EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 octobre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, sur la mission « Ville et logement » et les articles 98 et 99.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - La mission « Ville et logement » avait une cohérence forte à ses débuts, qu'elle a progressivement perdue en grande partie. Si elle a gagné en cohérence avec le rattachement du programme 177, « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » qui permet de traiter l'hébergement avec le logement, elle est devenue mission interministérielle, et elle est actuellement gérée par deux secrétaires d'État rattachés eux-mêmes à deux ministres de tutelle différents. Cet éclatement a des conséquences sur les agences, opérateurs au titre de la mission, et plus spécialement sur la principale d'entre elle, l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui relève toujours du secrétaire d'État à la ville, mais dont les ressources sont fournies par Action logement, l'ancien 1 %, qui est du ressort du secrétariat d'Etat au logement. Il a aussi des conséquences sur la capacité éventuelle à transférer des crédits d'un programme à l'autre, d'autant plus que l'équilibre initial entre deux programmes « ville » et deux programmes « logement » a été rompu au profit du logement.

La plus grande partie des crédits de la mission relève d'une logique de guichet. Dans le projet de budget pour 2011, ses moyens atteignent 7,646 milliards d'euros en autorisations de programme et 7,606 milliards en crédits de paiement. Sur ce total, 5,277 milliards en AE et CP, soit 69 %, sont destinés aux aides personnelles au logement, auxquelles l'État contribue à travers la subvention d'équilibre versée au Fonds national d'aide au logement (FNAL). Si l'on ajoute les dépenses obligatoires des autres programmes, comme les remboursements des exonérations de charges sociales en zone franche urbaine sur le programme politique de la ville, soit 222 millions, on arrive à un pourcentage de 72 % de crédits relevant de dépenses obligatoires. Il reste donc une marge de manoeuvre très étroite de crédits qui constituent des variables d'ajustement, très sensibles aux évolutions de la politique budgétaire, dans un sens comme dans l'autre. C'est pourquoi la mission « Ville et logement » est d'autant plus affectée par la fin du plan de relance qu'elle en a été l'une des grandes bénéficiaires avec la mobilisation de 315 millions de crédits de paiement supplémentaires.

C'est une mission pour laquelle les dépenses fiscales comptent plus que les dépenses budgétaires. Elles s'élèvent à plus de 12 milliards d'euros, en progression de 5,8 % par rapport à 2010. J'ai dénombré 68 dépenses fiscales rattachées à la mission, mais seules 40 font l'objet d'une estimation. L'insuffisance quantitative de l'évaluation se double, parfois, d'approximations méthodologiques. Je l'ai constaté, par exemple, sur l'évaluation de la dépense fiscale liée à l'amendement que j'avais cosigné avec Serge Dassault instituant un dégrèvement partiel de taxe d'habitation en faveur des personnes de condition modeste relogées dans le cadre d'un projet conventionné au titre du programme ANRU. Cette dépense a été très surestimée, à 25 millions d'euros.

La tendance, constatée depuis plusieurs exercices, à la hausse, de la dépense fiscale pourrait toutefois s'inverser à partir de 2011, en raison du « rabotage » des niches fiscales et de la refonte des aides à la propriété, avec le nouveau prêt à taux zéro « PTZ » dit « universel ». Plusieurs dépenses fiscales du domaine du logement sont concernées par la réduction de l'avantage en impôt procuré par certaines niches prévue par l'article 58 du projet de loi de finances, comme le « Scellier » ou le régime de l'investissement des loueurs en meublé non professionnels.

Le projet de loi de finances inclut également, dans son article 56, un dispositif de simplification des aides à l'accession à la propriété, avec un prêt à taux zéro renforcé ayant vocation à se substituer au dispositif actuel de prêt à zéro pour cent, au crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts et au Pass-foncier. Bien que le coût global du nouveau dispositif en régime de croisière soit estimé à 2,6 milliards par an, et que les anciens dispositifs continuent à produire des effets jusqu'en 2016, cette réforme procurerait, à compter de 2012, une économie fiscale importante, évaluée à 2,5 milliards en 2018.

