ARTICLE 4 (Art. L.245-16 et L.241-2 du code de la sécurité sociale) Augmentation du taux du prélèvement social sur les revenus du capital de 2,2 % à 3,4 %

Commentaire : le présent article propose d'augmenter de 1,2 point le taux du prélèvement social sur les revenus du capital.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX ASSIS SUR LES REVENUS DU CAPITAL RECOUVRENT PLUSIEURS TYPES DE CONTRIBUTIONS POUR UN TAUX GLOBAL DE PRÈLÈVEMENT DE 12,3 %

1. Deux types de revenus concernés : les revenus de placement et les revenus du patrimoine

a) Les prélèvements sociaux dits sur les « revenus du patrimoine »

1. Une assiette essentiellement composée des revenus fonciers et des plus values-financières

Aux termes de l'article 136-6 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du patrimoine, les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine, assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu :

- des revenus fonciers ;

- des rentes viagères à titre onéreux ;

- des revenus des capitaux mobiliers qui ne sont pas soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus d'activité au titre de l'article 136-3 du code de la sécurité sociale, et qui n'ont pas été soumis aux prélèvements sociaux au titre des produits de placement ;

- des plus-values, gains en capital et profits réalisés sur les marchés à terme d'instruments financiers et de marchandises ainsi que sur les marchés d'options négociables, soumis à l'impôt sur le revenu à un taux proportionnel ;

- des plus-values mentionnées à l'article 167 bis du code général des impôts (plus-values latentes constatées sur les droits sociaux) ;

- de tous les types de revenus entrant, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 du code de la sécurité sociale.

Sont également assujettis à la contribution les revenus taxés forfaitairement, en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, d'après certains éléments de train de vie et en cas de présomption de revenu et en fonction des éléments de train de vie.

Enfin, sont concernés par la contribution sociale sur les revenus du patrimoine tous les revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, et qui n'ont pas supporté la CSG au titre des revenus d'activité ou de remplacement.

2. Les modalités de recouvrement

Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine sont calculés sur la base des éléments de la déclaration de revenus et sont acquittés selon les mêmes règles que celles de l'impôt sur le revenu.

Le produit annuel de cette contribution résultant de la mise en recouvrement du rôle primitif est versé au plus tard le 25 novembre aux organismes affectataires.

Les dispositions de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales relatives aux compensations entre les différents impôts sont également applicables.

En outre, lorsque le montant total par article de rôle est inférieur à 61 euros, il n'y a pas de recouvrement de la contribution.

Enfin, la majoration de 10 % prévue à l'article 1730 du code général des impôts est appliquée au montant de la contribution qui n'a pas été réglé dans les trente jours suivant la mise en recouvrement.

b) Les prélèvements sociaux dits sur les « revenus de placement »

1. Les revenus de placement

Aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale relatif à la contribution sociale généralisée sur les produits de placement, l'assiette de ce prélèvement est essentiellement composée :

- des produits de placement entrant dans le champ du prélèvement libératoire (intérêts des comptes sur livrets, comptes courants, revenus obligataires) ;

- des plus-values immobilières ;

- des dividendes (depuis le 1 er janvier 2008) ;

- des intérêts et primes d'épargne des comptes et plan d'épargne logement ;

- des produits d'assurance-vie ;

- des produits des plans d'épargne populaire ;

- des plans d'épargne en action (PEA).

2. Les modalités de recouvrement

Les prélèvements sociaux dus sur les produits de placement sont prélevés à la source, directement par les établissements payeurs ou les notaires, qui s'acquittent du paiement des sommes correspondantes au service des impôts compétent, dans les quinze jours du mois suivant celui au cours duquel est intervenu le paiement des revenus.

2. Un taux global de prélèvement de 12,3 %, qui recouvre cinq contributions et prélèvements sociaux différents

a) Cinq contributions et prélèvements différents

Les revenus du patrimoine perçus depuis le 1 er janvier 2010, ainsi que les produits de placement acquis depuis le 1 er janvier 2011 sont soumis au taux global de 12,3 %.

Néanmoins, ce taux global recouvre en réalité les prélèvements et contributions suivantes :

- la contribution sociale généralisée (CSG) au taux de 8,2 % (art. L. 136-6 du code de la sécurité sociale) ;

- la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 % (art. 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale) ;

- le prélèvement social au taux de 2,2 % (art. L. 245-16 du code de la sécurité sociale) - que le présent article vise à modifier ;

- la contribution additionnelle au prélèvement social au taux de 0,3 % (contribution solidarité-autonomie), codifiée à l'article L. 14-10- 4 du code de l'action sociale et des familles ;

- la contribution additionnelle au prélèvement social au taux de 1,1 % (contribution au financement du revenu de solidarité active), codifiée à l'article L. 262-24 du code précité.

b) Un taux global de prélèvements sociaux de 12,3 % qui s'ajoute aux prélèvements de droit commun de 19 %

Enfin, il faut rappeler que le taux du prélèvement social de 12,3 % s'ajoute aux prélèvements de droit commun de 19 % pesant d'ores et déjà sur les revenus du capital. Au total, avec la hausse prévue, la taxation des revenus du capital atteindrait 32,5 %.

