Rapport n° 243 (2010-2011) de M. André TRILLARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 19 janvier 2011

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N° 243

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2011

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l' adhésion à l' accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer ,

Par M. André TRILLARD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jacques Blanc, Didier Boulaud, Jean-Louis Carrère, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Jean François-Poncet, Robert Hue, Joseph Kergueris , vice-présidents ; Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. André Trillard, André Vantomme, Mme Dominique Voynet , secrétaires ; MM. Jean-Étienne Antoinette, Robert Badinter, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Jean-Pierre Bel, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Didier Borotra, Michel Boutant, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mmes Bernadette Dupont, Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Paul Fournier, Mme Gisèle Gautier, M. Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Robert Laufoaulu, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Rachel Mazuir, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Milhau, Charles Pasqua, Philippe Paul, Xavier Pintat, Bernard Piras, Christian Poncelet, Yves Pozzo di Borgo, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Reiner, Roger Romani, Mme Catherine Tasca.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2772 , 3038 et T.A. 586

Sénat :

200 et 244 (2010-2011)

INTRODUCTION

« Plus que jamais la mer est l'objet de compétition internationale. L'activité des hommes se tournera de plus en plus vers la recherche et l'exploitation de la mer et, naturellement, les ambitions des États chercheront à dominer les mers pour en contrôler la sécurité et les ressources ».

Général de Gaulle, Allocution prononcée à l'Ecole Militaire
le 25 janvier 1969

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à l'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer, adopté le 23 mai 1997.

Le Tribunal international du droit de la mer, qui a son siège à Hambourg, est une juridiction internationale permanente spécialisée dans le contentieux du droit de la mer. Sa création, prévue par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dite de Montego Bay, est assez récente, puisqu'elle date de 1996.

Si la Convention de Montego Bay reconnaît, dans son article 10, des privilèges et immunités diplomatiques aux membres du Tribunal dans l'exercice de leurs fonctions, il a été jugé utile de préciser ces privilèges et immunités au travers d'un accord spécifique.

Tel est précisément l'objet de cet accord, qui s'inspire très largement des stipulations des précédents accords conclus en matière de privilèges et d'immunités d'autres organisations internationales, auquel le présent projet de loi propose d'adhérer.

Avant d'examiner le contenu de cet accord, il a paru utile à votre rapporteur de présenter brièvement l'origine, les attributions et le fonctionnement du Tribunal international du droit de la mer.

I. LE TRIBUNAL INTERNATIONAL DU DROIT DE LA MER

A. UNE CRÉATION RÉCENTE

Si l'idée d'une juridiction internationale spécialisée dans le domaine du droit de la mer est ancienne, la création du Tribunal international du droit de la mer est assez récente, puisqu'elle a été prévue par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 1994.

Cette Convention dite de Montego Bay établit un cadre juridique global régissant tous les espaces marins et les utilisations des ressources de la mer. 161 Etats ou entités sont actuellement parties à la convention (dont l'Union européenne et la France).

Pour régler les différends auxquels pourraient donner lieu son interprétation ou son application, la convention a prévu quatre voies différentes, dont le choix est laissé aux Etats.

Ceux-ci peuvent choisir de soumettre leur litige à la Cour internationale de justice, à l'arbitrage, à un arbitrage spécial ou encore au tribunal international du droit de la mer.

Ce tribunal est une nouvelle juridiction internationale spécialisée dans le droit maritime instituée par l'annexe VI de la Convention de Montego Bay.

A l'époque, la Cour internationale de justice était victime d'une désaffection croissante de la part des Etats. Plusieurs d'entre eux avaient retiré leur déclaration facultative de juridiction obligatoire après des décisions leur ayant été défavorables, comme la France en 1974 1 ( * ) ou les Etats-Unis en 1986 2 ( * ) .

Par ailleurs, plusieurs Etats mettaient en doute la capacité de la Cour de La Haye de prendre en compte les nouvelles tendances du droit de la mer, après les arrêts controversés rendus les 25 juillet 1974 dans les affaires de compétences en matière de pêcherie.

