C. LE TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION : CONFORTER LA PROPOSITION DE LOI

La commission des affaires sociales approuve la proposition de loi qui lui est soumise. La réforme des services de santé au travail est jugée indispensable par l'ensemble des personnes qui la mettent en oeuvre.

La proposition contient des avancées importantes, qu'il s'agisse de la définition pour la première fois des missions des services de santé au travail, du renforcement de la prise en compte des avis rendus par les médecins du travail ou de la transformation de la gouvernance des services de santé au travail interentreprises pour lui donner un caractère paritaire.

Pour autant, son adoption ne marquera pas à elle seule l'achèvement de la réforme. Un grand nombre de dispositions relèvent en effet du domaine réglementaire ou d'autres textes. Ainsi, la proposition de loi devra être complétée par des mesures permettant de renforcer l'attractivité de la médecine du travail qui connaît, depuis plusieurs années, une grave crise démographique.

La commission a souhaité conforter la proposition de loi en renforçant les garanties d'indépendance reconnues aux médecins du travail et en simplifiant certaines dispositions du texte.

A l'initiative de Bruno Gilles, elle a adopté un amendement prévoyant que les missions des services de santé au travail sont assurées « par les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire » et précisant que « les médecins du travail coordonnent l'équipe pluridisciplinaire et prescrivent ses interventions ».

A l'initiative de son rapporteur, elle a adopté vingt amendements tendant notamment à :

- renforcer les garanties d'indépendance reconnues aux médecins du travail en les assimilant à des salariés protégés en cas de rupture conventionnelle, de rupture anticipée ou d'arrivée à son terme du contrat de travail à durée déterminée, de transfert d'un service de santé à un autre. Dans ces différents cas, la décision sera soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail ;

- donner une base législative à la commission médico-technique des services de santé au travail interentreprises, chargée de formuler des propositions relatives aux priorités du service, tout en lui confiant le soin d'élaborer le projet de service pluriannuel pour éviter de créer une nouvelle commission de projet ;

- donner une base législative au comité interentreprises et à la commission de contrôle chargés de surveiller l'organisation et la gestion du service de santé au travail. Il convient de rappeler que la commission de contrôle est composée aux deux tiers de représentants des salariés. Jusqu'à présent, cette composition était liée au fait que le conseil d'administration était pour sa part composée d'un tiers de représentants des salariés et de deux tiers de représentants des employeurs. Avec l'introduction du paritarisme au sein du conseil d'administration, le maintien de la commission de contrôle constitue un élément particulièrement favorable au contrôle de l'action des services de santé au travail par les représentants des salariés.

Par ailleurs, la commission a estimé indispensable de faire figurer parmi les missions des services de santé au travail la prévention de la consommation d'alcool ou de drogues sur le lieu de travail . Trop souvent encore, ces questions demeurent taboues au sein des entreprises comme en témoigne le rapport de la mission Chabalier : Alcoolisme : le parler vrai, le parler simple 9 ( * ) . Les services de santé au travail peuvent contribuer à faire changer cet état de fait.

Extrait du rapport de la mission d'Hervé Chabalier
sur la prévention et la lutte contre l'alcoolisme

« L'alcool, tout le monde connaît, tout le monde en parle, mais le risque alcool, l'a-t-on mesuré ? En a-t-on au moins conscience ? A entendre l'assourdissant silence qui entoure la question, on peut sans grand danger de se tromper penser que non. Qui parle de la baisse des performances, intellectuelles ou physiques, de l'altération des relations interpersonnelles, des violents passages à l'acte, de la potentialisation avec les médicaments, des accidents de machines aux « raisons inconnues » (quand vous ne connaissez pas la cause, cherchez l'alcool, disait un gastroentérologue à ses étudiants : l'alcoologue d'entreprise peut reprendre la formule à son compte), sans parler des maladies somatiques proprement dites et, bien sûr, de la dépendance ? L'on sait pourtant par exemple que l'alcool déclenche et accélère, chez les conducteurs de véhicules ou d'engins, la perte des facultés psychomotrices et sensorielles requises au travail : vigilance, réflexes, appréciation des distances, champ visuel, sensibilité à l'éblouissement. Et ce, bien avant même d'avoir dépassé le taux légal. On n'ignore plus maintenant, comme le souligne Jean-Paul Jeannin 1 que « le risque alcool s'élève rapidement, même à faible taux d'alcoolémie, alors même que notre organisation sociale et professionnelle exige de plus en plus de capacités d'apprentissage, de capacités d'adaptation rapide aux techniques nouvelles, de capacités de mémorisation et un fort degré d'abstraction ». Allez demander tout ça, ou ne serait-ce qu'une partie, à un cadre qui sort d'un confortable repas d'affaires.

« Le risque est le même pour tous, la gestion du risque doit être la même pour tous. Plus que par la répression, qui garde son rôle sous la forme de rappel permanent de la règle et des conséquences de sa transgression, la gestion passe par un processus de conscientisation de l'ensemble du collectif du travail à tous les niveaux hiérarchiques, chaque niveau se répartissant les rôles, dans une certaine mesure.

« Ainsi, ce sera à la direction, par ailleurs détentrice de la loi et de son application, au management, d'affirmer une politique claire et surtout cohérente de l'entreprise dont les pratiques des dirigeants ne démentiront pas les déclarations d'intention et les contraintes imposées aux salariés.

« Ce sera au pôle médico-psycho-social d'organiser l'aide, les soins et l'accompagnement des personnes en difficulté directe avec l'alcool. Ce sera enfin, idéalement, dans le registre de la prévention, aux personnes dûment mandatées et constituées en groupe de réflexion et d'action de communiquer sur les facteurs de risque.

« Les outils ne manquent pas pour donner à chacun de ces intervenants les moyens de sa politique. Des textes de loi, des règlements intérieurs, du temps, de la stratégie, de la méthode, mais, surtout, de la formation. Le risque alcool, sa gestion, ça ne s'invente pas. Aucun des acteurs de l'entreprise, y compris, la plupart du temps, le médecin du travail, ne possède cette formation qui conjugue l'alcoologie et les indispensables capacités relationnelles d'écoute. Il reste aux entreprises à entendre ce discours, à accepter d'aborder la question. Pour les encourager, on serait tenté de leur suggérer de reprendre leurs comptes annuels en y introduisant un paramètre correcteur : celui du risque alcool en entreprise. »

1 Gérer le risque alcool au travail, Chronique sociale, 2003 .

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Réunie le 19 janvier 2011, la commission a adopté la proposition de loi dans la rédaction résultant de ses délibérations.


* 9 Rapport remis en novembre 2005 au ministre de la santé.

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