B. LE RESPECT DE LA VOLONTÉ DES PERSONNES
Les trois propositions de loi s'inscrivent toutes dans une même perspective, qui correspond à l'évolution de la société et spécialement à l'évolution de la médecine. Cette perspective est fondée sur l'idée que le seul critère déterminant en matière éthique doit être le respect de la volonté de la personne. Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, la relation de soins entre patient et médecin repose sur le consentement libre et éclairé. Il doit nécessairement en être de même pour une décision comme celle d'anticiper le moment de sa mort.
1. Permettre la liberté de choix
Les auteurs des propositions de loi demandent donc que la demande d'aide soit libre et éclairée. Mais ils souhaitent également qu'elle soit réfléchie et réitérée dans le cadre de la procédure qui encadre l'aide. Le but des propositions de loi est de laisser la plus grande place à la liberté de décision, ce qui implique que le choix de vouloir anticiper sa mort ne soit pas le fruit d'un moment de désespoir. Les délais prévus par les propositions de loi sont là pour permettre à la réflexion de la personne de progresser, pour que l'anticipation anxiogène puisse éventuellement laisser la place à l'expérience apaisante, pour que le contact avec l'entourage puisse s'enrichir de dialogues nouveaux, pour, si l'on reprend une expression commune, que la vie puisse éventuellement reprendre ses droits, même à l'orée de la mort. A l'inverse, ceux qui auront vécu toutes les expériences, réglé toutes les questions, ceux qui ne peuvent supporter l'idée d'une déchéance physique sans espoir de retour car ils auraient l'impression de mentir à eux-mêmes et qui auront à plusieurs reprises manifesté leur volonté de mourir doivent pouvoir être aidés.
2. Garantir contre toutes les pressions
Le respect de la volonté de la personne suppose qu'elle puisse valablement s'exprimer. C'est pourquoi, l'altération des facultés de jugement doit exclure les personnes qui en sont atteintes de la possibilité de demander l'aide active à mourir. Celle-ci ne peut valablement être formulée que par une personne majeure et en pleine possession de ses moyens. Ceci étant, il n'est pas contradictoire d'admettre que, pour les personnes qui seraient désormais dans l'incapacité de s'exprimer, les directives anticipées qu'elles auraient précédemment rédigées servent de base pour la demande d'aide à mourir. La seule question est ici celle de la durée de validité à accorder à cette volonté anticipée, celle-ci devant traduire un choix véritable et renouvelé.
Les auteurs des propositions de loi sont par ailleurs pleinement conscients des multiples raisons, médicales, psychologiques, économiques ou familiales, qui peuvent conduire une personne malade à demander la mort. La douleur qui pourrait être soulagée mais ne l'est pas, la négligence dans les soins aux personnes dépendantes sont autant de scandales que notre société ne devrait plus tolérer et qui sont cause de demande de mort. Que la famille, mais aussi la société, fasse sentir à la personne malade qu'elle constitue désormais une charge peut l'inciter à demander la mort. Une première réponse à ce risque réside dans les délais, d'une longueur raisonnable pour permettre un choix éclairé, prévus par les textes en discussion entre la demande initiale et son éventuelle mise en oeuvre, ainsi que dans le regard extérieur porté par les médecins. La seconde se trouve, évidemment, dans l'amélioration de la prise en charge des personnes accueillies en établissement ou maintenues à domicile et par l'accès plus large et plus efficace des personnes en fin de vie dans les unités dédiées aux soins palliatifs.