Il a donc été décidé de créer un tribunal international spécialisé dans le droit de la mer.

Ainsi, actuellement, pour les différends concernant la délimitation de leur frontière maritime, certains Etats choisissent de saisir la Cour internationale de Justice (par exemple le Nicaragua et la Colombie ou l'Ukraine et la Roumanie), d'autres de recourir à l'arbitrage (comme la Croatie et la Slovénie à propos de la baie de Piran). D'autres pays, enfin, choisissent de saisir le Tribunal international du droit de la mer (par exemple le Bangladesh et le Myanmar).

B. DES ATTRIBUTIONS IMPORTANTES MAIS UNE ACTIVITÉ ENCORE MODESTE

Le Tribunal international du droit de la mer est compétent pour tous les différends qui portent sur l'interprétation et l'application de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et qui lui sont soumis. Il peut également être saisi en vertu de tout accord lui conférant une compétence spécifique.

Il est doté d'une compétence contentieuse mais aussi consultative.

A moins que les parties n'en décident autrement, le tribunal dispose notamment d'une compétence obligatoire dans les affaires relatives à la prompte mainlevée de l'immobilisation du navire et à la mise en liberté de son équipage, ainsi qu'à la prescription de mesures conservatoires en attendant la constitution d'un tribunal arbitral.

Le tribunal peut, selon qu'il l'estime nécessaire, siéger en formation plénière ou en formation plus réduite pour connaître de catégories d'affaires déterminées.

Outre la Chambre pour le règlement des différends marins (dont la création est imposée par la Convention de Montego Bay), le tribunal a ainsi constitué quatre chambres, composées de 5 à 9 juges : la chambre de procédure sommaire, la chambre pour le règlement des différends relatifs aux pêcheries, la Chambre pour le règlement des différends relatifs au milieu marin et la chambre pour le règlement des différends relatifs à la délimitation maritime. Il peut également constituer des chambres ad hoc.

Plus de dix ans après sa création, l'activité du Tribunal international du droit de la mer demeure assez limitée.

Depuis sa création, en 1997, le Tribunal n'a été saisi que de dix-huit affaires. Deux ont fait l'objet d'un désistement et treize ont fait l'objet d'un arrêt.

Sur ces treize affaires, huit concernaient des procédures de prompte mainlevée de l'immobilisation des navires et la libération de leurs équipages, retenus notamment pour des violations présumées des règlements des Etats côtiers en matière de pêche dans la zone économique exclusive, quatre concernaient des mesures conservatoires et une concernait une procédure d'indemnisation pour saisie illégale d'un navire.

La France s'est trouvée partie à un litige devant le tribunal dans trois affaires 3 ( * ) , dans lesquelles elle n'a pas eu gain de cause.

Trois affaires, introduites en 2000 et actuellement pendantes, semblent toutefois témoigner d'un regain d'intérêt à l'égard du tribunal de la part des Etats parties 4 ( * ) .

Ces trois affaires portent, en effet, sur un avis consultatif sur les responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes ou des entités dans le cadre d'activités menées dans la zone internationale des fonds marins, un différend entre l'Espagne et Saint-Vincent-et-les-Grenadines concernant le navire « Louisa » et un différend relatif à la délimitation d'une frontière maritime dans le Golfe du Bengale entre le Bangladesh et le Myanmar.

C. UNE STRUCTURE ASSEZ LÉGÈRE

Le Tribunal international sur le droit de la mer, qui a son siège à Hambourg, comprend vingt et un juges, élus au scrutin secret par les Etats parties à la convention.

Les juges sont élus par tiers pour un mandat de neuf ans renouvelable.

Ils doivent être des personnes jouissant de la plus haute réputation d'impartialité et d'intégrité et possédant une compétence notoire dans le domaine du droit de la mer. En outre, la représentation des principaux systèmes juridiques du monde et une représentation géographique équitable entre les cinq continents doivent être assurés.

