EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A [nouveau] (art. L. 113-2 [nouveau] du code de l'éducation) - Reconnaissance de la spécificité de l'accueil des enfants d'âge préscolaire

Introduit à l'initiative de votre rapporteure, cet article additionnel tend à compléter le chapitre du code de l'éducation comprenant les dispositions particulières aux enfants d'âge préscolaire par un article L. 113-2 prévoyant que les enfants de deux ans inscrits dans les écoles maternelles sont accueillis dans des conditions spécifiques adaptées à leur âge.

L'ensemble des spécialistes (pédopsychiatres, cognitivistes, linguistes) s'accordent avec les parents d'élèves et les enseignants de maternelle pour reconnaître que les très jeunes enfants ont des besoins propres. Leur rapport au langage et aux groupes humains en particulier est très différent de celui des adultes, bien sûr, mais aussi d'enfants à peine plus âgés. Chaque trimestre compte, alors que ces enfants connaissent des évolutions rapides et profondes de leur relation au monde extérieur. Il ne saurait donc être question de simplement les traiter de la même façon que les enfants plus âgés.

Entre deux et trois ans, les enfants doivent tout autant être sécurisés affectivement que stimulés cognitivement pour se développer et s'épanouir. Il ne saurait être question, ici plus encore que dans les autres sections de maternelle, de le négliger pour faire toujours passer l'enfant derrière l'élève et privilégier l'entraînement normalisé sur la construction de la personne humaine. En revanche, l'école maternelle n'a rien d'une garderie et doit toujours conserver une dimension d'apprentissage. C'est cette prise en compte du très jeune enfant dans sa complexité et dans son devenir qui fait de la préscolarisation un champ d'intervention bien spécifique, qu'il convient de reconnaître comme tel dans le code de l'éducation.

Votre commission a adopté cet article additionnel.

Article 1er (art. L. 131-1 du code de l'éducation) - Abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire

I - Le texte de la proposition de loi

L'article L. 131-1 du code de l'éducation prévoit une instruction obligatoire des enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. L'article premier de la présente proposition de loi abaisse à trois ans le début de la période d'instruction obligatoire.

II - La position de votre commission

Votre rapporteure souligne que, malgré le titre de la proposition de loi visant la scolarité obligatoire, le dispositif du texte vise uniquement une obligation d'instruction à partir de trois ans. La proposition de loi ne contrevient donc pas au principe de liberté de l'instruction protégé par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme. Ce principe est également explicité à l'article L. 131-2 du code de l'éducation qui dispose que « l'instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix. »

Le texte de la proposition de loi ne comporte donc aucune confusion sémantique et l'on peut considérer que son titre ne fait que rappeler la règle que « cette instruction obligatoire est assurée prioritairement dans les établissements d'enseignement » mentionnée à l'article L. 131-1-1.

Du point de vue financier, l'extension légale de l'instruction obligatoire tend simplement à mettre en conformité le droit avec les faits puisque depuis plusieurs années le ministère de l'éducation nationale affiche un taux de scolarisation de 100 % des enfants de trois à cinq ans. 5 ( * ) Les conséquences financières pour l'État et pour les collectivités territoriales devraient donc rester très marginales.

Une fois toute question de recevabilité écartée, sur le fond, votre rapporteure partage pleinement le souhait des auteurs de la proposition de loi à la fois de sanctuariser autant que faire se peut les moyens de l'école maternelle et de reconnaître son rôle fondamental à la racine du système éducatif. D'une part, en faisant de l'école maternelle une obligation pour l'État alors qu'elle ne relève en droit que d'une faculté, la proposition de loi prévient la tentation de réduire la scolarisation des enfants de trois à cinq ans dans le seul but de réaliser des économies budgétaires. D'autre part, en l'intégrant pleinement dans le cursus obligatoire de chaque enfant, elle contribue à rehausser son statut symbolique.

Néanmoins, votre rapporteure met en garde contre toute tentative de calquer l'école maternelle sur l'école élémentaire et d'en faire une « classe préparatoire au CP ». L'intégration dans la scolarité obligatoire de l'école maternelle ne doit pas la vider de sa substance et la priver de sa spécificité, sous peine non pas seulement d'échouer dans la lutte contre l'échec scolaire et les inégalités mais peut-être de jouer un rôle contre-productif dans le développement des enfants.

