III. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT »

A. UNE ORGANISATION STABLE PAR RAPPORT À 2010

1. Un programme « sui generis »

Le programme 162, « Interventions territoriales de l'Etat » (PITE), rassemble des actions de portée régionale correspondant à des plans interministériels . Ces actions sont indépendantes les unes à l'égard des autres, bien qu'elles puissent avoir en partage des problématiques similaires. Par rapport au « droit commun » des programmes du budget général de l'Etat notamment l'article 7 de la LOLF, qui définit un programme comme regroupant « les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère » , le PITE se singularise sur quatre points :

- l'élaboration du programme est déconcentrée et interministérielle, à l' initiative des préfets de région ;

- la responsabilité du programme relève du Premier ministre au plan politique, mais sa gestion a été confiée au ministère chargé de l'intérieur , au titre de « tête » du réseau préfectoral, la responsabilité administrative de cette gestion étant confiée au secrétaire général de ce ministère. En outre, la supervision de chaque action inscrite dans le programme relève d'un ministre dit « référent » , qui est le responsable de la politique publique à laquelle se rapportent les objectifs de cette action ;

- les ressources du programme proviennent d'autres programmes du budget général. Les crédits affectés à chaque action retracée par le PITE sont en effet retranchés de programmes où, en l'absence d'inscription de l'action au PITE, ils auraient eu vocation à figurer. Ces contributions sont fongibles au sein de chaque action (à chaque action correspond un BOP). En outre, les crédits du PITE, depuis 2007, ont été rendus fongibles entre les actions du programme . Toutefois, les ministères contributeurs ont droit à un suivi précis de leur contribution ; si un ministère est associé à la fongibilité, il peut prétendre à un certain « retour ». La fongibilité se traduit donc par un mécanisme générateur de nouveaux engagements réciproques futurs ;

- enfin, les dépenses de personnel ne sont pas retracées par le programme, à la différence du PICPAT.

2. Un programme composé de quatre actions depuis 2009

Les actions composant initialement le PITE y avaient été inscrites pour une période limitée à trois années (2006 à 2008), mais cette inscription était reconductible. De fait, la LFI pour 2009 a maintenu l'existence du PITE, en reconduisant trois des sept actions qu'il comptait en 2008 et en y introduisant une nouvelle action . De la sorte, le programme se compose aujourd'hui des quatre actions suivantes, dont la numérotation constitue un « héritage » de l'organisation initiale :

- l'action 2, « Eau Agriculture en Bretagne », rend compte du financement de la reconquête de la qualité des eaux de cette région, consistant notamment à inciter les agriculteurs à adapter leurs exploitations et leurs modes de production pour limiter les atteintes à l'environnement et à mesurer l'évolution de la situation environnementale. Elle intègre le « plan d'urgence nitrates » instauré en 2007, pour cinq ans, en faveur de neuf bassins versants faisant l'objet du contentieux européen sur la qualité des « eaux brutes » en Bretagne 19 ( * ) . A compter de 2011, le plan de lutte contre les algues vertes fera également partie de cette action  ;

- l'action 4, « Programme exceptionnel d'investissements ( PEI ) en faveur de la Corse », retrace le financement du développement économique de l'île par une remise à niveau des équipements publics structurants, infrastructures de base et services collectifs, et par la mise en valeur de l'espace régional. Après une première convention d'application couvrant la période 2003-2006, le PEI, prévu pour une durée totale de quinze ans, est actuellement régi par une seconde convention, signée en mai 2007, visant la période 2007-2013.

- l'action 6, « Plan gouvernemental sur le marais poitevin - Poitou-Charentes », rassemble les crédits de mise en oeuvre du plan pour le marais poitevin adopté en juin 2002. Ce plan vise notamment à restaurer le caractère de zone humide du territoire concerné, conformément à la directive « Natura 2000 », à y accueillir les touristes dans le respect de l'environnement et à reconquérir, pour cette région, le label de « parc naturel régional ».

- l'action 8, « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe », introduite dans le PITE par la LFI pour 2009, retrace des crédits participant de l'application du « plan d'action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe » mis en place en 2008 et visant la période 2008-2010. Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé, en Martinique et en Guadeloupe, pour lutter contre le charançon du bananier ; substance très stable, il persiste dans les sols et peut contaminer certaines denrées végétales ou animales, ainsi que les eaux de certains captages. Le plan vise à renforcer la surveillance de la santé de la population et la connaissance des problèmes cliniques et environnementaux, réduire l'exposition de la population, proposer des mesures d'accompagnement en agriculture et améliorer la surveillance des sols et des produits des jardins « familiaux ».

Bien que le pilotage du PITE soit assuré par le ministère chargé de l'intérieur, il convient de préciser que les actions reposent sur différents ministres « référents » , qui sont :

- le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche pour l'action 2 « Eau Agriculture en Bretagne » et l'action 6 « Plan gouvernemental sur le marais poitevin Poitou-Charentes » ;

- la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales pour l'action 4 « PEI en faveur de la Corse » ;

- la ministre de la santé et des sports pour l'action 8 « Plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ».

3. Une mesure de la performance toujours insuffisante

Le PITE a fait l'objet, depuis son entrée en vigueur en 2006, d'une véritable « expérimentation » de la mesure de ses performances , dont l'instabilité a plusieurs fois été déplorée par votre rapporteur spécial. Outre le fait que cette situation ne favorise pas la comparaison des résultats d'un exercice à l'autre, cette mesure de la performance du PITE n'est pas satisfaisante .

En effet, aucune des actions du programme ne se réduisant à une dimension unique, chacune, logiquement, devrait se trouver encadrée par plusieurs objectifs et, a fortiori , par plusieurs indicateurs. Or, d'une manière générale, les objectifs existants sont souvent trop complexes ou incomplets, et les indicateurs restent lacunaires par rapport au champ couvert par les actions.

La reconduction du PITE dans un nouveau périmètre, en 2009, a constitué une occasion manquée de refondre substantiellement un dispositif dont les défaillances avaient été soulignées avec constance par le rapporteur spécial, notre ancien collègue Roger Besse. De même, les aménagements apportés les années précédentes n'ont pas porté remède à ce mal ; au contraire, la simplification des objectifs a été réalisée par l'appauvrissement de la stratégie de performance du programme.

Par exemple, votre rapporteur spécial mentionne à nouveau qu' il n'est pas admissible de mesurer la performance de l'action « PEI en faveur de la Corse » qui mobilise la majorité des crédits du programme (60 %) à la seule aune des délais de réalisation des projets . L'indicateur, en effet, n'apporte aucune information sur les résultats concrets issus de cette mise en oeuvre, aussi rapide serait-elle.


* 19 Voir le rapport d'information n° 402 (2007-2008) de notre collègue Fabienne Keller, sur le suivi des procédures d'infraction au droit communautaire dans le domaine de l'environnement.

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