Le Président du tribunal est actuellement M. José Luis Jesus, ressortissant du Cap Vert.

La France compte un juge en la personne de M. Jean-Pierre Cot, ancien ministre, qui a été élu en 2002 et dont le mandat s'achève le 30 septembre prochain. Celui-ci est président de la Chambre pour le règlement des différends relatifs au milieu marin.

Le tribunal compte également 37 personnes réparties entre 17 postes d'administrateurs et 20 postes des services généraux. Trois d'entre eux sont des ressortissants français.

Le budget du tribunal est établi sur une base triennale. Pour 2009-2010, il s'est élevé à environ 17,5 millions d'euros.

La contribution de la France, qui s'élève à hauteur de 8,2 % du budget, a été de 716 293 euros en 2010 (de laquelle 65 623 euros ont été déduits au titre d'un excédent pour 2007-2008).

II. L'ACCORD SUR LES PRIVILÈGES ET IMMUNITÉS

L'accord sur les privilèges et immunités du Tribunal international du droit de la mer a été adopté le 23 mai 1997. Il s'inspire très largement des précédents accords conclus en matière de privilèges et immunités d'autres organisations internationales. La France devrait toutefois faire une réserve concernant l'exonération fiscale dont pourraient bénéficier les membres et fonctionnaires du tribunal qui résideraient sur notre territoire.

A. LES PRÉCÉDENTS ACCORDS

Cet accord s'inspire largement des précédents accords internationaux en matière de privilèges et d'immunités.

On peut notamment citer la convention sur les privilèges et immunités de l'Organisation des Nations unies, la convention sur les privilèges et immunités des institutions spécialisées des Nations unies ou encore l'accord de siège avec l'UNESCO.

Concernant les juridictions internationales, on peut également mentionner l'accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale, adopté le 9 septembre 2002.

Cet accord a été signé par la France le 10 septembre 2002 et est entré en vigueur en France le 22 juillet 2004, son approbation ayant été autorisée par la loi du 31 décembre 2003.

B. UN CONTENU CLASSIQUE

L'article 10 de l'annexe VI de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer portant statut du Tribunal international du droit de la mer précise que « dans l'exercice de leurs fonctions les membres du tribunal jouissent des privilèges et immunités diplomatiques » .

L'accord de 1997 vise à préciser les privilèges et immunités dont doivent jouir non seulement les membres du tribunal pour qu'ils puissent exercer en toute indépendance leurs fonctions, mais aussi ceux dont bénéficient les fonctionnaires du tribunal et les avocats, conseils et experts appelés à exercer leurs fonctions lors d'une procédure particulière.

L'accord comprend un préambule et 35 articles.

Après avoir défini ses principaux termes à l' article premier , il reconnaît, à l' article 2 , la personnalité juridique du tribunal.

L' article 4 prévoit le droit pour le tribunal d'arborer son drapeau et son emblème.

Il affirme également l'inviolabilité des locaux du tribunal ( article 3 ), l'immunité du tribunal lui-même et de ses biens, avoirs et fonds ( article 5 ), l'inviolabilité de ses archives ( article 6 ), ainsi que les privilèges, immunités et facilités dont bénéficie sa correspondance officielle (article 8).

L' article 5 précise, en particulier, l'immunité contre toute forme de poursuites dont jouit le tribunal, à moins d'y renoncer expressément, ainsi que la protection dont bénéficient ses biens, avoirs et fonds, qui ne peuvent pas faire l'objet de perquisitions et de saisies, d'expropriation ou de confiscation ou tout autre forme de contrainte.

Les articles 9 à 12 sont consacrés aux facilités d'ordre fiscal, douanier et financier qui sont accordées au tribunal et à ses membres ou fonctionnaires.

L' article 9 pose le principe de l'exonération d'impôts directs, de droits de douane et d'impôts sur le chiffre d'affaires, ainsi que l'exemption de toute restriction à l'importation ou à l'exportation pour les objets à usage officiel.

