Article 3 bis (supprimé) (art. 25 du code civil) Possibilité de déchoir de la nationalité française les auteurs de meurtre ou de violences volontaires ayant entraîné la mort sans l'intention de la donner de dépositaires de l'autorité publique

Cet article, qui résultait d'un amendement du gouvernement adopté en commission des lois de l'Assemblée nationale, ajoutait initialement la condamnation pour un crime ou des violences ayant entraîné la mort d'un dépositaire de l'autorité publique à la liste des motifs susceptibles de permettre à l'autorité administrative de déchoir de la nationalité française, une personne l'ayant acquise récemment.

Il s'agissait de la traduction d'une des mesures annoncées par le Président de la République dans le discours de Grenoble du 30 juillet 2010.

Constatant que le meurtre d'un représentant de l'ordre constitue un acte d'une gravité exceptionnelle et une atteinte intolérable à l'autorité de l'État, votre commission avait accepté le principe de cette extension, tout en soulignant que la procédure de déchéance de nationalité était soumise au respect d'exigences constitutionnelles et conventionnelles claires et rigoureuses. Souhaitant, pour cette raison, garantir son entière conformité aux principes constitutionnels et aux engagements internationaux de la France, elle avait, à l'initiative de son rapporteur, apporté deux modifications au présent article.

La première, applicable à l'ensemble des cas de déchéance de nationalité, consistait à imposer le respect d'une exigence de proportionnalité stricte entre les conséquences pour l'intéressé de cette sanction et la gravité des faits perpétrés dont rendent compte, en particulier, le quantum et la nature de la peine à laquelle il a été condamné. Il s'agissait ainsi non seulement d'assurer la constitutionnalité du dispositif mais aussi de se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne 9 ( * ) , qui prévoit une telle exigence, et d'éviter que la déchéance de nationalité puisse être prononcée, en raison de leur seule nature, pour des faits ne présentant pourtant pas un caractère de gravité suffisant.

La seconde modification apportée par votre commission tendait à limiter le champ d'application du nouveau cas de déchéance de nationalité créé par l'article aux seuls meurtres commis contre un représentant des forces de l'ordre ou un magistrat. Votre commission avait en effet observé que la liste des personnes « dépositaires de l'autorité publique » à laquelle renvoyait initialement l'article, était particulièrement longue. Elle inclut en effet une grande part des fonctionnaires publics ou des agents participant à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Or, quelle que soit l'importance de leur action, l'activité des intéressés n'est ni assimilable ni comparable à celle des forces de l'ordre, que leur métier amène à être confrontés directement, au péril de leur vie, aux délinquants.

En séance publique, le Sénat a adopté trois amendements identiques supprimant l'extension du champ d'application de la sanction de déchéance de nationalité aux meurtriers de magistrats ou de représentants des forces de l'ordre. La garantie de proportionnalité apportée par votre commission à tous les cas existants de déchéance de nationalité a cependant été conservée.

À l'initiative du gouvernement, la commission des lois de l'Assemblée nationale a rétabli son texte initial, en en limitant toutefois, à l'instar de ce qu'avait proposé votre commission, le champ d'application.

Auraient pu ainsi être déchus de la nationalité aux termes de la nouvelle rédaction du présent article, les personnes condamnées pour le meurtre ou les violences ayant entraînés la mort d'un membre du corps préfectoral, d'un magistrat, d'un fonctionnaire de la police nationale, d'un militaire de la gendarmerie nationale, d'un fonctionnaire des douanes ou de l'administration pénitentiaire, d'un sapeur-pompier professionnel ou volontaire ou d'un agent de police municipale. Cette rédaction ajoutait à la liste retenue par votre commission en première lecture, les membres du corps préfectoral et les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires.

La commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait en revanche pas repris la garantie supplémentaire apportée par le Sénat, à l'initiative de votre commission, imposant le respect d'une exigence de proportionnalité entre la sanction et la gravité des faits commis. Le rapporteur de l'Assemblée nationale n'avait pas indiqué les motifs de cette suppression. Or celle-ci paraissait d'autant plus regrettable que la condition de proportionnalité stricte, applicable à tous les cas de déchéance de nationalité, visait à garantir la conformité de cette procédure à la Constitution ainsi qu'aux engagements internationaux de la France.

Sensibilisée, entre l'examen en commission et le débat en séance publique, aux difficultés juridiques que soulèveraient l'adoption de cette rédaction et souhaitant placer la réflexion sur ce texte dans le cadre des travaux engagés par la mission d'information sur la nationalité constituée au sein de l'Assemblée nationale, la commission des lois a finalement déposé un amendement de suppression de cet article. Suivant le même cheminement, le gouvernement a donné un avis favorable aux amendements de suppression déposés par des députés de différentes sensibilités, qui ont tous été adoptés.

Si l'on peut regretter que l'occasion n'ait pas été saisie de lever toutes les incertitudes juridiques de la procédure de déchéance de nationalité actuellement définie à l'article 25 du code civil, en rétablissant l'exigence d'une stricte proportionnalité adoptée par votre Assemblée, la suppression de l'extension proposée est conforme au vote du Sénat.

Votre commission a en conséquence maintenu la suppression de l'article 3 bis .


* 9 CJUE, C-135/08, Janko Rottman contre Freistaat Bayern , non encore publié au recueil. L'arrêt porte sur une décision de retrait de la nationalité.

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