EXAMEN DES ARTICLES
TITRE IER - DROITS DES PERSONNES FAISANT L'OBJET DE SOINS PSYCHIATRIQUES

Article 1er (art. L. 3211-1 à L. 3211-12-6 du code de la santé publique, et art. L. 111-12 du code de l'organisation judiciaire) - Modalités de prise en charge des personnes faisant l'objet de mesures de soins sans leur consentement et contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention

Objet : Cet article tend à permettre la dispensation de soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète et à prévoir un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur les mesures d'hospitalisation.

I. - Le texte initial du projet de loi

1. La création d'un régime de soins sans consentement hors de l'hôpital

L'article 1 er tend à modifier le code de la santé publique pour permettre la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans leur consentement sous une autre forme que l'alternative à l'hospitalisation complète.

Il tend en particulier à insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 3211-2-1 définissant les conditions de prise en charge des personnes recevant des soins sans consentement. Après l'adoption du projet de loi, ces personnes pourront être prises en charge :

- sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement habilité ;

- sous une autre forme incluant des soins ambulatoires, pouvant comporter des soins à domicile, dispensés par un établissement habilité et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.

Le projet de loi initial prévoyait qu'un protocole de soins était établi lorsque les soins prenaient une autre forme que l'hospitalisation complète. Le protocole devait définir les types de soins, les lieux de leur réalisation et leur périodicité, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, le texte tend à insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 321-2-2 prévoyant la création d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète pour toute personne admise en soins psychiatriques sans son consentement.

La durée de la période d'observation ne pourra dépasser soixante-douze heures. Dans les vingt-quatre heures de l'admission, un psychiatre de l'établissement devra établir un certificat constatant l'état mental de la personne et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques. Un nouveau certificat devra être établi dans les soixante-douze heures.

A l'issue de la période d'observation, le texte prévoit que lorsque les deux certificats ont conclu à la nécessité de maintenir les soins, un psychiatre de l'établissement propose dans un avis motivé la forme de prise en charge du patient et, le cas échéant, le protocole de soins.

Par ailleurs, le projet de loi renforce les droits des patients faisant l'objet de soins sans leur consentement , en modifiant les dispositions de l'article L. 3211-3 du code de la santé publique.

En particulier toute personne faisant l'objet de soins psychiatriques sans son consentement devra être informée :

- le plus rapidement possible et d'une manière appropriée à son état, de la décision d'admission et de chacune des décisions de maintien des soins, ainsi que des raisons qui les motivent ;

- dès l'admission ou aussitôt que son état le permet, et par la suite à sa demande et après chacune des décisions de maintien des soins, de sa situation juridique, de ses droits, des voies de recours qui lui sont ouvertes et de la procédure permettant un contrôle systématique du juge des libertés et de la détention sur les mesures d'hospitalisation complète.

Le texte précise que l'avis de la personne sur les modalités des soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible.

2. Les dispositions applicables à certaines catégories de patients

Le projet de loi prévoit des procédures renforcées pour l'examen par le préfet et le juge des libertés et de la détention de la situation de deux catégories de personnes :

- celles qui font l'objet de soins sans consentement et ont déjà été hospitalisées à la suite d'une déclaration d'irresponsabilité pénale ;

- celles qui font l'objet de soins sans consentement et ont déjà séjourné dans une unité pour malades difficiles (UMD) , pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

La mainlevée des mesures de soins sans consentement concernant ces personnes ne pourra intervenir qu'après avis d'un collège de soignants et le recueil de deux expertises psychiatriques.

Le texte proposé pour l' article L. 3211-9 du code de la santé publique prévoit précisément la convocation d'un collège composé de membres du personnel de l'établissement .

