EXAMEN EN COMMISSION

Mercredi 22 juin 2011

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Mme Catherine Troendle, rapporteur. - Comme nous le savons tous, la sécurité civile est une compétence partagée entre les collectivités territoriales et l'État. On compte aujourd'hui 197 000 sapeurs-pompiers volontaires, soit 79 % du total des sapeurs-pompiers ; en 2009, ces volontaires ont effectué 3 650 000 interventions sur 4 250 000 : ils tiennent donc une part essentielle dans l'organisation des secours. Toutefois, leur nombre ne cesse de diminuer : d'environ 208 000 en 2004, il est passé à moins de 200 000 en 2007.

Le statut des sapeurs-pompiers volontaires résulte notamment de trois lois : une première, en 1991, a renforcé la protection sociale qui leur était accordée ; en 1996, avec la loi relative au développement du volontariat dans les corps des sapeurs-pompiers, le législateur a défini leurs missions et déterminé les règles relatives à leur disponibilité et à l'allocation de vacations et d'indemnités ; enfin, la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a entendu valoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. Je souligne à cet égard, comme je le répète chaque année dans l'avis budgétaire de notre commission sur la sécurité civile, que la loi de 2004 n'est toujours pas intégralement appliquée, ce qui pose de nombreux problèmes sur le terrain...

Les difficultés qui expliquent la « crise des vocations » parmi les sapeurs-pompiers volontaires sont nombreuses : montée de l'individualisme, complexité à concilier une vie familiale et les obligations inhérentes à l'engagement, réticences des employeurs (qui, dans un contexte économique contraint, peinent à accepter les absences des salariés engagés), difficultés de recrutement dans les zones rurales, départementalisation des services d'incendie et de secours (celle-ci ayant entraîné la fermeture de nombreux centres de petite taille), augmentation des poursuites civiles ou pénales... Pour faire face à ces problèmes, le ministère de l'Intérieur a créé, en avril 2009, une commission « Ambition volontariat » qui était présidée par M. Luc Ferry. Rendu le 15 septembre 2009, le rapport de cette commission a très largement inspiré les dispositions de la présente proposition de loi.

À titre liminaire, je rappelle que ce texte a été soumis au Conseil d'État par le président de l'Assemblée nationale, comme le permet l'article 39 de la Constitution : cet examen a poussé les députés à réécrire plusieurs articles. En outre, ont été supprimées des dispositions irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution (à savoir les articles 3, 8, 11, 12, 14 à 19, 22, 26 et 27).

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée est divisée en cinq titres, dont je vais détailler le contenu ; elle présente, en outre, de nombreuses similitudes avec le texte qui avait été déposé par notre collègue Roland Courteau en mars dernier.

Précisément, la présente proposition de loi contient les éléments suivants :

- l'article premier définit l'activité du sapeur-pompier volontaire en la fondant sur le volontariat et le bénévolat : il s'agit d'une grande innovation juridique, qui vise à écarter l'application des règles relatives, notamment, à l'aménagement du temps de travail, et donc à sécuriser le statut des sapeurs-pompiers volontaires par rapport à une directive européenne du 4 novembre 2003 concernant l'aménagement du temps de travail, qui doit prochainement être révisée. La solution retenue par la France pour procéder à cette sécurisation sera d'ailleurs étudiée de près par certains de nos voisins (particulièrement l'Allemagne, l'Autriche et la Pologne), confrontés aux mêmes difficultés que les nôtres pour maintenir la spécificité de leurs sapeurs-pompiers volontaires ;

- l'article 3 bis rappelle que le statut de sapeur-pompier volontaire repose sur un engagement librement décidé, implique un champ d'intervention identique à celui des sapeurs-pompiers professionnels, qu'il peut donner lieu à la reconnaissance de la nation via l'attribution de récompenses et de distinctions et que son accès est ouvert à tous sans critère de nationalité. Il indique également que le régime juridique des sapeurs-pompiers volontaires est exclusif de l'application du droit du travail et du statut de la fonction publique (sauf pour certaines dispositions protectrices concernant, par exemple, les accidents du travail) et que, si l'engagement volontaire ne revêt aucun caractère lucratif, il donne néanmoins droit à certaines contreparties. Enfin, il prévoit que lors du premier engagement, le sapeur-pompier volontaire signera une charte nationale du volontariat rappelant ses droits et ses devoirs ;

- l'article 4 renforce la protection pénale des sapeurs-pompiers volontaires en prenant en considération le contexte d'urgence dans lequel ils accomplissent leurs missions : il s'agit donc de compléter les critères d'appréciation du juge pénal lorsqu'il doit se prononcer sur une infraction non-intentionnelle ;

- les articles 5 et 6 suppriment la durée minimale des actions de formation, qui est aujourd'hui fixée initialement à 30 jours répartis sur les trois premières années, auxquels s'ajoutent cinq jours annuels de perfectionnement sur la même période : à ce système, se substituerait un droit à des actions de formations adaptées et mieux individualisées ;