Pour parfaire la rédaction du texte et pour prévenir les conséquences dommageables d'une application de la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire, votre commission a adopté un amendement à l'initiative de votre rapporteure visant à :

- modifier par cohérence l'âge de début de l'instruction obligatoire dans l'article L. 131-5 visant les formalités d'inscription des enfants en âge scolaire ;

- insérer dans le code de l'éducation un nouvel article L. 131-11-1 visant à maintenir les enfants inscrits en maternelle hors du champ du contrôle de l'assiduité scolaire et du mécanisme de suspension des allocations familiales qui le sanctionne, régis par les articles L. 131-6, L. 131-8 et L. 131-9 ;

- lever une ambiguïté dans la rédaction de l'article L. 132-1 régissant la gratuité de la scolarité.

Votre commission a adopté le texte de cet article ainsi modifié.

Article 1er bis [nouveau] (art. L. 321-2 du code de l'éducation) - Formation des enseignants de maternelle

À l'initiative de votre rapporteure, cet article additionnel tend à compléter l'article L. 321-2 du code de l'éducation qui fixe les missions pédagogiques de l'école maternelle et prévoit l'affectation par l'État du personnel enseignant nécessaire à ces activités éducatives. Si une obligation quantitative pèse sur l'État, rien ne lui impose d'affecter en maternelle prioritairement des enseignants spécialement formés à cette tâche. Pourtant, toutes les personnes auditionnées par votre rapporteure ont convergé sur deux points cruciaux :

- c'est la qualité de l'accueil et des stimulations données à l'enfant qui conditionne l'efficacité de l'école maternelle en matière de réduction des inégalités et de prévention de l'échec scolaire, d'une part ;

- la question de la formation des personnels - et par voie de conséquence, de la formation des formateurs - est centrale, d'autre part.

Force est de constater l'inadéquation de la formation actuelle des enseignants qui ne les prépare pas véritablement à affronter les difficultés propres à l'exercice de leur métier en maternelle. En particulier, préparer l'entrée des enfants dans le langage nécessite d'avoir des repères précis sur le développement cognitif et langagier, mais aussi psychoaffectif, de connaître des stratégies et des techniques pour faire parler les petits et améliorer leurs usages, de savoir s'adapter sur le vif aux particularités et aux rythmes propres de chaque enfant. Rien de tout cela ne peut convenablement s'improviser dans la classe. Cela requiert non seulement un haut niveau de formation théorique, qui outre l'aspect disciplinaire intégrera les éléments incontournables de psychologie de l'enfant et de sociologie de l'éducation, mais aussi une pratique préalable en responsabilité, guidée et accompagnée.

La réforme de la mastérisation a plutôt aggravé la situation, en rendant problématique la professionnalisation et l'entrée dans le métier des néotitulaires, comme le rappelle encore le rapport Jolion remis le 11 octobre 2011 aux ministres de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Votre rapporteure est convaincue que l'erreur fondamentale est d'avoir trop longtemps sous-estimé la technicité du métier d'enseignant en maternelle parce que l'on considérait à tort qu'il s'agissait au fond d'une « petite école ». Sur ce point, appeler à une révolution copernicienne des représentations sociales de l'enseignement en maternelle n'est pas trop fort.

En conséquence, sans remettre en cause l'unité du corps des professeurs des écoles dont les responsabilités couvrent tout le premier degré et sans exiger un concours particulier pour les enseignants de maternelle, votre commission a adopté, à l'initiative de votre rapporteure, un amendement exigeant que l'affectation en école maternelle soit au moins précédée d'un temps de formation spécifique aux enjeux de la scolarisation des très jeunes enfants. En outre, elle a réaffirmé l'obligation pour l'État d'assurer la formation continue de son personnel enseignant.

Votre commission a adopté cet article additionnel.

Article 2 -Gage

I - Le texte de la proposition de loi

Pour pallier les éventuelles conséquences financières pour l'État de l'avancée à trois ans de la période d'instruction obligatoire, le présent article prévoit classiquement une compensation fiscale sur les accises.

II - La position de votre commission

Considérant l'intervention des collectivités territoriales dans le domaine scolaire, essentiellement des communes dans le cas présent, votre commission a adopté un amendement visant à compléter le gage proposé pour prévoir une compensation des conséquences financières sur les collectivités via une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

Votre commission a adopté le texte de cet article ainsi modifié.

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Votre commission a adopté le texte de la proposition de loi ainsi modifié.


* 5 MEN-DEPP, RERS 2011, p. 81.

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