Quelles sont, dans ce contexte, les principales tendances du projet de budget 2011 ? En premier lieu, une baisse des crédits de la mission, conforme à l'objectif de réduction des déficits publics et à la trajectoire de la programmation pluriannuelle. Cette diminution, de 0,6 % en autorisations d'engagement et de 2,5 % en crédits de paiement, est acquise par des économies sur les aides personnelles au logement, le retour au droit commun des exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines et la débudgétisation d'une partie des crédits de paiement destinés au logement locatif social, dont nous reparlerons. Pour les aides au logement, les économies sont obtenues essentiellement par la suppression de la rétroactivité sur trois mois du versement des aides. S'agissant de l'APL aux étudiants, dont le Gouvernement avait envisagé la suppression, avant de revenir sur cette décision, il est difficile de savoir quelle hypothèse a été retenue pour les estimations de dépenses.

En second lieu, le recours à des financements extrabudgétaires prend une ampleur croissante dans la gestion de la mission « Ville et logement » et cela a des conséquences sur la place du Parlement dans l'examen du budget.

Le projet de budget pour 2011 prévoit une progression exceptionnelle des montants des fonds de concours dont le contrôle échappe nécessairement à l'appréciation des assemblées. Leur montant estimé atteint au total 13,130 millions d'euros en autorisations de programme et 93,130 millions en crédits de paiement. Ces fonds de concours, une nouveauté, sont donc la clé de l'équilibre du financement du programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » pour 2011. Ils permettent ainsi d'annuler l'écart entre AE et CP sur la « ligne fongible» des aides à la pierre par un apport de 80 millions d'euros en CP ; de pallier l'absence de crédits budgétaires pour financer la lutte contre l'habitat indigne, dont l'ANAH pourrait, encore cette année, se révéler dans l'incapacité d'assurer la charge à la place de l'État et que l'agence reverse ainsi au budget ; enfin, d'atténuer la baisse des dépenses de fonctionnement de l'administration centrale du logement, finançant ainsi des actions en principe destinées à la communication sur la Garantie des risques locatifs.

Quelques sujets méritent une attention particulière. J'observe tout d'abord que, malgré la poursuite du rebasage à la hausse de certaines dotations concernant l'hébergement d'urgence, les dépenses dans ce domaine sont encore trop systématiquement sous-évaluées. C'était le cas, l'année dernière, pour les nuitées hôtelières. J'avais mis en garde, lors de l'examen du budget 2010, contre l'irréalisme d'une dotation calculée sur la baisse de plus de 40 % du nombre de places financées. Je constate heureusement que le projet de budget 2011 est revenu sur cet objectif et prévoit un doublement des capacités, actant un retour à un nombre de nuitées sensiblement égal à celui qui a été constaté pour 2009, c'est-à-dire 13 000 places quotidiennes pour un coût de 62 millions d'euros.

Mais l'insincérité des estimations budgétaires reste vraie pour l'aide alimentaire. D'abord, pour la part qui est destinée à la mise en oeuvre locale par les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale. Les dépenses réellement engagées ne sont connues qu'une fois exécutées et sont, depuis plusieurs années, très supérieures aux crédits délégués. Ensuite, en ce qui concerne les crédits centraux. Le plan de relance avait conforté des montants, pour les exercices 2009 et 2010, à hauteur respectivement de 20 millions d'euros puis 11,2 millions. La dotation inscrite pour 2011, qui se stabilise au niveau des dotations initiales des années précédentes, est donc assurément insuffisante.

De manière générale, le projet de budget pour 2011 ne semble pas être en mesure d'assurer le financement satisfaisant des actions prévues par le programme 177, après la fin du plan de relance. Je pense donc que la trajectoire retenue pour les trois prochaines années, qui est celle d'une réduction progressive des crédits budgétaires qui diminueraient de 7,34 %, n'est pas réaliste.

