Article 75 (art. L. 741-4 du CESEDA) Hypothèses justifiant l'examen d'une demande d'asile selon la procédure prioritaire

Le présent article tend à préciser la notion de « demande d'asile reposant sur une fraude délibérée » justifiant l'examen de la demande selon la procédure prioritaire. Il a par ailleurs été complété en première lecture par notre Assemblée par des dispositions relatives à la définition de la notion de pays d'origine sûr.

1 - Précision de la notion de « demande d'asile reposant sur une fraude délibérée »

Aux termes du texte initial du projet de loi, le 4° de l'article L. 741-4 du code des étrangers précisait que la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée.

En première lecture, votre commission avait souhaité atténuer la rigueur du dispositif proposé par cet article en réservant l'hypothèse où le demandeur a dissimulé des éléments sur son identité ou son entrée en France pour des « motifs légitimes » - l'objectif étant par exemple de permettre à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte les menaces éventuellement proférées par des passeurs afin de contraindre le demandeur d'asile à taire certains éléments de son parcours.

Les députés n'ont pas souhaité retenir cette notion de « motifs légitimes », estimant qu'une telle excuse « était trop vague pour pouvoir être appliquée sans donner lieu à multiplication des contentieux et des recours » 31 ( * ) .

En toutes hypothèses, votre commission souligne que les motifs pour lesquels le demandeur d'asile a éventuellement tu ou altéré certains éléments de son identité ou de son parcours seront examinés par le juge administratif, saisi de la décision de placement en procédure prioritaire sur le fondement d'un référé-liberté par exemple, lequel devra examiner si le demandeur poursuivait le but « d'induire en erreur les autorités », comme le précise le dispositif, ou s'il était animé d'une intention différente.

Par ailleurs, votre commission avait, en première lecture, adopté un amendement de coordination de son rapporteur tendant à compléter l'article 75 afin de faire référence au pays dans lequel le demandeur d'asile avait sa résidence habituelle - notion utilisée par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés pour déterminer le pays d'origine lorsque le demandeur d'asile n'a pas de nationalité.

Là encore, la commission des lois de l'Assemblée nationale n'a pas suivi notre Assemblée et a supprimé cette référence au pays de résidence habituelle du demandeur, estimant « que l'alignement rédactionnel sur l'articler 1 A de la convention de Genève n'avait pas lieu d'être dès lors que le nouveau dispositif sera plus protecteur pour les apatrides, qui ne pourront se voir opposer la nouvelle voie de recours abusif ».

Votre commission attire l'attention sur la nécessité de ne pas confondre le droit d'asile et le droit de l'apatridie, qui relèvent de deux régimes juridiques différents. Toutefois, elle admet qu'au stade de l'examen sommaire réalisé par les services des préfectures pour statuer sur le droit au séjour du demandeur d'asile, il n'est peut-être pas indispensable d'établir avec certitude la situation juridique du demandeur au regard de son pays d'origine - cet examen relevant davantage de l'OFPRA et de la CNDA.

Votre commission a donc entériné le texte proposé par les députés pour le 2° de cet article.

2 - Précision de la notion de pays d'origine sûr

Le présent article a par ailleurs été complété par notre Assemblée en première lecture, à l'initiative de Mmes Alima Boumediene-Thiery et Eliane Assassi, avec l'avis favorable de votre commission et défavorable du Gouvernement, par des dispositions tendant à introduire dans l'article L. 741-4 du code des étrangers la définition de la notion de « pays d'origine sûr » retenue par la directive 2005/85/CE du 1 er décembre 2005.

A l'heure actuelle, l'article L. 741-4 du code des étrangers définit le pays d'origine sûr comme le pays qui « veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'Etat de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». La demande d'asile formulée par un étranger issu d'un pays d'origine sûr peut être examinée selon la procédure prioritaire.

Les dispositions insérées par notre Assemblée visent à considérer qu'un pays est considéré comme sûr « lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture ni à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison de violences dans des situations de conflit armé international ou interne ».

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture, votre rapporteur avait estimé que cette définition était plus explicite que celle qui figure à l'article L. 741-4 du code des étrangers, et qu'en particulier, en visant la notion de « peines ou traitements inhumains ou dégradants », elle permettait de prendre explicitement en compte les mauvais traitements tels que l'excision ou les mariages forcés par exemple.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé ces dispositions, considérant que celles-ci avaient « une portée très large et [risquaient] de réduire à la portion congrue l'intérêt de la procédure prioritaire [...]. En effet, la rédaction actuelle de l'article L. 741-4 du CESEDA ne pose aucune difficulté juridique : elle a été reconnue conforme au droit d'asile par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2003-485 DC du 4 décembre 2003 et est également conforme à la directive du 1 er décembre 2005, comme l'a reconnu le Conseil d'Etat dans une décision du 23 juillet 2010. D'autre part, la rédaction adoptée par le Sénat est apparue tronquée puisque seule la première partie de l'annexe II a été reprise. Or celle-ci est indissociable des autres dispositions de cette annexe, qui précisent les conditions dans lesquelles se réalise l'évaluation du pays d'origine sûr, et indiquent qu'il est tenu compte de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre les mauvais traitements. En ne gardant que la première partie de l'annexe, les auteurs de la disposition ont méconnu le sens de la directive et rendu quasiment impossible la reconnaissance d'un pays comme pays d'origine sûr » 32 ( * ) .

Votre commission estime pour sa part que les deux définitions - nationale et communautaire - retenues pour la notion de pays d'origine sûr se recoupent pour l'essentiel, la seconde étant toutefois plus explicite que la première. En particulier, le juge administratif, appelé à se prononcer sur l'inscription d'un nouveau pays sur la liste des pays d'origine sûrs par le conseil d'administration de l'OFPRA, examine les risques pour les demandeurs d'asile d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans leur pays. C'est ainsi que, par une décision du 23 juillet 2010, le Conseil d'Etat a notamment exclu le Mali des pays d'origine sûrs s'agissant des demandeurs d'asile de sexe féminin, au regard de la prévalence de l'excision dans cet Etat 33 ( * ) .

Votre commission a adopté l'article 75 sans modification.


* 31 Rapport précité, page 158.

* 32 Rapport précité, page 158.

* 33 CE, 23 juillet 2010, Amnesty International.

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