Ce collège sera chargé d'émettre un avis dans les situations suivantes :

- lorsque le juge des libertés et de la détention statuera sur les demandes de mainlevée des mesures de soins dont font l'objet, sans leur consentement, les personnes appartenant à l'une des catégories précitées ;

- lorsque le juge des libertés et de la détention exercera un contrôle de plein droit sur les mesures d'hospitalisation complète des mêmes personnes dans les quinze jours suivant leur admission puis tous les six mois ;

- pour tous les patients, lorsque le directeur d'établissement devra se prononcer sur le maintien d'une mesure de soins sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, dont la durée excède une période continue d'un an ;

- lorsque le préfet envisagera de décider une forme de prise en charge autre que l'hospitalisation complète pour les mesures de soins dont font l'objet les personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables ou ayant séjourné en LMD ;

- lorsque le préfet envisagera de lever les mesures de soins dont les mêmes personnes font l'objet sur sa décision.

Le projet de loi initial prévoyait que le collège serait composé d'un psychiatre participant à la prise en charge du patient, d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge et d'un cadre de santé.

Enfin, le projet de loi modifie l' article L.3211-11-1 , relatif aux autorisations d'absence de courte durée, notamment pour remplacer cette terminologie par celle d'autorisations de sortie accompagnée.

Dans le cas des personnes hospitalisées d'office, ces sorties doivent aujourd'hui être autorisées par le préfet, mais l'absence de réponse de celui-ci vaut autorisation implicite. Le projet de loi initial rendait nécessaire une autorisation explicite du préfet pour les autorisations de sortie concernant des patients ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale.

3. Le contrôle des mesures de soins sans consentement par le juge des libertés et de la détention

Pour tenir compte de la décision du 26 novembre 2010 du Conseil constitutionnel, par laquelle celui-ci a exigé que les mesures d'hospitalisation sous contrainte donnent lieu à un contrôle systématique du juge dans un délai de quinze jours, l'article premier du projet de loi modifie les conditions dans lesquelles le juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle les mesures de soins sans consentement. La saisine du juge est prévue dans deux cas :

- comme actuellement, à l'initiative de la personne faisant l'objet d'une mesure de soins sans consentement, ou d'autres personnes intéressées, aux fins d'ordonner la levée de cette mesure ;

- de façon obligatoire, à l'initiative du directeur de l'établissement ou du préfet, aux fins de contrôler de plein droit la nécessité du maintien de toute mesure de soins sans consentement prenant la forme d'une hospitalisation complète.

Le juge devra obligatoirement statuer sur l'hospitalisation sans consentement d'une personne :

- avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de son admission en soins sans consentement ;

- avant l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la décision par laquelle le directeur de l'établissement ou le préfet modifient la forme de la prise en charge d'une personne en procédant à son hospitalisation complète ;

- avant l'expiration d'un délai de six mois suivant soit toute décision judiciaire prononçant l'hospitalisation d'office d'une personne pénalement irresponsable, soit toute décision par laquelle le juge des libertés et de la détention, saisi dans le cadre d'un recours facultatif ou d'un recours obligatoire, a statué sur la nécessité de la mesure de soins sous contrainte, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision .

Si le juge ne statue pas dans les délais requis, la mainlevée sera acquise. Lorsqu'il est saisi de manière tardive (moins de trois jours avant l'expiration du délai), le juge constate que la mainlevée est acquise sauf circonstances exceptionnelles.

Les ordonnances du JLD pourront faire l'objet d'un appel devant le Premier président de la Cour d'appel ou son délégué.

II. - Les modifications apportées au cours des lectures successives

1. La création d'un régime de soins sans consentement hors de l'hôpital

En première lecture, l'Assemblée nationale n'a que peu modifié ces dispositions qui constituent le coeur du projet de loi. Elle a cependant prévu que la personne admise en soins psychiatriques sans consentement devait faire l'objet d'un « examen somatique complet » dans les vingt-quatre heures suivant le début de la période d'observation.

Lors de la première lecture au Sénat , les dispositions relatives aux soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète ont suscité un débat intense.

La présidente de la commission, Muguette Dini, initialement rapporteure du projet de loi, a proposé de les supprimer, considérant que la réflexion et la concertation sur ce concept profondément novateur n'avaient pas été suffisamment approfondies. Elle proposait de renvoyer cette question à la loi de santé mentale appelée de ses voeux par la commission.