L' article 10 prévoit la possibilité de remboursement des droits ou taxes entrant dans le prix des biens mobiliers ou immobiliers qui font l'objet d'achats importants de la part du tribunal pour son usage officiel.

L' article 11 pose le principe d'une exonération d'impôts à l'égard des traitements, émoluments et indemnités versés aux membres et aux fonctionnaires du tribunal.

Les articles 13 à 17 définissent le régime applicable en matière d'immunités, de privilèges et de facilités des membres du tribunal, des fonctionnaires ou d'autres agents.

D'après l' article 13 , les membres du tribunal jouissent, dans l'exercice de leurs fonctions, des immunités et privilèges accordés aux chefs de mission diplomatique en vertu de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, adoptée le 18 avril 1961 et entrée en vigueur le 24 avril 1964.

Alors que le greffier du tribunal bénéficie également des immunités et privilèges diplomatiques, les autres fonctionnaires du tribunal bénéficient des privilèges, immunités et facilités « qu'exige l'exercice indépendant de leurs fonctions » , en particulier :

- l'immunité d'arrestation ou de détention et de saisie de leurs effets personnels ;

- le droit d'importer en franchise leur mobilier et leurs effets à l'occasion de leur première prise de fonctions dans le pays concerné, et de les réexporter en franchise dans le pays de leur domicile ;

- l'exemption de toute inspection de leurs effets personnels, à moins qu'il n'existe de sérieuses raisons de croire que les effets contiennent des articles qui ne sont pas destinés à leur usage personnel ou des articles dont l'importation ou l'exportation est prohibée par la loi ou relève de la réglementation de l'Etat partie concerné en matière de quarantaine ;

- l'immunité de toute forme de poursuites à raison de leurs paroles, de leurs écrits et de tous les actes accomplis par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Cette immunité continue à leur être accordée même après qu'ils ont cessé d'exercer leurs fonctions ;

- l'exemption de toute obligation relative au service national ;

- l'exemption des mesures restrictives relatives à l'immigration et des formalités relatives à l'enregistrement des étrangers ;

- des privilèges et facilités de change ;

- des mêmes facilités de rapatriement que celles qui sont accordées en période de crise internationale aux agents diplomatiques.

Des privilèges et immunités similaires sont également accordés aux experts désignés par le tribunal ( article 15 ), aux agents, avocats et conseils auprès du tribunal ( article 16 ), ainsi qu'aux témoins, experts et personnes qui accomplissent des missions sur l'ordre du tribunal ( article 17 ).

Sur le territoire de l'Etat dont ils ont la nationalité ou dans lequel ils ont le statut de résident permanent, l' article 18 ne garantit aux personnes visées précédemment que l'immunité contre toute forme de poursuite et que l'inviolabilité pour leurs paroles, écrits et actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions.

L' article 19 rappelle que les privilèges, immunités, facilités et prérogatives accordées à ces personnes ne le sont pas pour leur avantage personnel, mais afin de garantir leur indépendance dans l'exercice de leurs fonctions.

En conséquence, l' article 20 prévoit la possibilité de lever l'immunité dont bénéficient ces personnes si celle-ci empêche que justice soit faite et sous réserve que cette levée d'immunité ne porte pas préjudice à la bonne administration de la justice.

L' article 21 prévoit l'obligation pour les Etats parties d'accepter les laissez-passer des Nations unies délivrés aux membres et aux fonctionnaires du tribunal ou aux experts désignés par lui et d'examiner les demandes de visas dans les plus brefs délais.

L' article 22 garantit le libre déplacement des personnes participant au fonctionnement du tribunal.

L' article 23 concerne la collaboration du tribunal avec un Etat partie en matière de maintien de la sécurité et de l'ordre public, afin, d'une part, d'assurer la protection du tribunal, et, d'autre part, d'éviter que les activités du tribunal ne portent préjudice à la sécurité ou à l'ordre public de cet Etat. Le tribunal coopère également avec les Etats parties afin de faciliter l'application de leurs législations et d'éviter les abus de privilèges ( article 24 ).