- l'article 7 prévoit la prise en compte des formations suivies par les sapeurs-pompiers volontaires au titre de la formation professionnelle continue et des obligations de formation des fonctionnaires ;

- l'article 9 recule la limite d'âge fixée pour les concours de la fonction publique, pour une durée égale à celle de l'engagement ;

- l'article 10 complète le dispositif de validation des acquis de l'expérience ;

- l'article 10 bis, relatif aux pharmaciens, permet à ces derniers d'être inscrits sur les tableaux de plusieurs sections et, par ce biais, facilite leur présence au sein des centres de secours ;

- l'article 10 quater prévoit le règlement immédiat des prestations sociales par les SDIS, à charge pour ces derniers de se faire ensuite rembourser : ceci mettra fin aux longs délais que devaient supporter les sapeurs-pompiers volontaires ;

- au titre III, l'article 13 bis étend aux partenaires de PACS et aux concubins le bénéfice des droits à une rente de réversion et au capital-décès d'un sapeur-pompier volontaire, aujourd'hui limités aux conjoints ;

- l'article 13 ter prévoit que l'allocation de vétérance pourra être revalorisée via l'allocation de fidélité ; il s'agira, pour les départements, d'une simple faculté, afin de garantir le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales...

M. Pierre-Yves Collombat. - Une simple faculté ?

Mme Nicole Bonnefoy. - Elle sera, en pratique, obligatoire...

M. Jean-Claude Peyronnet. - Les élus locaux connaissent bien ce genre de facultés !

Mme Catherine Troendle, rapporteur. - L'article 13 quater ouvre la possibilité pour les personnes qui participent à un SDIS d'apporter leur concours aux services de l'État en charge de la sécurité civile.

L'article 22 bis autorise le conseil d'administration d'un SDIS à moduler la contribution des communes et des EPCI en fonction du nombre de sapeurs-pompiers volontaires dans chaque collectivité, des disponibilités qui leur sont accordées ou des mesures sociales mises en place en leur faveur. Ce dispositif concernera avant tout les communes de moins de 5 000 habitants.

L'article 22 ter est important puisqu'il encourage l'implication des élèves dans les formations de sapeurs-pompiers volontaires en leur accordant une bonification pour leurs examens.

L'article 25 crée une commission spéciale nationale chargée de procéder à la validation des acquis de l'expérience, et l'article 25 ter un conseil national des sapeurs-pompiers volontaires qui aura une mission de veille et de proposition. Sa composition devrait être ouverte à la société civile, comme c'est le cas de la commission « Ambition volontariat ».

Au total, le texte est pertinent et cohérent. Son adoption est urgente : il faut permettre à la France de peser dans la négociation sur la révision de la directive de 2003. Je vous propose donc de l'adopter sans modification.

M. Jean-Claude Peyronnet . - Le recrutement bute sur le problème des disponibilités en dehors des week-ends pour ceux qui travaillent. La semaine, ce sont principalement les employés de mairie qui sont opérationnels.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Il faut se donner les moyens de développer le recrutement, une loi n'est pas forcément nécessaire pour cela. Lorsque j'avais la responsabilité du SDIS de Seine-et-Marne, j'ai privilégié la voie du conventionnement avec les collectivités locales, ce qui m'a permis d'élever les effectifs de 1 400 à 2 800 sapeurs-pompiers volontaires. Il est vrai que la Seine-et-Marne dispose d'un atout : beaucoup de sapeurs-pompiers professionnels de Paris habitent la Seine-et-Marne, ce qui constitue une grande ressource pour l'encadrement ou le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires.

M. Jean-Claude Peyronnet . - Sans avoir d'opposition de fond avec ce texte, on peut regretter que son examen se déroule dans l'urgence, au dernier moment, alors que la proposition de loi est déposée depuis longtemps déjà et que le ministre de l'intérieur avait insisté en son temps sur son importance.

Mme Virginie Klès . - La question de la prise en charge des sapeurs-pompiers volontaires victimes d'un accident sur le trajet entre leur domicile et la caserne a-t-elle été réglée ?

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - Ils sont pris en charge au titre de leur participation au SDIS.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il me semble que la départementalisation n'est pas allée sans soulever de difficultés. De même, la cohabitation entre sapeurs-pompiers professionnels et sapeurs-pompiers volontaires ne va pas toujours de soi : on fait parfois sentir aux seconds qu'il existe deux catégories de pompiers, bien différentes.

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - Effectivement, dans le Haut-Rhin, il arrive que les sapeurs-pompiers volontaires soient mis de côté par les sapeurs-pompiers professionnels, ce qui les démotive. Ces comportements existent mais ils ne sont pas la règle.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Tout dépend du commandement. Ainsi, certains volontaires se voient reconnaître des responsabilités au sein de l'état-major, à la condition qu'ils aient les disponibilités nécessaires. En outre, 80 % des sapeurs-pompiers professionnels sont issus des rangs des volontaires. Ils s'en souviennent.

