donne une illustration.

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