Cependant, de nombreuses dérogations permettent aujourd'hui d'atténuer cette dernière.

En effet, si, pour les impôts, la règle « normale » est celle du prélèvement libératoire au taux de 19 %, elle subit de nombreuses exceptions :

- les dividendes peuvent être taxés au barème de l'impôt sur le revenu après abattement de 40 % ;

- il existe par ailleurs de nombreux produits permettant aux investisseurs, sous certaines conditions, de n'être frappés que de façon réduite - c'est par exemple le cas de la taxation de l'assurance-vie à 7,5 % au-delà de huit ans de détention - voire d'être exonérés d'impôt (livrets, PEA, certains PEL, etc.) ;

- la détention longue de valeurs mobilières permet également de bénéficier d'un abattement d'un tiers par an au-delà de la cinquième année.

B. LE PRODUIT DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS DU CAPITAL - 15,2 MILLIARDS D'EUROS EN 2011 - EST AFFECTÉ AU RÉGIME GÉNÉRAL ET À QUATRE ORGANISMES SOCIAUX

1. Un rendement attendu de 15,2 milliards d'euros pour 2011, avant les mesures du présent projet de loi

Selon les derniers chiffrages de la commission des comptes de la sécurité sociale 167 ( * ) , le rendement total des prélèvements sociaux sur les revenus du capital attendu pour 2011 (avant les mesures du présent projet de loi) s'élèverait à 15,2 milliards d'euros , soit une progression de 16,8 % par rapport à 2010 .

Les prélèvements sociaux sur les revenus du capital depuis 2008

Rendement

(en milliards d'euros)

Variation

(en %)

2008

2009

2010

2011

2008

2009

2010

2011

Taux de prélèvement

11,0 %

12,1 %

12,1 %

12,3 %

Rendement total

15,3

12,9

13,0

15,2

+3,6

-15,4

+0,8

+16,8

Dont patrimoine

7,9

6,0

5,5

5,8

+4,1

-23,6

-8,4

+5,3

Dont placement

7,4

6,9

7,5

9,4

+3,2

-6,8

+8,8

+25,2

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapport de juin 2011

a) Une progression modeste en 2010

Après une chute brutale en 2009 (-15,4 %), le produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital a enregistré une légère progression en 2010 (+0,8 %). Cette tendance recouvre cependant des évolutions contrastées . Alors que les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine ont marqué une forte baisse (-8,4 %), ceux assis sur les revenus de placement ont augmenté de 8,8 %.

b) Un rendement nettement plus dynamique en 2011 grâce aux évolutions législatives récentes, notamment celle adoptée dans le cadre du financement de la réforme des retraites

Le rendement attendu pour 2011 (avant mesures du présent projet de loi) serait, quant à lui, nettement plus dynamique qu'en 2010 (+ 16,8 %).

Outre le raffermissement des différentes composantes de l'assiette de ces prélèvements consécutif à un environnement économique plus favorable, cette tendance s'expliquerait également, selon la commission des comptes, par les mesures législatives récentes affectant la taxation des revenus du capital :

- la suppression de l'exonération de prélèvements sociaux dont bénéficiaient les assurances-vie multi-supports en cas de décès de l'assuré (loi de financement de la sécurité sociale pour 2010) ;

- l'imposition au premier euro des plus-values de cession de valeurs mobilières en matière sociale (loi de financement de la sécurité de la sécurité sociale pour 2010) ;

- l'aménagement des règles d'imposition aux prélèvements sociaux de la part en euros des contrats d'assurance-vie multi-supports (loi de finances pour 2011) ;

- l'augmentation de 0,2 point du taux du prélèvement social sur les revenus du capital (loi de finances pour 2011). Cette dernière mesure était destinée à financer les mesures relatives aux parents de trois enfants ou d'enfants handicapés votées dans le cadre de la réforme des retraites de l'automne 2010.

2. Un produit affecté pour plus de la moitié au régime général

a) Près de 65 % du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital sont affectés au régime général

Le régime général bénéficie, à lui seul, de 64,4 % du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital. Au sein de celui-ci, la Caisse nationale d'assurance maladie en est destinataire de 37,7 % .

b) Quatre autres organismes sociaux en sont bénéficiaires

Au régime général s'ajoute quatre autres organismes sociaux attributaires d'une part du produit des prélèvements sociaux sur les revenus du capital :

- la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ;

- la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ;

- le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ;

- le Fonds national des solidarités actives (FNSA).

En effet, depuis 2011, la part du prélèvement social jusqu'alors attribuée au FRR est affectée à la CADES dans le cadre du financement de la reprise de dette décidée à l'automne 2010.

S'agissant plus spécifiquement du seul prélèvement social de 2,2 % sur les revenus du capital, dont le présent article propose une hausse de 1,2 point, trois organismes sont aujourd'hui bénéficiaires de son produit : le FSV, la CADES et la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

Répartition du produit total des prélèvements sociaux sur les revenus du capital par affectataire en 2011

Source : commission des finances, d'après les données de la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de juin 2011

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. UNE AUGMENTATION DE 1,2 POINT DU PRÉLÈVEMENT SOCIAL SUR LES REVENUS DU CAPITAL

Le A du I du présent article propose de modifier l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale en augmentant le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement de 1,2 point, faisant passer ce taux de 2,2 % à 3,4 % .