Mme Nicole Bonnefoy . - Des points restent à éclaircir : à qui échoit la responsabilité des dépassements horaires d'un sapeur-pompier volontaire qui enchaîne une garde de nuit après une prolongation de son activité professionnelle jusqu'à la limite de la durée légale ? Par ailleurs, quels dispositifs sont mis en place pour harmoniser les relations entre volontaires et professionnels ? La revalorisation de l'allocation de vétérance prévue par l'article 13 ter est une excellente chose mais elle pose un problème de financement. L'assemblée des départements de France a émis des réserves sur la charge qu'elle représentera pour les SDIS : 30 millions d'euros. Il est regrettable que l'Etat n'en ait pas pris sa part.

Mme Catherine Troendle . - La position de l'assemblée des départements de France est floue : alors qu'elle était réservée à l'origine, son président a récemment déclaré que le texte lui convenait parfaitement dans la mesure où l'article 13 ter n'ouvrait qu'une faculté sans imposer d'obligation. La conférence nationale des services d'incendie et de secours a elle aussi été consultée. Son président, notre collègue M. Eric Doligé, aurait souhaité que l'Etat contribue au financement de cette nouvelle charge. L'utilité de l'article 13 ter est toutefois incontestable : c'est un message fort adressé aux vétérans.

M. Laurent Béteille . - Je suis parfaitement d'accord avec la proposition de loi. On a toutefois l'impression qu'on professionnalise de plus en plus les sapeurs-pompiers volontaires, mais sans vouloir le reconnaître expressément afin de se mettre à l'abri au regard de la directive de 2003. Je note ainsi que le texte accumule les tautologies pour sécuriser le statut des volontaires par rapport à cette directive ; j'en veux pour preuve son article 1er qui prévoit que l'activité de sapeur-pompier volontaire « repose sur le volontariat ».

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - C'est le Conseil d'Etat qui a souhaité cette rédaction afin de sécuriser le statut des sapeurs-pompiers volontaires...

M. Jean-Jacques Hyest , président. - ...Cela dit, l'avis du Conseil d'Etat n'est pas une garantie absolue !

Mme Jacqueline Gourault . - Vous avez fait part de l'accord de l'Assemblée des départements de France sur l'article 13 ter mais je crains que la possibilité qu'ouvre cet article ne se transforme rapidement en charge obligatoire pour les collectivités territoriales et les établissements publics concernés. Or, dans mon département, 48 % des dépenses du SDIS sont assumées par les communes. Accroître leur charge ne serait pas raisonnable compte tenu de leurs difficultés budgétaires.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - La participation des communes et EPCI au financement des SDIS est gelée en euros constants. J'ajoute que, généralement, le département prend en charge 60 % des dépenses du SDIS, même si cette moyenne dissimule, en effet, d'importantes disparités entre départements.

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - Je précise que l'Association des Maires de France que j'ai saisie de la proposition de loi, ne m'a pas fait connaître sa position.

M. André Reichardt . - On demande aux sapeurs-pompiers volontaires d'être de plus en plus professionnels, si bien que le distinguo entre les pompiers volontaires et les professionnels est de plus en plus difficile à établir. A la communauté urbaine de Strasbourg, on fait assurer par des volontaires des permanences pour la totalité de la communauté urbaine, ce qui n'est pas sans poser des difficultés. Quelles différences y a-t-il entre indemnités et vacations ? Je ne suis pas sûr qu'on règle le problème en remplaçant les secondes par les premières. Cela dit, je suis d'accord pour adopter la proposition de loi sans modification.

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - Je rappelle que les articles 5 et 6 de la proposition de loi allègent les formalités applicables aux sapeurs-pompiers volontaires puisque ces articles prévoient des actions de formation plus adaptées et plus individualisées que celles qui existent à l'heure actuelle. Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que le coût d'un volontaire est nettement inférieur à celui d'un professionnel ?

M. André Reichardt . - Je constate parfois des abus de certains professionnels qui démotivent les volontaires.

M. Jean-Jacques Hyest , président. - Encore une fois, tout dépend du commandement ! Dans certains départements, le volontariat est, au contraire, valorisé.

Je propose qu'on suive la proposition de notre rapporteur de voter la proposition de loi sans modification, car ce texte a le mérite d'écarter l'application aux pompiers volontaires des règles relatives à l'aménagement du temps de travail.

M. Jean-Claude Peyronnet . - La sécurité juridique est-elle pour autant garantie ? Le nouveau cadre juridique est-il parfaitement conforme aux exigences communautaires ?

Mme Catherine Troendle , rapporteur. - Le cadre juridique du volontariat déroge à la directive de 2003. La proposition de loi rend cette dérogation juridiquement plus solide.

M. Jean-Jacques Hyest , président. Je note quand même que, sur le plan rédactionnel, cette proposition de loi n'est pas parfaitement aboutie. A titre d'exemple, l'article 22 ter prévoit que « dans des conditions définies par décret, l'engagement des élèves en tant que jeune sapeur-pompier ou sapeur-pompier volontaire est valorisé. ». On peut douter de la normativité de telles dispositions... Cela dit, je constate que ce texte ne suscite aucune opposition, même si l'enthousiasme de la commission est modéré.

La commission adopte la proposition de loi sans modification.

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