Le second sujet est celui des conséquences financières de l'instauration du droit au logement opposable qui deviennent significatives du fait des condamnations de l'État. Dans les deux premières années de son entrée en vigueur, la loi Dalo a eu des conséquences budgétaires limitées au financement du fonctionnement des commissions de médiation et de l'instruction des dossiers. Les montants budgétés étaient restés globalement stables, à environ 5 millions d'euros. Dans le projet de budget 2011, ils diminuent à 4,7 millions en application de la règle d'une contraction des crédits de fonctionnement de 10 % sur trois ans dont 5 % dès 2011. J'observe que pour 2011, la stabilité des dépenses de fonctionnement des commissions sera obtenue grâce au maintien à six mois du délai dérogatoire d'instruction des dossiers dans les grandes agglomérations qui a été confirmé par le ministre Benoist Apparu que j'ai interrogé sur ce point. Mais en 2012, compte tenu de l'ouverture du Dalo à l'ensemble des demandeurs de logements sociaux non satisfaits dans les délais dits « normalement longs », il ne sera pas réaliste d'envisager une stabilisation des moyens des commissions de médiation et, a fortiori , une baisse.

L'application du Dalo entraîne également des dépenses liées à son contentieux : paiement des astreintes, frais de justice, condamnations pour engagement de la responsabilité de l'État. Lorsque la demande de logement est recevable et qu'elle n'est pas satisfaite au bout de six mois, l'État peut être condamné à payer une astreinte dont le produit est versé aux Fonds régionaux d'aménagement urbain. Je m'étais préoccupé, en 2010, de l'absence de prise en compte des risques propres au droit au logement opposable et du maintien de la dotation pour frais de contentieux à un niveau de 700 000 euros. Les bilans les plus récents font état d'une progression très rapide du montant des condamnations prononcées contre l'État. Le montant des astreintes liquidées est passé de 72 860 euros en 2009 à 6,731 millions au 30 septembre 2010 et devrait dépasser 10 millions en année pleine. Une inscription budgétaire spécifique au contentieux Dalo, à hauteur de 9,3 millions en AE-CP, a donc été introduite par le projet de budget pour 2011 et vient s'ajouter à la dotation de 700 000 euros prévue pour les autres contentieux de l'habitat. Elle sera juste suffisante.

Autre sujet de préoccupation, le financement des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) me semble menacé par l'indécision dont fait preuve le Gouvernement concernant la révision de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Les crédits destinés aux actions territorialisées de la politique de la ville sont en baisse de 8 % et même de 28 % pour ce qui est de l'ingénierie des CUCS. Ces mesures d'économie auront nécessairement des conséquences au niveau local, dans la définition des enveloppes départementales qui devront intégrer des critères plus sélectifs. Sur le terrain, il sera difficile d'expliquer ces restrictions puisqu'il n'y a pas eu de décision politique. On se trouve dans une situation où c'est l'opérateur de l'État en ce domaine, l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), qui est amené à appliquer de facto une révision de sa géographie prioritaire d'intervention, laquelle, par ailleurs, est retardée depuis près de deux ans pour la globalité de la politique de la ville et repoussée à 2012.

J'en termine par la mesure centrale du projet de budget pour 2011, qui est la création d'un prélèvement sur les ressources financières des organismes HLM, fondé sur leur assujettissement à la contribution sur les revenus locatifs (CRL), et destiné à compenser la baisse des crédits d'aide à la pierre et à supporter la bosse des paiements de l'ANRU. Il est en effet prévu de confier à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) la gestion d'un fonds, alimenté par la CRL versée par les organismes de logement social, qui ne seraient plus exonérés de ce prélèvement à partir de 2011. Le produit attendu de cette mesure serait, en 2011, de 340 millions d'euros redistribués, pour 80 millions, vers le financement des aides à la pierre, et à hauteur de 260 millions, à l'ANRU. Le Gouvernement présente cette mesure comme un outil de mutualisation et de péréquation des ressources financières entre organismes HLM, mais également comme devant contribuer à la maîtrise des finances publiques grâce à la suppression d'une niche fiscale instituée à leur profit. Je considère que cette présentation est, par plusieurs aspects, abusive et trompeuse.

