SECTION 3 - Dispositions relatives à l'informatique, aux fichiers et aux libertés

Article 29 (art. 11 et 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés) - Caractère contradictoire du rapport annuel de la CNIL et composition pluraliste de la Commission

I) Le texte de la proposition de loi initiale

Le présent article reprend deux des articles de la proposition de loi (n° 1659) de Mme Delphine Batho et M. Jacques Alain Bénisti relative aux fichiers de police, proposition adoptée le 16 juin 2009 par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Cet article a deux objets :

- le 1° crée une procédure contradictoire entre la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et les ministères concernés, procédure qui impose à la première, avant la publication de son rapport annuel, d'interroger et de recueillir les réponses des seconds sur certaines observations qu'elle prévoit de leur adresser ; la CNIL ferait ainsi connaître aux ministères concernés ou aux organismes qui mettent en oeuvre des traitements de données pour le compte de l'État « les observations provisoires pour lesquelles elle estime nécessaire de susciter leurs remarques » ;

- le 2° prévoit le respect du pluralisme politique pour les nominations des deux députés et deux sénateurs membres de la CNIL. L'auteur de la proposition de loi considère qu'au regard de l'importance que revêt l'action de la CNIL dans le domaine de la protection des données à caractère personnel, il est nécessaire que l'opposition soit représentée au sein de cette autorité de contrôle.

II) Le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, l'Assemblée nationale avait, sur proposition de sa commission des lois, pris en compte les observations du Conseil d'Etat tendant à compléter les obligations , prévues par la proposition de loi, qui entendent définir le caractère contradictoire du rapport public.

Elle avait ainsi prévu que c'est non pas seulement sur les « observations provisoires sur lesquelles elle estime nécessaire de susciter leurs remarques » que la CNIL devrait recueillir les remarques des personnes et organismes en cause, mais, plus généralement, sur toutes les observations relatives à toute personne ou à tout organisme susceptible de figurer in fine dans son rapport public. Elle a considéré que les règles de la procédure administrative contradictoire étaient en effet susceptibles de s'appliquer à l'ensemble des personnes publiques ou privées citées par le rapport de la CNIL.

Par ailleurs, la commission des lois avait prévu la publication dans le rapport public des réponses formulées par les ministres, personnes et organismes aux observations de la CNIL, sur le modèle de la procédure applicable à la Cour des comptes.

III) La position du Sénat en première lecture

En première lecture, votre commission a rappelé qu'elle avait déjà eu l'occasion de débattre du présent article dans les termes adoptés par l'Assemblée nationale, puisqu'un amendement présenté par M. Christian Cointat, rapporteur au nom de la commission des lois de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l'heure du numérique 18 ( * ) , le reprenait à l'identique. Un débat s'était alors engagé au sein de votre commission sur cet amendement.

Notre collègue M. Alex Türk s'était déclaré défavorable à la procédure contradictoire imposée à la CNIL, considérant que, d'une part, elle rendrait très complexe l'établissement du rapport annuel de cette institution, d'autre part, qu'elle n'était pas conforme à la nature de la CNIL, qui n'est pas une juridiction, à la différence de la Cour des comptes.

Rejoignant cette analyse, M. Jean-Pierre Michel avait souligné en outre que l'adoption de cet amendement conduirait à étendre cette procédure à toutes les autorités administratives indépendantes, ce qui ne lui avait pas paru souhaitable.

En conséquence, votre commission n'avait pas approuvé cette nouvelle procédure mais avait, en revanche, adopté le dispositif tendant à assurer la représentation pluraliste de la CNIL , ce qu'avait ensuite confirmé notre assemblée le 23 mars 2010 (article 2 bis de la proposition de loi).

En première lecture, votre commission s'était déclarée toujours favorable à cette représentation pluraliste mais avait considéré que cette disposition avait davantage sa place dans la proposition de loi précitée sur la vie privée à l'heure du numérique, proposition de loi qui constitue la traduction législative des recommandations du rapport d'information d'un groupe de travail de la commission des lois et qui comporte de nombreuses autres modifications de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Or, ce texte est en instance à l'Assemblée nationale depuis bientôt un an.

En conséquence, votre commission avait supprimé l' article 29 , suppression confirmée en séance publique.

IV) La position de l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a rétabli le présent article, comme elle a rétabli les articles 29 bis à 29 nonies (cf. infra ), considérant que la proposition de loi précitée sur la vie privée à l'heure des mémoires numériques avait été adoptée par le Sénat « malgré l'avis défavorable du Gouvernement » et que dans ces conditions, « on peut penser que cette proposition de loi ne pourra pas être définitivement adoptée dans des délais rapprochés. » 19 ( * )

Par ailleurs, lors des débats en commission, notre collègue M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, a appelé à un certain « réalisme », considérant que la présente proposition de loi est « dans une dynamique qui lui permettra d'entrer rapidement en vigueur ; y introduire ces dispositions est le meilleur moyen de permettre leur application au plus vite. »

V) La position de votre commission

Votre commission, d'une part, a maintenu son opposition à l'instauration d'une procédure contradictoire imposée à la CNIL pour l'établissement de son rapport d'activité, d'autre part, a estimé que la disposition relative à la représentation pluraliste de la CNIL avait davantage sa place dans la proposition de loi précitée sur la vie privée à l'heure du numérique, proposition qui a été transmise à l'Assemblée nationale le 24 mars 2010.

En conséquence, sur proposition de son rapporteur, votre commission a supprimé l'article 29, comme les articles 29 bis à 29 septies et 29 nonies (cf. infra ).


* 18 Texte n° 93 (2009-2010) de M. Yves DÉTRAIGNE et Mme Anne-Marie ESCOFFIER, déposé au Sénat le 6 novembre 2009 ; voir le dossier législatif sur Internet http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl09-093.html

* 19 Voir, dans le rapport n° 3112 de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le commentaire de l'article 29 : http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r3112.asp

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