Après le rejet par la commission des affaires sociales du texte qu'elle avait élaboré, votre rapporteur, désigné en remplacement de Muguette Dini, a recherché les moyens de clarifier les dispositions du projet de loi et d'éviter toute interprétation erronée.

A l'initiative d'Alain Milon et de votre rapporteur, le Sénat a apporté plusieurs modifications importantes au régime des soins sans consentement :

- il a prévu de remplacer l'expression « soins psychiatriques sans consentement » par une référence aux « soins auxquels une personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux » ;

- il a remplacé les références à des « formes » de soins par des références à des « lieux » de soins en distinguant la prise en charge dans :

o des unités d'hospitalisation temps plein ;

o des unités alternatives à l'hospitalisation temps plein, des lieux de consultations, des lieux d'activités thérapeutiques, et dans le lieu de vie habituel du patient ;

- il a remplacé le « protocole de soins » par un « programme de soins » ;

- il a apporté plusieurs précisions aux modalités d'établissement du programme de soins en prévoyant que :

o le programme ne peut être modifié que par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient et pour tenir compte de l'évolution de son état de santé ;

o la définition du programme de soins et ses modifications sont précédées par un entretien au cours duquel le psychiatre délivre au patient l'information sur le projet de décision et recueille son avis. L'information porte notamment sur les modifications du lieu de la prise en charge qui peuvent s'avérer nécessaires en cas d'inobservation du programme de soins ou de dégradation de l'état de santé ;

o lorsque les soins psychiatriques comportent un traitement médicamenteux, le programme de soins peut en faire état. Le détail du traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d'administration et la durée, est prescrit sur une ordonnance distincte du programme de soins.

Par ailleurs, à l'initiative de Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois, le Sénat a précisé que le patient était informé de son droit de refuser les soins et des dispositions qui imposent au psychiatre de proposer une hospitalisation à temps plein lorsqu'il constate que la prise en charge du patient décidée sous une autre forme ne permet plus de dispenser les soins nécessaires à son état.

En deuxième lecture , l'Assemblée nationale s'est opposée à la plupart des modifications apportées par le Sénat sans cependant toujours revenir au texte initial du projet de loi.

Refusant la référence aux soins psychiatriques auxquels une personne n'est pas à même de consentir du fait de ses troubles mentaux, l'Assemblée nationale a fait le choix de supprimer dans cet article toute référence aux soins psychiatriques sans consentement et de renvoyer aux chapitres II et III du titre I er du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, respectivement consacrés aux soins psychiatriques sans consentement à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent et aux soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a rétabli la référence aux formes de soins de préférence à la référence aux lieux de soins proposée par le Sénat. Elle s'est opposée à la mention de la possibilité pour le patient de refuser les soins tout en précisant que son avis est recueilli préalablement à la définition du programme de soins.

L'Assemblée a enfin complété les dispositions relatives aux soins sans consentement en insérant dans le code de la santé publique un article L. 3211-2-3 pour prévoir que lorsqu'une personne remplissant les conditions pour être admise en soins sans consentement est prise en charge en urgence par un établissement qui n'est pas habilité à recevoir des patients hospitalisés sans consentement, son transfert vers un établissement habilité est organisé dans des délais adaptés à son état de santé et au plus tard sous quarante-huit heures. La période d'observation et de soins prendrait alors effet dès le début de la prise en charge.

Ces dispositions nouvelles peuvent susciter des interrogations. Dès lors que les personnes concernées ne sont pas encore admises en soins sans consentement, bénéficieront-elles des droits des patients admis en soins sans consentement ? Si tel n'est pas le cas, la durée de quarante-huit heures n'est-elle pas excessive ? Si la période d'observation commence à courir dès le début de la prise en charge, en va-t-il de même pour le délai donné au juge des libertés et de la détention pour examiner la situation des personnes faisant l'objet de soins sans consentement sous forme d'une hospitalisation complète ?