M. Jean Arthuis, président . - C'est bien vu.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Le non-assujettissement des organismes HLM à la CRL ne peut pas être considéré comme une niche fiscale. La CRL tire son origine de la contribution additionnelle au droit de bail, qui finançait l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les aides aux propriétaires bailleurs et occupants privés. Depuis l'origine, les bailleurs sociaux n'étaient donc pas concernés par cette imposition, de même qu'ils ne bénéficiaient pas des aides de l'ANAH. Ensuite, la nouvelle contribution ne peut être qualifiée d'instrument de péréquation. En effet, dans la mesure où son assiette est constituée de la masse des loyers perçus, elle s'applique indifféremment et uniformément à tous les organismes, quelle que soit leur situation financière, leur implication dans les opérations de construction en cours ou à venir, ou l'état de leur parc.

Enfin, ce prélèvement n'irait pas intégralement au logement social, puisque l'ANRU consacre environ le tiers de son budget à des aménagements urbains qui ne sont pas directement liés au logement social.

Ces critiques étant largement partagées, j'espère que le Gouvernement changera d'avis. Restera, cependant, à trouver les 260 millions d'euros qui manqueront à l'ANRU, dont les dépenses seront « en bosse », à un niveau élevé jusqu'en 2015 au moins.

A quel niveau doit-on fixer sa trésorerie ? Sur la période, on estime que le montant des paiements se situera dans une fourchette de 1,3 à 1,5 milliard par an. J'estime que, dans ces conditions, il ne serait pas raisonnable de prévoir moins de 300 millions d'euros pour la trésorerie de l'ANRU. En deçà, les délais de paiement s'allongeraient, au détriment des collectivités locales.

Le Gouvernement compte affecter à l'ANRU une part du produit de CRL de 260 millions d'euros pour 2011, 200 millions pour 2012 et 250 millions pour 2013. De son côté, Action logement, qui contribue annuellement pour 1,3 milliard au financement du logement, dont celui de l'ANRU, veut renégocier à la baisse sa contribution pour la période triennale qui court jusque 2011, affirmant impossible d'aller au-delà d'un milliard. On le comprendra : l'avenir est plus qu'incertain pour le financement de l'ANRU. Il faut trouver une solution !

Il existe aussi de vrais besoins pour la péréquation entre organismes HLM. La taxe dite sur les « dodus dormants », instaurée par le collectif budgétaire pour 2009, devait mutualiser les ressources financières disponibles des organismes en taxant ceux qui n'avaient pas suffisamment investi. On en attendait 60 millions d'euros, mais comme les organismes concernés ont fait de l'optimisation fiscale, par exemple en remboursant leurs prêts par anticipation, cette taxe n'aurait rapporté que 6 000 euros ! J'ai prévenu le mouvement HLM au congrès de Strasbourg : à ces petits jeux pour éviter la péréquation, c'est tous les organismes qui se retrouvent taxés !

Quant au mécanisme consistant à prélever 80 millions de CRL pour abonder, dans un premier temps, un fonds de la CGLLS qui les reverse ensuite par un fonds de concours au budget de l'Etat, il est d'une particulière complexité : Bercy peut afficher que le compte y est, mais notre commission des finances est en droit de contester cette « tuyauterie » des plus opaques. Nous sommes passés de 40 000 logements neufs financés par an en 2002, à 120 000 cette année : il y a donc du progrès, mais aussi des marges de progression sur la méthode.

A titre personnel, je crois que la péréquation entre organismes pourrait apporter 100 millions d'euros, et que le reste doit être trouvé par l'Etat. La politique du logement et de la rénovation urbaine est un grand projet, porté par la « loi Borloo » ; l'Etat s'est d'abord engagé à mobiliser 5 milliards d'euros, à parité avec le 1 % logement, puis 6 milliards, mais il s'est totalement retiré du financement. Nous devons veiller à ce que cet engagement ne se transforme pas en de nouvelles charges pour les bailleurs sociaux, voire les collectivités locales : la solidarité territoriale doit se traduire en crédits budgétaires.