Il s'agit du coeur du dispositif proposé. Il s'agit également d'une hausse qui interviendrait après celle de 0,2 point décidée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2011, afin de participer au financement de la réforme des retraites ( cf. supra ) 168 ( * ) .

B. UN RENDEMENT ATTENDU DE 1,3 MILLIARD D'EUROS EN ANNÉE PLEINE AFFECTÉ POUR MOITIÉ À LA CNAV ET POUR L'AUTRE À LA CNAM

Le B du II du présent article propose, quant à lui, d'affecter le surplus de recettes consécutif à la hausse du prélèvement social, à parts égales, entre la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Pour ce faire, le B du II propose :

- d'une part, de majorer de 0,6 point la part du produit du prélèvement social affectée à la CNAVTS pour atteindre 1,2 point ;

- d'autre part, d' ajouter, parmi les bénéficiaires du produit de ce prélèvement, la CNAMTS . Une part correspondant à un taux de 0,6 % du produit de la contribution lui sera affectée.

Par coordination, le II du présent article ajoute cette nouvelle recette parmi les ressources de la CNAMTS énumérées à l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale.

C. DEUX ENTRÉES EN VIGUEUR DISTINCTES SELON LE TYPE DE REVENUS CONCERNÉS

Le III vise à préciser l'entrée en vigueur de la hausse des prélèvements sociaux prévue par le présent article.

Celle-ci s'appliquerait de façon rétroactive, dès le 1 er janvier 2011, en ce qui concerne les revenus du patrimoine.

En revanche, pour les produits de placement (pour la part de ces produits acquise et constatée le cas échéant), la mesure ne sera effective qu'à compter de la promulgation de la présente loi.

Ces dispositions sont destinées à garantir le principe de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi , en tenant compte des modalités de recouvrement différentes selon les types de produits.

En effet, alors que les revenus du patrimoine perçus en 2011 ne seront imposés qu'en 2012, les prélèvements sociaux sur les produits de placement perçus avant le vote de la loi auront d'ores et déjà été recouvrés du fait de la retenue à la source.

Enfin, le 3° du III dispose que la hausse du prélèvement social sera effective à compter de la promulgation de la loi pour l'application des dispositions du IV de l'article L. 136-7 du CSS, relatif au calcul du montant des acomptes de contributions et prélèvements sociaux.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif proposé par le présent article constitue une part significative du plan annoncé par le Gouvernement puisque, en année pleine, la recette est évaluée à 1 330 millions d'euros , soit 12,1 % de l'objectif en matière de réduction des déficits publics (190 millions d'euros dès 2011).

En tant que telle, il doit être soutenu comme une part des efforts à accomplir par tous afin de parvenir au redressement de nos comptes publics et, en l'espèce, des comptes de la sécurité sociale, le produit de cette mesure étant affecté pour moitié à la CNAV et pour l'autre à la CNAM.

De plus, il n'est pas contraire à l'esprit des annonces effectuées l'an dernier par le Président de la République, lorsqu'il souhaitait que la taxation du patrimoine porte moins sur sa détention que sur les revenus qu'il procure réellement.

De la même manière, cette mesure s'inscrit dans la nécessité d'identifier, chaque année, des recettes supplémentaires au profit de la sécurité sociale sans pour autant augmenter la taxation des revenus d'activité, ce qui conduit à supprimer des « niches sociales » ou, comme ici, à augmenter les contributions sociales qui sont des impôts efficaces car à assiette large et à taux relativement bas.

Pour autant, il n'est pas interdit de remarquer que cette mesure s'inscrit dans un mouvement d'alourdissement à long terme des prélèvements frappant les revenus patrimoniaux , dont rend compte le graphique ci-dessous.

Historique des taux des prélèvements sociaux sur les revenus patrimoniaux

(1) Dispositif proposé par le présent projet de loi

Source : commission des finances

En intégrant la fiscalité stricto sensu portant sur les revenus patrimoniaux (soit 19 %), on arrive ainsi à un taux « de droit commun » de 32,5 % .

Ce niveau pourrait contribuer à inciter les investisseurs à rechercher des produits défiscalisants ou à fiscalité atténuée, nombreux dans le paysage français de l'épargne.

Certes, d'un point de vue pratique, le choix du prélèvement social devrait permettre d'assurer la recette prévue (sous réserve de l'évolution des revenus patrimoniaux eux-mêmes), en raison de la faible substitution, l'assiette de ces prélèvements étant bien plus large que celle de l'impôt. Il n'en reste pas moins que devrait être renforcée l'attractivité du livret A ou des produits équivalents pour les épargnants les plus modestes, ou bien de la détention d'actions européennes pendant plus de cinq ans pour les épargnants au profil plus diversifié.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 166 Rapport d'information n° 263 (2010-2011).

* 167 Commission des comptes de la sécurité sociale, rapport juin 2011.

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