Les articles 25 à 35 portent sur les modalités de mise en oeuvre de l'accord : relations avec les accords bilatéraux ( article 25 ), règlement des différends ( article 26 ), signature ( article 27 ), ratification ( article 28 ), adhésion ( article 29 ), entrée en vigueur ( article 30 ), application à titre provisoire ( article 31 ), application spéciale ( article 32 ), dénonciation (art icle 33 ), dépositaire ( article 34 ) et langues faisant foi ( article 35 ).

L'accord a été adopté le 23 mai 1997 et ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations unies pendant vingt-quatre mois à compter du 1 er juillet 1997. Il est entré en vigueur le 30 décembre 2001, soit trente jours après la date de dépôt du dixième instrument de ratification ou d'adhésion.

A la date de clôture de la signature, vingt et un États l'avaient signé. A ce jour, 38 États l'ont ratifié ou y ont adhéré.

Bien que cet accord date de 1997, le projet de loi autorisant l'adhésion de la France à cet accord n'a été déposé devant l'Assemblée nationale par le Gouvernement que le 28 juillet 2010, soit plus de 13 ans après.

Alors que le droit international de la mer présente une importance particulière pour notre pays et que la France dispose d'un juge au sein de ce tribunal, votre rapporteur regrette le manque d'empressement des autorités françaises à adhérer à cet accord.

C. LA RÉSERVE QU'ENTEND FAIRE LA FRANCE CONCERNANT L'EXEMPTION FISCALE

L'article 11 de l'accord pose le principe d'une exonération d'impôts concernant les traitements, émoluments et indemnités versés aux membres et aux fonctionnaires du tribunal.

Comme cela est indiqué dans l'étude d'impact annexée au projet de loi, le Gouvernement envisage toutefois de faire une réserve sur cet article, au moment du dépôt de l'instrument d'adhésion.

Cette réserve aurait deux objets.

D'une part, le Gouvernement souhaite exclure les indemnités du champ de cette exemption d'imposition, qui ne concernerait donc que les traitements et émoluments.

D'autre part, s'agissant des membres et fonctionnaires du tribunal qui résideraient en France, le Gouvernement entend conserver la possibilité de prendre en compte les revenus exonérés pour déterminer le taux applicable à l'ensemble des revenus de ces personnes.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, cette réserve résulte d'une demande de la direction de la législation fiscale du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Selon cette direction, telle qu'elle est rédigée, la clause d'exonération figurant à l'article 11 n'est pas exempte de critiques au regard de la doctrine française en matière de privilèges fiscaux, qui encadre strictement ces avantages du fait de leur caractère très dérogatoire.

En particulier, cette doctrine conduit à n'accepter aucune exonération d'impôt sur le revenu en faveur du personnel d'un organisme international sans qu'il y ait en contrepartie une imposition interne effective de ces personnels par l'organisation elle-même. Elle répond ainsi au souci de ne pas constituer une catégorie de fonctionnaires fiscalement privilégiés, par une exemption totale d'impôt sur le revenu.

A cet égard, on peut faire observer que le principe d'un impôt interne est prévu par le statut du personnel du Tribunal international sur le droit de la mer.

Ensuite, en règle générale, les fonctionnaires ou agents ne bénéficient en principe d'une exonération qu'à raison des seuls traitements et émoluments versés par les organismes internationaux. Les indemnités sont donc, sauf exception, exclues, du bénéfice de l'exemption.

Enfin, de tels accords doivent prévoir en principe que l'Etat de résidence des membres du personnel conserve la possibilité de prendre en compte les revenus exonérés pour déterminer le taux applicable à l'ensemble des revenus de ces personnes. Cette règle, dite du taux effectif, est particulièrement importante pour la France, en ce qu'elle permet de maintenir la cohérence du système d'imposition, basé sur le principe de la progressivité de l'impôt.