M. Jean Arthuis, président . - Merci pour cette présentation de ces crédits, qui traduit l'ambition que l'on a eue en instituant la mission « Ville et logement » et la difficulté de dégager des moyens à sa hauteur. Je désapprouve avec vous l'instauration d'une CRL sur les bailleurs sociaux et la commission pourrait rejeter cet article rattaché. Des organismes se voient refuser la participation de l'ANRU, mais ils devraient tous la financer, ce n'est pas acceptable. Quant au mécanisme faisant intervenir la CGLLS, il fait s'interroger sur le bien fondé de cette caisse même !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - C'est un sujet délicat...

M. Jean Arthuis, président . - Certes, mais lorsque le conseil général cautionne l'intégralité d'un emprunt, on voit mal pourquoi l'organisme d'HLM devrait cotiser à cette caisse...

M. Edmond Hervé . - Je félicite notre rapporteur pour son stoïcisme souriant, tant on voit qu'il parle sous la torture ! Je lui ferai aussi le reproche de trop garder pour lui-même ses connaissances. Car quand vous entendez un ministre déclarer, devant le congrès HLM, que la TVA à 5,5% pour le logement social est une niche fiscale, il y a de quoi réagir ! Le Gouvernement veut reprendre cette année 340 millions aux HLM. Cela représente, sur trois ans, la construction de 60 000 logements. Et ce gouvernement, qui nous abreuve de ses injonctions à la bonne gouvernance, ne se gêne pas pour demander la signature de onze opérateurs pour une convention avec l'ANRU, puis pour refuser les moyens nécessaires à son ministre du logement. Mme Boutin l'a reconnu devant nous !

Une question : pourquoi l'Institut des villes, présidé par M. Bourg-Broc, a-t-il été supprimé ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - La Cour des comptes l'a recommandé, dans une logique de regroupement.

M. Edmond Hervé . - Ce n'est pas à la Cour des comptes qu'est revenue la décision ! Des regroupements sont certes possibles, il y a probablement trop de structures, mais l'Institut des villes coûtait peu, pour un travail remarquable, en particulier des publications en partenariat avec la Documentation française. Je trouve que sa suppression n'est pas très honorable.

Je vous demande, Monsieur le rapporteur spécial, de rappeler le ministre à plus de retenue, lorsqu'il qualifie de niche fiscale la TVA à 5,5% dans le logement social !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Je conviens avec vous que cette appellation de niche fiscale, probablement copiée-collée d'un élément de langage tout droit venu de Bercy, ne convient pas et ne convainc pas ! La péréquation entre organismes, en revanche, est un vrai sujet, car les besoins sont réels : certains organismes ont des moyens alors qu'ils ne sont pas en zone tendue, quand d'autres doivent faire face à une très forte demande mais sans moyen de construire. Il faut rééquilibrer. Le financement de l'ANRU, quant à lui, est un autre sujet.

M. Edmond Hervé. - L'important, c'est le besoin de logement, et les inégalités territoriales se constatent pour tous les types de logements aidés.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Vous avez raison, la territorialisation n'a pas été une préoccupation suffisante par le passé, on le voit en particulier pour les dispositifs « de Robien » ou « Scellier ».

M. Jean Arthuis, Président . - Le dispositif « Scellier » confine à l'absurde : il est très coûteux, et il faut voir à quoi il est utilisé, notamment à travers les publicités extravagantes qui en vantent les mérites sur internet !

M. Edmond Hervé . - Ce n'est pas le discours à Bercy, où le « Scellier » passe pour favoriser les rentrées fiscales...

M. Jean Arthuis, président. - Le dispositif « Scellier » a été adopté à l'automne 2008, en pleine crise, quasiment sur un coin de table, en pleine précipitation ! L'absurde, c'est qu'il coûte cher, puisque l'économie d'impôt peut aller jusqu'à 37% de la valeur du logement, et que les logements construits, souvent petits, ne correspondent pas toujours à la demande, encore moins aux priorités. Je déposerai un amendement pour réduire ses avantages.

M. Edmond Hervé . -Vous l'avez pourtant tous utilisé comme argument de campagne électorale...

M. Jean Arthuis, président . - Non, pas tous et je ne vois guère de lien avec les élections européennes puis régionales, qui ont eu lieu depuis...