D'après les informations transmises à votre rapporteur par le Gouvernement, tant que la personne n'est pas admise en soins sans consentement, elle est prise en charge en urgence comme n'importe quel autre patient et peut donc quitter l'hôpital à tout moment. En outre, la durée de la prise en charge en urgence serait prise en compte dans le délai donné au juge des libertés pour statuer.

2. Les dispositions applicables à certaines catégories de patients

En première lecture, l'Assemblée nationale a apporté une importante modification à ces dispositions en prévoyant un « droit à l'oubli » pour les personnes ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. Elle a prévu que le recours au collège et l'exigence de deux expertises ne s'appliqueraient plus après une durée fixée par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, elle a modifié la composition du collège de soignants pour remplacer le cadre de santé par un membre de l'équipe pluridisciplinaire .

Le Sénat a, à son tour modifié ces dispositions. Il a en particulier fixé à dix ans à compter de la fin du séjour en UMD ou de l'hospitalisation d'office judiciaire le délai permettant la mise en oeuvre du « droit à l'oubli ».

Il a en outre prévu que ne seraient concernées par la procédure particulière que les patients hospitalisés sur décision du représentant de l'Etat.

Il s'est également opposé à l'exigence d'une autorisation explicite pour les autorisations de sortie accompagnées, observant qu'une personne pourrait ne jamais bénéficier d'autorisation de sortie si le préfet gardait systématiquement le silence. Il a en conséquence rétabli le régime de l'autorisation implicite pour l'ensemble des patients.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, tout en apportant des modifications rédactionnelles à ces dispositions, a approuvé les amendements apportés au texte par le Sénat, rejetant en particulier un amendement du Gouvernement qui visait à exiger de nouveau une réponse explicite du représentant de l'Etat pour les autorisations de sortie accompagnée.

3. Le contrôle des mesures de soins sans consentement par le juge des libertés et de la détention

En première lecture, l'Assemblée nationale a complété le dispositif pour prévoir qu'en cas de mainlevée d'une décision d'hospitalisation complète par le JLD, le patient peut être maintenu en hospitalisation pendant une durée de quarante-huit heures pendant laquelle un protocole de soins pourra être établi afin de placer éventuellement le malade en soins sans consentement sous une autre forme que l'hospitalisation.

Le Sénat, lors de l'examen en première lecture, a apporté, notamment à l'initiative de Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis du projet de loi, d'importantes modifications à ces dispositions :

- il a précisé les conditions dans lesquelles se déroulerait l'audience du juge des libertés et de la détention pour :

o prévoir la possibilité que l'audience puisse se dérouler dans les locaux de l'établissement d'accueil si celui-ci dispose d'une salle spécialement aménagée à cet effet ;

o encadrer le recours à la visioconférence en ne l'autorisant que si un avis médical a attesté que l'état mental de la personne ne fait pas obstacle à ce procédé et si le directeur de l'établissement d'accueil s'est assuré de l'absence d'opposition du patient ;

o permettre au juge de statuer en chambre du conseil et non en audience publique ;

- il a modifié les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale permettant le maintien d'une hospitalisation pendant quarante-huit heures après la mainlevée d'hospitalisation afin de permettre l'élaboration d'un programme de soins.

Estimant que cette mesure risquait de porter une atteinte excessive aux droits de la personne hospitalisée, le Sénat a prévu la possibilité pour le juge lui-même, au vu des éléments du dossier et par décision motivée, de décider que la mainlevée prend effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures, afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi ;

- il a précisé la procédure applicable en cas d'appel des décisions du juge des libertés.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles et de coordination à ces dispositions. Elle a en outre inséré dans le code de la santé publique un article L. 3211-12-6 pour prévoir qu'en cas de levée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, un psychiatre de l'établissement d'accueil informe le patient, en tant que de besoin, de la nécessité de poursuivre son traitement en soins libres et lui indique les modalités de soins qu'il estime les plus appropriées à son état.

III. - Le texte adopté par la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

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