La France devrait donc formuler une réserve à l'article 11 de l'accord, qui aurait pour objet de limiter l'exemption d'imposition prévue en faveur des membres et fonctionnaires du tribunal aux seuls « traitements et émoluments » et de prendre en compte les revenus exonérés de ceux d'entre eux qui seraient résidents en France pour déterminer le taux applicable à l'ensemble de leurs revenus.

Votre rapporteur partage entièrement les observations de la direction de la législation fiscale et soutient pleinement la réserve qu'entend faire le Gouvernement sur ce point.

CONCLUSION

La France, qui dispose du deuxième espace maritime du monde, derrière les Etats-Unis, est très concernée par le droit international de la mer.

Qu'il s'agisse de la protection du milieu marin ou de l'exploitation de ses ressources, notre pays a des intérêts à protéger et des valeurs à défendre au niveau international.

La France doit donc pouvoir exercer une influence sur la construction et l'interprétation jurisprudentielle de ce droit, notamment au sein du Tribunal international du droit de la mer, où elle dispose actuellement d'un juge.

La ratification de cet accord permettra à notre pays de confirmer son engagement en faveur du Tribunal international du droit de la mer et, plus largement, des progrès du droit international de la mer.

Votre rapporteur vous recommande donc l'adoption de ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 19 janvier 2011, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du présent projet de loi.

A la suite de l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. René Beaumont - Le Tribunal international du droit de la mer peut-il être compétent pour des litiges concernant les cours d'eaux internationaux, à l'image du Rhin ? Dans le cadre de mon rapport sur la ratification de la convention des Nations unies de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, je m'étais intéressé plus particulièrement à cette problématique.

M. André Trillard - Les cours d'eau ou lacs internationaux ne sont pas régis par la convention des Nations unies sur le droit de la mer, qui porte sur le droit international de la mer. Il existe un droit international fluvial, avec la convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation, qui prévoit, dans son annexe, le recours à un tribunal arbitral pour le règlement des litiges.

Il existe aussi des conventions régionales, comme la convention-cadre d'Helsinki de 1992, et des conventions bilatérales.

Concernant le Rhin, il existe la Commission centrale pour la navigation du Rhin, dont l'origine remonte à 1815 et qui prévoit la création d'une juridiction spéciale.

M. André Dulait - Les pays riverains de la mer Caspienne ont-ils signé et ratifié la convention des Nations unies sur le droit de la mer et ont-ils adhéré à cet accord ?

M. André Trillard - Parmi les pays riverains de la mer Caspienne, seule la Russie a signé et ratifié la convention des Nations unies sur le droit de la mer. L'Iran a signé la convention mais ne l'a pas ratifiée. Le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan n'ont pas signé cette convention.

Toutefois, le statut juridique de la mer Caspienne ne fait pas l'objet d'un consensus. Certains pays riverains, comme la Russie ou l'Iran, estiment que son statut est celui d'un lac, tandis que les autres considèrent qu'il doit être celui d'une mer.

Compte tenu des importants enjeux et des nombreux différends qui existent entre les pays riverains, notamment sur la délimitation du plateau continental, seul un accord entre ces pays permettrait de clarifier le statut juridique de la mer Caspienne.

La commission adopte le présent projet de loi et propose qu'il fasse l'objet d'un examen en forme simplifiée en séance publique.


* 1 après la décision « Essais nucléaires »

* 2 après la décision « Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci »

* 3 Affaire n° 5 dite du « Camouco » (Panama c. France) arrêt du 7 février 2000 ; Affaire n° 6 dite du « Monte Confurco » (Seychelles c. France) arrêt du 18 décembre 2000, Affaire n° 8 dite du « Grand Prince » (Belize c. France), arrêt du 20 avril 2001.

* 4 Voir l'allocution prononcée par M. José Luis Jesus, Président du Tribunal international du droit de la mer sur « le rôle du TIDM dans le règlement des différends relatifs au droit de la mer » à la conférence intitulée «la mondialisation et le droit de la mer » à Washington le 2 décembre 2010.

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