M. Pierre Jarlier. - M. Dallier démontre bien combien les moyens manquent à la politique du logement et je rejette avec lui une taxe qui affaiblirait la capacité constructive des organismes HLM, au moment où on leur demande de maintenir ce niveau élevé où ils sont enfin parvenus, de 120 000 logements neufs par an. Je crois également que la péréquation territoriale est un levier d'action.

J'estime cependant que la territorialisation pourrait être plus fine que celle des « zones tendues », qui va désormais présider à l'allocation des crédits logements, aussi bien pour le logement social que pour le logement privé aidé par l'ANAH. Nous manquons aussi de logements sociaux dans des territoires ruraux où la population est pauvre et où l'accession sociale à la propriété ne peut être une solution pour tout le monde. La situation y est tendue aussi, et je ne connais pas beaucoup de territoires, même en zone non tendue, où des logements sociaux restent vides !

M. Jean Arthuis, président . - Il y en a pourtant !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - J'en ai vu !

M. Pierre Jarlier . - S'agissant de l'hébergement d'urgence, on se félicitera que les moyens soient réévalués, mais il ne faut pas perdre de vue que les besoins sont sous-évalués, et que les crédits aux associations reculent, ce qui a pour conséquence de diminuer l'offre de service, par exemple la permanence de jour en CHRS.

Enfin, si le Dalo est déclaré grande cause nationale, chacun peut constater que les moyens ne suivent pas.

M. Denis Badré . - Qui doit garantir, entre les communes, les départements et les EPCI, les emprunts des bailleurs sociaux ? Il faudrait plus de règles, car tout n'est pas clair. Ensuite, lorsqu'une commune transfère la politique du logement à une communauté de communes ou d'agglomération, comment évaluer la charge que représente la garantie des emprunts ?

M. François Marc . - Pourquoi la rétroactivité de trois mois est-elle supprimée pour l'obtention des aides au logement ? Cette règle compensait le fait que les ayants-droits n'avaient pas fait valoir leurs droits et que les délais pouvaient être longs. Les personnes concernées sont dans une situation souvent très difficile : pourquoi compliquer ainsi leur existence ?

Sur l'hébergement d'urgence, on se félicite que les crédits pour 2011 retrouvent leur niveau de 2009, mais on sait aussi qu'ils seront insuffisants pour couvrir les besoins : avez-vous une évaluation des besoins qui ne seront pas couverts ?

M. François Fortassin . - Sachant que les plus précaires de nos compatriotes ne trouvent pour toit que des logements insalubres dans le privé, ce qui leur interdit l'accès à l'APL, et que de nombreux logements demeurent vacants où occupés de manière très occasionnelle, ne pourrait-on pas envisager une sorte de malus sur cette vacance, par une taxe spécifique ?

M. Gérard Miquel. - Les crédits à la pierre ont, à certains endroits, été délégués aux communautés de communes ou aux départements : dispose-t-on d'un bilan de cette délégation ? Dans mon département, où nous avons fait des opérations très intéressantes, on s'inquiète d'entendre parler d'une délégation à la région, ce qui paraît synonyme d'un fléchage vers la métropole régionale...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Je vais tâcher de répondre à toutes vos questions.

D'abord sur la territorialisation : les crédits sont recentrés sur les zones tendues, parce que la contrainte budgétaire incite à resserrer les priorités. La situation est certes difficile pour certains territoires ruraux, mais les besoins sont sans commune mesure en région PACA ou en Ile-de-France.

Sur l'hébergement d'urgence, il est évident que les crédits des années antérieures et ceux de l'an passé avaient été volontairement sous-évalués, ce qui nous a imposé d'en ajouter à chaque collectif budgétaire. De fait, nous sommes dans une logique de guichet ouvert et il est prévisible que les dépenses ne vont pas diminuer en temps de crise.

M. François Marc . - Nous sommes loin de la Lolf !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Nous en sommes en moyenne à 13 000 chambres d'hôtel par jour, au tarif négocié de 15 euros grâce à une réservation à l'année, ce qui représente tout de même 62 millions d'euros.

Sur la mise en oeuvre du Dalo, on peut prévoir une forte augmentation des dossiers à compter de 2012. En fait, s'il y a des zones tendues où l'Etat est régulièrement condamné, alors que sur d'autres territoires les services peuvent faire face : nous nous en sommes aperçus à Rennes, lors d'une visite.

Qui doit garantir les emprunts des organismes ? Les collectivités le font, et lorsqu'une commune transfère sa compétence, elle transfère aussi la charge de la garantie d'emprunt, dans des conditions réglementaires. La CGLLS, ensuite, a tout son rôle à jouer.

M. Jean Arthuis, président . - Et la cotisation y est obligatoire même lorsque l'organisme voit ses emprunts garantis intégralement par la collectivité : ce n'est pas normal.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - C'est une forme de mutualisation.

Enfin, je crois que le motif de la suppression de la rétroactivité de trois mois tient pour l'essentiel aux 240 millions d'euros d'économies qu'on en attend. Cependant, le Gouvernement nous assure que la période de versement de l'aide débutera au jour du dépôt du dossier.

M. Fortassin suggère une taxe sur les logements vacants : elle existe déjà et elle rapporte 18 millions.

La délégation de l'aide à la pierre n'a pas encore fait l'objet de bilan, à ma connaissance, et ce serait intéressant d'en disposer. Les bailleurs s'inquiètent aussi des changements annoncés dans la répartition des compétences, en y voyant un risque de retrait de collectivités locales, ce qui compromettrait la capacité de tenir les 120 000 logements neufs par an.

M. Jean Arthuis, président . - Le rapporteur spécial nous présente trois amendements.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Par mon amendement n°1 portant sur les crédits, je vous propose de supprimer les 839 000 euros de subvention accordés à l'Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS). Le Gouvernement souhaite diviser par deux la subvention antérieure de 1,6 million ; je propose plus simplement de la supprimer : nous apprendrons à cette occasion si la subvention est justifiée ou non.

La commission adopte l'amendement n° 1 à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Par l'amendement n°2, je propose d'appliquer aux entreprises agricoles de plus de vingt salariés la cotisation patronale de droit commun au fonds national d'aide au logement (FNAL). Le produit attendu s'élève à 53 millions d'euros et il nous a paru légitime que ces entreprises - qui ne sont pas des petits exploitants - contribuent au financement des aides au logement, dès lors que leurs salariés en bénéficient.

M. Jean Arthuis, président. - Les articles 98 et 99 sont-ils fiscaux ? Si c'est le cas, il ne me paraît pas de bonne méthode d'en faire des articles rattachés. Par ailleurs, il faut prendre garde, avec votre amendement, au risque de délocalisation de l'activité.

Mme Nicole Bricq . - Tout dépend de la nomenclature, qui distingue l'agricole de l'agroalimentaire : le risque de délocalisation n'est pas le même.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - L'exonération actuelle concerne les entreprises de moins de vingt salariés et celles qui relèvent du régime agricole de sécurité sociale. Je propose de la supprimer seulement pour ces dernières.

M. Jean Arthuis, président . -Beaucoup de niches fiscales sont maintenues pour les coopératives et les mutuelles, et il faudra y mettre bon ordre.

Mme Nicole Bricq . - Vous le dites, mais vous avez voté l'exonération de taxe sur le foncier agricole, une promesse de longue date de M. Chirac !

La commission adopte l'amendement n° 2 à l'article 98 du projet de loi de finances pour 2011.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial . - Par l'amendement n°3, nous supprimons cet article dans sa version issue du projet de loi de finances initial.

M. Jean Arthuis, président . - Nous en sommes tous d'accord.

La commission adopte l'amendement n° 3 portant suppression de l'article 99 du projet de loi de finances pour 2011.

A l'issue de ces débats, elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission «Ville et logement » et de l'article 98 ainsi modifiés ainsi que la suppression de l'article 99.

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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, de l'article 98. Elle a adopté un nouvel amendement sur les crédits de la mission, confirmé celui de sa réunion du 27 octobre, et décidé de proposer l'adoption de ces crédits ainsi modifiés. Enfin, elle a retiré son amendement de suppression de l'article 99 et décidé de proposer une nouvelle rédaction de cet article.

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